Death Stranding : une trop longue analyse du dernier trailer (Part. 3)

Sullivan ROUAUD
21 min readMay 30, 2019

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Qu’est-ce que ça fait de savoir que vous avez sûrement mieux dormi que vos millions de fans, qui ont passé la nuit à échafauder des théories et à essayer de tout reconnecter, comme vous leur avez demandé ? Demandez donc à Kojima et sa bouteille de Veuve Cliquot (c’est vrai qu’on dort mieux après), grâce à qui quelques heures de sommeil en moins se transforment en une Partie 3, qui malgré son titre trompeur ne sera pas consacrée exclusivement au dernier trailer de Death Stranding, mais bien aux 5 qui l’ont précédé avant de laisser la place à quelques notes prises ça et là en chemin.

On le sait depuis 2000 au bas mot, l’une des forces de Kojima, c’est de nous faire jouer bien avant la sortie de son dernier tour de force vidéoludique, quitte à parfois choquer les fans en risquant de se les mettre à dos une fois manette(s) en main(s). Cette fois pourtant, et on l’a vu ensemble durant les deux premières parties de l’analyse, le papa de Policenauts donne dans un style plus direct, semblant avoir moins le temps de nous manipuler pour mieux nous inviter à prendre part à ses côtés. Mais est-ce vraiment le cas ? C’est en me replongeant plusieurs fois dans les bandes annonces sorties depuis l’E3 2016 et dans une poignée de notes laissées de côté depuis que je me suis aperçu que la clé du mystère était peut-être bien sous notre nez dès le départ, donnée lors de ce premier trailer magistral lors de l’E3 2016. N’en déplaise aux pisse-froid qui se complaisent à expliquer au monde qu’ils ne comprennent rien à ce que raconte Kojima, le besoin irrépressible de tout connecter et de partager ses trouvailles avec les autres fans est plus réel que jamais, et c’est là le but premier de l’existence de Death Stranding.

Pour un besoin pratique évident, je vais donc reprendre l’analyse de chaque trailer en extrayant quelques points qui me semblent d’autant plus importants en écho de la bande annonce dévoilée hier, qui prouvent que tout était dans la tête de Kojima depuis très longtemps, et que Death Stranding est sûrement né quelque part pendant le développement de MGSV et la crise avec Konami, lors de ses multiples allers-retours en Islande.

Trailer #1 : E3 2016

Je ne dis pas que Kojima est capable de manipuler le temps, mais premier constat : cela fait moins de trois ans qu’Hideo Kojima a dévoilé Death Stranding, que 2016 semble être hier dans nos têtes tandis que l’on a l’impression d’attendre le jeu depuis au moins dix ans. Peut-être un écho au destin funeste de P.T., son Silent Hill(s) développé pour Konami avec Guillermo Del Toro et Junji Ito, dont Norman Reedus était déjà le protagoniste principal. Je ne dis pas non plus, contrairement à certains theorycrafters spécialisés de Kojima, que Death Stranding est en réalité ce Silent Hills caché sous un autre nom, mais nous verrons que certains liens très troublants existent et pourraient bien se révéler juste thématiquement, à défaut de prendre le risque de titiller Konami, détenteur de la licence Silent Hill et spécialiste du pachinko à notre grand dam d’occidentaux. Avant d’y revenir, sachez notamment que Junji Ito, jamais crédité nulle part sur Death Stranding, travaille bel et bien sur le jeu (c’est une première info, deux autres se cachent dans cet article), et que l’équipe originale derrière celui-ci est strictement la même que sur P.T.

Concentrons-nous pour le moment sur ce que l’on voit à l’écran, et sur les quelques détails que nous offre le trailer, nébuleux en 2016 et bien plus révélateur à la lumière d’hier. D’abord, le BB (Bridge Baby) de Sam n’est pas dans sa capsule et disparaît tel un échoué, pour mieux laisser ses adorables petites traces de main sur les jambes de son père. Car il s’agit bien à ce moment-là de son père, et ce bébé n’est que la métaphore de la perte de son enfant (et de sa femme ?), ceux-là même que l’on voit sur la photo en compagnie de Lindsay Wagner dans les trailers suivants. Et si je déteste voir le jeu au travers du prisme de “tout ça n’est qu’un rêve” / “il était mort depuis le début” auquel je ne crois pas tant il s’agit de la facilité (remember Guillaume Musso ?), force est de constater de nombreux éléments pourraient y faire penser.

