Vaucluse

Canton de VAISON-LA-ROMAINE

Alain Jacquemin
12 min readApr 1, 2014

3) VAISON-LA-ROMAINE, 174,31 km2 : Buisson — Cairanne — Crestet — Faucon — Puyméras — Rasteau — Roaix — Saint-Marcellin-lès-Vaison — Saint-Romain-en-Viennois — Saint-Roman-de-Malegarde — Séguret — Vaison-la-Romaine — Villedieu

Buisson

Mentionné au 12 e s., Boissonum, de bu celte, ou de buxum latin “bois”. Commanderie du Temple, puis dépendant du Saint-Siège, à partir de 1320. Au 16e s., le territoire est inféodé à plusieurs seigneurs.

Pendant les guerres de Religion, le village est occupé par les protestants de Nyons : ils enlèvent la cloche et ne la restituent que … cent ans plus tard.

Cairanne

Occupation néolithique et gallo-romaine. Cité en 1123 sous son vocable actuel, qui signifie “rocher”, de kar, cair en celte. Seigneurie appartenant aux Hospitaliers* de Saint-Jean, passée au Saint-Siège au 14es., puis aux Cambis avant la Révolution. On peut s’en tenir là… C’est juste, c’est vrai… Mais Kar, cair, rocher ? Un bon schéma vaut mieux que de longues explications…

Hospitaliers

Dès le milieu du 11es., des marchands d’Amalfi obtiennent du calife d’Egypte l’autorisation de bâtir à Jérusalem un hôpital, qu’ils placent sous l’invocation de saint Jean, et où sont reçus et hébergés les pauvres pèlerins qui viennent visiter la Terre-Sainte. Amalfi se situe dans le golfe de Salerne dans la Mer Tyrrhénienne. La ville devient rapidement une puissance maritime faisant le commerce des céréales, du sel et des esclaves, exportant du bois de construction vers l’Égypte et la Syrie et important en occident les soieries de l’Empire Byzantin. Les marins d’Amalfi, les premiers d’Occident à utiliser la boussole, font la fortune de la ville. Au 9e s., les marchands amalfitains (originaires de la presqu’île située en bout de la baie de Naples en Campanie) utilisent déjà une monnaie en or alors que la plus grande partie de l’Italie en est encore à une économie de troc. Les relations d’Amalfi avec l’Orient sont encore illustrées par la cathédrale dont les portes sont fondues à Constantinople en 1066 et acheminées jusque là par la mer. Également au milieu du 11e s., des marchands amalfitains établis à Jérusalem sont à l’origine de la fondation de l’Ordre de Malte. Godefroi de Bouillon et ses successeurs encouragent cette institution, et font, à la maison de Saint-Jean, des donations considérables. Pierre Gérard, originaire de l’île de Martigues en Provence, propose aux frères qui desservent cet hôpital de renoncer au siècle, de revêtir un habit régulier, et de former un ordre monastique, non cloîtré, dont tous les membres prendraient le titre d’Hospitaliers. Le pape Pascal II, en nommant Gérard administrateur de l’hôpital confirme le nouvel institut, prend les Hospitaliers sous sa protection, et leur accorde divers privilèges. Le premier grand maître et successeur de frère Gérard, Raymond du Puy (élu en 1120), organise l’Ordre et instaure une règle, inspirée de celle de Saint-Augustin (1135). Les hospitaliers dérivent vite vers un ordre militaire comme les Templiers, avec lesquels ils se disputent souvent l’issue des batailles et les conquêtes …L’Hôpital construit des châteaux en Terre Sainte : Margat, le Krak des Chevaliers … Après la chute de Saint-Jean d’Acre (1291), l’Hôpital se replie sur Chypre, puis sur Rhodes. Appelés Chevaliers de Rhodes depuis 1309, puis Chevaliers de Malte depuis 1530, ils sont les héritiers des biens Templiers (bulle papale du 2 Mai 1312), sauf ceux sur lesquels Philippe le Bel a mis la main …L’Hôpital connaît un déclin dans le milieu du 14e s., principalement due au système économique qui régit les commanderies et à une crise religieuse. Il est alors menacé de se voir retirer les biens du Temple par le pape Innocent VI. La fin du Moyen-Âge transforme l’Hôpital en une principauté chrétienne défendant l’île de Rhodes, d’autant que l’aristocratie qui le compose lui toujours confère un prestige important.

