Une lecture détaillée et pédagogique du projet d’Emmanuel Macron

François Malaussena
77 min readApr 13, 2017

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Avant toutes choses, deux précisions :

  1. Je me base sur le PDF de son programme.
  2. J’ai les connaissances que j’ai, et j’ai fait des recherches succinctes dans la mesure du possible, mais je ne suis pas parfait, j’ai pu faire des erreurs dans ce que je dis. Toute correction est la bienvenue.

Voilà, maintenant que c’est posé et avant de lire le programme mesure par mesure, commençons par les deux points les plus importants de ce programme :

  • 60 milliards d’économies :
Page 30. In cauda venenum

Attention, mon point n’est pas de porter un avis sur ces mesures pour l’instant (ça viendra plus tard). On peut juger que c’est bien, ou que ça ne l’est pas, que c’est nécessaire, ou que ça ne l’est pas. Ca n’est pas la question ici. Ce que je veux souligner ici, c’est que ces deux mesures ne sont nulle part plus détaillées que ça. Du coup, on peut vite les oublier. Pourtant, elles vont avoir une incidence essentielle qui traverse tout le reste du programme, puisqu’elles impactent chacune des autres propositions.

Vous allez devoir absolument lutter pour garder en mémoire ces milliards d’économie et ces suppressions de poste pendant toute votre lecture du programme. Et vous allez le voir, une chose vous frappera très vite, quand vous vous apercevrez que budgétairement, ce programme est une tentative de quadrature du cercle : la boucle ne peut pas se boucler, il y a une cible d’économies qui est incompatible avec autant de ressources pour l’Etat en moins et de dépenses en plus.

Bien. Avec ceci en tête, je vous propose de commencer la lecture des mesures listées dans le PDF. On va y aller doucement, thématique par thématique, mesure par mesure, dans l’ordre du PDF. Chacune des parties ci-dessous porte le nom qu’elle porte dans le PDF, et j’ai repris toutes les mesures, normalement sans en oublier aucune. Pour chacune, je mettrai une capture d’écran de la mesure, avant d’en discuter.

Et pour les flemmard.e.s, j’ai mis en gras la principale information à retenir sur chaque mesure.

Commençons par la première thématique, nommée “le travail et la protection sociale”. Allons-y :

1 — Travail et protection sociale

  • Les “travailleurs”, ça désigne la population active, moins les personnes au chômage. Ca fait 25,8 millions de Français. Ca laisse 41,2 millions de Français qui ne sont pas concernés par cette mesure (67 millions de Français, moins les 25,8 millions de travailleurs). Commençons donc par signaler que ça laisse quand même du monde derrière.
  • 500 euros de plus par an pour un salaire de 2200 euros par mois”, je trouve la présentation trompeuse : à la première lecture, j’ai cru qu’il était question de 500 euros en plus par mois (ce qui en aurait fait une mesure plus ou moins comparable au revenu universel). Mais non, relisez lentement.
  • Eh oui, il n’est pas question de 500 euros par mois, mais… par an ! Ca fait 40 euros par mois. Soyons clairs : c’est mieux que rien, mais ça ne va changer radicalement la vie de personne.
  • Quoi qu’il en soit, une question émerge : on a un exemple de ce que ça signifie pour les gens qui ont un salaire de 2200 euros nets par mois, mais qu’en est-il pour les autres salaires ? Pour ceux qui gagnent le SMIC, ça fait combien par mois ? Plus ? Moins ? Et pour ceux qui gagnent 4000 euros par mois ? Plus ? Moins ?
  • Ce sera fait “sans que cela ne revienne plus cher aux employeurs”, autrement dit, l’addition sera pour l’Etat. Aucune autre précision sur le financement, pour une mesure à environ 13 milliards (si tous les travailleurs reçoivent 40 euros par mois chacun). Du coup, à quoi s’attendre : une baisse de la protection sociale ? L’Etat va emprunter pour financer ? Ou lever des impôts (qui sera donc sur les ménages uniquement) ?
  • (NB : à ce stade, vous avez peut être compris que l’auteur de ces lignes était de gauche. Ceci dit, si vous êtes de droite, je vous invite à lire malgré tout. Vous ne serez sans doute pas d’accord sur ce qui est souhaitable et ne l’est pas, mais le principal problème de ce programme (son impossibilité budgétaire) vous concerne tout autant).
Je passe sur le mépris sous-jacent du terme “smicard”…
  • Dans l’idée, c’est bien, mais c’est un peu court. Il y a là aussi un exemple, mais qu’en est-il de toutes les autres situations ?
  • Comment est-ce financé ? Sachant qu’il y a déjà un problème de financement de la prime d’activité aujourd’hui.
  • En outre, ça ne réduira pas la pauvreté, parce que ça ne cible visiblement que les bénéficiaires de la prime d’activité, or il faut rappeler l’existence de l’épreuve du guichet (le nom qu’on donne au stigma social qui pèse sur les demandeurs d’aides), qui explique qu’entre la moitié et les 2/3 (selon les sources) des gens éligibles à cette prime ne la demandent pas (et ne croyez pas que l’Etat y économise, ça finit juste par lui coûter plus cher plus tard sur d’autres aides).
  • Baisser le coût des heures supplémentaires, ça ne va pas aider à lutter contre le chômage, puisque ça crée une incitation à recourir aux heures supplémentaires plutôt qu’à créer de nouveaux postes.
  • Encore une mesure qui va coûter à l’Etat. A nouveau, comment est-ce financé ?
  • Ouvrir les droits à l’assurance-chômage aux démissionnaires me paraît être plutôt une bonne idée (comprendre par là : je vois plein d’effets pervers possibles, mais j’ai foi dans le fait que les gens n’en abuseront pas).

En revanche, concernant la suspension des allocations en cas de refus d’offre raisonnable :

  • Alors déjà, rappelons que ces allocations chômage sont un droit (puisqu’elles découlent de vos cotisations à l’assurance chômage) et non pas une largesse de l’Etat et de l’employeur.
  • Qui qualifiera si une offre était raisonnable ou non ? Des critères, ou une instance ? Si ce sont des critères, lesquels, ce serait bien de savoir avant. Si c’est une instance, laquelle, parce que les tribunaux sont déjà débordés.
  • Et combien de temps ça prendra pour déterminer si l’offre était raisonnable ? Parce que si vos allocations sont suspendues entre temps, vous risquez d’avoir faim. Et en réalité, vous risquez surtout de ne pas avoir d’autre choix que d’accepter l’offre, même non raisonnable.
  • Et d’ailleurs, si un employeur sait que le refus de sa proposition entraînera la suspension de vos allocations, pensez-vous vraiment que son offre sera raisonnable alors qu’il est en position de force ?