Autre révélation cachée depuis, sûrement la plus grande de toutes celles qui viendront : le corps de Sam est mutilé au niveau de l’estomac, marqué par une grande cicatrice en croix. Pour quoi faire ? Est-il le fruit d’une expérience passée ? Est-ce pour lui aussi porter un bébé, celui que l’on voit en son sein presque à chaque trailer depuis ? Est-il un clone (ne rigolez pas, j’ai lu ça un paquet de fois depuis hier soir, bonjour les poncifs) ? Une chose est sûre : cette marque est loin d’être anodine, et le fait que Sam porte les menottes que l’on a de nouveau aperçu dans le trailer hier me laisse penser que cette scène n’est pas imaginaire mais bel et bien réelle dans l’univers de Death Stranding. S’agit-il de son réveil après l’explosion ? Encore une fois, l’analyse pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, mais si MGS nous a appris quelque chose, c’est qu’il faut toujours revenir aux débuts de la communication de Kojima pour trouver les éléments qui viendront tout expliquer, même si j’avoue m’inquiéter de cette passion pour les ventres ouverts dans la carrière du game designer.

La suite du trailer nous offre le fessier le plus glorieux de l’Amérique non-unifiée (Chris Evans peut souffler), marqué par de nombreuses traces de mains, comme si les échoués semblaient l’avoir touché comme pour mieux le “valider”. Les Baleines, typiques des cotes islandaises qui ont inspiré le jeu, semblent liées par les cordes (les “strands”) géantes, surplombés par les cinq échoués qui flottent dans les airs, avec leur représentant le plus christique en leur centre. On reverra ces cinq apparitions deux fois dans la promo’, dans des contextes très différents. Ceux-ci cachent une vérité majeure sur le jeu, c’est certain, et il est même étonnant de voir à quel point les échoués n’existent qu’à travers le gameplay et leur menace apparente pour le joueur dans le trailer d’hier, alors qu’ils semblaient auparavant forts d’une mythologie très concrète que Kojima se complaît à nous cacher depuis.

Rien de plus à se mettre sous la dent pour le moment, à moins que la vérité ne se cache dans les paroles de Ryan Karajiza, fondateur de Low Roar, qui accompagne les deux premiers trailers de Death Stranding. Cadeau, un de leurs deux magnifiques lives chez KEXP (un autre ici), qui débute par I’ll Keep Coming et qui se poursuit par Easy Way Out, un morceau ô-combien important pour la suite des événements :

Trailer #2 — TGA 2016

En goguette chez son pote Geoff Keighley, complice de sa campagne de teasing depuis le départ, que Kojima dévoile le second trailer de Death Stranding et l’ajout au casting de deux monstres du cinéma contemporain : Guillermo Del Toro d’abord, Mads Mikkelsen ensuite. C’est donc au Game Awards 2016 que se dévoile le monde inversé, dans un trailer qui lui est entièrement consacré.

Déjà confirmé comme un membre de BRIDGES, celui qui ne s’appelle pas encore Deadman à l’époque semble fuir quelque chose dans un monde 100% hostile, où le “Bio-Tank” fait sa première apparition. On y voit aussi la montée du niveau de fluide noir qui engloutit Sam dans le trailer d’hier, pressant encore un peu plus le réalisateur mexicain et son bébé borgne — là aussi, une signification se cache, mais difficile d’y voir autre chose qu’un malfonctionnement de son “recovery device”.

Autre détail important, dans ce trailer très graphique et moins porté sur les indices scénaristiques : Mads porte une tenue militaire ultra moderne et semble capable de rappeler les strands à lui, façon maître des lieux (“Those who cannot break the connection”). Cette tenue moderne, qui vient accompagner celle de la première guerre du golfe aperçue hier confirme que toutes les guerres sont le fuel des horreurs du monde inversé, un thème là aussi récurrent chez Kojima.