Crestet

Etablissement probable d’un village sarrasin sur la crête de la colline. Cité au 12es., Castrum Castri, et au 13e s., Crestum, toponyme diminutif de Crest, Crêt, crête, sommet. Seigneurie des évêques de Vaison.

Une attaque des calvinistes en 1563, se solde par un échec, mais en 1574, ils réussissent à s’emparer du village. Le château, construit vers 850, servit de carrière de pierre aux habitants après la Révolution puis détruit progressivement. Dans un des angles la place du château, un puits au diamètre impressionnant (1,50m) et profond de 62m, sert de cachette à des centaines d’objets les plus divers depuis qu’il existe … un trésor archéologique à découvrir !

Faucon

En 1120 : Falco. Est-ce un lieu où on élève des faucons pour la chasse ? Surnommé jadis “Petit-Paris”.

Fief des comtes de Toulouse aux 12e -13e s., qui accordent une charte communale. Après des actes de violence commis lors d’un office religieux contre un consul chargé de protéger la population des excès d’autorité du seigneur, la terre de Faucon est confisquée par le Saint-Siège dans la dépendance duquel elle reste pour les 6/7, la dernière part passant successivement aux mains de plusieurs seigneurs. Ancienne commanderie de templiers à Saint-Germain. Fief des Baumettes, au sud, où un seigneur de Gamdelin fabrique de la fausse monnaie fin 15e s donc de mauvaise aloi.Le crime de fausse monnaie se commet de plusieurs manières : en fabriquant de la monnaie sans l’autorité du Prince, quand même elle serait bonne; en la fabriquant de faux poids et de faux aloi ; comme quand on la fait trop légère ou qu’on y mêle du métal d’une valeur moindre; ou quand on blanchit des pièces de monnaie de cuivre, afin de les faire passer pour des pièces d’argent ; ou qu’on dore des pièces d’argent dans le dessein de les faire passer pour de l’or; en contrefaisant on falsifiant l’image du Prince, et l’inscription qui est sur les pièces de monnaie; en altérant ou rognant la monnaie par le secours des limes, des eaux-fortes, ou autrement…

Puymeras

Cité en 1304 : Podium Almeracii, en latin, la colline des ormes ; vocable révolutionnaire : “Puy-la-Montagne”.

Terre du comte de Toulouse au 12e s. puis co-seigneurie des Blégiers de Taulignan et des Veri. Pendant les guerres de Religion, le village change plusieurs fois de mains ; I’église est dévastée et les habitants massacrés. La commune de Puyméras se déclare ardemment républicaine à la Révolution.

Rasteau

Cité au 12es. : Rastellum, d’un nom de personne d’origine germanique, Ratwald (rad, “conseil” + waldan, “gouverner”).

Seigneurie des évêques de Vaison. Rasteau est l’une des 16 communes à avoir le droit d’accoler son nom à l’ AOC Côte-du-Rhône Villages.

Roaix

Cité en 1137 : Roais. On a proposé un toponyme celte qui désigner une agglomération bâtie le long d’une route. Avec le même sens, il existe un Ruata, Ruatta, en Piémont. Pourquoi pas ? Mais, il faut revenir au temps de la première croisade et de ses errements en Asie Mineure. Il faut se souvenir d’une de ses bases, à Édesse qui se dit Er-Roha en arabe. Lors de la première croisade, les chevaliers de l’Ordre du Temple ont conquis cette forteresse d’Asie Mineure. Baudouin, comte de Boulogne, frère de Godefroi de Bouillon, est adopté en 1098 par le prince arménien d’Edesse qu’il laisse assassiner pour devenir lui-même comte d’Édesse. Puis Baudouin III conquiert Jérusalem, épouse Morfia, princesse arménienne, et fait d’Édesse la base avancée des Chrétiens contre les Turcs. Édesse est prise et ruinée et la deuxième croisade ne parvient pas à reprendre la ville aux Ottomans. Un texte de 1138 explique que c’est en souvenir de cette ville d’Asie Mineure, que l’on nomme “Rohais” un nouveau bourg sur la route d’Avignon…

Une commanderie templière, fondée en 1137, est à l’origine du village. Après la disparition de I’Ordre, Roaix revint au Saint-Siège. Avant les Templiers ce n’était qu’une terre de l’évèque de Vaison. Le village, de création récente (au 16e s. comme l’actuel château), ne semble pas avoir possédé de rempart.