Ajout : Une lectrice travaillant au Pôle Emploi (Stéphanie) me précise que :

  1. Nicolas Sarkozy proposait la même chose à la primaire de droite,
  2. Ca existe déjà (depuis une loi d’août 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, donc. Ne cherchez pas la logique.),
  3. Les agents de Pôle Emploi tentent le plus possible de ne pas l’appliquer pour des raisons éthiques, et
  4. Quand c’est appliqué contre le gré du chômeur, c’est souvent contre-productif. Ce n’est pas très étonnant : un contrat de travail, c’est un accord entre un travailleur et un employeur qui ont envie de travailler ensemble (*) ; si l’un des deux n’a en fait pas envie mais accepte parce qu’il n’a pas le choix, ça a de fortes chances de mal se passer…

(* : c’est d’ailleurs toute la logique d’un contrat : si le consentement de l’une des deux parties est obtenu par la contrainte, ce n’est plus un contrat et un juge peut déclarer la nullité du contrat).

  • Ils seront formés à quoi ? Auront-ils le choix ? Leurs aides dépendront-elles, comme pour le chômage, de leur acceptation de ces formations ?
  • Rappelons qu’en mars 2017, il y a 6 millions et demi de chômeurs toutes catégories, dans toute la France. Former 2 millions de personnes, ça fait presque un tiers d’entre eux. C’est beaucoup… C’est bien d’être ambitieux, mais ici, il n’est pas expliqué comment ce sera fait.
  • Ils seront formés comment ? Avec quels moyens ? Leurs moyens propres ou c’est l’Etat qui finance ?
  • Parce que dans le privé, c’est hors de prix pour un Français normal
  • Et dans le public, c’est certes plus abordable (sans être gratuit pour autant, de l’ordre de 500€ par an), mais les universités sont débordées d’étudiants et déjà très très largement sous financées (notamment par rapport aux écoles). Or il faut rappeler qu’il y avait 2 millions et demi d’étudiants en France en 2014 (dont 62% en universités), 2 millions de personnes à former en plus, ça signifie donc presque doubler le nombre d’étudiants. Ca va coûter pas mal d’argent. (Pour vous donner un ordre d’idée, le ministère en charge de l’enseignement supérieur (mais aussi de la recherche) reçoit 26 milliards par an, soit le 5ème ministère le plus doté.)
  • …pour qu’ils vivent de leur travail plutôt que des aides publiques” en leur fléchant 5 milliards d’euros d’aides... (NB : je ne dis pas que c’est bien ou mal, simplement que d’une ligne à l’autre, on ne se gêne pas pour sortir n’importe quoi).
  • Nous les aiderons à être payés au prix juste”, ah, beaucoup de penseurs et d’économistes ont disserté sur ce qu’était le prix juste, de Thomas d’Aquin à Montesquieu. Selon le penseur que vous écoutez, le prix juste pouvait être :
    - le prix des matières premières utilisées pour produire le bien,
    - une mesure de l’utilité du bien produit,
    - une mesure de sa rareté,
    - le prix de marché,
    - le coût de production du bien (matières premières + coût du travail pour les transformer en produit fini),
    - le prix pour que celui qui produit puisse vivre,
    - une pondération de tout cela,
    - ou, à défaut de définition, une expression vide de sens qui permet à chacun de voir midi à sa porte.
  • En fin de compte, il en ressort une chose : si le prix juste (peu importe sa définition) d’un bien n’est pas égal au prix auquel il y a quelqu’un qui est prêt à l’acheter (le prix de marché), alors il faut subventionner pour compenser la différence (comme c’est le cas aujourd’hui pour l’agriculture).
  • Ce qui :
    1) Va à l’encontre du droit européen de la concurrence actuel et du sens qu’il a pris depuis le début (et du coup il y a peu de chance qu’il fasse demi-tour),
    2) Va contre l’esprit qui dirige le marché européen, pour lequel on ne se fait pas de concurrence déloyale entre industries nationales,
    3) Va potentiellement contre les règles de la Politique Agricole Commune, et
    4) Va coûter de l’argent.
  • Des licences professionnelles seront préparées sur trois ans et en alternance”, donc en fait, rien de nouveau pour les licences professionnelles.
  • Converger les contrats existants”, pourquoi pas, mais les converger vers quoi ?
  • Nous impliquerons pleinement les branches professionnelles dans la définition des programmes et l’organisation des formations” : certains bobos gauchistes diront que l’école et l’université sont là pour former des citoyens et pas des robots de chaîne de production (visiblement le concept d’aliénation du travail n’est pas une des bonnes idées qu’En Marche emprunte à la gauche), mais passons.
  • Plus pragmatiquement, à une époque où les métiers changent de plus en plus vite, est-ce vraiment une bonne idée de former à un métier précis qui aura peut être disparu dans 20 ans, plutôt que de former des cerveaux versatiles ?
  • Par ailleurs, je connaissais l’alternance, qui est un dispositif où vous avez un salarié à mi-temps que vous payez moins qu’un salarié à mi-temps,
  • Je connaissais l’apprentissage, qui est un dispositif où vous avez un salarié que vous payez moins qu’un salarié,
  • Je connaissais les stages, qui est un dispositif où vous avez un salarié que vous payez moins qu’un salarié, voire pas du tout,
  • Et maintenant je découvre le pré-apprentissage… Visiblement, il s’agit d’apprendre à apprendre. Une question idiote me vient : ce n’est pas le rôle de l’école de former pour la suite ?
  • Quand va-t-on arrêter avec cette thèse selon laquelle plus une personne a étudié, plus elle est employable… mais il lui faut quand même passer par une période où elle est payée au lance-pierres pour être en fait employable…
  • Tous ces dispositifs sont supposés améliorer l’insertion professionnelle. Avec 24,6% de chômage chez les jeunes, reconnaissons que si jamais ça fonctionne, ça ne fonctionne visiblement pas assez bien. Et surtout, à quel prix…
  • Parce que de l’autre côté, ces dispositifs sont une baisse non négligeable de la rémunération du travail :
    - une alternance peut être rémunérée jusqu’à un minimum qui est l’équivalent de 370€ bruts mensuels,
    - un apprentissage peut aller jusqu’à un minimum qui est l’équivalent de 814€ bruts mensuels,
    - un stage de moins de deux mois est rémunéré à la discrétion de l’entreprise (ça peut être 0€),
    - et un stage de plus de deux mois peut aller jusqu’à un minimum qui est l’équivalent de 554€ bruts mensuels. En outre, notons que les stagiaires ne bénéficient pas de la protection du droit du travail.
  • Mais c’est aussi un système qui favorise massivement la reproduction des inégalités socio-économiques. En effet, la majorité des alternances, apprentissages et stages se trouvent grâce aux relations. Maman travaille en banque ? Nul doute que vous n’aurez pas de mal à y décrocher votre alternance. Elle est garagiste ? Désolé, mais si vous vouliez être banquier, vous avez tiré le mauvais numéro au loto de la vie.
  • En réalité, tout ce système d’aides à l’insertion professionnelle n’est rien d’autre qu’une machine à exploiter et reproduire les inégalités en décrédibilisant complètement le rôle fondamental de l’école et de l’université dans l’ascension sociale.

