Entre feu et fer
Au XIXème siècle Molenbeek était un haut lieu de l’industrie. On l’appelait « le petit Manchester belge ». Aujourd’hui, ils sont une poignée à perpétuer cette mémoire. Parmi eux, Michel Mouton est forgeron.
Fabrication de tissus, d’instruments de musique ou alimentation… Les machines sont toujours là, mais elles ne tournent plus depuis longtemps. Au musée de la Fonderie, il faut sortir de l’épaisse bâtisse en briques pour avoir un peu d’animation.
La longue silhouette de Michel Mouton déambule entre les enclumes. Il vient d’enfiler son épaisse blouse. « Vous êtes fumeur ? » demande-t-il, en déchirant des morceaux de carton avant de les déposer sur le foyer. Un briquet traîne. Premier essai.
Plus de fumée que de flammes. Deuxième essai, avec du papier journal cette fois-ci.
Le feu prend. À l’aide d’une petite pelle Michel Mouton répand le charbon, qui vient peu à peu à incandescence. Il en profite pour tout nous expliquer sur la fusion.
Il fouille dans ses outils, forgés à la main. Certains sont frappés de son nom. Il jette son dévolu sur une pince, avec laquelle il saisit un morceau de fer d’une dizaine de centimètres.
Il le plonge dans le feu
Drôle de parcours que celui de Michel Mouton. Il cite volontiers le cas de Saint-Paul, tombé de son cheval suite à l’apparition du Christ. Pour lui, la forge fut une véritable révélation.
À 23 ans, l’étudiant en école d’interprète quitte Bruxelles pour la Grande-Bretagne. Il s’inscrit en école d’art. Là, il croise la route d’Alfred Habermann. Un maître forgeron allemand mondialement respecté. Il s’initie.
“Quand j’ai découvert le travail d’Alfred Habermann ça a été un choc. Un truc indescriptible”
Il passe quatre années à ses côtés. Puis parcourt le monde entier : Israël, Autriche…
À mesure que le marteau heurte le fer incandescent, le morceau s’aplatit et s’allonge.
Sa taille a été multipliée par trois
Pour transmettre sa passion Michel Mouton a créé “feu et fer”. L’association organise des stages en Belgique.
Comptez en moyenne trois cents euros et plusieurs jours pour découvrir l’art de la forge
“Certains veulent se fabriquer des épées. Vous savez, moi je suis pacifiste”
Ultime étape de la forge : le modelage.
À coups de marteau, Michel Mouton enroule l’extrémité autour d’un cône.
Le fer forgé peut maintenant être immergé
Point d’épée, mais une fort belle pique. Elle porte les traces de marteau laissées par le forgeron. Une marque d’authenticité.
À terme, Michel Mouton espère quitter son chapiteau noirci par le charbon, pour s’installer au sein même de la Fonderie.
Prise de son et montage : Damien Gozioso
Photo, texte et création : Thibault Seurin