Revue UX #1

Guillaume Tarsiguel
9 min readJul 27, 2017

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Septembre 2017 — semaine 37

Bonjour et bienvenue dans ce nouvel article de ma revue UX ! Je suis Guillaume Tarsiguel, UX designer chez Bloomin, et, chaque semaine — à peu près — , je vous partage, ma vision sur l’actualité et les tendances du design UX, sur l’Internet et au-delà.
Au menu de cette semaine : sondage de satisfaction à échelle nationale, des écueils UX à éviter, et une intelligence artificielle qui se lâche. C’est parti pour la revue UX #1 !

📰 L’actualité de la semaine

Le 22 Juillet, la SNCF a lancé une grande consultation pour mesurer la satisfaction des ses voyageurs, amenée à durer jusqu’au 15 Septembre.

Ce n’est pas nouveau, la SNCF joue à fond la carte de la transformation digitale depuis quelques années : meilleures expériences webs, amélioration de son e-reputation, vente d’e-billets… La SNCF s’est également inscrit ces derniers mois dans une vraie démarche de recherche de feedback, avec la mise en place de bornes de satisfaction en gare et des questionnaires concernant le WiFi sur la ligne Paris-Lyon.

Aujourd’hui, c’est toutefois un grand pas que franchit l’entreprise avec un vaste questionnaire de satisfaction. Réalisé à la fois en ligne et en gare auprès d’agents SNCF, ce sondage à échelle nationale implique pas moins de 40 000 voyageurs et 250 000 collaborateurs. Une consultation d’une telle ampleur, réalisée par une entreprise privée, est certainement une première en France !

Un extrait des résultats du grand sondage de statisfaction SNCF

Je tiens à saluer le courage de cette démarche. Souffre-douleur des réseaux sociaux et de l’opinion publique, la SNCF est l’une des entreprises françaises les moins populaires auprès des français, qui ne se gênent pas pour le faire savoir. Dans ce contexte, demander l’avis des voyageurs peut ressembler à tendre le bâton pour se faire battre.

Or, c’est justement une démarche très saine, et que je pense nécessaire, dans l’entreprise d’aujourd’hui. Étouffer ou ignorer les critiques des clients et collaborateurs est une faute grave qui se paye tôt ou tard. À l’inverse, prendre le pouls, le feedback, est une démarche parfois douloureuse, souvent salvatrice, toujours précieuse.

Winston Churchill disait lui-même, à propos de la critique :

[It] may not be agreeable, but it is necessary. It fulfils the same function as pain in the human body. It calls attention to an unhealthy state of things.

traduction : “[La critique] n’est peut-être pas agréable, mais elle est nécessaire. Elle a le même rôle que la douleur dans le corps humain : attirer l’attention sur un état anormal des choses.”

À titre personnel, je crois profondément aux bienfaits de la culture du feedback. Le société chez qui je travaille, Bloomin, offre d’ailleurs aux entreprises le moyen de recueillir régulièrement l’avis et l’humeur de leurs collaborateurs via des enquêtes régulières, et ce en toute transparence et tout anonymat. On retrouve le feedback au cœur d’un cercle vertueux qui réunit les notions de bonheur au travail, de productivité et de transparence.

En quatre mots comme en cent ; “feedback is a gift” !

🔬 L’analyse de la semaine

Une revue du questionnaire en ligne de la SNCF : http://ligneouverte-sncf.bva.fr/

Bravo à la SNCF d’avoir lancé cette consultation à échelle nationale, mais… voyons maintenant plus en détail ce fameux questionnaire en ligne.

Capture d’écran du questionnaire de satisfaction en ligne SNCF ( source )

Bons points

  • Présence d’une barre de progression qui indique l’avancée de l’utilisateur dans le questionnaire
  • Les questions sont claires, et la façon d’y répondre facile et ludique (cf la loi comportemental de Fogg’s)
  • L’apparence d’un chatbot en la personne de Simone, sans trop en faire ; le dosage est bon !
  • Une expérience utilisateur globalement agréable et accessible

Là où le bât blesse

  • Une mauvaise transposition de l’enquête papier

Par souci de traitement des données, la SNCF a semble-t-il voulu réaliser la même enquête, qu’elle soit posée par des agents en gare ou qu’elle soit affichée en ligne.