Passons à la seconde thématique.

2 — Libérer le travail et l’esprit d’entreprise

  • J’avoue que sur le RSI lui même, je n’y connais rien.
  • En revanche, ce que je sais, c’est que “réduction de charges”, ça signifie moins de redistribution ou moins de rentrées fiscales, l’un ou l’autre. Du coup, la question à 60 milliards : c’est financé comment, et si ça ne l’est pas, qui trinque ?
  • (Au passage, vous avez noté au fil des années ce changement sémantique ? On ne parle plus de cotisations sociales, on parle de charges. Ce n’est plus quelque chose qui est pour les Françaises et Français : c’est contre les entreprises… La bataille culturelle n’est pas bien engagée pour la gauche…)
  • Ah, l’antienne de la réduction du coût de travail… Je suis en train d’écrire un article pour résumer les discussions des acteurs de la science économique sur le sujet, ça va me prendre un peu de temps, mais en résumé : la relance par le soutien à l’offre de biens et services, ça fait 40 ans que ça ne fonctionne pas. Peut-être que cette fois...
  • Et sinon, ce que je lis, c’est que si vous payez un salarié au SMIC (1480 euros brut par mois en 2017), vous économisez 1800 euros par an, et si vous le payez 3000 euros bruts par mois (~ deux fois plus que le SMIC), vous économisez 2200 euros par an (~ 1,2 fois plus que dans le cas où vous payez un SMIC).
  • Autrement dit, vous économisez proportionnellement plus sur un salarié au SMIC que sur un salarié mieux payé. C’est une sacrée incitation à ne pas augmenter les salaires plus haut que le SMIC.
  • Alors l’idée peut être ou ne pas être bonne, selon les définitions de “exagérément” et de “plus de charges”.
  • Parce que si c’est bien dosé, ça peut être incitatif pour recourir à des contrats stables plutôt que précaires.
  • Si ça ne l’est pas, ça peut être incitatif pour recourir à plus d’heures supplémentaires plutôt que des contrats précaires, creusant plus encore les inégalités sociales.
  • Du coup : qui va définir ce qui est exagéré ou non ? Quels critères ? Pour l’instant, c’est flou (et quand c’est flou…)
  • Ah. Alors ça, ça s’appelle l’inversion de la hiérarchie des normes, c’est à dire que la loi n’est plus au dessus des contrats privés (les accords de branche ou d’entreprise) sur certains thèmes. C’était le principal point de conflit sur la loi travail (mais pas le seul).
  • Ca a l’air d’être une bonne idée comme ça (pour “coller aux réalités des terrains”), sauf que la loi est là pour protéger le faible du fort dans un rapport de force déséquilibré, c’est à dire, ici, dans la négociation entre salariés et employeurs qui peuvent virer ces salariés.
  • Or en inversant la hiérarchie des normes, cette protection de la loi devient inopérante dès lors qu’une “négociation” a eu lieu.
  • En clair, ce qu’il y a écrit ici, c’est que la loi travail sera au minimum conservée, au pire renforcée. Ce n’est pas étonnant, rappelons que c’est Emmanuel Macron qui a piloté sa conception.
  • Ca ne me paraît pas être une mauvaise idée, mais il faudrait demander aux commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales et agriculteurs pour être sûr.
  • Mais à nouveau cette question de quadrature du cercle : comment c’est financé, qui paye ? On ne peut pas promettre des milliards d’économie dans la main droite tout en promettant des milliards de largesses de la main gauche sans expliquer comment ça rentre dans la boite sans déborder.
  • Pourquoi pas… C’est quand même un peu saugrenu d’inclure la création d’une nouvelle page web (qui existe probablement déjà sur des centaines de sites d’aide aux TPE et PME) dans un programme présidentiel, juste avant 50 milliards de dépenses (littéralement hein, regardez la prochaine mesure)…
  • Mais bon, je chipote sur la forme, sur le fond de la proposition, pourquoi pas.

