#05. Termine avant d’améliorer.

Les 5 meilleurs conseils pragmatiques que j’ai jamais reçus

Thomas Gadroy
6 min readMay 13, 2020
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Done is better than perfect” dit-on chez les startups.

Le mieux est l’ennemi du bien” écrivait Voltaire.

Peu importe comment on la tourne, cette idée, cette vérité plutôt, est vitale pour chaque entrepreneur, chaque créatif (et même chaque personne qui peut être amenée à créer des choses dans son travail).

Il est tellement tentant de continuer à améliorer, à changer, à modifier, à optimiser… au lieu de s’arrêter et de dire : ok, voilà, c’est terminé. On met en ligne. On lance. On rend officiel. On envoie au destinataire.

Je ne trouve pas les mots pour dire à quel point cet état d’esprit est important de nos jours, alors je vais plutôt m’en remettre à une anecdote.

L’entreprise X s’est raté dans la distribution d’un nouveau produit

Une nouvelle gamme de produits est arrivée en magasin, mais les conseillers de vente n’ont pas les informations dont ils ont besoin pour vendre ces produits aux clients.

On avait sous-estimé ce problème et les questions qu’allaient poser les clients sur ce type de produit, assez nouveau pour les équipes en magasin.

Au siège social, on se réunit un peu en catastrophe pour trouver une solution.

Avant la fin de la journée, on a réussi à trouver et à rassembler une version .pdf de chaque notice, manuel et document nécessaire (en fouillant le web, en contactant les fabricants, etc.).

On les a compilés dans un fichier .zip et on est prêt à les envoyer par mail à chaque magasin.

Hum.” s’exprime un responsable.

Il trouve que la solution n’est pas très pratique. Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt les mettre sur l’intranet ?

Il faut passer par le prestataire informatique, qui accepte de prendre la demande en urgence.

Deux jours plus tard, alors qu’on regarde une prévisualisation de ce que cela va donner, avant de mettre en ligne, un responsable s’exprime.

Hum.”

Ce n’est pas très pratique tout ça. Il y a près de 200 fichiers. Est-ce qu’on ne pourrait pas ajouter une barre de recherche pour que…

Et chaque journée que l’on va passer à réfléchir à “comment optimiser” ou à “ce que l’on pourrait faire mieux” est une journée de plus que les équipes en magasins vont passer démunies.

Ou est la valeur ?

La priorité, c’est de donner aux équipes en magasin ce dont elles ont besoin pour travailler. Une fois fait, on pourra chercher comment optimiser le système. Le rendre plus simple, plus intuitif, plus pro, plus ludique.

“Ou est la valeur ?”

C’est une question que je me pose systématiquement pendant chaque projet sur lequel je travail.

Je l’écris en gras et en haut de chaque brief, chaque cahier des charges, chaque brouillon d’article.

POURQUOI ?

Pourquoi on passe du temps là-dessus ? Pourquoi c’est un sujet ? Ou est la valeur ? Quelle est la priorité ici ?

On trouvera toujours des idées de choses que l’on pourrait faire en plus. D’amélioration. D’optimisation. Mais quel est le cœur, quel est le noyau ?

La loi des 80 / 20 affirme que l’on observe couramment des situations où 80% du résultat vient de 20% des causes.

Quel est le 80% de résultat que l’on a besoin d’atteindre ici ?

Quel est le minimum vital pour faire le job ?

Quels sont les musts ?

La vérité impopulaire est que plus on s’éloignera de ces must, plus on entrera dans les finitions, et plus notre productivité va chuter. Plus chaque incrément de résultat que l’on va obtenir va nous coûter cher.

Et ce n’est même pas le plus gros risque.

Plus on retarde le moment de confronter notre création à ses destinataires, plus on prend de risques

L’entreprise X a enfin mis les documents en ligne sur son intranet. Avec un beau module de recherche (qui a coûté trois jours de travail, mais qui va aider à trouver plus facilement le bon document).

On envoie un email à tous les magasins, on se congratule et on commence à choisir un bar pour aller arroser ça.

Mais les magasins commencent à répondre au mail.

“Dites les gars, vous êtes mignons, mais c’est pas ça qu’il nous fallait. Les notices, on les avait trouvées nous-mêmes. On sait se servir de Google, merci. Ce qu’il nous faut, c’est le discours de vente à tenir sur….”

