Un nouveau code minier en Côte d’Ivoire — quels gains pour les citoyens ?
La lutte de la société civile ivoirienne pour une bonne gestion de ses ressources naturelles
Riche en ressources naturelles — renouvelable et non-renouvelable — la Côte d’Ivoire a pendant longtemps été un modèle de réussite au sein de l’Afrique occidentale post — coloniale. Exportateur de cacao et attrayant aux immigrants, le pays vécut une période de stabilité et de prospérité. Mais, la crise économique des années 1990 et les conflits des années 2000 — coup d’états, guerres civiles et crise post-électorales — ont changé la trajectoire de ce pays. Aujourd’hui, presque la moitié des citoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les ressources minières pourraient-elle constituer pour la Côte d’Ivoire le moyen de sortir de la crise et devenir une économie émergente ?
C’est du moins ce que le gouvernement a l’air de penser : les décideurs ivoiriens, qui se retrouvent maintenant dans un environnement assez stable, cherchent à accélérer l’exploitation des ressources naturelles nationales. Et la Côte d’Ivoire voudrait même doubler sa production d’or, et pour cela elle cherche à créer un environnement attrayant pour les investisseurs.
A cette fin, les législateurs ivoiriens ont approuvé en début mars un nouveau code minier qui devrait avoir pour but d’augmenter les investissements étrangers dans le secteur.
Mais le fait de favoriser un environnement propice à l’investissement n’est qu’un des objectifs d’un code minier — et il n’assure pas automatiquement les bénéfices pour les citoyens. Sans dispositions claires en termes de transparence, redevabilité et redistribution des revenus le code minier ne réalise pas tous ses objectifs, qui comprennent surtout l’introduction des principes de bonne gouvernance et bonne gestion des ressources naturelles.
C’est, par exemple, dans la révision de son code minier, en 2011, que le gouvernement Guinéen s’est engagé à publier tous ses contrats miniers. Toutes les sociétés minières opérant dans le pays furent obligées de signer un code de bonne conduite — renforçant la bonne gouvernance — et, avec ce code, le gouvernement a déclaré son engagement de mettre en œuvre l’ITIE (L’Initiative de Transparence des Industries Extractives) .
La question des codes miniers — et aussi celle des autres cadres juridiques qui régissent la gestion des ressources naturelles — est devenue une question importante pour les coalitions de PCQVP et figure dans notre chaîne de valeur comme la seconde étape pour établir un processus d’extraction redevable et transparent.
C’est donc ainsi que la coalition PCQVP de la Côte d’Ivoire a saisi l’occasion offerte par la révision du code minier initiée par le gouvernement en octobre 2013 pour améliorer la gouvernance de leurs ressources.
Un atelier de revisitation du code minier organisé du 2 au 3 octobre 2013 par le gouvernement avec la participation de la société civile, a permis à la coalition ivoirienne PCQVP de se familiariser avec l’ébauche du code minier. Il a fallu ensuite identifier les priorités et les points saillants à intégrer dans le code minier. Pour cela, la coalition a organisé le 23 novembre 2013 un atelier réunissant les membres de la société civile, les élus locaux, les parlementaires, les institutions internationales et consulaires ainsi que l’administration minière.
Les participants ont préparé ensemble une liste de recommandations précises qui ont formé la base de plaidoyer de la coalition. Cette liste fut élaborée une fois que les participants ont évalué la conformité du nouveau code avec la directive minière de CEDEAO, ainsi qu’avec la vision minière africaine.
Les participants ont aussi examiné le potentiel minier de la Côte d’Ivoire ainsi que le système de gouvernance et la transparence du secteur minier — ce qui a aidé à développer les éléments importants à intégrer dans le code. Importante aussi a été l’intervention d’un collègue de la Guinée, Diallo Mamadou Taran, qui a partagé les expériences vécues par la coalition PCQVP Guinéenne dans la révision de leur code minier. Ce genre de partage d’expériences offre des informations indispensables pour les membres de la société civile — c’est justement une des raisons d’être d’une coalition, qu’à travers les échanges et le partage nous puissions apprendre les uns des autres et nous enrichir mutuellement.