3 — Inventer un nouveau modèle de croissance

  • Très très très importante, cette mesure, au point que j’ai failli la mettre tout en haut à côté des 60 milliards d’économie et des 120 000 fonctionnaires en moins. Voyons pourquoi.
  • De deux choses l’une :
  • 1) Soit il n’est pas du tout prévu d’économiser 60 milliards, mais seulement d’en reflécher 50 et n’en économiser que 10 milliards (60 moins 50). Si on est dans ce cas là, l’annonce des 60 milliards d’économie était juste pour faire sérieux et responsable, ce qui est une présentation franchement malhonnête. Petite question : si vous arrêtez de consommer vos 1000 euros de chocolat annuels pour manger à la place 800 euros de bonbons, est-ce que vous allez considérer que vous avez économisé 1000 euros ? Moi non, je dirais seulement 200.
  • 2) Soit il est effectivement prévu qu’à la fin, l’Etat dépense 60 milliards de moins qu’aujourd’hui. Dans ce cas on a maintenant : 60 milliards d’économies à faire ET 50 milliards de plus à trouver autre part pour ce plan d’investissement = 110 milliards à enlever sur d’autres postes de dépense.
  • Comme je vais supposer que les concepteurs de cette mesure sont honnêtes, je vais écarter la première hypothèse et garder la deuxième : certains postes de dépense recevront 50 milliards en plus, mais il y a 110 milliards à trouver sur les autres postes.
  • Histoire de donner un ordre d’idée, 110 milliards, c’est aujourd’hui 1/5ème des dépenses annuelles de l’Etat. Vous savez ce qu’il se passe quand on coupe d’un coup 1/5ème des dépenses publiques d’un pays ? Indice : demandez à la Grèce et aux autres pays visités par le FMI.
  • Voilà, ça c’était le point principal sur cette mesure. On peut faire une remarque supplémentaire :
  • Dans les autres propositions, on peut retrouver un fléchage (indiquer d’où vient l’argent, et où il va) pour 15 des 50 milliards de ce plan (5 à l’agriculture, 5 à la santé, 5 à la transition agricole). Où iront les 35 milliards restants et dans quelles proportions ?
  • Parce que pour l’instant, c’est évacué en deux lignes, qui laissent fort à penser que “ce plan sera mis au service de” à peu près tout, sans aucun fléchage et sans prendre aucun engagement. Libre à vous de parier où cet argent ira, mais ne vous étonnez pas quand Emmanuel Macron nous proposera un nouveau pacte de responsabilité ou un nouveau CICE (vous ne savez pas ce que c’est ? Pas d’inquiétude, j’en parle dans une minute).
  • Commençons par rappeler que partout en Europe, les taux d’impôts sur les sociétés n’ont fait que baisser depuis 2000 (sauf en Hongrie), ça s’appelle du dumping fiscal et c’est nul. Plus d’intégration européenne sur le sujet pour lutter contre le phénomène serait bien plus avisé, parce qu’on attend encore d’en voir les résultats sur l’activité économique.

Ensuite, dans cette proposition, il y a deux sujets, le CICE et l’ISF.

Commençons par le sujet du CICE. Avant d’en parler, il convient de le présenter :

Oui, il en a réellement fait un pin’s…
  • Pour rappel, le CICE est le Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi, et c’est un crédit d’impôt fait aux entreprises, qui, comme son nom l’indique, a pour but de les aider à être compétitives et pour qu’elles créent de l’emploi. Pierre Gattaz, promettait un million d’emplois créés.
  • Le CICE a été décidé lors de l’arrivée au pouvoir de François Hollande (c’était en fait même sa carte joker, celle sur laquelle il a misé son mandat lorsqu’il a demandé à être jugé sur les chiffres du chômage pour sa réélection). Et sa mise en place a été pilotée entre autres par Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée (le secrétaire général étant souvent considéré comme « le deuxième homme le plus puissant de France », « le Premier ministre bis », ou encore « le vice-président », pour citer Wikipédia).
  • Selon les différents rapports d’évaluation, le CICE a permis de sauvegarder entre 0 et 140 000 emplois (nb : sauvegardés hein, et pas 1 million d’emplois créés, comme promis…). Pour le petit calcul qui va suivre, on va prendre l’estimation la plus favorable au CICE, celle de 140 000 emplois sauvés. Le CICE a coûté 48 milliards d’euros. Faites la division, ça fait un coût de 342 000 euros par emploi sauvé, ce qui est très cher payé. (D’autant que je doute que les personnes occupant ces emplois aient chacune reçu l’équivalent de 342 000 euros…).
  • Et encore, c’est dans la meilleure des estimations, parce que dans les pires estimations, le CICE a coûté 48 milliards d’euros sans emploi sauvé.
  • Avant de revenir à la mesure, on va diverger un peu :
  • Le CICE représentait ce que la droite met en place à chaque fois qu’elle le peut : une baisse directe du coût du travail. En effet, pour un salarié payé au SMIC, le CICE représente 100€ de charges en moins chaque mois pour l’entreprise. Comme plus haut lorsqu’on parlait des réductions de cotisations sociales employeurs, c’est là aussi ce que les économistes appellent une politique de soutien à l’offre de biens et services.
  • D’après la droite et une certaine gauche (celle de François Hollande et Manuel Valls), ça permet aux entreprises d’embaucher, puisque ça coûte moins cher. Ca paraît plutôt logique. Pourquoi ça n’a pas marché, alors ?
  • Demandez à un chef d’entreprise, et il vous le dira : même s’il en a les moyens, pourquoi un chef d’entreprise embaucherait pour le plaisir d’embaucher ? Il n’est pas là pour faire du social… Ne portez pas de jugement moral : on n’a pas à lui en vouloir, sa fonction, c’est de rendre l’entreprise rentable et de faire du profit (sinon ses actionnaires le virent), pas de nourrir l’affamé et d’habiller le pauvre.
  • Un chef d’entreprise embauche quand l’activité l’exige, c’est à dire quand il anticipe une demande assez forte pour ses produits : si vous pensez que vous allez pouvoir vendre plus de voitures et qu’il vous faut plus de gens pour en construire plus, là vous embauchez. Autrement dit, si vous pensez que dépenser 5000€ dans un salaire supplémentaire vous permettra de satisfaire une demande qui vous rapportera plus que 5000€, là vous embauchez (quitte à emprunter pour le faire : toutes les entreprises le font, jusqu’aux start-ups qui n’ont pas de revenus).
  • Mais sinon, non, vous n’embauchez pas pour le plaisir. Et ce d’autant plus que tout ce qui ne part pas dans les salaires de vos employés termine dans vos gains en tant que chef d’entreprise (ou dans les dividendes des actionnaires, dont votre poste dépend), alors forcément, vous y réfléchissez à deux fois.
  • C’est d’ailleurs exactement comme un particulier : si je vous donne 100€, est-ce que vous allez les dépenser juste parce que je vous ai donné 100€ ? Non, vous les dépenserez si vous pensez que vous allez avoir faim, ou besoin d’un nouveau manteau, ou toute autre besoin à satisfaire, mais sinon… vous mettez de côté. Ce n’est pas immoral, c’est logique. Et c’est pareil pour les chefs d’entreprise…
  • Bref, fin de l’aparté, revenons à la mesure. Je vous propose de la relire maintenant que vous savez ce qu’est le CICE :
  • Donc là, ce dont il est concrètement question, c’est de transformer le CICE, une mesure qui n’a pas fonctionné et a coûté cher, mais qui devait ne durer que quelques années, en une mesure définitive (des “allègements de charges pérennes”, dans le jargon d’énarque).
  • Si vous vous dites que c’est illogique et dangereux vu le bilan du CICE, vous avez raison.
  • Pourquoi mettre ça dans son projet ? Parce que la croyance qu’ont Emmanuel Macron et le reste de la droite dans les politiques d’offres est la même que vous, lorsque votre ordinateur va lentement et ne répond pas : peut être qu’en cliquant mille fois comme un dératé, ça finira par fonctionner. “Peut être qu’on est pas allés assez loin, assez fort, peut être qu’il faut encore continuer à baisser le coût du travail, et peut être qu’alors, le chômage finira par baisser”. Peut-être…
  • Soyons clairs, l’intention (faire baisser le chômage) est bonne, mais le remède ne l’est pas. Et le souci, c’est que si le remède ne fonctionne pas, il n’aura eu pour effet que de donner à ceux qui ont déjà des moyens, aux dépends de ceux à qui on a taxé cet argent.

