VAUCLUSE
Introduction : Vous avez dit “Vaucluse” ?
VAUCLUSE
Ce département n’a pas été nommé à partir d’une rivière appelée “le” Vaucluse ou d’une montagne appelée “mont du Vaucluse”, mais à partir d’une petite ville appelée, récemment encore, Vaucluse, et rebaptisée depuis Fontaine-de-Vaucluse.
La rivière qui surgit de cette “fontaine” qui n’en pas une, ni tout à fait une source, mais une résurgence, est une des Sorgues. Quoiqu’on puisse entendre à l’heure actuelle “le” Vaucluse dans le langage courant, Vaucluse est du genre féminin, si l’on s’en tient à son étymologie : la vallée close. Les organes officiels, comme la Préfecture, le Conseil général et les Archives Départementales, font usage depuis toujours (dans leurs papiers à lettres, dans les appels d’offres, dans les bulletins internes, etc.) de la forme “Préfecture, Conseil général, Archives départementales de Vaucluse”, qui est conforme à la seule dénomination donnée au département lors de la Révolution, soit “département de Vaucluse”.
Le Journal officiel fait aussi usage de l’appellation “département de Vaucluse”. Le Grand Larousse encyclopédique présente un article “Vaucluse (Département de)”. La formule “de” Vaucluse est employée depuis longtemps dans : Communes de Vaucluse, Cantons de Vaucluse, Arrondissements de Vaucluse, Catégorie : Communes de Vaucluse, Catégorie : Cantons de Vaucluse, Liste des députés de Vaucluse, Liste des sénateurs de Vaucluse.
Mais le langage courant utilise la forme “le” Vaucluse, c’est un fait. Le département de Vaucluse est un département de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, au contact des Préalpes du Sud (Ventoux, monts de Vaucluse, Luberon) et de la plaine du Comtat Venaissin, limitée à l’Ouest par le Rhône et au Sud par la Durance (enclave de Valréas au Nord). Sa superficie est de 3567 km2 et sa population avoisinne 500 000 habitants.
Le département compte 3 arrondissements (Apt, Avignon, Carpentras), 24 cantons et 151 communes. La préfecture siège sur la commune d’Avignon. L’activité se concentre dans la plaine irriguée du Comtat (fruits et légumes). Le Nord porte le vignoble des Côtes-du-Rhône. La partie orientale, au climat plus rude, offre des ressources limitées (lavande, miel, moutons). Malgré l’atout du Rhône, aménagé pour la production hydroélectrique et grand axe de communication, les industries restent longtemps peu importantes (agroalimentaire, cartonnerie). Les villes de vallée, Avignon, Orange, Carpentras, Cavaillon, jusqu’à la moitié du 20 e siècles sont d’actifs marchés agricoles.
L’histoire du département de Vaucluse comme celle des départements français trouve son origine à la Révolution française.
Le 26 février 1790, l’Assemblée Constituante adopte, par décret, la création des départements sur les projets de découpage de Duport, Lally Tollendal, Sieyès et Thouret. Ils se fondent pour cela, sur la carte de France des Cassini. En 1793 , deux ans après la réunion d’Avignon et du Comtat, possessions du Saint-Siège, au “royaume” de France, Vaucluse devient le 87e département français. Il regroupe, autour des États pontificaux, les terres provençales au Nord de la Durance, les anciens comté de Sault et de la principauté d’Orange, et quelques communes du Dauphiné.
Singulier dans sa création historique, le Vaucluse se différencie par son territoire, nettement plus petit que les autres départements français. Sa configuration en losange, est insolite, son chef lieu complètement décentré et un de ses cantons (Valréas) est totalement enclavé dans la Drôme depuis le rattachement en 1800 des communes de Rochegude, Suze et Tulette à ce département.
La réalité départementale se confirme sous le Consulat, en 1800, qui installe le préfet détenant seul le pouvoir exécutif et le conseil général, simple assemblée délibérante. Les conseillers généraux, au départ notables désignés par le pouvoir central, sont ensuite élus au suffrage universel . Par la loi du 10 août 1871, le département devient juridiquement une collectivité territoriale et le Conseil général reçoit une compétence globale pour régler les affaires d’intérêt départemental. Le renouvellement du conseil par moitié tous les trois ans et l’élection systématique du Président après chaque élection sont désormais instaurés. Les conseillers sont élus pour une durée de six ans au suffrage universel, à raison d’un par canton.
On peut mieux comprendre ce qui s’est passé depuis des siècles dans ce département en faisant un peu de toponymie. C’est une discipline passionnante, mais délicate. Les racines des noms de hauteurs, des villages ou des hameaux vont chercher si loin dans le passé ! La toponymie utilise les apports de la linguistique, de la géographie et de l’histoire.
