D’un rêve de gosse à sa concrétisation

Philippe Pinceloup
11 min readJul 27, 2017

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Policier, pompier, vétérinaire, pharmacien, dessinateur… enfant, j’ai voulu en faire des métiers. Mais à l’âge de 13 ans, en Angleterre, j’ai découvert Internet et mon frère m’ouvrait ma toute première boîte mail sur Yahoo! pour que je puisse communiquer avec ma famille le temps de mon séjour. Bien qu’émerveillé par cette nouveauté, j’étais loin de m’imaginer qu’elle allait révolutionner ma vie (et celle de milliards de personnes au passage) et orienter mes futurs choix professionnels.

Le déclic
Environ 1 an plus tard, je découvrais qu’il était possible de créer des sites internet avec un langage obscur appelé le HTML. Avec mes quelques deniers en poche, je fonçais à la Fnac m’acheter un livre que je qualifie de déclic : « HTML 4 pour les nuls ». Définition du langage, mes premières balises, création de formulaires… chaque soir après les cours, je me vautrais dans mon lit et je dévorais page après page cet ouvrage aujourd’hui d’un autre temps, mais qui constituait à l’époque un puit de savoir inestimable : j’avais désormais de quoi créer mes propres sites. Les premiers thèmes n’avaient rien de folichon, mais l’un d’eux regroupait déjà 200 visiteurs par jours. Ça y est, je savais enfin ce que je voulais faire « quand je serai grand » : développeur.

Une première grosse expérience : web designer
Malheureusement mauvais en maths, des portes m’ont d’emblée été fermées, que ça soit par le lycée ou par les écoles supérieures elles-mêmes : pas de Bac S, pas d’admission. Version STT C en poche, je tentais ma chance dans le Management des Unités Commerciales, passionné par des profils comme celui de J. Allard, alors Chief Experience Officer and Chief Technology Officer pour la branche Entertainment and Devices chez Microsoft. Puisqu’on me refusait l’accès à des cursus diplômants pour devenir développeur, je me trouvais d’autres ambitions et l’idée de vendre les produits qui seraient les succès de demain me séduisait. Mais voilà, une fois le programme des 2 ans de BTS entre les mains, j’ai compris que ma place n’était pas sur les bancs de cette formation. Qu’à cela ne tienne, j’allais trouver une école que mon profil de non-matheux mais passionné et curieux allait intéresser et j’allais atteindre mon objectif.

C’est en feuilletant les pages du magazine l’Étudiant, que je tombe sur une pub pour l’IESA, l’Institut d’Études Supérieures des Arts, à Paris. Pas une école de développement pur, mais une école de multimédia, qui allait me permettre de toucher à tout : Photoshop, Premiere Pro, un peu de développement… pour faire court, j’ai intégré cette école pendant 3 ans qui m’a permis de faire 2 ans d’alternance chez Future (devenu ensuite Yellow Media), principal éditeur des magazines de jeux vidéo en France (vous remarquez le thème récurrent ?). J’y ai occupé le poste de Web Designer pour le site JVN.com, aujourd’hui fermé.

Web Designer, ça me faisait énormément de billes en plus pour accéder au métier tant convoité de développeur, mais ce n’était pas ce que je voulais faire. À la fin de mon alternance, Yellow Media m’a proposé d’écrire des tests pour le compte de ses magazines, ce que j’ai accepté, en plus de multiples CDD exercés chez Micromania, en attendant de trouver le poste multimédia qui me plairait. Mais ce poste est resté une arlésienne et refusant d’attendre sans rien faire, je continuais de chercher un travail « en attendant mieux ». C’est alors que je suis tombé sur une annonce de Dailymotion, proposant un CDI de modération les nuits et weekends. « Qui postulerait pour un poste avec de tels horaires ? J’ai toutes mes chances ! ». Le lendemain de l’envoi de ma candidature, j’étais appelé par le responsable du Customer Care, le service clients de Daily, et je décrochais un entretien — et je vais la faire court — puis un CDD de 3 mois (même si j’avais toutes mes chances, le CDI a été pris par quelqu’un d’autre, qui quelques années plus tard recrutera ma copine dans sa boîte…).

