Entre polyvalence et spécialisation : Que choisir ?

Valentin Decker
Essentiel
Published in
9 min readOct 5, 2017

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// Cet article est extrait du livre que je suis en train d’écrire. Si vous souhaitez suivre le projet, c’est par ici.
Bonne lecture :) //

« Mon père avait un métier pendant toute sa vie, j’en aurais 7, et mes enfants en auront 7 en même temps. »

Cette citation de Seth Godin exprime l’importance des choix que nous prenons dans notre vie professionnelle.

Avec en trame de fond un débat quasi-infini, que nous sommes beaucoup à nous poser : est-il bon d’être polyvalent et de suivre plusieurs intérêts différents ? Où est-il préférable de se spécialiser dans un seul domaine, pour essayer d’y devenir le meilleur ?

Ces questions, je me les pose.

J’ai toujours le besoin d’avoir un projet qui m’occupe l’esprit. Un blog, un podcast ou un projet d’entreprise, en plus de mon activité principale.

Le problème, c’est que mes envies changent et évoluent régulièrement. À peine un projet entamé, je m’ennuie vite et j’ai déjà envie de me lancer sur un deuxième et poursuivre ma curiosité.

J’ai le sentiment d’être incapable de me fixer sur quelque chose. J’ai l’impression de ne pas être assez mature et discipliné. J’ai l’impression que quelque chose ne fonctionne pas correctement.

Dans le même temps, on nous répète de concentrer nos forces. De ne faire qu’une seule chose à la fois et de ne pas aller trop vite. On nous dit de choisir une spécialisation. De ne pas oublier d’inscrire les bons mots-clefs sur son CV pour correspondre à l’intitulé de poste.

Comment s’en sortir ?

Multipotentiel : bénédiction ou malédiction ?

On dit de la Génération Y qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, qu’elle est hésitante et pourrie gâtée. On dit qu’on l’a habitué à la facilité. Que c’était mieux avant et que les jeunes étaient plus disciplinés. On appelle le bon vieux service militaire à la rescousse.

Du point de vue des jeunes, les choses sont différentes. Nous ne souhaitons pas faire comme nos parents et rester dans la même entreprise toute notre vie. Nous souhaitons explorer. Nous sommes curieux et voulons satisfaire cette soif insatiable de nouveautés.

Nous nous inspirons de ceux qui ont fait le choix de ne jamais rentrer dans les cases :

  • Léonard De Vinci était peintre, écrivain, sculpteur, inventeur, ingénieur militaire, organisateur de fêtes et musicien.
  • Benjamin Franklin était imprimeur, écrivain, philosophe, inventeur, scientifique et homme politique.
  • Elon Musk est un entrepreneur de l’électrique, du solaire, de l’Intelligence Artificielle, de l’aérospatial et du paiement en ligne.

Comme eux, et à notre niveau, on aimerait tout faire. Nos intérêts sont tellement nombreux : un jour, on veut être Freelance en Marketing, la veille, on voulait bosser dans l’humanitaire et le lendemain, on se dit qu’on ferait bien de la politique.

On lance plein de projets. On se lasse. On recommence. Avec pour fil rouge la volonté d’apprendre sans cesse de nouvelles choses. Ce type de personnes porte un nom : ce sont des multi-potentiels. Timothée Boussardon en a fait un très bon article.

« Le multipotentiel s‘ennuie très vite, non par manque de motivation, mais comme un signal pour l’esprit afin de se transférer sur un sujet plus intéressant que le précédent. Il s’ennuie vite et il aime tout. Mais vraiment tout (ou presque). La politique peut devenir un hobby et être balayé en peu de temps par le marketing ou la musique. Il s’ennuie vite, il aime tout et il s’investit à fond. Connaitre la raison de la fusion des protons dans un univers tridimensionnel au même titre que l’ensemble des valeurs boursières des entreprises du CAC40, le multipotentiel est comme ça, quand il aime, il ne compte pas. »

Le fait d’être multipotentiel n’est pas simple à vivre et à assumer pour autant. On a l’impression d’avoir fait le tour au bout de 6 mois dans un poste. On s’ennuie au bout de 3 mois dans un projet.

Et même si les choses semblent évoluer, nos sociétés laissent peu de place à ce type de profil ; les spécialisations sont valorisées avant tout.

On assimile alors le fait de ne pas être capable de se fixer à une absence de maturité. À un défaut interne qui nous fait peur et nous culpabilise. On se dit qu’on n’est pas comme les autres, qui eux, semblent tous renvoyer une image de confiance et ont l’air de suivre un parcours linéaire. Sans fausse note.

Est-ce une fatalité ? Existe-t-il des personnes naturellement incapables de se poser et d’apprécier ce qu’elles font sur la durée ? Ou, est-ce simplement une période de notre vie, le temps que l’on trouve enfin LE projet qui nous motivera sur le long terme ?

Comment être remarquable ?

Plus personne ne remarque les vaches à la campagne. Elles ont beau produire le meilleur lait du monde, elles ont toutes l’air identiques. De la même couleur et de la même forme.

Mais qu’est-ce qui pourrait encore attirer notre attention et notre regard ? Une vache pourpre. Ca, ça serait remarquable.

C’est l’idée que véhicule Seth Godin dans son livre « Purple Cow ».
Notre monde est saturé. Être bon ne suffit plus, si l’on veut sortir de la masse, il faut être remarquable.