Parmi les pays d’Oc, largement réveillés par Mistral et le Félibrige à partir du 19e s., la Provence couvre un espace de chaînons montagneux, de collines et de plaines souvent de belle ampleur. Ses noms de lieux reflètent l’ancienne occupation du sol par les hommes, depuis la plus lointaine Antiquité, ils évoquent des paysages végétaux ou agraires parfois récemment bouleversés, pour cause de grands canaux ou de voies ferrées ou autoroutières. Ils témoignent à leur façon des mutations de cet espace profondément humanisé.
La toponymie, c’est donc l’étude linguistique de l’origine des noms de lieux ; c’est également l’ensemble des noms de lieux d’une langue ou d’une aire géographique. Elle permet d’imaginer pourquoi tel lieu porte tel nom ; mais aussi comment l’espace était décrit de cette façon ou d’une autre, par les différents habitants de ce pays, et comment il a évolué au cours des âges. Ce qui permet également de comprendre comment, par couches successives, les différents “envahisseurs” ont créé de nouvelles agglomérations, comment ils ont nommé les lieux remarquables qui permettaient d’y inscrire des routes, comment ils ont défriché les forêts pour cultiver la terre, comment ils ont occupé peu à peu l’espace disponible. Ce qui suppose de commencer par faire de l’histoire très ancienne !
I Territoire
Sur le territoire qui est aujourd’hui la France, avant les migrations celtiques, on ne sait pas grand chose : ni de la densité de la population, ni des rassemblements humains, ni des langues parlées. Ce dont on est certain en revanche, c’est que des vagues successives Celtes et non Celtes, originaires du centre de l’Europe, migrent vers l’Ouest entre 1200 et 150 avant J.C. Ces peuplements successifs occuperont progressivement tout l’Ouest de l’Europe. Alors qu’on a peu ou pas de restes d’écritures de leurs langues, on connaît mieux ces peuples, parce qu’il reste des traces et que leurs légendes ont été colportées oralement dans toute l’Europe. Leurs contemporains, Grecs et Romains, les ont décrits. Ils ont fait du commerce avec eux, ils les ont combattus, ce qui constitue une bonne façon de bien les connaître.
L’appellation “Celtes” apparaît en premier chez un “intellectuel” — est-il savant, est-il philosophe ? — Hécatée de Milet, vivait vers 500 avant J.C. Après lui, on voit le mot “celte”, chez Hérodote, vers 450 avant J.C. Ce mot viendrait de l’indo-européen “keletos”, rapide, ou kel-kol, habitant, colon. Peu à peu, kelkol s’est déformé dans la bouche de ceux qui les évoquaient. Et le mot Galates, Ceux d’ailleurs, ou Envahisseurs, apparaît dans la littérature grecque en 279 avant J.C.. Galli apparaît pour la première fois en 168 avant J.C. dans les “Origines”, de Caton l’Ancien, c’est la traduction latine de “Galates”. Au 2e s. après J.C., Dion Cassius traduit Gaulois par Galates et Celtes par Germains. Ce qui est évidemment une erreur, les Celtes ne sont pas des Germains, ce sont deux peuples distincts. “Galatie” reste le nom de la province d’Asie Mineure où les Celtes ont fondé un royaume.
Les termes de Gaulois et de Celtes sont au début synonymes. Puis les Romains réservent le premier terme seulement à une partie des Celtes. C’est une distinction géographique entre Gaule cisalpine (Italie du Nord) et Gaule transalpine (au-delà des Alpes en se situant du côté de l’Italie, c’est-à-dire grossièrement la France d’aujourd’hui). César était conscient du caractère conventionnel de ces distinctions : “Ceux que nous nommons Gaulois dans notre langue, se nomment Celtes dans la leur”. Aujourd’hui, on admet généralement le terme de Gaulois pour les habitants de la Gaule à partir du 3e s. avant J.C..
Pour les périodes précédentes et les autre zones géographiques on parle de “Celtes”. Donc, les Gaulois sont donc bien des Celtes, mais les Celtes ne sont pas des Germains ! Les origines des Celtes demeurent obscures et toute la lumière n’est pas faite sur leur arrivée en Occident. Deux théories s’affrontent : la théorie classique (celle des migrations) et une théorie plus récente qui laisse à penser que les Celtes pourraient être la population autochtone (celle qui est là depuis presque toujours) de l’Europe de l’Ouest.
La théorie des migrations des Celtes
Une culture homogène apparaît sur les steppes d’Asie Centrale au 6e millénaire avant J.C. : le peuple de Kourgan de langue indo-européenne développe une pratique funéraire du tumulus, c’est à dire qu’ils montent une butte de terre et de gros rochers au-dessus du défunt, parfois très haute.