Bon, on a traité le CICE. Passons maintenant au second sujet abordé dans cette mesure, l’ISF :

  • L’ISF est transformé de manière à ce que le calcul ne prenne plus en compte “ce qui finance les entreprises et l’emploi”, c’est à dire principalement les placements financiers, j’imagine. En bref, c’est une réduction de l’assiette de l’ISF. (NB : ici, on en propose une réforme différente).
  • Si vous vous dites que c’est une bonne chose parce que vous avez mordu à l’hameçon du mythe comme quoi “l’ISF fait fuir les entreprises et les riches”, notez quelque part dans votre tête que c’est un mythe.
  • Et si vous vous dites “pourquoi taxerait-on plus les riches que les autres ? C’est injuste”, je ne vais pas vous faire ici un cours d’économie et de sociologie sur les mécaniques de reproduction du capital socio-économique et culturel, et ce qu’elles coûtent à la société (aux riches comme aux pauvres), on y serait encore demain (lisez Bourdieu plutôt, il est meilleur que moi), mais je vous invite à minima à regarder la vidéo à gauche de ce texte.
  • Je ne suis pas sûr de ce qu’il faut lire : l’Etat va vendre pour 10 milliards d’actions ? Ca mériterait d’être précisé, parce que là on parle de privatisation, tout en veillant à ne pas le dire…
  • En tout cas il faut noter que ces 10 milliards ne viennent pas du plan d’investissement de 50 milliards.
  • L’industrie du futur”, ça aussi ça mériterait d’être précisé. Par exemple, le nucléaire, c’est l’industrie du futur ? Et le solaire ? Et la bio-ingéniérie ? Et les IA ? Et l’armement ?
  • Parce que personnellement, sans dire lesquelles de ces industries trouvent grâce ou non à mes yeux, j’apprécierais de savoir en amont lesquelles vont être financées…
  • Financer l’industrie du futur via quels acteurs, d’ailleurs ? Les activités des GAFAM en France ? Ou les acteurs français importants, comme Critéo ou Blablacar ? Ou les PME ? Ou les start-ups ? Ou des acteurs publics ?
  • Financer comment ? Des subventions ? Des prêts ? Des cautionnements ? Des crédits à la recherche ?
  • Pour ce qui est de devenir leader de la recherche sur la transition environnementale, c’est bien… mais comme à chaque fois, la même question : comment, avec quelles mesures, quels moyens humains et financiers, quels objectifs ?
  • Par ailleurs, et si on devenait leader sur la transition environnementale elle même ? Ah non, c’est vrai, cet intérêt pour l’écologie est surtout cosmétique.
  • Pour ce qui est de l’accueil des spécialistes étrangers, je suis partagé : l’humaniste en moi a un peu de mal à accepter qu’on sélectionne au diplôme (et donc au niveau de capital socio-économique en fait), mais se console en se disant que c’est mieux d’accueillir un peu que pas du tout.
  • (Pour rappel aux éventuelles personnes de droite qui seraient encore là : toute l’immigration est souhaitable, autant pour les hôtes que pour les arrivants)
  • Encore une idée récupérée à gauche. Même si, comme à chaque fois, c’est supposé arriver comme par magie : aucun concret pour expliquer comment y arriver.
  • Déjà, rappelons qu’on s’en sort très bien en France sur l’open data. (Même si n’importe quel chercheur vous le dira : il n’y a jamais trop de données. D’ailleurs j’en profite…)
  • Mais quand même, j’ai un doute sur le bien fondé de cette mesure, vis à vis de la vie privée. Juridiquement, pas sûr qu’elle tienne.
  • Mais bon, pourquoi pas. Ca fait croire qu’Emmanuel Macron est moderne et qu’il va aider les start-ups à lutter contre les géants (alors qu’en réalité, le but de la grande majorité des start-ups est d’être rachetées par les géants en question, pas de les concurrencer directement).
“Nous interdirons le chômage”… Pardon.
  • Il ne suffit pas de dire “nous diviserons par deux le nombre de jours de pollution” pour que ça arrive, il faut des mesures, à minima européennes, mais en réalité, globales.
  • Vous allez me dire de mauvaise foi parce que, pour une fois, il y a une mesure concrète et chiffrée, la prime de 1000 euros.
  • Certes, sauf que cette prime existe déjà, ça s’appelle la prime à la conversion (qui a succédé à la prime à la casse), et peut être bien plus élevée que 1000 euros. Un peu plus d’ambition pour éviter qu’on termine tous asphyxiés ?
  • (Au passage, il y a vraiment 30 000 personnes qui ont travaillé sur ce programme ? Pas une seule pour signaler que cette prime existe déjà… ? Ce n’est ni la première ni la dernière mesure de ce programme qui existe déjà…)

