Astuces pour traiter le syndrome de l’imposteur

Thomas Gadroy
8 min readApr 13, 2020

--

Photo by Jakob Owens on Unsplash

“Dites, le syndrome de l’imposteur là… C’est pas un truc qui va rester quand même ?

Je veux dire, là c’est normal : ce sont mes premiers jobs. Je débarque. Je sais rien sur rien.

Ton premier jour de travail, armé de ce que tu appris pendant tes études

Mais ça ne va pas durer, hein ? Hein ?

Pourquoi vous ne dites rien ?”

En arrivant sur le marché de l’emploi, le syndrome de l’imposteur me paraissait plutôt normal. Je démarrais de zéro, après tout.

Normal de ne pas se sentir légitime.

Aujourd’hui, plus de dix ans plus tard, après…

  • Plusieurs jobs…
  • De très belles rencontres avec des gens qui m’ont aidé à monter en compétence…
  • De beaux projets…
  • Une quantité presque déraisonnable de temps perso investi en autoformation et en side-projects afin de monter en confiance…

…le syndrome de l’imposteur est toujours là.

Pourquoi ? Parce que tous ces progrès, aussi importants qu’ils soient, ne sont pas une solution.

Le syndrome de l’imposteur fonctionne comme la boulimie : ce n’est pas une faim que l’on peut apaiser en mangeant plus

Ce sentiment de malaise et de ne pas être légitime dans son job traîne encore ses guêtres dans un coin de notre esprit… même bien après qu’on ait accumulé patiemment tous les petits signes de reconnaissance et de succès qui nous font dire “attends, ça va : je connais un peu quand même. J’ai un peu roulé ma bosse.

Il est encore là quand on pense avoir compris et accepté l’effet de “Gap” chez les créatifs dont parlait Ira Glass.

Quand on s’est dit “Ok, je suis capable de regarder le travail de gens beaucoup plus doués que moi et de personnes que j’admire. Et de m’en inspirer. Mais sans me comparer à eux et sans me décourager parce qu’ils sont à un niveau auquel je ne suis pas et auquel je ne serais peut être jamais.

Même quand on a fait tout ça, le syndrome de l’imposteur trouve de nouvelles portes par lesquelles entrer.

Il y a quelques années, le mien s’est mis doucement à changer son fusil d’épaule.

Et plutôt que de me faire douter de “ce que je sais faire”, il me fait douter de l’avenir de ces compétences et de ce métier (“Oui, bon… savoir écrire et créer des contenus, c’est bien, mais c’est pas vraiment un métier.”)

Parce que, encore une fois : le syndrome de l’imposteur n’est pas rationnel. Il frappe dans les moments de fatigue ou de doute. Même si on sait, dans sa tête, que les peurs et les anxiétés qu’ils poussent sont fausses, elles démangent quand même.

Si tout ça vous parait familier, j’ai deux astuces qui pourraient vous intéresser.

Technique #01 : tenir à jour une liste des “livrés” à la semaine

Je garde toujours ouvert sur mon ordinateur un document vierge dans lequel je note les éléments concrets auxquels j’ai contribué pendant le semaine.

Il ne s’agit pas de noter les “efforts” ou ce sur quoi j’ai passé du temps, mais réellement les “livrables”

  • 4 articles de 600 mots
  • Un benchmark des outils pour notre prochaine plateforme
  • Une nouvelle catégorisation pour une base de connaissance
  • Etc.

Chaque vendredi, je jette un coup d’oeil à la liste des livrables “tombés” pendant la semaine.

Cela va peut-être vous paraître très scolaire, mais je vous assure que les effets sont positifs.

Faire cet exercice aide de se rendre compte du travail abattu. Dans la course du quotidien, on perd facilement de vue ce qui est fait.

Regarder sa liste le vendredi et se dire “Ha mais c’est vrai qu’il y a eu ça aussi, et ça. Et ça.” fait du bien et aide à remettre les choses en perspectives.

Il ne s’agit pas de noter chaque micro-tâche qui a été réalisée.

Ou uniquement les “gros projets” que l’on met un trimestre à terminer.

Mais les “morceaux” importants pour faire avancer le puzzle du mois ou du trimestre.

Très concrètement, je fonctionne de la façon suivante.

Quand je change de job (et au début de chaque nouveau trimestre), j’essaye d’avoir une vision la plus claire possible sur la raison d’être de mon job.

  • Quels sont les objectifs de l’entreprise ?
  • Quelle est sa mission ?
  • Quels sont les objectifs du service ou de l’équipe dans lequel je suis ?
  • Quelles sont les expertises dans les grandes lignes que l’on attend de moi
  • En quoi ces expertise vont servir ces objectifs ?

C’est le premier niveau, la base fondamentale. Et c’est là-dessus que je m’appuis pour définir ensuite les 3 à 6 gros projets importants que je veux réussir ce trimestre.

Chaque projet est ensuite découpé et précisé.

  • De quoi s’agit-il ?
  • Pourquoi est-ce important ?
  • Quel résultat concret et mesurable est-ce que l’on attend ?
  • Quelles sont les étapes qui vont permettre a priori d’arriver à ce résultat ?
  • Quelles vont être les différents livrables au fil des étapes ?

Armé de cette liste de livrable, j’ai des objectifs concrets que je peux atteindre chaque mois et chaque semaine.