Les fans d’OST noteront l’utilisation d’Easy Way Out, l’un des plus beaux morceaux de Low Roar, et ceux à la mémoire de fer se souviendront que Kojima nous avait alors demandé de prêter une oreille attentive aux paroles du morceau, qui relate l’histoire d’un suicide, qui n’est pas sans rappeler le personnage de Norman Reedus dans P.T. d’ailleurs (rappelons que l’on ne sait toujours rien sur la femme enceinte de Sam Porter dans Death Stranding, tandis que l’on sait que la femme de Reedus dans P.T Silent Hills est morte de sa main, enceinte elle aussi, d’une balle dans la tête et d’une autre dans l’estomac.) :

“The mistake i’ve made,
It can’t be turned around,

I took the easy way out”

Faut-il y voir un lien évident entre les deux jeux, ou simplement une reprise thématique ? Je pencherais plutôt pour la seconde option, mais il est clair que Sam porte un poids, qui n’est pas seulement celui d’avoir tué pour son gang de Bikers, représenté par l’As de Piques aperçu hier sur sa moto.

Petite info supplémentaire : à l’image de Silent Poets, groupe ami de Kojima, Low Roar ont composé des morceaux orchestraux de l’OST de Death Stranding (ceci est une autre info). Autre image complètement folle, le poster qui met en scène Norman Reedus de profil est parfaitement aligné avec la couverture de l’album “0” de Low Roar (jusqu’aux strands qui dépassent), sorti en 2014, année du voyage de Kojima en Islande. Une raison de plus pour moi de croire que tout est parti de là, en plein développement de The Phantom Pain. C’est d’ailleurs sur cet album que l’on trouve Easy Way Out et I’ll Keep Coming, et pour l’anecdote, sachez que le chanteur du groupe n’a pas voulu me répondre quand je lui ai demandé si ce n’était là qu’une coïncidence, un hommage de Kojima ou une véritable collaboration. Vous en conclurez ce que vous voulez, moi j’ai ma petite idée.

Trailer #3 : TGA 2017

Attention, très gros morceau. D’abord, Kojima débute ses huit (!) minutes de bande annonce par une évocation de l’infiniment grand (le Big Bang) pour ramener la vie sur Terre à une série d’explosions, dont la dernière en date pourrait condamner les humains, comme nous l’avons découvert dans le synopsis officiel du jeu en Partie 2. Je parlerai sûrement plus tard du fait que Higgs, le personnage de Troy Baker, tire son nom du Boson du même nom, plus grande découverte de notre jeune siècle pour la physique des particules. Pour la faire courte et vulgariser en quelques lignes à peine ses formidables propriétés, celle qu’on appelle “la particule de Dieu” à raison remet en cause tous les fondamentaux scientifiques connus jusqu’alors. Au cœur de tout, celle-ci pourrait notamment permettre d’enfin comprendre la matière noire, d’attribuer à la matière sa véritable nature vibratoire, d’inverser la gravité, j’en passe et des meilleures. Pour être honnête, même après avoir échangé avec un ami chercheur qui travaille sur le sujet une nuit durant il y a quelques temps, j’ai eu l’impression de ne saisir qu’1% des tenants et des aboutissants de cette découverte devenue concrète en 2012, qui pourrait nous permettre de repenser le modèle humain et la place du vivant dans sa totalité.

Tourné vers les étoiles et leurs secrets, Kojima prend un plaisir non dissimulé à lier l’infiniment grand et l’infinitésimal, comme pour ramener l’universalité à une logique d’échelle, une observation proche de nombreux courants de pensée qui vont aussi bien de l’antiquité la plus sérieuse aux charlatans contemporains, et dans laquelle j’avoue prendre moi aussi un vrai plaisir (d’)agnostique de quête de vérité.

