The Leftovers, à la recherche du sens perdu

Quentin Parizot
3 min readFeb 1, 2016

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Critique de la série réalisée par Damon Lindelof et produite par HBO.

Dans l’univers des séries télévisées, The Leftovers s’impose aujourd’hui comme une pièce maîtresse incontournable. Une intrigue haletante, un scénario maîtrisé à la perfection, des personnages emblématiques… Damon Lindelof (Lost, Prometheus) nous emmène une fois de plus aux frontières du réel et vient caresser de son génie la quête de sens existentielle qui traverse chacun d’entre nous. Le réalisateur joue avec nos émotions, effleure nos angoisses les plus profondes et vient ouvrir notre pensée à la manière d’une symphonie sans fioritures ni fausses notes. Si la série est un art, nul doute que The Leftovers s’inscrit déjà au panthéon de ses plus beaux chefs-d’oeuvre.

La couleur est annoncée d’entrée de jeu lorsque 2 % de la population mondiale disparaît subitement. Avec cet évènement inexplicable qui pose les bases de l’intrigue, on entre dans un univers mi-fantastique mi-réaliste qui ouvre un vaste champ de réflexion sur la vie, la mort et la croyance. Trois ans après « The Departure », on suit le quotidien des habitants de Mapleton, une petite ville étasunienne, et on observe ainsi la reconstruction des uns, la tourmente des autres et la folie collective qui s’est enracinée dans la société.

On vit avec des habitants qui luttent pour surmonter le deuil et l’absence, et qui tous trainent à leur manière un lourd héritage psychologique. On assise impuissant à leur tentative de surmonter un tel traumatisme, et on aimerait les aider à retrouver tant bien que mal un semblant d’existence heureuse. La présence d’une étrange communauté d’hommes et de femmes tout de blanc vêtus et qui ont fait voeu de silence ajoute à l’intrigue son lot d’interrogations, en plus d’instaurer un silence pesant. On passe ainsi avec plaisir du mystérieux au mystique, dans un univers où s’entremêlent religion, surnaturel et rêveries introspectives.

Car l’incompréhension est la pierre angulaire de la série. La tourmente dans laquelle sont plongés les différents protagonistes nous fait ainsi ressentir toute leur détresse. A leurs côtés, on s’interroge sur le sens de la vie et de la mort. On lutte avec eux, on cherche à comprendre, on souffre devant l’étendue de leur tristesse.

Si dans Lost on suivait la vie des disparus, The Leftovers s’attache en effet à dépeindre le quotidien de ceux qui restent. De ceux qui souffrent, en proie au manque et à l’absence. De ceux qui se demandent légitimement pourquoi ils n’ont pas subi le même sort que leur femme ou leur mari, que leurs enfants, que leurs amis. C’est bien là l’une des grandes forces de la série que de nous faire subir le vide existentiel des personnages et de les voir sombrer dans la déprime et la morosité.

En outre, la réalisation sert remarquablement l’intrigue et contribue largement à la puissance de la série. La gestion temporelle des épisodes est ainsi faite qu’elle permet d’aborder le point de vue des différents protagonistes à tour de rôle, sans nécessairement suivre le temps de manière linéaire. L’esthétique des scènes, très travaillé, participe au suspens général en sublimant la beauté de certaines images. Celles ci nous font passer des ondes surnaturelles tout au long des épisodes, dans une harmonie qui lie magistralement la forme avec le fond.

Les variations de tempo, la profondeur des dialogues et l’alternance entre un silence pesant et les fabuleuses notes de piano de Max Richter achèvent de nous faire plonger dans un monde où l’intensité émotionnelle est telle qu’il devient difficile de décrocher. La série réussit ce magistral tour de force de faire passer au spectateur des sentiments aussi complexes que le vide, l’absence et le silence.

The Leftovers s’attaque ainsi avec brio aux plus grandes questions de l’univers : la quête de sens, la croyance et le rapport à la transcendance ou encore la vie après la mort. De là provient le génie de cette série. De là vient son intensité psychologique phénoménale qui nous tient depuis deux saisons en haleine.

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