Ma première histoire d’amour professionnelle : Dailymotion
J’entrais là dans un groupe qui touchait un peu plus à l’univers que j’essayais d’atteindre depuis 11 ans : Internet. Tous les jours, j’apprenais, j’observais, j’aidais, je remplaçais mes collègues dès que je le pouvais, bref, je ne développais pas, mais j’étais comme un poisson dans l’eau. Arrivé au terme de mon contrat, on m’offrait 4 mois de plus dans l’entreprise. À la fin du second contrat, on me proposait le Graal : un CDI, que j’ai bien évidemment accepté. Le temps passe et mes responsabilités des débuts s’estompent pour laisser place à de nouvelles : je travaillais étroitement avec les développeurs du groupe pour résoudre les problèmes des utilisateurs et les bugs du site. J’apprenais de nouveaux termes, de nouvelles technos auprès de tous ces cadors et je poursuivais tranquillement mon ascension dans l’équipe Customer Care de Dailymotion jusqu’à gérer une partie de sa vie pour seconder mon manager.

Dailymotion, ou la pépite française qui m’a un peu plus rapproché de mon objectif

Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, j’ai quitté Dailymotion non sans un gros pincement au cœur après 4 ans. Je désirais à ce moment évoluer et pouvoir gérer intégralement ma propre équipe. Devenir manager constituait la suite logique de mon métier : un CDD (oui, oui) m’était proposé chez Cheerz. Si tout se passait bien, je décrochais le CDI tant convoité à l’issue du contrat… ce qui s’est passé ! Je devenais alors en février 2016 manager du service clients chez Cheerz. Et je ne le savais pas encore, mais mes ambitions de pré-ado/ado/jeune adulte allaient refaire surface.

Le rêve se réveille
On ne s’en aperçoit pas en tant qu’utilisateur, mais gérer un service clients ce n’est pas que répondre à des questions toute la journée, c’est aussi enrichir une FAQ, entre autres. Celle que nous avions lorsque j’ai rejoint la startup était très bien, mais esthétiquement, elle ne reflétait pas la qualité de son contenu. Il fallait donc qu’un développeur s’occupe de lui donner un coup de jeune, mais comme ce type de mission ne fait pas partie de leur priorités, je proposais au co-fondateur de m’en occuper, grâce aux bonnes notions d’HTML et de CSS dont je disposais. Ça faisait longtemps que je n’avais pas pratiqué, mais finalement, c’est comme le vélo et c’est revenu assez vite. Résultat, la refonte a été un succès et la fréquentation de la FAQ est repartie à la hausse.

C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que mon rêve d’être développeur ne m’avait pas quitté. Je n’avais rien créé, j’avais simplement amélioré quelque chose déjà existant, mais les retours qu’on m’avait fait et le plaisir ressenti à bloquer, chercher, développer puis réussir étaient grisants. J’allais donc repartir en quête d’une formation. Allez savoir, peut-être que les mentalités avaient enfin changé et qu’on acceptait désormais les quiches en maths !

La Wild Code School : le début du début
Je suis alors tombé sur une très vaste offre : du “devenez développeur web en 1 mois” (j’exagère à peine) à la formation qui semblait plus sérieuse mais dont le site était buggé (comment leur faire confiance ?) en passant par des cursus plus longs qui s’étalaient sur les années. Non satisfait par tous ces résultats, j’ai fini par arriver sur le site de la Wild Code School, qui proposait une formation de développeur web Javascript sur 5 mois. Pour la rejoindre, le contrat était simple : valider des tests de logique, développer un mini-site répondant à quelques exigences et prendre part à une journée d’immersion durant laquelle des tests techniques oraux et écrits étaient imposés. Peu après tout ça, j’apprenais que j’étais accepté dans l’école. La rejoindre était un très gros chamboulement : ça signifiait quitter mon emploi et me rendre à La Loupe, en Eure-et-Loir, berceau qui a vu naître la toute première école (qui est désormais présente à Bordeaux, Fontainebleau, La Loupe donc, Lille, Lyon, Orléans, Toulouse, Strasbourg et Paris). Et La Loupe, c’est à 200km de chez moi… mais à 20 minutes de chez mes parents (je vous remercie infiniment pour votre aide et votre soutien plus que précieux ❤).