Mais revenons à notre trailer, découpé en deux grandes parties. La première d’entre elles débute par ce qui sera sûrement une cutscene dans le jeu final, où Sam (qui porte une tenue encore différente, affublé de la moitié de son nom de famille : Porter — je rappelle qu’il s’appelle Sam Porter BRIDGES) se réveille, sonné, après ce qui pourrait bien être une nouvelle explosion. Il est accompagné par deux chercheurs de BRIDGES qui vont connaître un triste sort. “Don’t even breathe” leur dit-il (à l’image du passage jouable en forêt) afin d’éviter d’attirer les échoués, qui finiront tout de même par s’intéresser aux deux scientifiques, qui préfèrent en finir d’une belle dans la tête ou en se poignardant frénétiquement plutôt que de goûter aux joies du monde inversé, si tant est que ce soit ce qui leur est réellement réservé. On notera la présence de Brise-Brouillards sur leur torse, sur lequel Higgs semble pouvoir agir d’un simple geste.

Il est intéressant de noter qu’à ce moment de l’histoire, Sam porte le corps embaumé dont nous avons parlé hier, lui qui semble à ce moment là avoir un visage doré, une propriété qui cache un sens profond si l’on en croit les nombreux bonus de précommandes aperçus sur le PlayStation Network et l’obsession de Higgs pour le doré. Pas grand chose à savoir sur les propriétés de l’or, à ceci près qu’il s’agit d’une des rares matières presque totalement immunisée contre la décomposition. Et pour brouiller encore un peu plus les pistes, on notera que les désormais ex-collègues de Porter s’envolent, quand le corps embaumé, lui, finit englouti sous le sol. Est-ce la preuve de l’existence d’un niveau intermédiaire tenu secret, pour rejoindre la/ma supposée analogie avec la Divine Comédie de Dante — où l’on trouve trois niveaux : l’enfer, le purgatoire et le Paradis, dans cet ordre précis. Difficile à dire, mais difficile aussi d’imaginer que les quelques lignes dévoilées sur la page de précommande ne nous cachent rien le jour J.

Plus fou encore, l’envolée des deux soldats accompagne celles des véhicules, des crabes, des roches et d’à peu près tout ce qui entoure Sam (qui reste lui bien cloué au sol, sans explication réelle), qui se hissent jusqu’au niveau d’une créature gigantesque, sorte de Titan colossal qui tire de nombreux câbles (“strands”) dans chaque main. On notera que son visage rappelle la forme de l’invocation du Man in the Golden Mask dans le trailer du TGS 2018, qui se cache peut-être une fois de plus derrière cette apparition soudaine (quid alors de son pouvoir sur les “strands” en question ?). Les quelques secondes supplémentaires aperçues dans l’édition japonaise du trailer d’hier tendraient d’ailleurs vers cette supposition, puisque la tête du Titan en question semble avoir la forme d’une main, qui broie le soldat de BRIDGES arrivé à son niveau avant d’imploser, à l’image des fleurs dorées en forme de mains (un thème plus que récurrent) qui semblent pousser sur le sol d’un des niveaux. Voici l’extrait en question, précédé de l’apparition inédite d’Amélie en robe rouge, semblant possédée par Higgs qui lui a offert un petit accessoire du meilleur goût :

La suite du trailer reprend l’image du Sam nu en train de sombrer dans ce qui semble être un océan (sans son Dreamcatcher cette fois), contemplant les corps et les “strands” qui remontent à la surface, sur laquelle surfe un animal Mutant qui n’a pas volé son label Lovecraft, dont on reparlera bientôt puisqu’il semble être le boss que l’on affronte dans la version longue du trailer d’hier. D’un travelling malin, on retrouve Sam dans sa tenue PORTER allongé au fond de l’océan, accroché par deux “strands” qui remontent à la surface, avant une plongée directe dans son colon, où son BB lui fait signe que tout est ok (il en faut apparemment beaucoup pour stresser un nourrisson), avant de repartir à la surface où Sam, vomissant du Ferrofluid à son réveil, se retrouve de nouveau. Est-ce là littéralement la démonstration de sa nature exceptionnelle, celle d’avoir un BB (prononcez “BiBi”, comme Bridge Baby ou Brise Brouillard, l’explication toute naturelle de cette traduction française qui respecte l’acronyme) en lui ? Ou alors s’agit-il simplement du modèle de “résurrection” classique, puisque Sam découvre son “BB Pod” vide une fois revenu ?