Ce peuple atteint l’Europe orientale vers 4000 avant J.C., puis migre vers l’Europe de l’Ouest à partir de 2500 avant J.C. et remplace les populations autochtones, non indo-européennes. Il y a parmi les vestiges, des récipients qu’on nomme des vases campaniformes.
Les Celtes auraient pénétré en Gaule vers 1200 avant J.C., à la fin de l’âge du bronze. Au début du Ier millénaire, vers 900 avant J.C., une nouvelle civilisation s’implante dans le pays, celle du fer. Mais il faut attendre le 5e s. avant J.C. pour qu’on puisse affirmer avec certitude que les peuples établis en Gaule sont bien des Celtes. A partir de l’entrée des ces Indo-Européens en Europe de l’Ouest, on distingue six grandes périodes :
1. Entre 1800 et 1200 avant J.C. : une civilisation protoceltique (âge du bronze ancien et moyen). Durant cette période, il se forme une zone de peuplement qui, depuis l’Allemagne du sud, gagne une partie de l’Europe centrale et occidentale. La pratique funéraire de ces Proto-Celtes est le tumulus avec inhumation. Les tombes abritent les dépouilles des chefs parés de leurs armes en bronze, de bijoux en ambre et en or, de vaisselle en argent et en or. L’économie est à prépondérance pastorale. Cette phase des “Proto-Celtes” est parfois contestée.
2. Entre 1200 et 900 avant J.C. ,
la civilisation des “champs d’urnes” (âge du bronze final). Vers 1200 avant J.C., de nouvelles migrations ont lieu en France et en Espagne, de grands changements se produisent. L’utilisation intensive du bronze entraîne des mutations considérables dans la vie des Hommes, des progrès décisifs sont accomplis. Dans la technique du bronze : coulage dans des moules, martelage à chaud, durcissement par écrouissage, pour fabriquer des armes (couteaux et épées) beaucoup plus tranchantes que celles en pierre ou en os. Dans la technique de la céramique : le potier parvient à obtenir, sans l’aide du tour, une régularité des parois, une finesse, un poli, un fini extraordinaires. L’art de la cuisson se perfectionne. Après les fours creusés dans la terre, apparaissent les fours construits. Dans les techniques agricoles : le perfectionnement de la faucille, l’apparition du véhicule à roues, de l’araire et de la faux ont contribué à l’expansion agraire et à la sédentarisation. Dans l’urbanisme de défense : c’est alors que se multiplient les “oppidums”, bourgades fortifiées situées sur les hauteurs, dans les îles lacustres, ou au milieu de marécages. Les origines de la plupart des refuges celtiques remontent à cette époque. Même les villes plongent leurs racines dans ces temps lointains. Les fouilles opérées dans de très vieilles et grandes villes ont prouvé que les origines remontaient aux environ de 800 avant J.C.. Dans les échanges commerciaux : pour fabriquer le bronze il faut aller chercher l’étain (rare) et le cuivre très loin. L’étain vient d’Armorique ou de Grande-Bretagne, le cuivre vient des Alpes ou de l’Europe de l’Est. Des échanges importants s’instaurent donc entre la Gaule et le monde méditerranéen avide de bronze, (Grecs et Étrusques). La recherche de l’ambre (qui vient de la Baltique et de la mer du Nord) et du sel (qui vient des sources salées d’Autriche) vont aussi contribuer à ces échanges. Dans les rites funéraires : les Celtes rompent, pour un certain temps, avec l’usage du tumulus et le rite de l’inhumation, ils pratiquent l’incinération et la tombe plate, en pleine terre. Les corps des défunts sont brûlés, leurs cendres sont mises dans des urnes regroupées dans des cimetières collectifs hors des villages (plus tard, les Celtes reprendront l’usage des tumulus pour les chefs). L’invasion des “champs d’urnes” présente une importance considérable pour la France, c’est là que se trouvent les racines du peuplement celte, de l’exploitation et de l’occupation du sol.
3. Entre 900 et 480 avant J.C. : la période de Hallstatt : le premier âge du fer. A la suite d’influences venues de l’est (invasions cimmériennes) et de la Méditerranée (commerce avec les Grecs et les Étrusques), la civilisation celtique s’implante en Europe occidentale : Allemagne du Sud, Tchécoslovaquie, Autriche, France de l’Est, Espagne, Grande-Bretagne.
Le fer est un minerai beaucoup plus répandu et plus facile à exploiter que le cuivre et l’étain, il est aussi plus résistant et plus coupant. Le fer ne nécessite donc pas de grands échanges commerciaux comme l’étain et le cuivre, mais l’utilisation du bronze perdure.