Saint — Marcellin — Lès-Vaison

Mentionné en 1146 : Sanctus Marcellinus, diminutif de Marcel qui est un nom de personne d’origine latine, Marcellus, diminutif de Marcus, forme latinisée du nom de baptême Marc, lui-même formé à partir du nom du dieu Mars. “Lès” correctement orthogrpahié avec un “è” ou parfois “lez” n’est pas un article mais une préposition qui vient du latin “latus/ près de, à côté de”. Au 12es., co-seigneurie partagée entre Guillaume de Pelestort et les templiers.

Au 18e s., seigneurie des Blégiers de Taulignan. Commune sans église et sans cimetière ; relève de Vaison pour le spirituel et la sépulture. Terre du Dauphiné, enclavée dans le Comtat. Traces d’occupation romaine : autel à Jupiter, statuettes de Bacchus, urne cinéraire, fragment de cippe. Habitat réparti en hameaux et lieux-dits : le chef-lieu est à La Magdelaine (mairie, école, chapelle), sans agglomération. Château de Taulignan : tour ronde crénelée, vestiges d’un château fort.

Saint-Romain-en Viennois

Mentionné au 14e s. : Sanctus Romanus in Vienysio. Le suffixe “Viennois” est dû à l’ancienne appartenance du territoire aux Dauphins du Viennois. Au 12e siècle, le village dépend de la principauté d’Orange, puis devient une propriété des Templiers. Selon un acte, daté de 1220, Saint Romain-en-Viennois a été un prieuré rattaché à l’île Barbe située près de Lyon dont le prieur était à la fois seigneur spirituel et temporel du comte de Toulouse. D’où son nom…

A partir du 15e siècle, le fief se divise entre plusieurs seigneurs laïcs. En 1573, les protestants de Nyons veulent s’emparer du village qui résiste aux premiers assauts en leur jetant des ruches par-dessus les murailles ! Le village est pris en 1589. Durant la Révolution, la commune devient, pour un temps, Romain-sur-Lauzon du nom de la rivière qui la traverse. Vocable révolutionnaire : Romain-sur-Lauzon.

Saint-Roman-De-Malegarde

Cité en 1313 : Sanctus Romanus de Malagarda. Ce qualificatif provient du germain ward (garde/tour de garde) qui a été latinisé en gardia. Le premier castrum de ce site avait donc fort mauvaise réputation sans qu’il soit possible d’établir la nature de cette renommée infâmante : mauvaise défense, site dangereux, lieu de débauche et de crimes…

Ancienne commanderie de Templiers passée aux Hospitaliers qui en font don à Jean XXII. Le Saint-Siège l’inféode au 14e s.en co-propriété. Pendant les guerres de Religion, le village est pris par les protestants en 1574. Le bour se répartit de chaque côté de la route : la partie haute plus ancienne (au sud) escalade une colline avec des rues étroites et abruptes. La vallée de l’Aigues (qui passe en limite de commune au nord et à l’ouest) occupe la partie supérieure du territoire. Au sud et à l’est, les reliefs boisés remontent de 330 m à 366 m. L’Aigues s’étale largement par de nombreux bras. Vocable révolutionnaire : Roman-Montagnard.

Séguret

L’étymologie est tirée du provencal : cité au 10e s., Ségur, Sûr, de Sécurelo. Propriété des princes d’Orange, puis des comtes de Toulouse.

Le 19 janvier 1274, le pape Grégoire X acquiert le Comtat Venaissin de Philippe III le Hardi, et y fait construire le château. Commune libre du 13e s. à la Révolution, le village est envahi par surprise en 1563, mais repousse un autre assaut calviniste en 1578. Accroché sur fond de dentelles de Montmirail, surplombant la vallée du Rhône, le village et sa forteresse devaient inspirer la sécurité en ces temps incertains.