4 — Les mêmes règles pour tous

  • Dans l’idée, simplifier, pourquoi pas, mais simplifier pour quoi ?
  • Il y a tellement de spécificités dans les calculs, lesquelles sont gardées ? Lesquelles sont jetées ? De quel régime on se rapprochera le plus, privé, public, autre ?
  • C’est un sujet extrêmement complexe (sur lequel je suis loin d’être expert), balayé en trois lignes…
  • Ceci dit, et je vais peut être dire des bêtises parce que je ne suis pas expert, mais un système de retraite où “pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous” me semble être une incroyable prime aux salaires élevés.
  • Si je ne me trompe pas, ça me paraît être précisément l’inverse de ce qui me paraît juste. (Ce qui me paraît être juste : des retraites élevées pour ceux qui ont eu une vie dure (pour qu’ils aient au moins le loisir d’avoir une retraite supportable sans devoir compter le moindre centime), et des retraites dégressives pour ceux qui ont bien gagné leur vie (et ont donc déjà d’importantes ressources de côté)).
  • Pourquoi pas une baisse de l’âge de départ à la retraite ?
  • Il y a un autre candidat (le mien, histoire d’être clair) qui est favorable à la baisse du temps de travail, et moins longtemps : à défaut de les arrêter, ça limitera les hausses de taux de chômage en attendant l’instauration complète du revenu universel.
  • Il y a énormément de recherches sur le sujet, il y a longtemps, j’avais publié ça. Parmi tout ce que j’y dis, il y a deux choses à retenir qui nous intéressent ici :
  • 1) Même les RH femmes ou issus de minorités font de la discrimination, inconsciemment. (Parce que le patriarcat est ancré chez tout le monde, c’est un système plus qu’une volonté consciente)
  • 2) Même les entreprises qui déclarent et essaient sincèrement d’être égalitaires dans leurs rémunérations échouent (moins que les autres, mais échouent quand même).
  • Du coup, le testing et name-shaming qui est proposé, c’est bien dans l’idée, mais concrètement, ça signifie qu’il va probablement falloir name-shamer la majorité des entreprises de France. Ca ne va pas être très efficace.
  • Il y a plein d’autres mesures auxquelles on peut penser pour lutter contre les inégalités salariales, par exemple :
  • - l’obligation des congés parentaux pour les hommes comme pour les femmes, pour sortir du schéma “homme au travail / femme au foyer” ,
  • - la publicité obligatoire des salaires (à minima au sein de l’entreprise, et idéalement, la publicité totale) comme ça a lieu dans de nombreuses entreprises,
  • - l’interdiction de la négociation salariale à l’embauche comme ça se fait dans d’autres entreprises,
  • - des quotas dans les formations, et à l’embauche, pour réduire les déficits de femmes et de minorités dans certains secteurs (les femmes dans la tech par exemple),
  • - des points annuels de rééquilibrage des salaires pour corriger les inégalités qui se créent progressivement.
  • Bref, les féministes savent quels candidats le sont réellement, et une mesurette comme celle là ne trompera que celles et ceux qui ne sont féministes à la Saint Valentin et le 8 mars (qui est la journée internationale des droits des femmes, et pas la journée des femmes ou de la femme, merci).
  • La lutte sera amplifiée”, certes, mais comment ? Plus de moyens financiers ? Humains ? Techniques ?
  • La fraude entraînera, en plus du remboursement, la suspension de la prestation”. Donc si l’Etat fait une erreur en votre défaveur, vous plongeant dans la précarité, tant pis pour vous… Inutile de vous dire à quel point ça me navre, surtout quand vous saurez (je développe à la mesure suivante) ce qu’il faut savoir sur la fraude aux prestations sociales.
  • Par ailleurs, il faut noter, qu’ici, c’est la lutte qui est amplifiée. Pourquoi je dis ça ? Vous allez comprendre à la mesure suivante.
  • Eh oui, vous avez noté ? Ici, on alourdit les sanctions… mais pas la lutte elle-même !
  • Autrement dit, si vous vous faites attraper, ça vous coûtera plus cher, mais on n’augmente pas vos risques de vous faire attraper.
  • Alors pourtant que les points les plus importants, dans ce débat, c’est :
  • 1) que la fraude aux prestations sociales représente une part extrêmement faible de la fraude, et
  • 2) si on en croit les estimations, on attrape déjà une part bien plus élevée de la fraude aux prestations sociales que de la fraude fiscale.
  • A tout uberiser dans une logique de meilleur rapport efficacité/prix, pourquoi est-ce qu’on ne basculerait pas l’essentiel des moyens sur la lutte contre la fraude fiscale, plutôt ?
  • Mesurer “le chiffre d’affaire réalisé sur notre solest extrêmement complexe et pose de très nombreuses questions, on parle après tout d’une industrie complètement immatérielle, donc si l’intention est louable, ça me semble être une vision extrêmement simpliste du problème.
  • Une fois encore, aucune mesure d’énoncée, aucune engagement pris, aucun objectif de fixé, ça en devient fatiguant…
  • Ok, rien à dire, dans l’esprit, pourquoi pas.
  • Voilà. Parce que pourquoi être courageux et opter pour une suppression d’un régime immonde quand on peut continuer à exploiter tranquillement ?
  • (“Redéfinir les règles du détachement”, encore une fois sans préciser comment... En économie, les gens comme ça, qui disent ce qu’il faut faire sans jamais prendre la peine d’expliquer concrètement comment, on les appelle les Yakafokon)

5 — Un état qui protège

J’ai décidé de grouper ensemble ces trois mesures, parce que ma réponse est la même pour les trois
  • Il y a tellement à dire sur le terrorisme… :
  • Le fait qu’on ne pourra jamais se protéger totalement du terrorisme, l’attentat de Nice l’a montré : quiconque est déterminé à tuer des gens arrivera facilement à en tuer une poignée avant d’être stoppé (vous avez un couteau dans votre cuisine ? Ou une voiture ?),
  • Le fait qu’en fait, le seul moyen de protéger parfaitement toute la population du terrorisme, c’est de mettre un militaire derrière chaque citoyen (mais ce jour là, est-ce que c’est vraiment du terrorisme dont il faudra avoir le plus peur, et pas de l’Etat ?),
  • Le fait que statistiquement, vous allez mourir des milliers de fois d’un cancer, d’un AVC, d’Alzheimer, du diabète, d’une pneumonie ou en glissant dans votre baignoire avant d’être tué par un terroriste (cf vidéo à gauche).
  • Le fait que malgré ça, on dépense déjà 58,4 milliards entre la défense et l’intérieur, soit 14% du budget de l’Etat (et le troisième poste de dépenses), tandis que le budget alloué au 3ème plan cancer est de… 1,5 milliards d’euros.
  • Le fait que le jour où on se sera débarrassé de tous les cancers, ce seront 7 milliards d’euros par an (dédiés à la prise en charge et aux soins des malades) qui pourront être utilisés pour d’autres choses. Et qu’il en va de même pour toutes les autres maladies pré-citées… mais pas du terrorisme, dont on ne se débarrassera jamais totalement.
  • Et donc que dans la lutte contre le terrorisme, on est dans un rapport inefficacité-coût complètement aberrant. Je vous invite à lire ce sujet la stratégie de la mouche.