Or, cela un souci ; l’enquête en ligne n’est pas assez directive, pas assez guidée. Sans agent pour nous encadrer, l’utilisateur se retrouve vite sans savoir que faire face à un nouvel écran. L’ajout de consignes claires aurait été pertinent ici.

Une autre contrainte du sondage en gare que l’on retrouve sur le questionnaire en ligne ; le temps. Un voyageur en gare n’a qu’un temps limité à consacrer à l’enquête, aussi il a été choisi pour certaines questions de s’exprimer comme “d’accord” ou “pas d’accord”, quand davantage de nuances aurait été nécessaire.

Exemple d’échelle plus nuancée, et donc plus riche et pertinente (source)

En résumé, il est dommage de constater que certaines contraintes d’une enquête physique ont été transposées à l’enquête en ligne.

  • Trop long !

Mais enfin M. Pepy ! Il est trop long ce questionnaire ! Et mou avec ça, la page recharge entre chaque question ! En voyant avec quelle lenteur avançait la barre de progression au fur et à mesure de mes réponses, j’ai tout simplement laissé tomber… ce qui, à la réflexion est un argument en défaveur de cette barre de progression ; sans elle, peut-être n’aurais-je pas abandonné si tôt ?
En tout cas, je pense qu’il est important de respecter le temps de l’utilisateur; cela fait partie du contrat tacite quand on accepte de répondre à un questionnaire. Une bonne idée ; afficher d’emblée la durée estimée du questionnaire (comme le fait très bien Medium en affichant les temps de lecture estimés des articles).

Medium affiche la durée estimée de lecture sur la vignette de chaque article
  • Des maladresses sur les boutons d’actions

Plus spécifiquement, les boutons d’actions des pouces (vert et rouge) trahissent quelques défauts. Un bon point pour présenter leur sens de deux façons différentes : par le dessin (pouce levé ou pousse baissé), ainsi que par la couleur (vert ou rouge) ; cela épargne la charge cognitive de l’utilisateur tout en restant accessible, notamment pour les daltoniens.

Les symboles de pouces levé et baissé est légèrement ambigu

Reste que je préconise, pour tout bouton d’action, un label pour le décrire ! Il s’agit d’une bonne pratique d’accessibilité et d’usabilité.
D’autant que les symboles de pouce utilisés par SNCF véhiculent un message ambigu. Des arènes romaines aux sites Internet les plus populaires (Youtube, Facebook, Github), les pouces levés et baissés sont associés à des notions de jugement subjectif, de “J’aime” / “J’aime pas”, dans notre mémoire sémantique. Ici, la SNCF leur confère une signification différente, objective: “Je suis d’accord” / “Je ne suis pas d’accord”.

Voici une proposition de remplacement de ces boutons d’action, que j’ai réalisés en récupérant tout simplement des emojis Microsoft :

Ma proposition
  • Taisez ces voix que je ne saurai entendre !

Pour finir, un gros carton rouge pour l’expérience utilisateur web… où la voix de la SNCF vous accueille à fond les décibels dès l’ouverture de la page ! Sur mon navigateur la voix s’est même lancée deux fois à une fraction de seconde d’intervalle — un canon cacophonique à plein volume dont je me serais bien passé… Cela part d’une bonne intention, de celles qui pavent les enfers ; le son doit rester une option, par défaut désactivée !

Chhht… (source)

Je ferai peut-être un jour un pamphlet contre cette pratique qui me hérisse les poils autant qu’elle me crispe les tympans. En attendant, la raison principale d’arrêter le son par défaut est que le contexte d’utilisation, imprévisible, peut très bien ne pas se prêter à l’usage du son ! Pêle-mêle ; au travail, avec des écouteurs, dans les transports en commun, la nuit, en train d’écouter de la musique, ou, tout simplement, l’envie d’être au calme…

Pour la petite histoire, l’un de mes premiers souvenirs d’UX designer remonte à ma jeunesse… Je devais avoir 12 ou 13 ans, et je me rappelle soupirer quand, sur le site voyages-sncf, un lecteur de musique se lançait automatiquement pour diffuser SNCF La Radio, laissant l’utilisateur, dérouté, chercher le bouton d’arrêt — bien sûr très bien dissimulé.