Point larve : on voit avant son réveil un “cryptobite”, cette larve mangée par Léa Seydoux dans le trailer suivant qui semble avoir la capacité de régénérer les deux livreurs, et/ou d’empêcher la “chute du temps” de les affecter. On reviendra à cette relation au temps par le biais de “la pluie temporelle” un peu plus tard, en soulignant toutefois que le temps et l’espace semblent bien être au cœur de la réflexion de Kojima pour Death Stranding. Comment ça, une ambition herculéenne ?

Enfin, le trailer se termine par le plan ultra iconique qui se trouve tout en haut de cet article, Sam face à une cratère immense (créé par les Homo Demens ?) surplombé par les cinq échoués aperçus dans la toute première bande annonce, tandis que Sam nous précise qu’après le Big Bang est venue une autre explosion, “la dernière” selon lui. La phrase en V.O pour plus de clarté :

“Once there was an explosion, a bang which gave rise to life as we know it. And then came the next explosion, that will be our last.” Renvoi évident au lien entre Big Bang et l’apparition du Death Stranding, comme pour mieux boucler la boucle.

Trailer #4 : E3 2018

Deux Game Awards, deux E3. Voilà ce qu’aura été la communication officielle de Death Stranding depuis trois ans, entrecoupée par une brève cutscene au Tokyo Game Show que l’on commentera ci-dessous, jusqu’au live twitch du 29 Mai. Et là encore, Kojima semble nous rappeler son amour des longues vidéos puisque ce sont encore 8 minutes qui s’offrent à nous.

Toujours prompt à placer une blague en dessous de la ceinture (vous aurez peut-être noté que la roue des possibles que l’on voit lorsque Sam déploie son échelle nous montre que l’on peut faire nos besoins dans la nature), le réalisateur débute son trailer par les fesses de BiBi, qui nous fait une fois de plus signe que tout se passe pour le mieux. HYPER riche en informations et en background, ce trailer qui nous présente Léa Seydoux dans le rôle de Fragile débute par une assertion plutôt importante dans son double sens, quand celle-ci dit :

“Sam Porter Bridges, the man who delivers”.

Je ne vous fait pas un cours d’anglais en vous expliquant le second sens évident de “délivrer”, un mot d’ailleurs passé dans le langage courant en français. Plus riche encore, celle-ci nous explique les larmes qui coulaient sur les joues de Sam après son retour à la surface dans le trailer précédent :

“Tears. A Chiral Allergy. So you have DOOMS, like me.”

Là aussi, plusieurs sens se cachent derrière le mot “Chiral”, et le concept étonnamment simple et pourtant infiniment complexe de chiralité. J’ai trouvé une vidéo qui explique parfaitement bien cette impossibilité pour une image d’être superposée dans son reflet, sans partir trop loin dans le concept scientifique, qui nous ramène toutefois à un des thèmes récurrents du jeu : l’image miroir, inversée. Et devinez quoi : les mains sont la parfaite représentation de ce concept vertigineux pour l’esprit. De là à y voir la preuve d’un voyage dimensionnel ou quoi, il y a un pas que je vous laisse franchir avant moi.

Quant aux DOOMS qu’évoque Fragile(qui sont en majuscule dans les sous-titres très précis de la vidéo), plusieurs interprétations sont possibles, mais leur nom très apocalyptique pourrait laisser penser que ces DOOMS sont liés à l’idée d’aller et venir entre les mondes, ceux-ci semblant déclencher l’allergie chirale qui se manifeste par les larmes de Sam (larmes elles aussi métaphoriques, vous l’aurez compris). Sam est-il un mort (suicidé ?) ramené à la vie, pour mener à bien une mission ? À ce moment de l’histoire, tout semble possible à vrai dire, même si je trouve cette possibilité plutôt trop simple malgré son potentiel évocateur.