Du 8e au 6e s., les sites fortifiés se multiplient, ils sont commandés par une aristocratie qui s’enrichit en contrôlant les voies de passage des marchandises. De véritables cours princières se constituent, elles empruntent des modes de vie étrangers, par exemple la consommation du vin. Au cours de ce premier âge du fer, une grande variété de cultures régionales apparaissent, dérivées des civilisations périphériques de l’Illyrie et de l’Italie du Nord, et profondément imprégnées d’influences helléniques et étrusques. La Gaule fait désormais la plupart de ses échanges avec le monde méditerranéen. Cette période est capitale pour l’évolution de la civilisation gauloise. Les Celtes entrent dans l’histoire en créant une forme d’art (apparition des torques à la fin de l’âge du fer), et une civilisation qui leur est propre.
4. Entre le 5e et le 2e s. avant J.C. : la période de la Tène (deuxième âge du fer).
Au début du 5es. avant J.C., les forteresses princières de la période précédente sont abandonnées sans que l’on en connaisse vraiment les raisons. La population se concentre désormais dans les régions où se situent les relais commerciaux (Rhin, Champagne…). Les tribus, commandées par des chefs locaux, se font la guerre. De grandes fermes dominent le monde rural. Les chefs guerriers sont désormais enterrés dans de vastes nécropoles sur un char à deux roues accompagné des harnachements des chevaux. L’art de la Tène se caractérise par des épées de 80 cm de longueur, des frises végétales continues et l’adaptation de motifs d’origine méditerranéenne.
L’expansion maximale des Celtes se produit aux 4e et 3e s. avant J.C… Vers 450 avant J.C., la Gaule est envahie à nouveau par des peuples venant de l’Est et apportant des coutumes nouvelles. On peut parler ici de Celtes au sens propre du terme. Contrairement à ce que l’on avait pu penser, ces migrations ne prennent pas un caractère massif. Les Celtes s’implantent par petits groupes et s’assimilent avec le peuplement d’origine. Ils sont attirés par les richesses agricoles et commerciales de l’Europe de l’Ouest, ils fuient leurs terres surpeuplées et un climat qui se dégrade (plus froid et plus humide). Les auteurs classiques parlent de ces Celtes comme de terribles barbares, montés torse nu et casqués sur leurs petits chevaux, une longue épée à la main. Ils se répandent en Belgique, en Gaule, en Espagne et franchissent la Manche. Vers 390 avant J.C., les Gaulois de la tribu des Sénons (ou des Bituriges), commandés par Brennos, pénètrent en Italie du Nord et assiègent une ville étrusque : Clusium (Chiusi). Des ambassadeurs romains prennent parti contre les Celtes. Ces derniers lèvent le siège pour aller punir Rome de cette ingérence. Les deux armées se rencontrent à Allia. Brennos, fort de ses 60 000 hommes, inflige aux Romains (40 000 soldats) une cuisante défaite (387 avant J.C.). Les Gaulois pénètrent ensuite dans Rome qu’ils incendient, à l’exception du Capitole qui résiste sept mois. Brennos accepte alors de quitter la ville en échange d’une rançon de mille livres d’or. Mais une partie de ces guerriers se fixe en Italie du Nord (la Gaule Cisalpine). La vague celtique continue ses incursions ; dans les régions danubiennes, les Illyriens sont écrasés. En 281 avant J.C., trois armées celtes pénètrent en Grèce, en Thrace et en Macédoine. Delphes est pillée en 279 avant J.C., mais l’hiver et la maladie obligent l’armée à se replier en Macédoine où leur chef (un autre Brennos) se suicide. Après avoir subi une défaite contre le Macédonien Antigone Gonatas, le reste de l’armée va s’installer en Asie Mineure et fonde la Galatie.
Le monde celtique n’a pas d’unité politique, mais on peut cependant parler de civilisation celte : même langue, même mode de vie et de pensée, mêmes pratiques religieuses. Les chefs guerriers possèdent un cheval et une épée de fer plus solide et plus maniable que celle de bronze.
5. La Gaule à la veille de la conquête romaine. Au 2e s. avant J.C., les tribus gauloises deviennent de véritables Etats indépendants, les “civitates/les cités”, avec leur gouvernement, leur administration et leurs institutions religieuses, les oppidums sont à leur apogée. Ces cités sont elles-mêmes divisées en pagi ou pays. La Gaule compte alors peut-être 10 à 15 millions d’habitants, on l’appelle parfois “chevelue” car elle est encore couverte par de nombreuses forêts (ce qui est en grande partie faux car elle est déjà largement cultivée). La Gaule est divisée en quatre régions qui diffèrent par la langue, par les lois et les coutumes : l’Aquitaine, la Celtique, la Belgique et la Narbonnaise.