Evidemment, Macron n’est pour rien dans tout ça, et il n’est pas le seul à céder aux sirènes de l’hystérie, mais enfin, si au moins un d’entre eux pouvait dire stop à la folie collective…

  • Bon, si ce n’est le fait qu’il est question de “police de sécurité” plutôt que de “police de proximité” (parce que ça ferait partir des électeurs de droite), après tout, dans l’esprit, ça pourrait être bien, de refonder un rapport humain entre policiers et administrés. (NB : Pour ça, le récépissé de contrôle d’identité non opposable a fait ses preuves)
  • C’est donc plutôt une bonne idée. Il faut qu’elle soit gâchée par la suivante…
  • Voilà. A faire du populisme, à proposer des solutions simplistes, on en devient dangereux. Voyons en quoi cette mesure est incroyablement inquiétante.
  • Interdire à quelqu’un de fréquenter une zone, c’est ce qu’on appelle une mesure privative de liberté. Jusqu’ici, sauf une exception qu’on va voir plus loin, les juges ont toujours eu un monopole sur ces mesures privatives de liberté, au point même que ça figure dans la Constitution (article 66) (nb : relisez la Constitution en entier une fois par an, c’est bon pour votre citoyenneté).
  • Pourquoi la Constitution réserve-t-elle ça aux juges ? Parce que les mesures privatives de liberté sont… privatives de liberté. Donc vous ne voulez pas que quelqu’un d’autre qu’un juge dispose de ce pouvoir de vous restreindre dans vos mouvements. Comme, par exemple, le roi de France et ses représentants jadis, qui en usaient et abusaient. (Et c’est en réaction à ces abus qu’on a décidé de restreindre ce pouvoir aux juges directement dans la Constitution et pas simplement dans la loi. Parce qu’on ne mettait pas n’importe quoi dans la Constitution juste pour le plaisir, à l’époque…)
  • “Oui, mais les juges gardent ce monopole, puisque c’est sous le contrôle du juge”. Oui mais non, je me répète, mais : les tribunaux sont débordés, et jamais ce contrôle ne sera effectué, ou s’il l’est, il le sera au détriment de d’autres choses. Et puis la justice a mieux à faire que d’entrer un peu plus dans un bras de fer avec la police.
  • Donc concrètement, 1) il n’est pas précisé que cette mesure va nécessiter une réforme pas du tout anodine de la Constitution (sinon elle sera censurée par le Conseil constitutionnel),
  • et 2) cette mesure s’apprête à donner un blanc seing archaïque à un corps qui vote FN à plus de 50% et a déjà une arme à feu à la ceinture.
  • (J’ai hyper envie de disserter pendant des heures sur le fait que si la démocratie est la tyrannie de la majorité, l’Etat de droit est le garde-fou des minorités, et que quand on abîme l’Etat de droit, on délite la démocratie et la République. Mais bon, vous n’êtes pas là pour ça, autorisez moi au moins à citer cette belle phrase attribuée, sans doute à tort, à Benjamin Franklin : “Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux”. Merci. Continuons.)
  • Commençons par l’insupportable : le harcèlement des femmes, ce n’est pas une “incivilité” : c’est une infraction pénale.
  • Mettre au même niveau des atteintes à la personne et des tags ou des crachats, voilà les stupidités qu’on en arrive à dire quand on veut paraître féministe au dernier moment pour l’élection.
  • Accessoirement, tout ça est déjà puni d’amendes immédiates et dissuasives, le réaffirmer comme si ça suffisait, ça démontre une profonde méconnaissance du phénomène : les flagrants délits en la matière sont rares. On lutte contre le sexisme et l’incivilité par des changements structurels qui impactent les mentalités et les éducations, pas avec des épouvantails.

Deux volets ici, relatifs au droit civil et au droit pénal. Commençons par le civil :

  • Pour citer cet article du Monde, “l’idée est de combattre les procédures d’appel que [Macron] considère comme dilatoires et qui retardent le paiement d’une indemnité ou le règlement d’un différent. Il y voit des freins à la croissance économique.
  • Autrement dit, vous seriez un frein économique quand bien même la justice se serait trompée à votre égard. On comprend le raisonnement : en ne payant pas, vous empêchez celui ou celle à qui vous devez de l’argent d‘utiliser cet argent et faire ses affaires. Sauf que dès que c’est formulé, on voit en quoi c’est un argument idiot, parce qu’en payant ce qu’en fait vous ne devez peut être pas, ce sont vos affaires qui sont ralenties.
  • C’est une mesure qui me paraît très incitative au procès et à l’appel (sauf si vous n’en avez plus les moyens, vu que vous venez de payer…), le juriste en moi trouve ça bien que justice soit faite… avant que le pragmatique en moi ne se rappelle que les tribunaux sont engorgés et la justice sous financée.

Quant au pénal :