C’est cette logique qui me permet de m’assurer chaque semaine que mon temps n’a pas été perdu, car j’ai réussi à faire avancer l’aiguille dans le bon sens.

Le point fort de cette approche

Par le passé, j’avais essayé d’autres approches pour me rassurer un peu et me dire que le travail que je produisais avait de la valeur.

Par exemple, mesurer tout simplement le temps passé chaque jour sur chaque projet. Pour pouvoir prouver aux autres et à moi-même que je ne chaumais pas, et que j’y mettais les heures.

Il y a des outils très pratiques pour le faire simplement (Toggle par exemple).

Mais cela ne marche pas contre le syndrome de l’imposteur. “Passer du temps sur quelque chose” ne veut pas dire “créer de la valeur”.

Alors pourquoi ne pas mesurer les “conséquences” de mon travail ? Les résultats ?

J’ai la chance de travailler dans le marketing, où les indicateurs ne manque pas : trafic, positionnement dans les moteurs de recherche, nombre de visites, etc.

Seulement, voilà : c’est un autre jeu de dupe. Ces indicateurs n’aident en rien contre le syndrome de l’imposteur.

Oh, bien entendu, il est important dans ce type de métier de les suivre chaque semaine (voire chaque jour)… mais laisser l’image qu’on a de soi et de la qualité de son travail dépendre directement de ces chiffres me paraît une très mauvaise idée.

Tout simplement parce qu’il y a beaucoup d’autres facteurs qui peuvent jouer sur ces chiffres : les ressources disponibles pour agir, le contexte, la saisonnalité, la concurrence, etc.

Et je pense que c’est le cas dans nombre de métiers, peut-être le vôtre :

On peut faire un excellent travail et se retrouver avec des résultats peu satisfaisants. Ou faire un travail médiocre et avoir tous ses indicateurs au vert.

Ce que j’aime dans l’idée de mesurer les livrables, c’est qu’il s’agit d’un bon équilibre, plus objectif, entre “regarder le temps passé” et “regarder les résultats obtenus”.

Technique #02 : se rappeler ce que l’on aime dans son travail… et le savourer

Cela va vous paraître terriblement naïf et cliché, mais il est trop facile de perdre de vue ce que l’on aime le plus dans son travail, à force de courir, de gérer des urgences et de passer la journée la tête dans le guidon.

Ou tout simplement à cause de ce penchant naturel que l’on a un peu tous à regarder ce qui nous manque au lieu de profiter de ce que l’on a.

Ce qui est un peu stupide, non ?

Personnellement, il y a de nombreux aspects de mon job que j’apprécie sincèrement et qui me rendent heureux quand je peux les pratiquer à longueur de journée.

  • Écrire
  • Faire de la recherche sur un sujet pour comprendre et apprendre de nouvelles choses
  • Réfléchir à des moyens de repartager ce que je viens de découvrir à d’autres
  • Discuter avec des professionnels et des experts pour comprendre leur sujet et les aider à l’expliquer par écrit à d’autres personnes
  • Analyser de la data pour trouver des idées à exploiter ou des opportunités d’amélioration
  • Reprendre des textes écrits par d’autres et trouver des moyens d’optimiser les tournures pour faciliter la compréhension du message

Avec le temps, j’ai découvert que ce sont les aspects du job que je trouve sincèrement plaisants. Pas “plaisants” dans le sens “soirée bière pizza devant Netflix” ou “ballade en forêt au calme”, mais plaisants tout de même. Stimulants. Un bon moment.

Et pourtant, je commence à me rendre compte que je peux passer une bonne partie d’une journée à faire des activités de ce type… mais quitter le bureau grincheux, fatigué, en me disant que j’ai passé une journée bof.

Je pense que l’on perd assez facilement de vue les choses que l’on aime. Et que notre cerveau se focalise naturellement sur les choses qui ne vont pas. Parce que ce sont celles qui méritent notre attention. Parce qu’il faut les corriger.

Je pense aussi que cette tendance, tout naturelle qu’elle soit, est dangereuse et toxique. Pour notre bien-être, notre moral et même pour la manière dont on vit notre job au jour le jour.

Il suffit de passer plusieurs semaines d’affilées dans cette humeur pour se mettre à douter de soi, de ce qu’on fait, de ce qu’on sait faire ou de ses propres chances d’être épanoui.

Le simple exercice de se poser de temps en temps pour se rappeler ce que l’on aime faire dans son job (et de savourer ces moments quand ils se présentent) change considérablement la manière dont on vit ses journées.

J’ai réalisé que, inconsciemment, je rate ces moments parce que je me sens un peu coupable de passer du temps au bureau sur des activités que j’apprécie sincèrement, et qui me rappellent un peu le même plaisir et la même joie que j’avais, enfant, en jouant ou en racontant des histoires.

Je pense qu’il faut apprendre à se débarrasser de ce réflexe un peu stupide qui nous fait dire que l’on ne doit pas profiter d’une activité qui nous plaît au travail.

Prendre plaisir à ce que l’on fait et accepter que l’on est bon dans une activité fait beaucoup pour lutter contre cette voix toxique qui résonne et qui nous fait douter de nous-même.

--

--

Thomas Gadroy

Content Strategist @Payfit, passionné de marketing pragmatique et #NoBullshit.