Plus on attend pour confronter une solution à un problème, plus on augmente les chances de se tromper (et la difficulté à revenir en arrière).

En gestion de projet, on parle d’effet tunnel.

Imaginez que vous prenez un auto stoppeur avec vous à Lille, mais qu’il y a un quiproquo sur la destination. Vous allez à Strasbourg et lui se dirigeait vers Brest.

Est-ce qu’il vaut mieux s’en rendre compte au dernier moment ? Ou 5 minutes après avoir démarré ?

Ajuster, optimiser et améliorer sont trop souvent des excuses pour repousser le moment de “livrer”

C’est valable sur les projets en groupe, dans le cadre professionnel, mais ça l’est encore plus quand on travaille seul sur un projet. Entrepreneur, créatif, designer, graphiste, musicien, rédacteur…

On a peur de se rater.

On a peur de montrer le résultat de son travail au monde.

On s’est tellement investi (émotionnellement parlant) dans ce projet que l’on veut qu’il soit parfait. Que l’on envisage pas de le révéler tant qu’on trouve encore des choses à peaufiner.

Enfin, ça, ce sont les raisons que l’on s’avoue à voix haute. Il y en a d’autres, moins acceptables et plus difficiles à reconnaître.

La peur d’essuyer des critiques. Des corrections. Des “Tu aurais pu faire ceci ou cela”.

La peur de révéler des choses sur soi.

Ou tout simplement, le fait d’avoir perdu la flamme.

Après tout, la plupart des projets passent par un ascenseur émotionnel. L’excitation et la nouveauté du début s’effacent pour laisser la place à du découragement, de la fatigue et de la lassitude quand il faut concrétiser et livrer.

(“The Life of a Project, by Austin Kleon, inspired by Maureen McHugh)

Réajuster, recommencer, modifier, optimiser, ajouter, enlever… sont autant d’opportunités de repousser le moment où il va falloir confronter sa création au reste du monde.

Alors que c’est la “livraison” qui donne tout son sens au projet.

Continuer de travailler sur sa création va même avoir des effets pervers. A force “d’ajuster”, on complique généralement ou on casse la magie des premières versions.

On accouche d’une usine à gaz.

Ou on gaspille du temps, de l’énergie et de l’inspiration.

Trois remèdes à garder en tête

1/ On peut souvent itérer après avoir terminé.

Certains jobs exigent que l’on soit perfectionniste dans son travail.

Vous rédigez un document juridique. Vous travaillez dans la sécurité. Vous êtes contrôleur aérien. Vous êtes chirurgien. Vous êtes comptable.

Mais à moins d’être dans l’un de ces jobs très particuliers, c’est ce que vous êtes capable de livrer qui compte. Pas votre capacité à obtenir des résultats irréprochables.

2/ La “Perfection” est un concept théorique.

Le mot “Parfait”, pris au sens littéral, veut dire “tout à fait fini”.

Rien n’est jamais tout à fait fini. On peut toujours trouver quelque chose à ajouter, à retirer ou à changer.

Au mieux, la perfection est subjective. “Voilà ce que, moi, je veux pour considérer que le travail est achevé.”

3/ Livrer et montrer une création avec des failles demande du courage. Mais, sur le long terme, c’est une manière de vivre beaucoup plus confortable que l’inverse.

Il y a des personnes qui parlent pendant des années de se lancer, de faire des choses. Et qui repoussent sans cesse l’échéance. Qui ne livrent rien. Qui ne montrent rien.

Et il y a les personnes qui prennent des risques. Qui livrent au monde des créations foireuses. Pleines de failles. D’améliorations possibles.

Qui en apprennent. Qui progressent.

Soyez dans cette seconde catégorie. Elle demande un peu de courage à chaque fois, mais est bien plus vivable sur le long terme.

Cet article fait partie de la série “Les 5 meilleurs conseils pragmatiques que j’ai jamais reçus ces 10 dernières années”.

Des vérités simples et parfois enfantines, que l’on oublie facilement, mais qui font toute la différence. Dans la vie professionnelle et dans la vie personnelle.

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Thomas Gadroy

Content Strategist @Payfit, passionné de marketing pragmatique et #NoBullshit.