La SNCF en a-t-elle vraiment fini avec ses vieux démons ? En tout cas, il n’est pas impossible que je leur doive ma vocation d’UX designer !

📄 L’article de la semaine

Top 3 UI Techniques That Users Hate Most de Nick Babich
https://uxplanet.org/top-3-most-hateful-ui-techniques-b81eb337e3b9

Cette semaine, un article court et incisif sur les fausses bonnes idées d’interface utilisateur en ce moment. Son auteur, Nick Babich, nous met en garde contre les 3 techniques suivantes :

Les fenêtres pop-up

Là-dessus, je rejoins complètement l’auteur de l’article, et j’ai déjà pu m’exprimer contre l’usage des fenêtres pop-up. Pour le plaisir, rappelons-nous cette effroyable fenêtre pop-up de KFC Allemagne (cf Revue UX- semaine 30).

Une fenêtre pop-up des enfers sur le site KFC Allemagne (source)

Les notifications intempestives

Nick Babich explique qu’une notification push est un privilège, une marque de confiance de l’utilisateur envers le produit, et qu’à ce titre il ne faut pas en abuser. Une notification push se doit d’être utile, pertinente pour l’utilisateur, et être envoyée à un moment opportun.

Une statistique qui parle d’elle même

Le déroulement infini

Addictif, élégant, particulièrement adapté à l’usage mobile : le déroulement infini est en vogue en ce moment, au point qu’on pourrait croire la pagination comme une future antiquité de l’Internet.

Le déroulement infini ; une vraie bonne idée ?

Or, comme le souligne Nick Babich, la pertinence du déroulement infini est loin d’être systématique et dépend du design, du contenu, et de l’usage voulu. La première question à se poser serait la suivante : l’utilisateur cherche-t-il quelque chose en particulier ?

Si la réponse est oui, la pagination reste de mise, car elle offre davantage de repères visuels pour retrouver facilement une recherche déjà effectuée, ainsi que des URL pouvant être sauvegardés et partagés. C’est ainsi que le site de vente en ligne Etsy est revenu à la pagination après un passage au scroll infini peu concluant.
En revanche, si l’utilisateur ne cherche rien de particulier, le déroulement infini peut déployer ses qualités addictives, comme on peut le voir sur des sites commes Twitter, Instagram, 9gag, et bien sûr Facebook.

Logo du site Discourse

La question reste sujette à controverse… Quid d’un forum, par exemple ? Le cas d’usage prédominant est-il de flâner ou de chercher un contenu en particulier ? Le site Discourse, qui propose un environnement de discussion à l’expérience utilisateur léchée, a pris le parti d’un déroulement infini. Je trouve cela déroutant, et ne suis pas convaincu de la pertinence de ce choix…
Et vous, qu’en pensez-vous ?

😅 La billevesée de la semaine

Vidéo Youtube Amazon Alexa Gone Wild!
durée : 24 secondes
contenu : à peu près approprié pour le travail

Amazon Alexa Gone Wild! ( source : https://www.youtube.com/watch?v=r5p0gqCIEa8 )

Alexa, l’assistant vocal intelligent d’Amazon, semble avoir encore quelques soucis de reconnaissance vocale quand un enfant lui demande de charger un jeu… Qu’importe la journée que j’ai passée, cette vidéo m’arrachera toujours un sourire !

Ainsi se clôt ma revue UX pour cette semaine. J’espère qu’elle vous aura plu, et je serais ravi de lire vos retours. Je vous dis à la semaine prochaine et d’ici là, gardons l’œil ouvert ; l’inspiration UX est partout !

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Guillaume Tarsiguel

UX designer • interested in ethics in design, human-computer interaction, and emoji cryptology 👽• www.guillaumetarsiguel.fr