Poussé par ma Chérie à quitter la maison la semaine pour une immersion totale dans le travail (nous venions d’avoir notre premier enfant), j’ai donc quasiment tout plaqué. Ça allait être difficile, mais la concession valait le coup. Je suis donc parti pour 5 mois de formation en février 2017 et je rejoignais alors 26 autres élèves, tous issus de milieux différents : jeunes tout juste sortis des cours, un journaliste, une chimiste, un télé-conseiller, un administrateur réseau… toutes ces personnes venaient soit acquérir de nouvelles compétences pour leur job actuel, soit étaient en reconversion professionnelle. Ce dernier cas était le mien et ces 5 mois s’annonçaient palpitants.

Une des règles principales de l’école : pas de chaussures, on développe en chaussettes. Oui je sais, ça peut paraître bizarre, mais ça marche : on se sent comme à la maison, on est détendu. Pour ajouter encore un peu plus de confort à tout ça, nous avions la “Taverne” à notre disposition : cuisine dans laquelle on ne manquait de rien.

Pour le reste, tout se passait dans le “Gymnase” (oui, l’école a pris la place de l’ancien gymnase de la ville, donc imaginez la place!) et les salles mitoyennes. Chaque matin, nous faisions un “Daily stand-up” pour annoncer aux autres ce que nous avions appris la veille.

Voici le gymnase, où j’ai passé toutes mes journées de février à juillet 2017

Les lundis matin, nous avions un cours théorique (et c’était le seul de la semaine) sur un sujet précis.

Les mardis et mercredis matin, nous avions 2 dojos, des “cours” d’algo, durant lesquels il fallait résoudre un algorithme écrit en Javascript (comme ceux que vous pouvez voir sur Codewars). Un ordinateur, un algo, sept élèves maximum (un pilote qui code et un co-pilote qui guide à chaque tour) et un temps imparti de 3 minutes chacun jusqu’à la validation de tous les tests.

Le jeudi, nous avions la chance de recevoir un intervenant extérieur : développeurs (qui venaient notamment de chez Éloquence, les créateurs d’Akinator, Deezer… bref, des interventions de qualité pour les jeunes pousses que nous étions), CEO, spécialistes en méthodes Agiles, etc.

Tout le reste du temps était dans un premier temps réservé au travail sur les quêtes. Et c’est là toute la force de la Wild Code School : la pédagogie inversée. En d’autres termes, vous n’avez pas de théorie avant la pratique, mais de la pratique avant la théorie. Une fois de plus, ça peut paraître bizarre, mais c’est rudement efficace. Vous apprenez à apprendre, à aller chercher l’information, à la décrypter. En gros, vous démarrez une quête (par exemple “Node”), vous lisez les articles qui lui sont associés, puis vous réalisez l’exercice final. Bien entendu, vous ne comprenez pas tout, vous vous mangez ce qu’on appelait des murs, mais 1) l’entraide est vivement encouragée et bénéfique et 2) deux formateurs pouvaient nous aider en cas de sévère blocage. C’est seulement après que venait la théorie pour tout éclaircir. L’avantage, c’est que nous avions déjà essayé et que les paroles des formateurs prenaient alors tout leur sens, plutôt que nous expliquer quelque chose que nous n’avions encore jamais vu. Quasiment tous les sujets sont brassés par les quêtes. Dans le désordre : VanillaJS, Node, Bootstrap, Git/GitHub, les lignes de commandes, familiarisation avec Linux, bases de données… et chacune d’entre elles n’est validée que si 3 élèves approuvent le code que vous avez écrit. De quoi vous obliger à coder proprement dès le début et à réviser le code de vos pairs.

