La différence entre un écrivain et un rédacteur

Réflexions de comptoir

Thomas Gadroy
7 min readMay 13, 2020
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La question peut paraître futile (et ma réponse complètement arbitraire), mais c’est en réalité un point assez important dans mon métier (= je suis rédacteur).

C’est une vérité que j’essaye régulièrement de faire comprendre à des clients, collègues, managers ou parfois même, des confrères.

La différence entre l’écrivain et le rédacteur, c’est pour moi la même différence qu’entre l’Artiste et le Créatif professionnel.

Je m’explique.

L’artiste

L’artiste se nourrit du monde qui l’entoure. Il observe et il voit des choses à côté desquelles la plupart des gens passent s’en même s’en rendre compte.

Puis il utilise son talent, son expérience, ses outils, sa technique et son médium pour créer de l’art.

Cette création est une fin en soi. Elle peut être porteuse d’un message. Elle peut même être rémunérée. Mais la création a une valeur en elle-même.

Les choses sont différentes pour le créatif.

Le créatif

Le créatif a beaucoup de points communs avec l’artiste.

Ils partagent énormément d’outils, de techniques, de méthodes. Ils ont peut-être même une culture commune ou des sources d’inspiration identiques.

Mais la méthode et la finalité sont différentes.

Le créatif est d’abord et avant tout un professionnel. Une personne que l’on va venir chercher pour tacler une problématique précise.

Son travail n’est pas une fin en soi : c’est un outil pour arriver à un but.

Même différence qu’entre un peintre qui expose en galerie (Artiste) et un peintre en bâtiment (Créatif)

Il n’y a aucun jugement de valeur : l’un ne “vaut” pas plus que l’autre.

Ce sont des parcours différents. Des vocations différentes. Des fonctionnements différents.

Et cette distinction reste théorique. Les choses sont rarement aussi manichéennes dans la réalité .

Un créatif peut-être aussi un artiste. Une publicitaire passionnée de typographie peut considérer son art comme sa “vraie” vocation et son job de créative en agence plus comme son gagne-pain.

Un artiste peut prendre de temps en temps des jobs de créatif. Les exemples ne manquent pas d’artistes qui ont collaboré avec une marque et qui ont endossé un rôle différent de celui dont ils ont l’habitude.

Mais alors, pourquoi est-ce que cette distinction est aussi importante pour moi ?

Pour deux raisons.

Raison n°1 : parce que bien trop souvent dans les métiers Créatifs, on se retrouve face à des gens convaincus que l’on est en train de faire de l’Art

Reprenons l’exemple de notre peintre en bâtiment de tout à l’heure.

L’entreprise va venir le chercher parce qu’elle a une problématique précise à résoudre.

On ne va pas restaurer et repeindre la façade de ce magasin juste pour le plaisir. Ce n’est pas une fin en soi. C’est un moyen : on veut que cette façade soit propre, professionnelle et plaisante. Qu’elle attire des clients. Qu’elle donne la bonne impression.

On fait appel au peintre parce qu’il a justement l’expertise, l’expérience et la technique pour répondre à cet objectif.

Il saura analyser la situation. Poser les bonnes questions. Comprendre les attentes de l’entreprise. Faire une proposition de couleurs, de matière et de rendu en fonction du budget et de la façade.

A priori, si le peintre est bon dans son job et que toutes les conditions sont réunies, il devrait être capable de répondre à l’objectif… tant qu’on le laissera faire son métier.

Maintenant, imaginons qu’un décideur dans l’entreprise (ou la personne qui sert d’interlocuteur au peintre) ait très envie de laisser libre cours à sa propre créativité….

“Moui… J’entends votre proposition, mais vous pouvez faire plutôt un essai avec du rose et du mauve ?”

On s’écarte dangereusement de l’objectif.

La priorité est de faire une façade qui va séduire le client.

Pas de faire un atelier créatif. Pas de permettre à des personnes de l’entreprise d’exprimer leur créativité intérieur. Pas de faire de l’art.

La raison pour laquelle on a fait appel au peintre, c’est parce qu’il a l’expertise nécessaire. Il connaît :

  • les couleurs officielles de l’entreprise
  • la psychologie des couleurs et des matières (comment elles agissent sur l’esprit du consommateur)
  • les bonnes pratiques
  • etc.

Cela ne veut pas dire qu’il faut accepter benoîtement la première proposition de l’expert.

Il faudra peut-être la challenger. Mais il est vital de faire le tri entre les retours légitimes que doit faire le client…

“On avait testé une couleur similaire sur le magasin de… Les retours des clients étaient plutôt négatifs. Quel est votre avis là-dessus ?”

… et les retours qui n’ont rien à voir avec le projet :

“Moi j’aime bien quand….”

