Revue UX #5

Cuphead, ou le paradoxe du jeu vidéo trop difficile

Guillaume Tarsiguel
6 min readOct 31, 2017

Octobre 2017 — semaine 44 — 🇬🇧 🇺🇸 English version available here

Bonjour et bienvenue dans la cinquième édition de ma revue UX ! Je suis Guillaume Tarsiguel, UX designer chez Bloomin, et, chaque semaine — à peu près — , je vous partage, ma vision sur l’actualité et les tendances du design UX, sur l’Internet et au-delà.
Au menu de cette semaine : un jeu vidéo qui fait débat, un cockpit d’avion, et un livre de survie pour UX designer entreprise. C’est parti pour la revue UX #5 !

💬 Le débat de la semaine

Cuphead, ou le paradoxe du jeu vidéo trop difficile

Développé le studio indépendant MDHR, Cuphead est un jeune jeu vidéo dont l’univers est inspiré par les dessins animés des années 30. Avec sa patte artistique particulièrement léchée, Cuphead a su conquérir la presse et le public, et s’est vendu à plus d’un million de copies en moins de deux semaines après son lancement fin Septembre.

Capture d’écran du jeu Cuphead

Malgré ce succès, des débats n’ont pas tardé à émerger. Le feu aux poudres : l’article d’un journaliste spécialisé, Dean Takahashi, se plaignant de la difficulté du jeu — et de poster, pour preuves, ses premiers pas très laborieux en vidéo. (article en anglais, temps de lecture estimé : 5 minutes)

Ainsi, une certaine presse déplore la difficulté exagérée du jeu vidéo, avançant que cette dernière gâche tout le plaisir. La communauté des gamers, elle, trouve cette critique injuste et s’en offusque. Et je dois dire être assez d’accord avec ces derniers ; reprocher à un jeu vidéo d’être trop difficile me paraît absurde : cela dépend du public visé.

Un jeu tout public n’est pas meilleur ou moins bien qu’un jeu qui nécessite plus d’habileté et d’investissement, ce sont simplement deux façons distinctes de jouer et d’apprécier un jeu vidéo.

Une interface trop mignonne ?

Cuphead n’est pas le premier jeu réputé pour sa difficulté. Le jeu Dark Souls, par exemple, est l’archétype du jeu difficile mais n’avait pas subi les mêmes critiques venant de la presse. Et pour cause ; l’apparence du jeu, d’emblée moins abordable aux non-initiés, annonçait déjà la couleur : le jeu sera dur.

Capture d’écran du jeu Dark souls

Selon moi, c’est bien là le fond du problème : le marketing grand public et le graphisme mignon de Cuphead ont pu avoir été perçus comme la promesse d’un jeu sans prise de tête — or c’est loin d’être le cas.

Être, ou ne pas être facile à jouer, telle n’est pas la question

Le débat sur la difficulté de Cuphead fait écho à un souci d’UX design au sens plus large, quand une interface homme-machine est décrite comme ou trop complexe. Or cela dépend, ici aussi, du public visé.

Par exemple, les interfaces d’outils métier n’ont pas à être trop accessibles, elles ont même tout intérêt à reposer sur un certain niveau d’expertise de la part de l’utilisateur pour permettre, en contrepartie, la réalisation d’actions plus complexes. Un néophyte trouvera sans doute cette interface incompréhensible, mais ce n’est pas un problème.

Trop compliqué, un cockpit d’avion ? Sans doute pour le commun des mortels, mais pas pour un pilote de ligne — qui est l’utilisateur cible, et donc le seul qui compte

Quand le jeu vidéo guide l’UX design

L’étude de cas de Cuphead illustre une des nombreuses leçons que le monde du jeu vidéo peut enseigner à celui de l’UX design.

En effet, la majorité des interfaces homme-machine que nous utilisons au quotidien servent un objectif,une action à accomplir : commander de la nourriture avec UberEats, envoyer un message à un ami avec Whatsapp, vérifier ses comptes avec les appli bancaires, etc. C’est grâce à l’existence de cet objectif que les utilisateurs sont prêts à subir des interfaces parfois mal conçues.
C’est en cela qu’un jeu vidéo est fondamentalement différent : c’est une interface homme-machine pure, qui n’est plus un moyen mais une fin en soi. Il n’y a aucune action à accomplir au-delà d’un jeu vidéo, l’intérêt réside tout entier dans l’interaction elle-même. Par conséquent, rien n’empêche un joueur de lâcher sa manette dès qu’il ne s’amuse plus.

(source Maya Stepien)

La conception d’un jeu vidéo ne tolère donc absolument pas de mauvaise expérience utilisateur. Et c’est pour cela qu’en tant qu’UX designer, je garde toujours un œil intéressé sur le monde des jeux vidéo.
C’est un univers riche en apprentissages, en avance dans un certain nombre de notions d’UX design, comme les tests utilisateurs et la gamification 🎮

📄L’article de la semaine

Convaincre son entreprise de l’intérêt de l’UX

(en français, temps de lecture estimé : 5 min)

Si l’UX design semble avoir le vent en poupe, du moins dans les offres d’emploi, c’est hélas parfois une illusion. En effet, le rôle de l’UX design reste encore difficile à appréhender pour qui n’y a jamais vraiment été confronté, notamment en France. Ainsi, il n’est pas rare qu’un UX designer en entreprise n’en ait que le nom, et se retrouve à faire le travail d’un graphiste, d’un webdesigner, d’un intégrateur, d’un product manager…

Face à ce constat, UX-republic délivre un article clair et concis qui résume le propos du livre User Experience Revolution de Paul Boag. Voici les quatre points-clefs pour évangéliser votre entreprise à l’UX design:

  • Chamboulez le statu quo en choquant (exemples flagrants, chiffres marquants, etc.)
  • Créer une petite équipe de mordus de l’UX
  • Partager vos trouvailles autour de vous — comme je le fais avec ma revue !
  • Choisissez un petit projet, et traitez-le en mode UX design de A à Z

Personnellement, je me félicite d’être, à Bloomin, au sein d’une entreprise consciente de l’importance de l’UX design dans la conception de son produit. Ateliers d’idéation, recherche utilisateur, tests sur des prototypes, etc. :dans la mesure du possible, toutes les étapes du process UX sont mises en œuvre pour offrir la meilleure expérience utilisateur possible.

On se rend alors bien compte que pratiquer l’UX design n’a pas pour vocation à faire plaisir aux UX designers ; il y a un réel impact positif sur les utilisateurs, sur le produit — et par extension sur l’entreprise dans son ensemble.

Quelques ateliers d’idéation que j’ai réalisés chez Bloomin

Ainsi se clôt la revue UX #5 ! Qu’en avez-vous pensé ? À bientôt pour la prochaine revue…

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Guillaume Tarsiguel

UX designer • interested in ethics in design, human-computer interaction, and emoji cryptology 👽• www.guillaumetarsiguel.fr