La Narbonnaise : elle est conquise par les Romains (d’où son appellation : la Province, ce qui donnera le mot Provence) dès 121 avant J.C. Mais cette région avait déjà subi une forte influence grecque par la fondation de Phocée (Marseille) vers 600 avant J.C.
L’Aquitaine : les Celtes ont dû occuper cette région vers le 4e s. avant J.C… A partir du 2e s. avant J.C., les Ibériques s’y implantent également. Parmi la vingtaine de peuples on trouve les Convènes, les Ausques, les Tarbelles.
La Celtique : c’est la région la plus vaste, les peuples, souvent groupés en fédérations, sont puissants : les Bituriges (Avaricum/Bourges), et les Carnutes occupent le centre supposé de la Gaule (Genabum/Orléans et Autricum/Chartres) ; les Parisii contrôlent les confluents de l’Oise et de la Seine (Lutecia/Paris); les Sénons (Agedincum, Sens) font une expédition à Rome avec leur chef Brennos. Une partie des Lingons (Andematunum/Langres) s’installe dans la plaine du Pô, les Helvètes occupent la Suisse, les Eduens contrôlent une position stratégique, ce qui leur donne de la puissance (Cabilonum/Chalon-sur-Saône, Matisco/Mâcon, Bibracte est un centre industriel implanté sur le mont Beuvray), les Arvernes ont créé une véritable confédération dans la Massif Central, leur dernier chef, Vercingétorix, défend avec succès sa capitale Gergovie contre les Romains.
Les Celtes pénètrent assez tardivement en Bretagne : les Vénètes s’enrichissent en allant faire le commerce de l’étain en Cornouailles. La Belgique s’étend jusqu’au Rhin, le fleuve servant de frontière entre Celtes et Germains. Les principaux peuples : les Véliocasses (Rotomagus/ Rouen), les Ambiens (Samarobriva/Amiens), les Rèmes qui occupent la Champagne..
Malgré la diversité des peuples qui habitent la Gaule, il existe entre eux une véritable unité culturelle. Les Gaulois cultivent le blé, l’orge et le millet, ils améliorent leurs terre par le chaulage et le fumier parfois mélangé à des cendres. Ils sont aussi de grands éleveurs, ils élèvent des porcs pour en consommer la viande (ils mangent très peu de sangliers). Ils savent conserver la viande en la salant ou la fumant et sont d’excellents charcutiers. Les Gaulois sont bons mangeurs et de bons buveurs de bière et de vin. La pêche fournit un complément de nourriture. Les Gaulois sont aussi de très bon artisans, ils construisent des chars à quatre roues, inventent la moissonneuse, construisent des navires robustes. Ils sont également les inventeurs et du savon, du tonneau, plus léger et plus pratique que les amphores.
6. A partir du 2e s. avant J.C. : la domination romaine. Les armées romaines s’emparent successivement du Picenum, de la Gaule Cisalpine et transalpine, de l’Espagne, de la Gaule, de la péninsule balkanique, de la Grande-Bretagne. Le seul vestige du vaste empire celtique reste l’Irlande qui n’est pas soumise par les Romains. Les Celtes essuient ensuite d’autres défaites infligées par les Germains. Après l’effondrement de l’Empire romain et sous la pression des populations germaniques, ils ne parviennent à conserver leurs traditions culturelles que dans quelques zones périphériques de l’Europe tels, l’Irlande, le Pays de Galles, l’Ecosse, la Cornouaille et la Bretagne.