“- What’s your level [of dooms] ?
- I’ve got the extinction factor, but I think you got me beat”

Maintenant que l’on sait que le Death Stranding n’est pas une maladie, mais l’amoncellement de plusieurs facteurs, celui de l’extinction pourrait être une manifestation parmi d’autres des symptomes ressentis par les survivants, tous profondément modifiés par l’apparition de l’épidémie.

Juste après, Fragile propose du travail à Sam, qui lui répond dans ce qui semble être un autre dialogue, qu’il ne peut pas l’aider avec ça (sous-entendu qu’elle lui parle alors d’un plus gros problème), et qu’il ne fait qu’assurer des “livraisons”.

Puis, Asylum for the Feelings, sublime morceau de Silent Poets, démarre pour illustrer des séquences de gameplay proprement hallucinantes. Sur celles-ci, on aperçoit Sam traverser les collines tranquilles (pun intended) avec ses nombreuses charges sur le dos, tandis que les paroles du morceau nous parlent de ce “silencieux sentiment coupable ”. Un énième renvoi à sa faute passée, qu’il porte sur ses épaules (toujours aussi métaphoriquement, on l’aura compris) ?

Passons sur le fait que le gameplay semble encore plus impressionnant que ce qu’on a vu hier, nous voici sous la douche, Sam en sang, le morceau nous disant qu’il “ran all of all the meanings”, comme pour mieux illustrer son impuissance face au monde, dans son infinie complexité. On aperçoit ensuite notre livreur, cadavre dans le dos, luttant pour garder son équilibre au milieu des vertes plaines, remontant la rivière. Plus loin, capuche sur la tête dans une tenue inédite et déjà affublé de son drapeau des Pays-Bas, il semble traverser la ville aperçue hier, celle du panneau “K5” brisé. Les décors qui s’enchaînent sont tous ultra variés, des plaines bien connues au monde inversé (où l’on voit des pierres s’envoler) en passant par ce qui semble être un sol presque Marsien, toujours inexpliqué et jamais revu depuis. On y voit aussi Sam qui fait tomber sa moto dans un ravin, qu’il traverse grâce à sa fidèle échelle magique, toujours plus chargé que le groom d’un grand hôtel à l’arrivée de ses riches clients. Il est intéressant de noter que chaque séquence nous présente une charge différente, jusqu’à deux drones derrière lui pour porter ce que son dos ne peut pas encaisser, comme pour nous expliquer que ce sera notre devoir et notre mission de savoir à quel point nous pourrons nous (sur)charger une fois dans le jeu.

Nage, grimpette, arrachage d’ongle (outch), déploiement de son fusil d’assaut […], tout y passe et ces séquences semblent si incroyables qu’il est difficile d’imaginer que ce sera notre quotidien dans quelques mois. Puis, au moment de découvrir une première fois la photo de sa femme surplombée par Amelie, Léa Seydoux fait son retour, manteau Louboutin au taquet devant l’apparition des échoués, qui semblent passablement énervés. Sam dévoile alors une autre “capacité” : celle de faire de l’eczéma en présence des BTs, pratique pour savoir quand il est en danger. Petit point abdos : on aperçoit Sam torse nu pour la première fois depuis le premier trailer, mais Kojima prend bien soin de cacher au maximum son énorme cicatrice sur le ventre, toujours présente.

Une fois tranquilles (une larme vient de couler sur la joue de Léa Seydoux, allergie chirale également ?), les deux héros / tourtereaux regardent vers le ciel, où les 5 échoués volants apparaissent de nouveau, à ceci près que cette fois, ils sont transparents. Armée de son parapluie prompt à faire rougir Rihanna et Bernard Arnault réunis, la petite fille de Michel (Seydoux) poursuit sa route mais prévient notre héros : la pluie (encore elle) temporelle accélère tout ce qu’elle touche, mais elle ne peut pas faire disparaître le poids du passé. Moment finesse : c’est à cet instant précis que notre héros reprend la photo de sa femme disparue en main.

