Mon expérience personnelle du cancer en 1988 et en 2023

Depuis mon adolescence, j’ai connu pas mal de monde que le cancer a emporté. Je connais aussi des gens qui en ont réchappé. C’est mon cas. Ma famille et des amis proches connaissent cette histoire, que j’ai envie de partager avec vous…

Pierre Col
6 min readOct 8, 2016

Retour en décembre 1988

Fin 1988, j’avais 25 ans, j’étais un jeune ingénieur en informatique plein d’avenir, tout m’avait été facile jusque là, et je venais de me marier.

Un beau jour, un médecin m’opère en urgence d’un truc louche à l’abdomen et, quelques jours après, me reçoit pour faire le point après l’opération. Il me dit alors, très embarrassé :”Il faut que je vous dise qu’on vous a enlevé une tumeur très bizarre. Je n’avais jamais vu ça auparavant, parce que c’est que c’est une tumeur vraiment rarissime. D’ailleurs vos échantillons ont été envoyés à Boston pour être vus par des spécialistes mondiaux, afin qu’on détermine avec certitude ce que c’est. Aujourd’hui le diagnostic semble fiable. C’est une tumeur très mal connue, et on en a recensé 8 cas à ce jour. La mauvaise nouvelle, c’est que 6 des patients sont morts en quelques mois, alors que les 2 autres sont encore vivants. Voilà, vous savez tout, et je ne sais vraiment pas quoi vous dire de plus …”. Grand silence.

Évidemment, pour moi, c’est un inimaginable coup sur la tête. Je passe 6 mois terribles. Moins de deux mois après la première opération, dès le printemps 1989, le chirurgien me réopère pour enlever les chaînes de ganglions lymphatiques situées à l’arrière de abdomen, le long de la colonne vertébrale, car c’est par là que d’éventuelles métastases pourraient se propager rapidement dans tout le corps. Je récupère assez vite de ces deux opérations, même si la seconde, un curage ganglionnaire rétropéritonéal, a été pénible et me lasse une cicatrice de 30 cm allant du pubis au sternum… J’en profite pour découvrir ce qui est important dans la vie, qui sont les gens importants pour moi, à quel point ma jeune épouse, ma famille et la sienne, certains amis, certains collègues sont immensément précieux, quelle est la place que doit prendre le travail dans une vie, à quel point des tas de choses sont futiles etc etc.

Pendant 10 ans, j’ai eu une prise de sang tous les 3 mois et un scanner ou une IRM abdomino-thoracique tous les 6 mois, au cas où ça ne tourne pas bien. À chaque examen, quelques jours d’attente, un temps suspendu avec la crainte qu’on ne découvre quelque chose.

Parce que la tumeur était mal placée, et suite aux effets secondaires du curage ganglionnaire, il s’en est ensuivi une impossibilité d’avoir des enfants biologiques comme tout le monde. D’où, après des tentatives pénibles et infructueuses de fécondation in vitro, l’adoption de 3 enfants en 10 ans, dont 2 que mon épouse et moi sommes allés chercher en Colombie. Une histoire absolument extraordinaire, une aventure en trois chapitres, 1997, 1999, 2004, d’une richesse humaine inimaginable pour qui ne l’a pas vécue.

Il y a une quinzaine d’années je suis tombé, par hasard, au bar du TGV, sur le chirurgien qui m’avait opéré : il me dit qu’il est bien content de me voir en bonne santé, qu’il a parlé de moi dans plein de conférences médicales, et que ce serait vraiment bête, ayant survécu à un truc pareil, de mourir bêtement dans un accident de la route.

Je ne me suis pas senti la force d’expliquer à ce médecin pourquoi je ne pouvais pas vivre sans rouler de temps en temps un peu vite sur un circuit au guidon de ma Ducati rouge : cela aurait pris plus que l’heure de TGV qu’il nous restait pour qu’il admette mon point de vue, je pense. Et je ne suis même pas certain du tout qu’il soit arrivé à l’admettre.

J’ai revu récemment ce bon chirurgien, devenu depuis maire de Lyon : il m’a reconnu et était content de me voir toujours en bonne forme.

2016, plus de 25 ans après…

Aujourd’hui, plus de 25 ans après ces opérations, je vais bien. On n’est jamais sûr de rien, hein, mais pour le moment je vais bien. J’essaie de profiter de la vie, parce que j’ai pu toucher du doigt combien elle était temporaire.

Pour autant, j’essaie de ne pas faire n’importe quoi : je dois être un exemple pour mes trois enfants, déjà, et pas parce que je les ai adoptés. Parce que je suis convaincu que les enfants se construisent beaucoup à partir de l’image qu’ils ont de leurs parents.

Je m’efforce aussi d’être bienveillant avec le plus de monde possible, parce que cela ne me coûte rien, parfois juste un peu de temps, d’attention et d’empathie, un sourire, un mot gentil, et que cela rapporte de l’amitié en retour.

Sans ce truc qui m’est arrivé à l’âge de 25 ans, qui parait terrible au départ mais qui finalement m’a été extraordinairement bénéfique, j’aurais pu être très différent de ce que je suis aujourd’hui : je serais peut-être devenu un de ces types arrogants et dominateurs, imbus d’eux-mêmes, sûrs d’avoir toujours raison, comme on en croise tous de temps en temps, et peut-être hélas de plus en plus… Et je n’en veux pas à ces gens-là : ils n’ont tout simplement pas eu la chance qui a été la mienne de vivre cette expérience qui m’a fait grandir.

CARPE DIEM !

Mise à jour de janvier 2023 : retour du cancer !

Cette année le père Noël m’a apporté un cadeau désagréable… un nouveau cancer !

En effet, juste avant Noël ma dermatologue m’a trouvé un mélanome sur le sommet du crâne, dans le cuir chevelu : pour le retirer il va falloir de la chirurgie, à l’hôpital, et au préalable je vais passer des scanners et échographies pour détecter et évaluer une éventuelle dissémination… Premiers examens en fin de semaine pour une opération le plus tôt possible, en janvier.

À suivre donc… et pensez à faire attention au soleil ! 🤠

Mise à jour le 30 janvier 2023 :

Le PET scan passé la semaine dernière est rassurant, il ne montre rien d'anormal, donc il n'y aurait rien d'autre à faire que d'enlever le mélanome puis de surveiller...

Je vais donc voir une chirurgienne aujourd'hui, et on va planifier l'opération du cuir chevelu dès que possible.

Mise à jour le 15 février 2023 :

La chirurgie du cuir chevelu est planifiée le mardi 21 février, je serai ensuite absent du travail durant environ 2 semaines...

Mise à jour le 7 mars 2023 :

J'ai été opéré le 21 février, tout s'est bien passé et je serai de retour au travail le jeudi 9 mars !

3 heures après l'opération chirurgicale
Une semaine après l'opération chirurgicale

Mise à jour le 6 février 2024 :

Un an après l’opération chirurgicale, je vais parfaitement bien, et je profite d’un traitement d’immunothérapie préventive qui diminue le risque de récidive du mélanome.

Carpe diem

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Pierre Col

Internet veteran & marketer for ISPs and software vendors since 1986. Expert blogger @ ZDNet (Infra|Net). Now doing communications for SAP Build.