Envie d’écrire pour le web ? Oubliez ce qu’on vous a appris à l’école

Thomas Gadroy
6 min readApr 18, 2020

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Vous avez envie de prendre la plume (ou plutôt le clavier) ? D’écrire des articles de blog ? Votre premier article Médium ? Des contenus pour vous aider à trouver un job ou des clients ?

Si c’est votre cas, je pense sincèrement que le meilleur conseil que l’on puisse vous donner, c’est : oubliez ce qu’on vous a appris sur l’écriture à l’école.

Mais qu’est-ce qu’il a contre l’école, celui-là ?

Simple.

La manière dont on nous apprend à écrire pendant nos études (de l’école primaire jusqu’au lycée ou à l’université) est une manière très artificielle d’écrire.

Faute d’un terme “officiel” pour décrire cette écriture bien particulière, je l’appelle personnellement “L’écriture scolaire”.

C’est le style dont vos professeurs ont essayé de vous imprégner au fil de chaque dissertation de philosophie, chaque étude de texte littéraire et chaque essai d’histoire que vous avez pu rédiger pendant vos études.

Comprenez : certains types d’écriture essayent de distraire le lecteur. Peut-être de le surprendre, de l’emmener dans une histoire ou de le plonger dans un univers.

D’autres styles essayent de passer une information au lecteur, de la manière la plus claire et intelligible possible. Pour que le lecteur puisse immédiatement s’en servir.

L’écriture scolaire, elle, n’a qu’un seul objectif : montrer que vous avez bien retenu votre leçon.

Que vous pouvez passer l’examen.

Ce style impose donc 2 principes très stricts, qu’il faut observer à la lettre

Premièrement : pas de sous-entendu, d’humour ou de tournage autour du pot.

Vous devez montrer que vous avez compris, retenu et que vous êtes capable de restituer l’information. Hors de question de faire le petit malin et de se cacher derrière des tournures vagues qui vont sous-entendre que vous avez la réponse, mais que vous refusez de la donner directement.

Ironie, humour, allusion (et une bonne partie de la trousse à outil rhétorique) => Dehors.

Deuxièmement : on veut du guindé. Du solennel. De la pompe. De l’emphase.

On est dans un domaine sérieux. On attend de la forme. Du cérémonieux. De la raideur. Et, oui, on s’attend à ce que vous mettiez un peu de grandiloquence et de sophistication.

Du jargon. Des phrases longues. Autant de “En effet”, de “Or donc” et de transitions capilotractées que vous arriverez à placer. Point bonus si vous en placez une au début de chaque phrase, pour montrer à quel point vos idées s’enchaînent naturellement.

Le premier qui glissera de la subjectivité, de l’humour, un smiley, un terme anglais, une élision ou un .gif dans son texte aura droit à un high-five. Dans la tête. Avec une chaise.

Bon, alors, malheureusement :

C’est la pire manière possible de faire passer une information d’un être humain à un autre

Ce style n’est pas du tout approprié à l’écriture sur le web. Ou, tout simplement, à la communication entre les êtres humains.

Entre autres (sans chercher à le disséquer de A à Z)…

Il accumule les tournures passives et négatives.

“Vous n’êtes pas sans savoir”

Il a une fâcheuse tendance à utiliser du jargon ou des termes inutilement compliqués.

“L’obsolescence des mécaniques d’automatisation de la chaîne de production est le facteur principal du déclin de ce système.”

Il “force” certaines bonnes pratiques utiles à petites doses et illisibles quand on en abuse. Comme “Mettre des transitions”.

Quand le texte se donne la peine de mettre des titres et des sous-titres, on se retrouve avec des labels (descriptifs, froids)…

“Du déclin de l’empire austro-hongrois de telle année à telle année”

… plutôt que des titres : des apostrophes qui captent l’attention du lecteur et lui donne envie d’aller plus loin dans la lecture

“7 révolutions en moins d’un an : cet empire a connu le déclin le plus rapide de l’histoire de l’Homme”

Et peut-être le problème le plus important de tous : cette fâcheuses manie de remplacer les verbes d’action par des substantifs.

“La migration des pages par l’équipe X a atteint une complétion de 100%.”

au lieu de

“L’équipe X a fini de migrer les pages.”

Je ne sais pas d’où vient cet a priori qui traîne dans un coin sombre de notre crâne et qui veut nous faire croire que nous exprimer de cette façon, à l’envers, sonne plus officiel, plus sérieux.