Un peu plus loin, on retrouve Sam dans une autre tenue, orange cette fois, coincé dans les décombres d’une ville. Ce qui semble être Die-Hardman lui demande un rapport, en lui expliquant que la “densité de Chiralium” augmente. S’agit-il d’une matière dont la propriété est de rendre non-superposable les deux mondes que traverse le héros, ou qui indique simplement la présence accrue d’échoués ? Difficile à dire, mais il doit y avoir quelque chose comme ça là-dessous. Encerclé par les BTs (à moins qu’il s’agisse d’autre chose), Sam doit vite s’enfuir, sans quoi le fait de se faire avaler par “une de ces choses” pourrait créer une néantisation, le fameux void-out. “Tu reviendras, c’est sûr, mais la zone qui t’entoure deviendra un cratère.” Tout était déjà là, sous nos yeux, avant les explications de Higgs pas plus tard qu’hier. Sam s’équipe de BiBi, lui qui a une idée, et son antenne se met à cliqueter comme jamais. On découvre alors une marée d’infectés dans les airs, tandis que le Bridge Baby / Brise Brouillard semble avoir un oeil fermé, comme lors de la vidéo mettant en scène Guillermo del Toro. Y-a-t-il plusieurs façons de se servir des bébés ? C’est ce que cette scène (où Sam branche son recovery system de l’autre côté) semble indiquer. Sam se fait finalement piéger et finira sa route dans le monde inversé, comme on le sait.

Point cryptobite encore : Léa Seydoux mange des insectes (à la peau quand même très proche de celle d’un humain) comme on avale des saucisses cocktails, jurant qu’un “cryptobite par jour éloigne la chute du temps”. Attribuez les propriétés que vous voulez à cet étrange mille-pattes, mais il semblerait être un élément crucial pour aider les deux livreurs dans leurs missions respectives.

Plan titre, avant un final qui résonne tout particulièrement aujourd’hui ; nous voici de retour sur la plage du premier trailer, baleines échouées, celle-là même où notre héros s’est reveillé nu, menottes au poignet, à côté de son bébé qui disparaissait. Cette fois, Amélie est là et s’adresse à Sam : “Tu arrives trop tard. Tu ne sais toujours pas qui je suis, n’est-ce pas?” 180 degrés plus tard, c’est une Lindsay Wagner rajeunie qui s’offre au spectateur, celle-là même qui porte la robe rouge dans le dernier trailer, habillée de noir, cette fois. Moins menaçante que son double (?) rouge, elle semble regarder Sam avec tristesse, et plus le temps passe, plus j’ai l’impression que les liens entre les personnages se resserrent, à tel point que je ne serais pas tout à fait étonnée que l’on apprenne qu’il s’agisse en réalité de sa mère. Amélie Bridget / Sam Porter Bridges, le lien est aussi fin qu’un jeu de mot de JK Rowling, mais pourquoi pas.

Allez, plus qu’un rapide passage sur la cutscene du Tokyo Game Show et je vous laisse avec quelques prises de notes, pour mieux m’aider à réfléchir sur ces nombreuses pistes.

Trailer #5 : TGS 2018

Sobrement intitulé The Man in the Golden Mask, le trailer nous présente une nouvelle rencontre entre Higgs et Sam Porter, qui porte Mama (Margaret Qualley) sur son dos. C’est alors que notre ami qui tire son nom du Boson retire son masque d’or et nous propose de “changer les règles du jeu”, en plaquant celui-ci au sol, faisant remonter une marée d’échoués dans une scène absolument grandiose semblant sortie de la renaissance, les échoués à ses pieds essayant de l’attraper. On notera que son BB personnel devient rouge à ce moment-là, indication toute en finesse de la menace que représente Troy Baker. L’antenne de Sam Porter est over 9000 devant une telle démonstration, avant qu’apparaisse une sorte de BT Lion géant au masque doré, Boss évident que le joueur devra alors combattre, dans la plus pure tradition Kojimesque.

“Il a l’air affamé. Tout ce que tu dois faire pour t’en sortir, c’est de ne pas te faire manger. C’est assez fun pour toi ? Bien sûr que oui !”

Nouvelle démonstration de ses pouvoirs de téléportation, plus qu’à attendre avant d’en découdre avec le félin au visage d’anus.