« Le produit conçu pour plaire au plus grand nombre existe déjà et il est extrêmement difficile à déloger ». — Seth Godin

Pour accomplir ses rêves et faire ce qu’on le souhaite, il faut devenir remarquable :

  • Dans « Outliers », Malcolm Gladwell explique que n’importe qui peut devenir un expert dans n’importe quel domaine. À condition d’y passer 10 000 heures.
  • Dans « So Good they can’t ignore you », Cal Newport va plus loin et complète cette théorie des 10 000 heures. Pour lui, il ne suffit pas simplement de faire ces heures de manière plaisante. Il faut faire ce qui est rare et difficile. Il faut que la pratique se fasse de manière « délibérée ». Avec un niveau de complexité suffisamment challengeant pour ne pas réussir tout de suite. Le tout, en récoltant des feedbacks en permanence pour être capable de rapidement s’améliorer.
  • Au démarrage, le conseil qui est donné aux start-ups est de concentrer leurs efforts dans le but de trouver une niche : un petit groupe d’utilisateurs, les « early adopters », avec des besoins homogènes, prêts à payer pour ce qu’elles font. En se concentrant sur un petit segment, on parviendra à mieux en identifier les besoins, à en comprendre les rouages et à en saisir les subtilités. Faire un produit ou un service pour tout le monde n’existe pas. Et si l’on souhaite parler à tout le monde, on finit par ne plus parler à personne.

Et c’est pareil pour nous, à vouloir tout faire, on se disperse. Et on ne fait rien.

Napoléon appliquait cette stratégie de la concentration de ses forces au début de sa carrière, avant d’être emporté par ses ambitions démesurées. Il savait que la clef d’une victoire sur le champ de bataille résidait dans la concentration de toutes ses forces sur le point faible de l’ennemi.

Tout comme les Alliés pour leur débarquement en 1944. Plutôt que d’éparpiller leurs forces sur l’ensemble des côtes françaises du Nord, ils se sont focalisé sur une plage de Normandie, Omaha Beach. Créant ainsi une brèche dans laquelle s’engouffrer.

Sauf cas exceptionnel, il est impossible de faire de manière remarquable de la musique, de la peinture, de la philosophie et de la sculpture en même temps. Nous devons faire un choix.

« On gagne plus en exploitant un filon riche et profond qu’en faisant de l’orpaillage : l’intensif l’emporte toujours sur l’extensif. »— Robert Greene.

La question est alors évidente : Comment pratiquer de manière intensive, pendant de longues heures, selon un objectif précis, si l’on change tout le temps de projet et d’envies ?

Le problème semble insoluble. Et la multipotentialité incompatible avec le fait d’être remarquable.

La T Shape

Découvrir ce que l’on souhaite faire ne se décrète pas. Cela demande du temps et de l’expérience.

Je pense qu’au démarrage, une phase d’exploration est indispensable. Une période, plus ou moins longue, dans laquelle on teste différentes choses, sans prétention particulière, si ce n’est celle de découvrir ce qui nous plaît.

C’est ce que j’ai fait sans m’en rendre compte avec les nombreux projets que j’ai essayé de monter. Cette phase d’exploration m’a permis de me rendre compte que j’aimais l’écriture et que c’était un domaine dans lequel j’étais prêt à m’exercer de manière délibérée. Ce qui m’a conduit à l’écriture de ce livre. Peut-être que l’écriture ne sera qu’une autre phase de mon exploration et que cela me conduira à faire d’autres choses. Mais impossible de le savoir à priori.

Dans un article écrit en 2013, intitulé « How to become a customer acquisition expert », Brian Balfour explique que si l’on souhaite devenir un expert Marketing de l’acquisition client, il faut se former selon une forme en T.
Le domaine de l’acquisition client regroupe de nombreux sous-domaines : des statistiques, de la programmation, de l’UX Design, de l’AB Testing, du Content Marketing, de l’Analytics, de la Psychologie ou encore des compétences en graphisme.

Il est impossible de maîtriser toutes ces disciplines en même temps. D’où l’intérêt de se former en T. L’idée est de posséder des bases dans chacun des sous-domaines afin d’avoir un bon socle de compréhension, pour ensuite faire le choix de creuser un aspect en particulier et de s’y spécialiser.

Schéma et exemple de la forme en T, appliquée à l’Acquisition Marketing :

Brian Balfour

C’est exactement pareil pour tous les aspects de notre vie. Que l’on souhaite faire de l’économie ou devenir artiste.

Prenons l’exemple de quelqu’un qui souhaite devenir un expert de la politique Française sous la Ve République.

Avant de pouvoir bien en comprendre les subtilités, une phase d’exploration plus générale sur l’Histoire et les nombreux régimes politiques est indispensable.

Cette formation en T a l’immense avantage de concilier multipotentiel et concentration sur une niche. Elle nous rend polyvalents, assouvit notre curiosité en nous poussant à nous intéresser à de nombreuses choses différentes et nous fait concentrer nos efforts sur un seul point précis. Dans le but d’y devenir remarquable.

Plus largement, ce concept se rapproche de la vision d’Albert Einstein pour l’éducation.

Pour lui, l’unique but de l’éducation doit être de viser à parfaire l’esprit critique et l’intelligence du jeune homme. Elle doit lui donner les clefs pour faire ses propres choix en pleine conscience et connaissance des choses.

Un excès de compétition et de spécialisation des individus entraîne un assainissement de l’esprit et supprime toute conscience chez les individus. Les individus n’étant plus capable de raisonner, toute possibilité de progrès fondamental (découvertes scientifiques, économiques, intellectuelles…) disparaît alors.

Einstein explique qu’il est indispensable, d’abord, de se former de manière générale et abstraite. Avant de pouvoir se spécialiser.

« Il ne suffit pas d’apprendre à l’homme une spécialité. Car il devient ainsi une machine utilisable, mais non une personnalité. Il importe qu’il acquière un sentiment de ce qui vaut la peine d’être entrepris, de ce qui est beau, moralement droit. » — Albert Einstein

Cet article est extrait de mon premier livre : “Devenir remarquable à l’ère du numérique”.

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