Revue UX #4

Guillaume Tarsiguel
6 min readOct 19, 2017

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Du remous chez les emojis et pourquoi c’est loin d’être anodin…

Octobre 2017 — semaine 42
( version anglaise disponible ici )

Bonjour et bienvenue dans la quatrième édition de ma revue UX ! Je suis Guillaume Tarsiguel, UX designer chez Bloomin, et, chaque semaine — à peu près — , je vous partage, ma vision sur l’actualité et les tendances du design UX, sur l’Internet et au-delà.
Au menu de cette semaine : de la nouveauté chez les emojis, et une pépite de design emotionnel chez Nintendo.
C’est parti pour la revue UX #4 !

📰 L’actualité de la semaine

Du remous chez les emojis — et pourquoi ce n’est pas anodin

Il y a 15 mois, Facebook créait une bibliothèque d’emojis spécifique à son application de messagerie Messenger. Le but était alors de s’assurer que les emojis envoyés sur Messenger soient toujours affichés de la même façon, que ce soit sur Android, iOS, ou une autre plateforme.

A gauche, des emojis différents affichés selon le terminal. A droite, l’utilisation d’une bibliothèque d’emojis propre à Messenger harmonise leur affichage au travers des différents terminaux (image Facebook)

Mais, trois mois plus tard, voilà qu’une autre bibliothèque d’emojis sort, destinée à la version ordinateur de Facebook. Pendant un an, deux collections d’emojis distinctes ont donc cohabité, chacun pour un usage différent de Facebook : le réseau social en tant que tel, ou bien l’appli Messenger.

Un fonctionnement à la fois brouillon et confusant, d’autant plus qu’on ne voit pas bien l’intérêt d’une telle séparation. Et visiblement Facebook non plus, puisque la firme a annoncé en début de mois la fin de la bibliothèque d’emojis Messenger.
Avec pas moins 5 milliard d’emojis par jour (!) envoyés sur Messenger, ce genre de décisions n’est pas anodine…

Néanmoins, l’application de messagerie WhatsApp, également possédée par Facebook, fait jeu à part. En effet, loin de s’uniformiser avec Facebook / Messenger, WhatApp se voit doter d’une toute nouvelle bibliothèque d’emojis.

(article en anglais, temps de lecture estimé : 5 minutes)

L’entreprise Facebook a donc un comportement assez ambigu ; d’un côté elle uniformise les jeux d’emojis de deux produits (le site Facebook et l’appli Messenger), et d’un autre elle développe un nouvelle bibliothèque spécifique pour un produit (WhatsApp).
Alors, d’où vient cette hésitation ?

Avoir sa propre bibliothèque d’emojis : un choix de plus en plus populaire

D’une manière générale, la tendance est plutôt pour les bibliothèques d’emojis à se multiplier, selon les plateformes ou les appareils. Une politique dont Twitter avait d’ailleurs été un pionnier en créant sa propre collection d’emoji en 2014 : les twemoji.

Voyons les principales raisons qui, selon moi, poussent une application à développer sa propre bibliothèque d’emojis :

  • Une compatibilité et une cohérence cross-platform

Les emojis sont officiellement régis par la norme Unicode, qui dresse une liste sur laquelle toute bibliothèque d’emojis devrait se baser. Or, beaucoup de liberté sont prises par rapport à cette liste, et certains emojis sont tout simplement absents de certaines bibliothèques.

L’intérêt d’avoir son propre jeu d’emoji permet, comme l’a avancé Facebook pour Messenger, d’être cross-platform, c’est à dire de ne pas dépendre du terminal de l’utilisateur. Ainsi, que l’utilisateur soit sur iOS, sur Android, sur PC, les emojis affichés sont toujours les mêmes ; plus de problème de compatibilité.

Cela évite également un autre souci, détaillé par une étude sur le cas par GroupLens (en anglais, temps de lecture estimé: 5 minutes) : le problème des malentendus, des différences de perception, vis à vis des emojis.