Vaison- La- Romaine

Il y a 2000 ans elle s’appelait Vasio Vocontiorum, le gué des Voconces, avant de devenir Vaison tout court durant une bonne quinzaine de siècles, et “la Romaine” depuis 1923.

Vasio ou Vasione, capitale des Voconces, d’origine celte, a été l’une des villes les plus opulentes de la Province romaine. Ce nom vient de vas, gué, ou de var, vallée en U de l’Ouvèze… lou vèse signifiant lui-même le gué, le passage.

Vasio après avoir obtenu le statut de cité fédérée ou alliée de la part de Rome. Le village perché ou oppidum est petit à petit abandonné au profit de la vallée d’accès plus facile. On y construit des villas vers 50-30 avant. J.C. qui se transforment en même temps que l’urbanisation de l’habitat. Les riches propriétaires qui les occupent, construisent des pièces de vie commune, des salles d’apparat, des jardins bordés de portiques. L’extension de la ville s’étale sur les terres agricoles qui se transforment en zones constructibles. Les quartiers résidentiels recouvrent 2000 à 5000 m2 et sont parmi les plus importants en Gaule. Evêché dès le 2e s., comme Orange, siège à partir du 4e s., de l’évêché de Vasionensis.

L’abbé Sautel passe 48 ans à gratter le sol pour exhumer les trésors gallo-romains qui dorment sous les maisons et les jardins de la ville basse.

Les vestiges dégagés à partir de 1907 par “le chanoine Joseph”, font de Vaison le plus grand champ archéologique de France (environ 7 hectares), et une bonne partie de la cité gallo-romaine, estimée à 60 hectares, est enfouie sous la ville actuelle. Les deux sites principaux de la Villasse et de Puymin datent essentiellement du 1er et 2e s. après J.C.

Le site de Puymin s’organise autour d’une colline. De grandes demeures et des quartiers artisanaux en occupent trois versants tandis que le théâtre a été creusé sur le versant nord qui offrait une pente propice à cette installation. Son architecture, ses dimensions, sa décoration et les matériaux employés témoignent d’un passé très prospère. Sa construction remonte au 1er siècle, avec des réaménagements dans le courant du 2e s. Il a été utilisé jusqu’à ce que les avancées du christianisme marquent son abandon, puis sa transformation progressive en carrière de pierre. Au début de la Renaissance, seuls deux arceaux toujours en place aujourd’hui émergeaient de la colline. En 1821 le dessinateur Chaix, chargé des recherches autour des monuments antiques en Vaucluse, révèle l’existence du théâtre et en 1838 la commission des Monuments historiques entreprend des travaux. En 1858 Joseph Jacquet, propriétaire du lieu aménage le terrain en terrasses pour des plantations qui contribuent alors à restituer l’illusion d’une cavea.

Le théâtre est classé Monument historique en 1862. De 1909 à 1927, le chanoine Joseph Sautel entreprend des recherches archéologiques dans le but de retrouver la physionomie originelle du théâtre. Il met à jour le fossé du rideau et les fosses de scène, en 1911. En 1912 et 1913, il dégage les statues impériales et la cavea avec ses gradins. Après la Première Guerre Mondiale, la commission des Monuments historiques consacre aux fouilles du théâtre des subventions de plus en plus importantes. Ces fouilles révèlent la scène et une partie des gradins creusés dans le saffre de la colline. Les années suivantes, Joseph Sautel et Jules Formigé, Architecte en chef des Monuments historiques étudient l’édifice en vue de sa restauration qui intervient entre 1932 et 1934. Depuis la restauration et les restitutions partielles réalisées par l’architecte en chef, il n’y a eu aucune intervention importante sur l’édifice. Les éléments liés à la scène sont dégradés du fait de la fragilité de la pierre (variations de température, stagnation de l’eau, circulation piétonne). L’érosion dégrade progressivement les gradins, l’orchestra et les élévations de l’aditus maximus. Les restitutions de Formigé constituent la majeure partie des éléments visibles aujourd’hui.

Villedieu

Cité au 12e s: Villa Dei, littéralement en latin, “la demeure de Dieu”.

Ancienne commanderie de l’ordre du Temple, passée aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, puis propriété pontificale, de 1320 à la Révolution. Vocable révolutionnaire : “Côte-Libre”.

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