La théorie des Celtes autochtones de l’Europe de l’Ouest. La théorie des migrations s’appuie sur les caractères communs de la langue et des croyances (travaux de G. Dumézil) de la famille “indo-européenne”. Mais certains chercheurs dont John Brough, interrogent les travaux de Dumézil en montrant que les valeurs originales des Indo-Européens se retrouvaient aussi dans la bible qui appartient au fonds sémitique. De plus, des données archéologiques dans les régions danubiennes remettent en question la thèse des migrations qui n’a laissé aucune trace. La théorie des migrations n’arrive pas à expliquer, non plus, la présence précoce, à l’ouest, de peuples celtiques : les Celtes d’Armorique et les Celtibères. D’autres historiens pensent qu’il n’y a aucune rupture culturelle dans l’aire géographique des Celtes en Europe. Les variations de rites funéraires (inhumation-incinération) ne témoignent pas de remplacement de populations, mais uniquement d’évolutions culturelles locales. En fait, les Celtes seraient apparus beaucoup plus tôt qu’on le pense, vers 2500 avant J.C.. Dans cette hypothèse, la culture des vases campaniformes, qui couvre toute l’Europe occidentale au 3e millénaire avant J.C., peut être d’origine indo-européenne et s’inscrire dans la phase des Proto-Celtes. Ainsi la culture des mégalithes (Carnac, Stonehenge) aurait une origine celte. Colin Renfrew, de l’université de Cambridge, pense qu’il y avait bien un foyer indo-européen, mais il aurait été situé à l’est de la Turquie, à l’époque néolithique, au 9e millénaire avant J.C. Au contact du croissant fertile et de l’invention de l’agriculture, ce foyer se serait développé puis étendu lentement et progressivement. Vers 7000 avant J.C., ces peuples auraient atteint l’Europe en assimilant ou déplaçant vers l’Ouest les peuples non-européens encore prédateurs. Dans cette hypothèse, l’extension des langues indo-européennes suivrait exactement celle de l’agriculture : 6000 avant J.C., dans l’Ouest méditerranéen, 5400 en Europe centrale, 3000 en Europe occidentale. Les langues celtiques se seraient donc développées en même temps, et au même endroit que la culture des vases campaniformes…
II La chute de l’empire romain
Les grandes invasions barbares du 4e au 5e s. disloquent définitivement l’Empire Romain en renforçant dans la population un sentiment de précarité. Ces invasions sont globalement constituées d’une série de migration de tribus causée par les Huns, un peuple nomade terrifiant, originaire d’Asie Centrale, chassé par les Chinois au 2e s. avant J.C.. Il a séjourné alors dans les steppes au Nord du Caucase puis, en quittant les steppes asiatiques à la fin du 4e s., pousse les autres tribus barbares vers l’Ouest en direction de l’Empire Romain. Les Huns sont d’une férocité “abominable”, et Attila leur chef le plus connu, semble mériter son qualificatif de fléau de Dieu. Eternellement nomades, ils sont rompus au froid et à la faim. Contrairement aux autres peuples barbares, ils n’ont jamais songé à s’installer sur les terres de l’Empire : seules les richesses les intéressent mais ils exploitent avec une remarquable intelligence les dissensions du monde romain. Ils pénètrent brutalement sur les terres des Goths en 371. Leur cavalerie légère est d’une efficacité redoutable et ils poussent ainsi les Goths, qui eux-mêmes catapultent d’autres peuples en Gaule : il s’agit donc d’une gigantesque partie de carambole des peuples.
Les Huns venus d’Asie Centrale, arrivent sur les terres des Ostrogoths (Russie méridionale). Les Ostrogoths négocient avec les romains en 371 leur installation comme “peuple fédéré” de l’Empire en Thrace (actuelle Bulgarie) avant d’envahir l’Italie.
Les Wisigoths d’Alaric, après avoir traversé le Danube en 375, pénètrent en Italie à deux reprises en 401 puis en 410 (pillage de Rome) : ils négocient ensuite en 418 leur installation (environ 100 000 personnes dont 20 000 soldats) en Aquitaine, officiellement concédée par les romains à la suite d’un traité (foedus). Ils choisissent comme capitale Toulouse. Ils s’installeront ensuite en Espagne, d’où ils seront chassés par les arabes en 711. Les Vandales, les Suèves et les Alains fuyant eux aussi les Huns, franchissent la frontière en 406 avec environ 150000 hommes. Il s’est alors produit un phénomène climatique extraordinaire, qui a bouleversé les stratégies des généraux romains : le Rhin a gelé. Il prive le monde romain de sa plus précieuse frontière naturelle. Les Huns profitent du fait que, pour arrêter les Wisigoths, le général romain Stilicon avait dégarni la frontière fortifiée rhénane et passent facilement sur le fleuve gelé, un vrai boulevard ! Les hordes de Vandales, de Suèves, d’Alains et de Burgondes franchissent donc le Rhin le 31 décembre 406 en dévastant tout sur leur passage. Les Vandales, dont le nom restera synonyme de destructeur, s’installent avec 80 000 hommes en Afrique (Maghreb) en 429 et les Suèves se fixent en Espagne. Les Vandales, comme les Ostrogoths, succombent ensuite en 533 à la reconquête byzantine.
Les Burgondes passent le Rhin en 407, se fixent dans l’Allemagne actuelle puis sont installés par les romains comme colons en Savoie après leur défaite contre les Huns de 436 dans laquelle 20000 d’entre eux périssent. Les Francs Rhénans pillent à de nombreuses reprises la ville de Trèves et ses environs, en 413, 423, 425, 432, 455.
