Bientôt un RER à Lyon ?

Pour la première de l’#InvitédelaSemaine, nous recevions Christophe Geourjon, Président du groupe UDI à la Métropole de Lyon et Conseiller municipal. L’élu lyonnais, particulièrement investi sur les sujets de mobilités est venu nous parler du projet qu’il a initié il y’a quelques années : le RER à la lyonnaise.

UDI
7 min readOct 21, 2019

M. Geourjon, vous êtes le père d’une idée que vous défendez depuis plusieurs années maintenant : le RER à la lyonnaise. De quoi s’agit-il exactement ?

L’idée de RER à la lyonnaise est d’adapter le RER parisien aux spécificités de Lyon et plus généralement aux agglomérations de province. Le principe est de créer des liaisons ferroviaires qui traversent la ville (sans terminus en ville-centre) et qui la relient d’Est en Ouest et du Nord au Sud, avec un cadencement élevé. Ce système rend les transports du quotidien bien plus rapides et beaucoup plus aisés.

En vingt ou trente ans, les distances domicile-travail n’ont fait qu’augmenter, à cause du prix de l’immobilier mais pas uniquement. Aujourd’hui à Lyon 20% des salariés parcourent plus de 20Km matin et soir, cela représente 120 à 150 000 personnes qui pour la plupart utilisent leur voiture. Il y a là un vrai enjeu de développement durable, il faut proposer une alternative à l’usage de la voiture pour promouvoir une qualité de l’air bien meilleure.

Christophe Geourjon

Lyon est la deuxième ville de France, est-ce que vous êtes en train de nous dire que s’il n’y a pas un grand plan prospectif sur les transports lyonnais, la ville risque d’être saturée d’ici quelques années ?

Aujourd’hui déjà nous constatons des problèmes de pollution de l’air, de saturation des voiries… Mais je ne suis pas partisan du tout de mettre des barricades autour de la ville pour interdire aux voitures d’y rentrer : je crois qu’il faut proposer une alternative efficace pour que chaque personne qui ait besoin de se déplacer puisse le faire à un coût environnemental bien plus satisfaisant.

Pour cela, les transports ferroviaires sont la solution. Nous disposons de 35 gares en activité dans la Métropole, mais celles-ci sont mal desservies. Avec le RER, nous améliorerons les dessertes et cela profiterait non seulement aux habitants de la Métropole, mais aussi aux habitants de l’aire urbaine lyonnaise. Nous pourrions proposer à ces salariés de laisser leur voiture chez eux et d’emprunter les transports en commun. Pour ces personnes, il s’agirait d’un gain financier et environnemental considérable.

Toutefois, cela implique de réaliser de grandes aires de stationnement à l’extérieur, donc de disposer de parcs relais dignes de ce nom. Dans toutes las agglomérations, ces parcs relais sont saturés dès 7h du matin. Il faut impérativement en augmenter le volume, les diversifier — c’est-à-dire les adapter aux deux roues- et les sécuriser.

À terme, ces gares doivent devenir des pôles multimodaux bien desservis par les transports en communs urbains, mais aussi par des pistes cyclables. À l’heure où la SNCF ferme des gares et des guichets, nous devrions les convertir en espaces de vie. C’est pour cela que nous proposons de les convertir en espaces de co-working avec des points relais… Introduire de la vie dans ces gares pour qu’elles deviennent des espaces multimodaux et des points de convergence est une nécessité !

En regardant les archives, nous avons constaté avec amusement que lorsque vous aviez présenté le projet il y a deux ans à la Métropole, tout le monde était contre. Aujourd’hui, à l’approche des municipales, tout le monde semble se rallier à votre idée…

(rires) Il y a deux ans, personne n’était contre mais nous avons reçu quelques colibets : “le RER c’est parisien, ça pue…”. Et aujourd’hui, c’est clair que depuis six mois, tout le monde est d’accord : du parti communiste jusqu’à la droite la plus conservatrice. Tous soutiennent l’idée et reprennent même nos éléments de langage, ce qui est assez amusant au demeurant mais c’est une bonne chose. Cela veut dire que quoi qu’il arrive le 22 mars prochain, ce projet verra le jour et ce qui est important, ce projet fait le fierté des élus UDI de la Métropole de Lyon.

Il ne faut pas oublier l’épisode des Gilets Jaunes : leur revendication était entre autres celle du coût des trajets domicile-travail pour un certain nombre de foyers, le ferroviaire peut être une réponse. Ce n’est pas la seule, mais elle fait partie de celles qu’il faut mettre en oeuvre.

De plus, la prise de conscience environnementale va crescendo, ce qui est une très bonne chose. Le bilan carbone d’une personne qui fait 100km par jour seule dans une voiture et celui de personnes qui empruntent leur RER est incomparable !

Enfin, le dynamisme économique des métropoles et des grandes agglomérations doit être une chance pour les territoires alentours. Je ne vois pas la métropole comme un territoire qui se barricade et qui construit seul sa richesse, au contraire. Si les territoires d’une aire urbaines sont connectés efficacement, on atteint un développement économique plus harmonieux. Par exemple, avec le RER une entreprise préférera s’installer un peu plus loin car elle aura la garantie que les déplacements seront facilités pour ses salariés.