Les recommandations issues de l’atelier ont couvert plusieurs thèmes, dont celui de la transparence. La coalition a réclamé que les permis et titres miniers soient publiés et à ce que le code minier proclame l’adhésion de l’Etat aux principes de bonne gouvernance telle que l’ITIE et le Processus de Kimberley.
La coalition a aussi pris position sur la pérennisation de revenus miniers, en recommandant que 10 % des parts de revenus de l’Etat provenant du secteur minier alimentent un fonds des générations futures.
Les participants ont demandé à ce que la loi minière précise des barèmes d’indemnisation pour les occupants du sol et qu’un quota sur les revenus destinés aux communautés riveraines soit fixé. En ce qui concerne les droits de l’homme, la coalition a exigé que le travail des enfants ou leur utilisation quelconque pour des activités minières soit interdit.
Que pense donc la coalition du contenu du nouveau code minier, approuvé le mois dernier ? Ses objectifs ont-ils été réalisés ? En un mot, la coalition se dit ‘satisfaite’ : la publication des permis et des titres ne figure certes pas dans le code mais d’autres recommandations ont été incorporées. Par exemple, l’utilisation des enfants dans les mines est strictement interdite et toute compagnie qui enfreint la règle perdra son permis. Pour ce qui est de la transparence, des succès solides ont été obtenus — le code oblige tout titulaire de titre minier à respecter les principes et exigences de l’ITIE et à déclarer toutes informations relatives à ses paiements à l’Etat, y compris les réalisations sociales, dans le cadre de l’ITIE.
Quelles sont les prochaines étapes ? La première sera de consolider les gains — la promulgation de ce code n’est que le premier stade, il faut maintenant que le gouvernement publie le décret du texte d’application, qui comprend toutes les modalités de la mise en œuvre du code. C’est un moment délicat dans la réforme législative — la coalition a besoin d’en faire le suivi pour s’assurer que le décret soit publié dans des délais raisonnables, et ne soit pas laissé à l’abandon.
De plus, les modalités comprennent des détails essentiels touchant à l’efficacité d’une loi — elles ont le pouvoir soit d’améliorer et de renforcer ce qu’il y a dans le code soit de le vider et de le rendre impuissant. La coalition aura alors comme tâche de faire un plaidoyer et d’être vigilant à ce que les modalités servent seulement à augmenter la puissance des éléments positifs du code.
La deuxième bataille sera de travailler sur les éléments qui manquent dans ce code minier, tels qu’une provision pour la publication des permis et des contrats miniers. Sur cette question, la coalition travaillera à travers l’ITIE — dont la nouvelle norme propose la publication des contrats en tant que recommandation. Le conseil d’administration de l’ITIE en Côte d’Ivoire s’est mis d’accord pour mener une étude afin d’examiner les obstacles contre une publication des contrats.
Le code minier Ivoirien a été reconnu comme étant un bon code pour les investisseurs — mais pourra t’il prouver qu’il est aussi un bon code pour les citoyens, pour que tous les citoyens ivoiriens puissent jouir de leurs ressources naturelles ? La coalition ivoirienne de Publiez Ce Que Vous Payez fera tout son possible pour que la législation minière ivoirienne incorpore les principes de la Vision Minière Afrique et de la Directive Minière de la CEDEAO, pour que la réponse à cette question soit oui.
Par Alice Powell (apowell@publishwhatyoupay.org)
Merci à Hyacinthe Kouassi, Vice-Coordinateur PWYP- Côte d’Ivoire/PCQVP-CI et à Carlo Merla, Manager d’Afrique à Publiez Ce Que Vous Payez International, pour leurs commentaires et information pour cet article.