Les Francs Saliens, au titre du foedus qui fait d’eux des “soldats romains” depuis 359 dans le nord-est de la Gaule, respectent à de rares exceptions près leur engagement de fidélité vis-à-vis de l’Empire : ils justifient leur qualificatif de “Barbares les mieux romanisés”. A partir de 430 et durant 20 années, le général Aetius fait pourtant de son mieux pour maintenir l’Empire Romain en composant avec les Barbares : ses qualités militaires et diplomatiques font de lui le héros des romains. Son séjour comme otage à la cour d’Attila (qui garantissait le respect par Rome de ses engagements vis-à-vis des Huns) lui permet de bénéficier de mercenaires huns qui lui sont d’un grand soutien. Il sait ainsi ponctuellement rappeler aux Wisigoths, aux Burgondes et aux Francs que Rome n’a pas encore totalement disparue : il renégociera avec eux les foedus. Ces invasions font l’effet d’un tourbillon en Gaule. Chaque tribu pille pour se nourrir, les fonctionnaires romains s’enfuient et les révoltes des paysans renforcent encore la bagaude. Les invasions ont été ressenties comme des “torrents dévastateurs”, provoquant un véritable choc pour les gallo-romains, et un manque de confiance dans l’Empire Romain : le pillage de Rome par les Ostrogoths a marqué durablement les populations.
III Alors Vaucluse ? Voila pourquoi, même si le Vaucluse est le berceau de sociétés préhistoriques, même s’il a été ouvert aux influences étrusques, helleniques et latines, il faut compter aussi sur son héritage celte qui a bien su se fondre dans l’Occident romain. Certes les monuments civils et religieux de l’Antiquité tardive témoignent du poids latin, certes ceux du Moyen Age, édifiés dans le cadre des évêchés qui ont pris la suite des cités, témoignent de la période romane et de celle du séjour des papes à Avignon. Et il n’est pas une communauté rurale qui ne puisse s’enorgueillir de la valeur d’un site, d’un monument témoin de ce passé. Mais les Celtes savaient où étaient les richesse et une part de leur génie tient dans ce que ce sont eux qui ont su donné des noms aux lieux, quand bien même ils ont été romanisés. On comprend que sur une période de près de 3000 ans, de même qu’ il y a des ruines et des vestiges de vaisselle, des tombes, et nombre d’objets archéologiquement sensibles, il y a des des lieux, des rivières ou des montagnes qui n’ont pas attendu ni les romains, ni les touristes anglo-saxons de la seconde moitié du vingtième siècle pour être nommés.
Pour résumer, dans le territoire occupé par l’actuel département de Vaucluse, on retrouve des traces de vie humaine depuis le début de la période paléolithique et des témoignages de relations commerciales entre les populations indigènes et les Grecs sont attestés au cours du 1er millénaire avant J.C.. Les Romains conquièrent la région au 2e s. avant J.C. et les cités (Avignon, Apt, Carpentras, Cavaillon, Orange, Vaison) se développent au cours de la paix romaine, pendant laquelle se multiplient les routes et les échanges commerciaux. Ces cités constitueront les sièges des évêques, le christianisme étant bien installé dès le 4e s.
Puis voici, que les bandits, les voleurs, les pilleurs, s’arrêtent ici et commencent à se sédentariser. Une fois les plus forts, une autre fois en minorité, un siècle en paria, un autre en recherche de transaction… Partages, guerres et invasions sont, pendant le Haut Moyen-Âge, le lot de la région, dorénavant terre d’Empire. C’est au 11e et surtout au12e s. que la géographie historique du territoire vauclusien se précise.
Le comte de Toulouse possède les 60 villages du Comtat Venaissin. Plus à l’Est : Pertuis, Apt, Gordes, Sault relèvent du comte de Forcalquier, puis du comte de Provence. Orange s’organise en principauté indépendante, Avignon, indivise entre les comtes, se constitue en Commune puissante et indépendante. L’économie rurale et citadine s’améliore, le développement des échanges est symbolisé par la construction du pont d’Avignon en 1186.
La croisade des Albigeois mettant aux prises le roi de France et le comte de Toulouse et le traité de Paris de 1229 entraînent une redistribution des pouvoirs au cours du 13e s. : Avignon perd son autonomie (1251) et le Comtat Venaissin est attribué à la papauté (1274). L’installation prolongée de la papauté à Avignon, à partir de 1309, place la région au cœur de la chrétienté, favorisant un développement démographique, économique, artistique extraordinaire. L’achat d’Avignon par le pape en 1348 complète ses territoires comtadins et détermine jusqu’à la Révolution le caractère particulier de l’histoire de cette région. La réunion à la couronne de France du Dauphiné (1349) puis de la Provence (1481) enclavant les États du pape, les avignonnais et les comtadins cherchèrent continûment à resserrer les liens avec le royaume, tout en tentant de préserver les privilèges fiscaux dont ils bénéficiaient. Également enclavée, la principauté d’Orange ne sera réunie au royaume qu’au début du 18e s.