Un même emoji affiché sur différentes plateformes… on voit bien que le sens diffère entre les plateformes comme Samsung (expression de joie), Google (expression de moquerie) et Apple (expression de gêne) — (source GroupLens)
  • Une question d’argent

Cette raison peut paraître anecdotique, mais elle n’en est pas moins réelle. En effet, Twitter, qui est l’un des pionniers dans le domaine des bibliothèques d’emoji customisés, vend ses emojis sponsorisés !

Pour la modique somme d’1 million de dollars, vous pouvez créer votre propre emoji qui sera ajouté à la plateforme. 17 marques ont déjà franchi le pas, comme Coca-Cola, Dove, Starbucks, ou encore des événements comme le SuperBowl.

17 millions de dollars pour quelques emojis, pas mal, non ?

  • La maîtrise de son ton

Enfin, avoir la main sur son propre jeu d’emoji, c’est pour une entreprise pouvoir maîtriser son ton, sa politique.

La politique puritaine d’Apple a, par exemple, déjà causé des remous quand la firme a décidé d’édulcorer ses emojis. Deux exemples illustrent bien mon propos :

  • l’emoji “pistolet”, représenté sous forme d’un pistolet à eau depuis iOS 10
  • L’emoji “pêche”, réputé pour sa ressemblance à une paire de fesses et qui a failli perdre son apparence suggestive — avant qu’un tollé général ne pousse Apple à revenir sur sa décision

Ces derniers exemples illustrent bien ma pensée selon laquelle les emoji forment un véritable langage moderne, un lexique à la fois très répandu et dont on ne conçoit pas encore tout à fait l’importance.
En outre, l’intérêt que de grandes entreprises, comme Facebook ou Apple, accordent aux emojis va dans mon sens : maîtriser le ton et le langage utilisé dans son application est loin d’être anodin.

J’aurais encore beaucoup à dire sur le sujet passionnant des emojis, que je considère comme l’esperanto du XXIe siècle. Si le sujet vous plaît, dites-le moi en commenaire, car je songe à écrire un article là-dessus !

💎 La pépite de la semaine

Design émotionnel à la Nintendo

Dans le jeu vidéo Super Mario Run, quand le joueur écoute sa propre musique, tous les personnages du jeu se retrouvent avec des casques audio sur leurs oreilles.
Immersion, identification ; Nintendo nous ici offre une petite pépite de design émotionnel, simple et efficace.

(source Reddit)

😅 La billevesée de la semaine

Les emojis de Samsung en roue libre

On reste dans le thème des emojis avec le cas un peu particulier de Samsung, qui illustre bien les différences d’interprétation des emojis Unicode selon les plateformes.
En effet, comme on peut le voir ci-dessous, la marque sud-coréenne est réputée pour prendre une certaine liberté dans ses emojis…

Différentes version de l’emoji “cookie” (source Emojipedia)
Différentes version de l’emoji “imp” (source Emojipedia)
Différentes version de l’emoji “alien” (source Emojipedia)

Les exemples ne manquent pas, vous pouvez les retrouver sur un article dédié sur le site Emojipedia (article en anglais, temps de lecture estimé : 5 minutes).

Je tiens à terminer sur une perle dont seul Samsung a le secret, avec cette version, depuis corrigée, de l’emoji “fingers crossed” (“doigts croisés”) :

Différentes version de l’emoji “fingers crossed” (source Emojipedia)

Alors, vous avez repéré l’anomalie ? L’anatomie sud-coréenne a décidément de quoi nous surprendre…

Ainsi se clôt la revue UX #4 ! Qu’en avez-vous pensé ? Je serais ravi de lire vos retours. Dans tous les cas, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle revue UX.

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Guillaume Tarsiguel

UX designer • interested in ethics in design, human-computer interaction, and emoji cryptology 👽• www.guillaumetarsiguel.fr