“Je voyais plutôt du jaune…”

“J’ai vu une façade où…”

Raison n°2 : parce que je vois trop de gens intéressés par l’écriture se tirer une balle dans le pied

Je vois des personnes et parfois même des organisations intéressées par l’écriture en tant que moyen (exemple type : publier des articles et des contenus pour attirer du trafic et générer du business).

Mais ces personnes ou ces organisations vont produire ce contenu comme s’il était une fin en soi. En passant complètement à côté des questions qu’il faut se poser pour que ce contenu fonctionne et permette d’atteindre les objectifs visés.

= Des créatifs qui se prennent pour des artistes.

A l’opposé de ça, j’ai rencontré des personnes qui ont des histoires intéressantes à raconter et des expertises utiles à partager…. mais qui se retiennent. Qui n’osent pas se lancer.

Qui se préoccupent de considérations qui relèvent du monde du Créatif (expertise, expérience, chances de réussite, objectif, etc.) là où elles devraient plutôt écouter leur intuitions et leur tripes.

= Des artistes qui se prennent pour des créatifs.

À vous maintenant

Si vous avez envie d’écrire. Si une idée vous titille depuis un moment déjà. Si vous ne savez pas trop par où commencer…

Alors je vous conseille cette première étape très simple de vous demander : avez-vous avez envie d’écrire en tant qu’Artiste ou envie d’écrire en tant que Créatif ?

Ce que vous comptez écrire… est-ce une fin en soi ? Allez-vous vous lancer dans la poésie ? Ecrire un roman de fiction ? De non-fiction ? Une autobiographie ?

Serez-vous satisfait si vous arrivez à terminer ce projet, sans rien en attendre de plus ?

Où est-ce que ces contenus sont un moyen plus qu’une fin ?

Allez-vous écrire et publier ces contenus pour atteindre un objectif ? Vous aider à trouver des clients par exemple ? Ou développer le trafic vers un site ? Vous faire connaître ? Générer des ventes ?

De votre réponse va dépendre l’approche que vous allez suivre ensuite.

Si la voie de l’artiste vous tente

Ce que je vous conseillerai c’est…

1/ De commencer à écrire dès que possible et le plus souvent possible (tous les jours, idéalement).

2/ De libérer du temps chaque semaine pour découvrir des auteurs dont le style et la plume vous intéressent.

Lire absolument tout ce que ces personnes ont pu écrire.

Analyser leur phrasé pour comprendre ce qui vous plait personnellement.

Essayer d’écrire exactement comme eux, en imitant leur style, le temps d’un texte.

Réfléchir à ce que vous pouvez leur emprunter pour votre propre style (l’emprunt est un élément-clé la voie de l’artiste : si vous avez le moindre doute là-dessus, je vous invite fortement à lire “Voler comme artiste” d’Austin Kleon pour vous en convaincre).

3/ Prendre le temps, au moins une fois par mois, de partager ce que vous avez écrit.

Et de découvrir d’autres personnes qui s’intéressent à l’écriture. De vous intégrer dans cette communauté en lisant, en réagissant, en échangeant et en partageant avec cette communauté.

Si c’est la voie du créatif qui vous intéresse

Je vous recommande fortement de commencer par identifier clairement vos objectifs (et ceux de votre cible).

Si l’écriture n’est pas une fin en soi, mais un moyen, alors quel est l’objectif que ce moyen doit vous permettre d’atteindre ?

Que voulez-vous ? Très concrètement ? En quoi l’écrit va vous aider à atteindre cet objectif exactement ? Comment cela va se produire ?

Vous voulez développer votre employabilité et votre personal branding ?

À qui allez-vous vous adresser ? Qu’est-ce qui intéresse cette cible ? Pourquoi est-ce que ce type d’audience se mettrait à vous lire ? Comment va-t-elle tomber sur vos contenus ?

Vous êtes graphiste freelance et vous avez envie de vous faire découvrir par des clients potentiels ?

Est-ce que la meilleure solution est bien d’aller publier des articles sur votre blog en espérant qu’ils apparaissent dans Google ?

Est-ce que vos clients potentiels font des recherches dans Google ? Oui, lorsqu’ils recherchent un graphiste ? D’accord, mais est-ce que vous, vous avez une chance de vous placer dans les résultats des moteurs de recherche ? Avec la concurrence qu’il y a ? Non ? Alors quelle autre piste pouvez-vous trouver pour être lu par vos futurs clients potentiels ?

Que savez-vous d’eux ? Quand prennent-ils la peine de lire du contenu ? Passent-ils du temps sur certaines plateformes en particulier (magazine, réseaux sociaux, etc.)

Comment pourriez-vous être publié sur ces plateforme ? Pouvez-vous contacter les éditeurs pour y être publié ?

Etc.

À vous de jouer !

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Thomas Gadroy

Content Strategist @Payfit, passionné de marketing pragmatique et #NoBullshit.