La diversité institutionnelle du territoire vauclusien entraîne un calendrier révolutionnaire différencié. Les terroirs déjà français se constituent dès 1790 à l’instar du reste de la France en cantons et districts au sein des départements des Bouches-du-Rhône (Apt, Pertuis, puis Orange) ou des Basses-Alpes (Sault). Les États du pape se divisent et se combattent. Avignon, vite gagnée aux idées révolutionnaires, expulse le vice-légat, demande la réunion à la France dès 1790 et organise avec les bourgs du Bas-Comtat un premier département de Vaucluse. Les habitants du Haut-Comtat autour de Carpentras restent favorables au pape. Pour mettre fin au conflit armé qui les oppose, l’Assemblée nationale délègue trois médiateurs qui parviennent à réunir des délégués des communes ; ceux-ci votent la réunion à la France, décrétée par l’Assemblée le 14 septembre 1791. Le district de Vaucluse, avec Avignon, est réuni aux Bouches-du-Rhône, celui de l’Ouvèze, avec Carpentras est réuni à la Drôme ; complétés par les districts d’Orange et d’Apt ils formeront le département de Vaucluse le 25 juin 1793. En 1800, quatre arrondissements sont constitués (Avignon, Apt, Carpentras, Orange), qui seront ramenés à trois lors de la réforme de 1926 .
Violentes sous la Révolution, les luttes politiques demeurent vives au 19e s., en 1848 et 1851, mais ce siècle reste surtout marqué par l’essor économique, tant dans l’agriculture qui surmonta les crises de la culture de la garance* et de la vigne, que dans l’industrie de la soie, des indiennes, et de la faïence. Le développement de l’irrigation et du chemin de fer assure une croissance durable.
Les communes du département de Vaucluse
Alors, comme disent les enfants “comment que ça se cause le celte, le grec, le latin dans mon village ? ” La réponse est simple : il faut étudier le nom de du village ou de la ville, c’est lui qui en tient le secret ! Quelle est l’étymologie des noms de lieux ? C’est un sujet très difficile, traité par des spécialistes qui ont fait de longues études. Ils recherchent les formes proches de l’origine dans les documents de l’Antiquité ou du Haut Moyen Âge ; leurs conclusions sont très prudentes, souvent multiples et divergentes. Tous les noms sont passés par des formes différentes au cours de l’histoire, au point que la forme originale est souvent indécelable. En ce domaine, l’amateurisme est tentant et fait des ravages : chacun émet son opinion, quantité d’étymologies sont tout à fait fantaisistes, autant que les légendes locales dont font volontiers état les sites Internet des communes. De très nombreux noms de communes en France viennent en fait d’un patronyme fort ancien, latin, gaulois ou germanique : le lieu était désigné comme”chez Untel”, le domaine d’Untel. Il existe encore souvent dans les campagnes des hameaux et des lieux-dits de la forme “chez Untel” (ou “en …” en occitan). C’est rarement intéressant, le personnage étant rigoureusement inconnu. C’est pourquoi on s’ abstiendra de donner des hypothèses, sauf quand le nom ancien est bien identifié, et qu’il a du sens comme origine (une tribu, une création précise) ou comme référence à un site ou un terroir (un confluent, une limite, une qualité de sol, etc.).
Résumons l’Histoire
1791 : rattachement d’Avignon et du Comtat Venaissin, 2 districts : Avignon, Carpentras.
1792 : rattachement du district d’Avignon aux Bouches-du-Rhône et du district de Carpentras à la Drôme.
1793 : création du département de Vaucluse avec 4 districts : Apt, Avignon, Carpentras, Orange.
1800 : création des arrondissements : Avignon, Apt, Carpentras, Orange.
1926 : suppression de l’arrondissement d’Orange.
1926 : la sous-préfecture d’Apt est déplacée à Cavaillon.
1933 : la sous-préfecture de Cavaillon est déplacée à Apt.
Evoquer les communes par ordre alphabétique dans le département entier, évidemment, ne rendrait pas compte des liens de voisinage qui nouent les cités entre elles. Les 3 arrondissements actuels ont comme chef-lieu : Avignon, Apt, Carpentras. La présentation des communes aux chapitres suivants est organisée par cantons, comme si le département de Vaucluse occupait toute une page qu’on lirait normalement de gauche à droite, de haut en bas. Les cantons sont présentés du Nord au Sud, d’Ouest en Est.