Le problème Slimane

Eric Maillard
4 min readAug 11, 2016

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Je n’aimerais pas être Mercury, label du premier opus de Slimane “A bout de rêves”. Comment choisir le second titre après “Paname” ? Aller chercher dans un album ce qui fait un tube potentiel est habituellement un exercice qui m’amuse mais là, je réalise à quel point la maison de disque a du s’arracher les cheveux. Du coup, elle a fait monter la pression cette semaine.

Pourtant, tout avait si bien commencé

Le vainqueur de la cinquième édition de The Voice en France a réussi l’exploit unique de rentrer son premier single à la dixième place des vente de single le 16 mai, soit quelques jours à peine après sa victoire. Si le style rythmé et positif a créé une rupture avec ce qui avait fait la popularité du talent coaché par Florent Pagny à la télé, il n’a pas empêché le titre de s’imposer dans les charts où il figure toujours 10 semaines plus tard, porté par un clip déjà vu plus de 14 millions de fois sur YouTube.

Un look très marketé dans le clip du premier single de Slimane

Dans la foulée, l’album s’est classé directement le 4 juillet en première position du top album en France (mais aussi en Belgique) avec 22.000 ventes. Fait notable, en particulier pour un gagnant de The Voice, “A bout de rêves” est intégralement écrit et composé par son interprète. Kendji Girac ou Louane ne peuvent pas en dire autant…

A ceux qui s’étonnent d’une telle rapidité, Slimane explique dans les interviews qu’il n’a pas fallu quelques semaines mais dix ans pour sortir cet album. Il y aura quand même eu un EP en 2011. A ceux qui notent une inspiration Stromae ou Ridsa, s’interrogent sur le look bonnet et ce qu’il cache, Slimane répond en chanson dans le titre “On s’en fout”.

Détrôné en deuxième semaine par un autre candidat du coach fort inspiré Pagny avec l’album éponyme Claudio Capéo, il reste néanmoins sur le podium, en 3ème position trois semaines après sa sortie. Les médias le soutiennent, le 20h de TF1 en tête, tout semble aller pour le mieux. Le 31 juillet, on apprend que “A bout de rêves” est disque d’Or.

Dans le sillage de cet énorme succès, une série de concerts en 18 dates est annoncée dès le 28 juillet. Partout en France, en passant par La Cigale à Paris le 27 janvier. Et en attendant de prochaines dates supplémentaires probables alors que la tournée se positionne en tête des Top ventes concert dès son annonce.

Tout ne pouvait pas être si simple

Lorsque j’ai écouté l’album pour la première fois, je me suis dit que les fans de The Voice allait être rassuré : on retrouve toute la force émotionnelle qui avait fait pleurer dans les chaumières tous les samedi soirs. J’en étais presque déçu. Il y avait cette petite tendance à la sensibilité ressentie comme fabriquée sur TF1 qui risquait d’éclabousser “A bout de rêves”. Le look très étudié est surjoué, ne risquait-on pas de se lasser très vite ? Et les paroles n’échappent pas toujours à la facilité.

C’est à la deuxième écoute que j’ai réalisé l’efficacité de l’intégralité des titres, cette capacité affirmée à raconter une histoire en faisant vibrer chaque mot, le sentiment de vivre un morceau de vie en 3 minutes, ce petit côté Brassens jamais perçu à la télé dans les graves,un seul morceau vraiment Stromaesque (“Le million”)…

Slimane Nebchi nous parle de lui, de la trace qu’il reste de l’enfant de Chelles en banlieue parisienne (“L’enfant de la rue”), de son frère (“Frérot”), de sa mère (“Je serai là”), du déracinement et de ses origines sur des volutes orientales (“Grand-père”) , de ses débuts dans la vie publique avec pas mal d’humour (“On s’en fout”). Il évoque aussi la rupture amoureuse (“Adieu”) et la rupture tout court (“Le vide”). Aucun de ces titres n’a pas le potentiel d’un tube. Impossible de faire un classement, je les aime tous pareil. Seul le duo avec Annabelle (“Tu m’aimes bien”) me parait un peu en-dessous.

Un teaser dévoilé par l’artiste cette semaine sur ses réseaux sociaux nous donne un indice sur le choix qui a sans doute été guidé par celui des radios. Réponse dans quelques jours.

Deux secondes d’honnêteté pour finir

Evidemment, j’ai failli intituler ce papier “Le phénomène Slimane”. Mais je serais encore passé pour un fan manquant totalement de la moindre objectivité. Ce qui est sans doute un peu le cas, j’avoue. La présence scénique de l’artiste sera néanmoins jugée dès le mois de janvier et je serai intraitable.

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