Peu avant que toutes les quêtes soient terminées, nous commencions notre premier projet (il y en avait 3 au total, dont un pour un vrai client). Répartis en groupe de 3 élèves, il fallait refaire la page d’accueil d’un site. Pour ma part, c’était celle de Foodora. Le but était là de bien comprendre le HTML et le CSS, mais puisque ça faisait des années que je les pratiquais, c’était relativement facile pour moi.

C’est ensuite que tout s’est accéléré : fin des quêtes, introduction au Javascript et début du second projet qui prenait donc ce nouveau langage en compte. Le troisième et dernier projet a été le plus important de tous : front, back, base de données, bref, tout ce qu’un site visité au quotidien possède !

Sont également venus s’immiscer dans tout ça 3 Hackathons de respectivement 24, 36 et 48h. De quoi faire “comme les grands” et fournir du travail nuit et jour jusqu’à l’échéance du temps imparti. Éprouvant, mais grisant et gratifiant. J’ai adoré ces périodes d’immersion où le but était de rendre le meilleur travail possible en compétition gentillette avec les autres. Quatre prix étaient remis à l’issue de chaque Hackathon : meilleur pitch, meilleur design, meilleur fonctionnalité et grand vainqueur. J’ai pour ma part réussi à décrocher les 2 premiers lors des 2 premiers Hackathons. Une énorme satisfaction.

Écran de login de mon projet de Hackathon 3 à la Wild Code School : GamersCon

Durant ces 5 mois, je n’ai pas compté les heures : bien que les journées commençaient à 9h15 pour se terminer à 17h30, j’étais à l’école dès 8h30 et je fermais l’ordinateur à 23h30. Signe d’une grande passion pour le développement web, c’est le rythme que je me suis imposé dès le départ et que je n’ai pas quitté une seule fois en 5 mois.

Mais 5 mois, c’est à la fois long et court et quoiqu’il en soit, les inconnus du début deviennent des amis. Au même titre que des collègues, on passe plus de temps avec eux qu’avec notre propre famille et c’était d’autant plus vrai dans mon cas. Quelques amitiés sont donc irrémédiablement nées et j’ai eu la chance de tomber sur une promo de personnes qui partageaient leurs savoirs, qui aimaient donner et qui m’ont fait rire aux larmes (je sais — j’espère — qu’elles liront ces lignes et je tiens à les remercier une nouvelle fois pour tout ça). Et c’est une des forces supplémentaires de la WCS : pas de profs et de cours conventionnels, que des élèves qui s’entraident et 2 formateurs présents à la rescousse en cas de problème “majeur”.

Je ne décrirais pas les 2 derniers jours qui n’appartiennent qu’à nous et sur lesquels on ne peut pas poser de mots puisqu’il faut les vivre pour les comprendre.

Aujourd’hui, je suis à quelques jours de démarrer mon premier stage, chez une startup parisienne spécialisée dans la vente de produits minceurs. Une nouvelle expérience avant le CDI que je suis plus qu’excité de débuter. Mon premier poste de développeur. Incroyable. Je n’en reviens toujours pas. L’ambition et le travail ont payé et si des personnes actuellement dans la même position que moi il y a 5 mois ont lu ces lignes et hésitent encore, en plus de les remercier, je les invite grandement à franchir le pas. J’ai repris les rênes de ma vie professionnelle à 29 ans, il n’était pas trop tard (d’autres élèves avaient d’ailleurs plus et sont comblés aujourd’hui). Même si ça n’a pas toujours été facile, je n’ai aucun regret. J’ai toujours aimé les jobs que j’ai exercés, mais d’ici quelques jours, je ne vais pas aller travailler : je vais aller m’amuser.

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