Cartographie sensible en marchant de Poissy à Conflans

Quent LE
6 min readApr 27, 2017

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Caravane n°1, Sentier Métropolitain du Grand Paris

Cette marche a eu lieu le samedi 25 février 2017 en collectif avec une vingtaine d‘artistes-marcheurs entre l’Office de Tourisme de Poissy et les quais de Conflans-Sainte-Honorine dans le cadre d’une préfiguration sur invitation du futur Sentier Métropolitain du Grand Paris appelée Caravane.

Le départ a lieu à l’office de tourisme, situé à deux pas de la gare, en face de l’hôtel Ibis et des bureaux de PSA. S’ensuit rapidement le franchissement de la Seine et une visite au Musée de l’Aventure Automobile situé au sein de la zone industrielle. C’est le temps des odeurs de garage, d’histoires de droits de douane et de Simca 9. La visite se clôt sur une évocation du rôle de la Seine, de barges et d’une relation au port du Havre qu’on se plait à imaginer.

A la sortie du Musée les passages piétons se sont envolés. Nous pénétrons dans de nouveaux quartiers résidentiels qui semblent faire l’objet d’un concours de clôtures, fruit visible de la mode actuelle à la “résidentialisation” des logements collectifs. Nous passons devant le vestige du pont historique de la ville, ici oublié derrière un portail bleu électrique. Nous franchissons une butte et apparait un lac bardé de barges flottantes et fumantes. Des explications paysagistes nous sont fournies. Il est question de “bandes actives”, de “reprofilage de berges” et de “pentes douces favorables à la biodiversité”. Sur le départ, un mat nous rappelle l’inondabilité du site et les cynorhodons des églantiers sauvages s’invitent dans les palais curieux. Nous croisons des joggeurs au moment de retrouver la ville, enfin le chemin de Beauregard. L’art d’empêcher de passer est ici délicatement traité.

Nous nous glissons entre deux talus et cheminons à travers une installation de gens du voyage avant d’atteindre un désert minéral aussi appelé espace public. S’ensuit un passage à travers un quartier résidentiel. Ici une boulangerie survivante dans une ambiance de far-ouest contemporain semble-t-il lié à une future démolition. Nous cheminons en zone industrielle pavillonnaire quand soudain une hétérotopie. Le Château Éphémère nous ouvre ses portes. Une odeur de parquet ciré puis l’histoire d’un américain nommé Vanderbilt, millionnaire amateur de courses de chevaux. Les vestiges d’une époque où Deauville était au centre du monde tandis qu’il est aujourd’hui question d’extractions de sable, d’OIN et de “re-centralités”, d’art sonore et numérique et de mamy connectées. Une sorte de cluster artistique mis au vert. Nous assistons à la répétition d’un ballet de butô. La puissance de la danse nous saisit. C’est l’heure de déjeuner puis de reprendre la route.

Nous franchissons des collines de déchets puis longeons des barrières fraîchement installées dans la plaine de Carrières-sous-Poissy. L’accès interdit est évoqué par la signalétique en même temps que le risque de noyade. Les lapins sont une menace prise au sérieux aux abords de l’usine d’épuration des eaux usées du SIAAP. Une fois traversée la D190 nous cheminons à travers champs. L’odeur est persistante, ainsi que les ronces et les bruits de motos. Nous atteignons alors un repère de pratiquants de voiture thermique. Le sentier des Cerisaies nous fait marcher au dessus de câbles électriques qui raccordent des nomades au monde moderne. Le chemin est ponctué de vestiges néo-archéologiques d’une époque ou l’on épandait en plein champs les boues des eaux usées du Petit Paris.

Enfin l’eldorado, Chanteloup-les-Vignes au loin et les parcelles maraichères cultivées sur des terres qui sentent toujours aussi mauvais. En tous cas la lumière est belle au pays des Impressionnistes. Un bruit de pale éolienne et c’est l’arrivée backstage à la gare de Chanteloup. Une arrivée pour le moins champêtre sur le réseau ferré métropolitain. La pollution historique organisée par la collectivité trouve ici un écho quotidien.

Quelques minutes en train et nous arrivons à la petite Gare d’Andrésy. Le PMU y semble hors du temps. Dans la descente se suivent les maisons en meulière et les premières grottes, signes visibles d’un Vexin à portée de main. Plus qu’une ruelle et enfin la Seine vibre à nos pieds. Nous longeons les quais accompagnés d’un bestiaire de métal pour prendre le bateau et nous voir racontée une histoire de cerf noyé sauvé par le cercle des nageurs locaux, une histoire de port de containers et d’accueil de touristes, une histoire de pavillon chinois et d’oies qui ne migrent plus. A l’approche de Conflans, le Titanic flotte, des migrants tibétains dorment sur le pont d’un bateau-église alors que nous évoquons sur le départ la présence ancienne des Vikings préfigurant le Grand Paris-monde.

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Toutes photographies de l’auteur.

Paris, le 14/05/2017

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