Lorsque l’on connaît la tension actuelle sur le marché du génie civil français (Charles de Gaulle Express, les JO 2024, le Lyon-Turin…), pensez-vous que ce projet est faisable ? Quelles sont les bonnes nouvelles qui vous donnent des raisons d’espérer et de dire que lors du prochain mandat, Lyon aura ce RER que vous étiez le premier à défendre ?

Je pense qu’il est raisonnable de penser que le RER à la lyonnaise est livrable à horizon 5 à 8 ans, c’est-à-dire à peu près à la fin du prochain mandat. En tout cas pour une phase ambitieuse, celle de réutiliser d’abord les infrastructures existantes et ne referaire que des voies ferrées qui existent déjà. Les réutiliser c’est rentabiliser les investissements qui ont déjà été réalisés.

La faisabilité à court terme devient d’autant plus d’actualité qu’en mai dernier, la Ministre des Transports Élisabeth Borne annonçait à Bordeaux qu’elle lançait des appels d’offres pour réaliser des RER au niveau des métropoles avec un financement de l’État à hauteur de 2,6 mds €. Il s’agit d’une vraie révolution car c’est la première fois que l’État français annoncer sa volonté de participer au financement des transports du quotidien en province.

Pour nous, il faut vraiment saisir la balle au bond et avancer très vite, tant sur le plan politique que sur le plan technique. C’est pour cette raison que j’ai écrit au Président de la région AURA Laurent Wauquiez ainsi qu’au Président de la Métropole David Kimelfeld. Dans le même temps, je rencontre l’opérateur SNCF Réseau qui sera chargé de la mise en oeuvre technique du projet.

L’illustration du gain de temps sur un trajet dans la Métropole

Concrètement, qu’est-ce que ce RER changerait pour la vie d’une commune de la Métropole lyonnaise, qu’est-ce qu’il changerait pour un automobiliste qui chaque jour a des difficultés se rendre à Lyon ou dans la Métropole ?

Par exemple, pour relier Saint-Germain au Mont-d’or qui est au nord-ouest de l’agglomération, à Saint-Priest qui se trouve plutôt au sud-est, vous mettrez plus d’une heure et quart en voiture ou en transport en commun, voire plus. Avec le RER, c’est 30 à 35 minutes. C’est un gain de temps évident qui sera doublé d’un gain environnemental : en termes de pollution, de cadre et de qualité de vie, ce sont des gains précieux !

Dans le même ordre d’idées, le développement du RER impliquerait d’accélérer le déclassement de l’autoroute A6, puisque comme vous le savez, Lyon a la spécificité d’être traversée par l’autoroute A6-A7 et son lot de bouchons dans le fameux tunnel de Fourvière. Là aussi, le RER serait une alternative pour les utilisateurs de ce tronçon.

Le compte mobilité proposé par C. Geourjon en une illustration

Vous êtes donc contre les “politiques anti-bagnoles” purement répressives et semblez être dans une logique incitative avec une proposition simple : le compte mobilité. Pouvez-vous nous en parler davantage ?

On ne peut pas pénaliser les gens qui prennent leur voiture car dans la plupart des cas ils ont de bonnes raisons voire même l’obligation de le faire. Ce qu’il faut en revanche, c’est leur offrir une alternative. D’une part celle-ci peut être une infrasdtructure, en l’occurrence le RER mais elle peut être complétée par une alternative virtuelle : le compte mobilité.

Il s’agit d’un abonnement unique qui permettrait de prendre les TCL, le RER, un vélo classique ou à assistance électrique, des voitures en auto-partage et pourquoi pas aux trottinettes une fois que leur usage aura été un peu mieux réglementé. L’idée est de dire “j’utilise le bon moyen de transport en fonction de mes besoins actuels et en fonction de l’heure à laquelle je veux me déplacer”.

Cela ramène à un autre débat, celui de la gratuité des transports. Quelle est votre position sur le sujet ?

Je suis par principe contre ce qui est gratuit, parce que tout a un coût et je pense qu’il est important que lorsque l’on utilise un service, on se rende compte de son coût. Concernant les transports en commun il y a des tarifs qui sont adaptés en fonction des publics : des tarifs sociaux, tarifs pour les séniors, pour les étudiants et pour les salariés il y a une contribution de l’entreprise qui fait que l’abonnement est pris en charge à 50 par son employeur. Du coup aujourd’hui un abonnement transports en commun c’est quelque chose qui est abordable donc ce n’est pas un enjeu majeur.

En revanche, rendre le transport en commun gratuit signifierait réduire la part de notre capacité de financement. Or, aujourd’hui lorsque l’on discute avec les usagers, c’est moins le prix que la fréquence ou la qualité du service qui sont abordées. La gratuité signifierait l’augmentation des impôts et je ne crois pas que cela soit pertinent.

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