Ce que je sais, c’est qu’il est problématique pour notre cerveau qui, lui, aime bien entendre des histoires, de l’action : un sujet, un verbe et éventuellement un complément.

Cette manière de s’exprimer de façon artificielle nuit énormément à la compréhension

Ce style est parfait dans un cadre académique : pour montrer à quelqu’un qui connaît déjà l’information que, nous aussi, on l’a comprise.

Ou pour présenter une découverte à d’autres experts qui maîtrisent la thématique et qui vont disséquer chaque ligne pour essayer de voir si vous êtes un confrère crédible… ou un charlatan.

Mais ce style devient complètement inutile dès que vous cherchez à communiquer.

  • A convaincre des gens.
  • A les inspirer.
  • A les faire changer d’avis.
  • A leur ouvrir l’esprit.
  • A leur passer une information utile et utilisable.

Et pourtant, c’est ce style que vont naturellement adopter la plupart des gens dont écrire n’est pas le métier quand ils doivent prendre la plume ou le clavier.

Parce que c’est le style qu’ils ont appris à l’école. Et parce que, dans un coin de notre tête, nous entretenons cette idée qu’un style sérieux se doit d’être imbitable.

(Surtout dans le monde de l’entreprise. Sérieusement : on peut être crédible ET compréhensible. Ce n’est pas incompatible.)

Le résultat, c’est cette bouillie que vous pouvez constater sur énormément de sites internet. Un style qui est non seulement plus compliqué à comprendre qu’un style naturel (comme le langage parlé), mais qui en plus de ça a autant de personnalité qu’une brique molle.

Alors voici un remède tout simple pour vous aider à vous en détacher

La prochaine fois que vous allez écrire, quelque soit le sujet : avant d’ouvrir un document sur votre ordinateur ou de saisir une feuille de papier, isolez-vous au calme.

Sortez votre téléphone. Activez le magnétophone. Fermez les yeux. Et imaginez que vous avez en face de vous votre lecteur (pensez à une personne réelle, ça aide, sérieusement) et racontez-lui à voix haute ce que vous avez à dire.

Ne prenez pas de grands airs, ne cherchez pas à faire des phrases enflées.

Exprimez-vous normalement, comme vous le feriez avec cette personne si vous étiez à une terrasse ou dans une salle de réunion.

Il ne vous viendrez jamais à l’esprit, lors d’une discussion à la machine à café, de sortir à votre interlocuteur que “la mutualisation des dispositifs de communication terrain alimentée par la synergie Managee-Manager vous permettra d’installer une communication 360 fonctionnelle” ?

Non ?

Alors ce genre de phrasé n’a rien à faire dans votre texte.

Se détacher du style scolaire est important pour deux raisons

La première (je pense que vous l’avez compris avec mes ânonnements ci-dessus) : ce style ne vous aidera pas à être compris par vos lecteurs. Ils vont avoir besoin de plus d’efforts que nécessaire pour vous comprendre et vous risquez de perdre quelques personnes en cours de route.

La deuxième raison, moins évidente, mais tout aussi importante vu la masse de contenu qui est publiée chaque jour sur la toile : il devient de plus en plus important pour être visible d’éviter de produire de la soupe insipide. Des contenus qui n’ont pas de personnalité. Qui aurait pu être rédigés par une machine

Si je cherche une information sur la toile, que je commence à lire votre page web et que votre texte est aussi lisible et attractif que les conditions générales d’utilisation chez Apple, vous pouvez être certain que je vais illico faire demi-tour vers la page de résultats de Google et chercher un autre site qui m’expliquera de manière plus claire ce que j’ai besoin de savoir.

Si je ne cherche même pas une information, que je navigue un peu en dilettante et que je commence à vous lire parce que votre titre a capté mon attention, c’est encore pire. Vous avez intérêt à avoir trouvé le remède contre le cancer si vous vous exprimez comme un manuel d’histoire et que vous espérez que je continue de vous lire.

Le meilleur moyen de créer quelque chose qui ait de la valeur ajoutée pour les personnes qui vont vous lire, c’est d’être vous-même.

De parler normalement.

C’est ce qui fait votre personnalité, votre richesse, votre rareté. Utilisez-la.

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Thomas Gadroy

Content Strategist @Payfit, passionné de marketing pragmatique et #NoBullshit.