Pourquoi faire un tri par cartes?

Roxane Arbaretaz
3 min readMar 11, 2019

Le tri de cartes et contexte d’utilisation

Suite à un récent atelier «tri de cartes» créé pour la dématérialisation d’un formulaire papier, je souhaite vous parler de l’intérêt que je vois dans cette méthode.

Dans le domaine de la recherche centrée utilisateur, le tri de carte est un processus visant la réorganisation d’une page web afin que l’utilisateur retrouve facilement l’information qu’il est venu chercher. Cette démarche propose aux utilisateurs finaux de participer à la conception. Bien en amont de la partie dite créative et de développement du projet, le travail de l’UX-designer est d’associer l’utilisateur dès la phase dite de recherche.

Mené individuellement ou en groupe, cet atelier permet de faire émerger le besoin préexistant à la demande de création ou de refonte d’un site, d’une page ou même ici, d’un formulaire.

Le tri de carte permet de déconstruire l’existant et de ré-injecter de la pensée, de la logique et de la simplicité à un schéma mental. Qu’il soit visuellement modélisé sur une page web, une page papier ou dans l’imaginaire collectif, ce schéma nécessite d’être interrogé.

Un outil économique mais source de richesses

Le tri de carte est un outil très précieux pour le travail collaboratif et il est très simple à créer. Chaque label, mot, élément est isolé, puis l’ensemble de ces unités est réuni sur une page word par exemple avant d’être imprimé et découpé. Cette préparation permet à l’UX-designer, qui animera ensuite l’atelier de prendre connaissance et de s’approprier l’ensemble des mots existants. Il devient dès cette phase de préparation le garant du cadre de travail.

Lorsque l’ensemble des cartes sera présenté aux utilisateurs, quand bien même tous les mots, les labels sont écrits sans modifications, ces derniers pourront ne pas les reconnaître et se sentir perdus devant une table sur laquelle sont étalés des mots mélangés, découpés et sortis de leur contexte. Il faudra alors accompagner les personnes pour qu’elles se saisissent des cartes, les manipulent, les interrogent et qu’elles s’autorisent à les organiser selon le “bon sens” propre à chacun des participants.

L’UX-designer dans sa fonction de facilitateur

L’UX-designer a dans ces ateliers le rôle de faciliter l’appropriation des mots utilisés par les participants et de leur permettre de se délester de ceux dont ils n’ont pas l’utilité. Si présenter des cartes découpées et mélangées permet de se détacher du modèle papier tel que connu, l’exercice n’en reste pas moins difficile. Si le support de travail est visuellement découpé, les schémas mentaux peuvent persister dans la mémoire. L’accompagnement sera alors d’encourager les participants à faire fi de l’existant et accepter de l’éloigner le temps de l’atelier.

Permettre à un groupe d’utilisateurs de s’éloigner d’un modèle collectivement partagé, c’est lui permettre de s’éloigner de ce qui est connu et confortable. Chaque personne ayant sa propre définition et utilité d’un mot, ces ateliers permettent à chaque individu de prendre conscience que la pratique de chacun face à un formulaire, une notice, une page web est souvent bien différente.

Parce que chacun apprend à s’adapter à son environnement, tout humain peut s’habituer à un discours, une pratique, un modèle quand bien même ce modèle oblige un effort cognitif quotidien. Dans ces ateliers où il est proposé aux participants de déconstruire individuellement pour reconstruire collectivement, la parole se libère et les échanges entre eux amènent un sens nouveau à ce qu’ils sont en train de manipuler. Se sentant ainsi concerné par la matière, c’est l’utilisateur lui même qui va concevoir son outil, son support de travail, son interface…etc.

L’atelier tri de carte qui consiste à découper tous les labels, les éléments d’une page et de proposer aux utilisateurs de se questionner sur le mot sorti de son contexte, de son titre de catégorie perturbe. Il offre la possibilité à chacun de donner sa propre définition et de proposer des liens entre les mots. Déconstruire une phrase posée comme une vérité et la reconstruire pour faire du sens propre et donc réellement utilisable n’est pas une pratique exclusive de la recherche utilisateur.

Écouter une personne dans son discours, l’observer dans sa pratique, la questionner et l’aider à évoluer dans un cadre structurant relève de l’accompagnement. Accompagner une personne à se remettre au milieu de son discours, de son travail ou tout simplement de l’interface qu’elle utilise pour communiquer.

Cela permet de laisser le superflu et de garder le minimum qui tient dans son usage.

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