Quelques idées, elles aussi déconnectées :

Plusieurs points que j’ai oublié de mentionner ci-dessus par rapport au trailer d’hier et à sa version longue destinée au Japon :

  • D’abord, le groupe en jaune, effrayé par la pluie, qui poursuit Sam, s’appelle CERAMIC. Une autre société, concurrente à BRIDGES ? Difficile à dire pour le moment, mais ça vaut la peine d’être noté.
  • On voit aussi dans ce trailer la fameuse créature qui attend Sam à la sortie du monde inversé dans la forêt, et il semblerait qu’en plus d’être un Boss Fight qui confirme des armes différentes du fusil d’assaut aperçu dans les tranchées, celle-ci soit en fait le Mutant Lovecraftien vu plus tôt, dans le trailer du TGA 2017. Étonnant d’ailleurs de voir que la créature, qui était à la surface de l’eau, se retrouve au beau milieu d’une forêt, mais on ne jure de rien avec l’univers de Death Stranding.
  • Dans le trailer, on voit Higgs porter le même collier (doré) qu’Amélie. Ces deux-là (celle en rouge en tous cas) cachent un lien, c’est certain.
  • Autre observation pas si farfelue repérée par un journaliste : si vous avez vous aussi ressenti une sensation étrange lors de l’enchaînement de scènes pendant le trailer (semblant les voir disparaître, puis réapparaître un dixième de seconde), vous n’êtes pas seul : En effet, James Jarvis a remarqué que le trailer est coupé à de nombreux moments par un clignement d’oeil, qui n’est pas sans rappeler le point de vue du troisième personnage repéré par les fans dans le trailer de MGSV : TPP, souvenez-vous. Vidéo à l’appui et vérifications effectuées au ralenti de mon côté, c’est clairement quelque chose qui revient souvent, le plus criant étant sur le plan ultra-iconique de Sam qui tourne le dos au logo BRIDGES, prêt à partir en mission. Chacun en tire les conclusions qu’il veut, mais ça rappelle, entre autres, le point de vue Malkovich de Sam dans le corps de BB. J’en vient d’ailleurs à penser que BB est un personnage à part entière, et pas simplement un “recovery device”, mais nous en reparlerons dans un prochain papier. L’utilisation de son nom et sa traduction en français par “Brise Brouillard” pour garder l’acronyme ne fait qu’aller dans ce sens. De là à dire que tout ça n’est qu’une simulation, il n’y a que quelques threads reddit et une vidéo de Python Selkan qui nous séparent.
  • Si l’idée semble évidente vu leurs profils respectifs, j’imagine que le créateur de la technologie derrière BRIDGES se trouve dans le trio Del Toro / NWR / Die Hardman, et je me dis qu’au vu de la dernière scène du trailer d’hier (celle où Mads s’adresse à BB), il n’est pas impossible que le perso’ de Mikkelsen ait fait partie de ce quatuor plus tôt dans sa vie. C’est vraiment une piste parmi mille autres, mais j’imagine bien un destin tragique au personnage, Kojima lui ayant fait énormément de place dans le jeu.

Until next time

La prochaine fois, parce que je risque de ne pas m’arrêter là mais que la vraie vie doit bien reprendre ses droits, on parlera de quelques sujets qui me sont chers, plus libres dans l’approche : A Hideo Kojima World ; Kojima, Freud et moi (oui oui) et Pause : Apocalypse. On évoquera aussi le documentaire réalisé par Jordan Vogt-Roberts depuis un peu plus d’un an (c’est une dernière info, pour ceux qui sont restés jusqu’au bout), ainsi que d’autres petites surprises glanées ça et là autour du jeu.

Merci aux courageux qui en ont terminé avec la lecture des trois parties, je vous aime autant que Kojima, et si j’ai bien conscience de l’aspect presque vain d’une telle enquête, aussi chronophage soit-elle, je prends un pied fou à écrire autour des univers de l’auteur, et que sa positivité dans sa volonté de tous nous reconnecter me fait presque oublier le cynisme des pisse-froid et le mien quand ça ne va pas.

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