  • Ce qui se cache là dessous, c’est la possibilité de revoir les aménagements de peine, ou pour le dire en vocable de pénaliste, revenir sur ce qu’on appelle “l’individualisation de la peine”. C’est un principe essentiel en droit pénal.
  • L’individualisation de la peine, c’est cette idée que la réponse pénale doit être intelligente et adaptée au cas d’espèce et à la personne, pour tenter de réparer la faute et préparer à la réinsertion, plutôt qu’aveugle et stupide pour le plaisir de punir (quitte à enfoncer un peu plus le justiciable).
  • Pourquoi ? Parce que même si ça se fait au détriment de la rage vengeresse de la victime, c’est mieux pour la société : c’est la négation de la loi du talion (qui fonde les vendettas et la spirale de la violence qu’ont connu nos sociétés il y a fort longtemps).
  • Le même article du Monde le dit mieux que moi : envoyer un délinquant en prison pour le plaisir de paraître inflexible avec les délinquants, c’est le meilleur moyen de créer des récidivistes. (C’est pas un point de vue, c’est une constatation empirique…)
  • Ce sont les Etats-Unis qui le savent le mieux, avec leur période War on Drugs, qui a instauré des peines de prison minimales à tout bout de champ, désocialisant énormément de petits délinquants (principalement des consommateurs occasionnels de drogue et des petits dealers de quartier) en les envoyant en prison, et en les privant de la chance d’une vie normale (oui parce que quand vous avez fait de la prison, vous avez l’obligation de le signaler ensuite. Et bon courage pour retrouver du boulot avec un stage à Fleury-Merogis sur votre CV…). Autrement dit, envoyez un petit dealer de shit en prison et il en ressortira un cambrioleur.
  • A l’inverse, si on suivait plutôt les meilleurs élèves en la matière ? Comme par exemple la Suède, qui, plutôt que de tabasser pour montrer les muscles, a décidé d’être moins bête que tout le monde en favorisant avant tout les peines alternatives et la réinsertion, et a du coup un taux de récidive très bas et des coûts carcéraux très bas aussi.
  • Parce qu’effectivement, en plus de favoriser la délinquance, utiliser aveuglément le bras vengeur de la justice a aussi pour effet d’engorger plus encore nos prisons, déjà bien pleines, dans une spirale qui s’auto-alimente. Et ça coûte cher.
  • Mais heureusement…
  • Ah, ouf. J’ai cru qu’Emmanuel Macron était un fragile dans la lutte contre le crime…
  • Sérieusement, quand est-ce qu’on arrêtera d’être simplistes et on comprendra qu’être aveuglément inflexible avec les délinquants, ce n’est pas lutter contre la délinquance, au contraire ? Notre pays n’a pas besoin de places de prison en plus, il a besoin de prisonniers en moins, et de peines alternatives socialisantes en plus.
  • (Ah et aussi, toujours cette question du financement)
  • Euh… Il y a d’autres sujets sur lesquels on ne change rien ? Pourquoi ne sont-ils pas signalés eux aussi ? Ah oui, ça, ça fait moderne.

6 — Les mêmes chances pour tous nos enfants

  • Misère, nos jeunes ne savent plus lire ni écrire ni compter…
  • Non. En fait, ils y arrivent sans problème, en revanche, ils font plus de fautes qu’avant, ce qui est un problème, certes, mais un problème nettement moins grave.
  • L’avantage de parler de ces problématiques au niveau de la 6ème, c’est que ça permet de faire sonner chez le lecteur quelque chose qu’il croit ressentir (“nos jeunes ne savent plus lire ni écrire”) mais qui est en réalité invérifiable, puisqu’il n’existe pas de chiffres sur l’illettrisme et la dyscalculie en 6ème (en tout cas, je n’en ai pas trouvés).
Plus on est jeune, moins on est illettré.
  • En revanche, si c’est invérifiable pour ce qui est de l’illettrisme à l’entrée en 6ème, ça l’est pour l’illettrisme à 18 ans. Et en la matière, la réalité, c’est que la lutte contre l’illettrisme se porte de mieux en mieux, comme le montre le graphique à gauche, issu de cet article et tiré des données de l’INSEE : moins de 5% de la génération qui passe en ce moment à la majorité souffre d’illettrisme.
  • Notez que ça ne signifie pas forcément qu’il ne faut pas continuer la lutte.
  • Ca signifie simplement que, comme partout, on fait face à un coût marginal croissant : sortir une personne supplémentaire de l’illettrisme coûte de plus en plus cher (désolé de faire des calculs aussi froids, mais je suis économiste de formation, quand même)…
  • … et qu’à un moment il devient plus efficace de se concentrer sur d’autres causes, comme par exemple l’immobilité sociale via la lutte contre l’homogénéité sociale des classes scolaires (en Français : “le fait que tous les enfants de pauvres sont ensembles dans les mêmes écoles, séparés des enfants des classes moyennes, eux mêmes séparés des riches qui sont au chaud dans le privé”).
  • Lol. Je… quoi ? Kamoulox.
  • Je ne retrouve plus un article que j’avais lu il y a bien 10 ans, où il était expliqué l’approche bien plus intelligente qu’avaient les pays nordiques face à l’intrusion de la technologie dans les écoles : le travail collaboratif y était favorisé, et l’accès à internet fourni lors des interrogations écrites (et le copier coller interdit, évidemment).
  • Dans ces conditions, ce n’est plus la capacité de concentration, de mémorisation, bref à bachoter, qui était examinée, mais la capacité à chercher et faire un usage intelligent et critique de l’information existante sur Internet.
  • Autrement dit, le quotidien de tout le monde une fois dans la vie adulte…
  • “Ca a l’air une super idée !”
  • Une seconde, il faut qu’on parle de la LRU. Qu’est-ce donc ?
  • La LRU, c’est la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités, aussi connu sous le nom de loi d’autonomie des universités. Elle a été passée en 2007 par Valérie Pécresse, sous François Fillon et Nicolas Sarkozy. Elle a donné leur autonomie aux universités, c’est à dire une liberté sur la gestion des budgets, des recrutements, et du patrimoine immobilier.
  • “Ca avait l’air d’une super idée !”
  • En effet, ça en avait l’air. Sauf qu’au final, cette loi a été un prétexte pour le désengagement financier de l’Etat. Quelques années plus tard, bon nombre d’universités étaient en faillites ou au bord, comme vous pourrez le lire ici ou , et se sont retrouvées mises sous tutelle pour éviter le crash.
  • “Donc en fait c’est une mauvaise idée ?”
  • Très mauvaise : avant de vouloir donner de l’autonomie aux écoles, demandez à quiconque a enseigné, travaillé ou étudié à l’université entre 2010 et 2015 le plaisir tout relatif qu’ont été ces années (c’est mon cas, j’ai été membre du conseil d’administration de mon université à cette période, d’où ma connaissance du sujet).
  • Parce que concrètement, la LRU n’a servi que les écoles privées (et les prépas qui y préparent — véhicules de l’immobilité sociale — déjà sur-subventionnées).

Sur l’évaluation des enseignants et des formations :

  • Là aussi, avant de penser que c’est une bonne idée, demandez aux professeurs d’universités leur avis sur l’AERES (l’agence en charge de l’évaluation dans l’enseignement supérieur) et sur les effets ultra-pervers de l’obligation constante de publication qu’ils subissent au détriment du reste, à cause de l’évaluationnite aiguë des gouvernements de droite, toujours dans la métrique, pour savoir qui dézinguer en premier quand il faut “rationnaliser”, “réduire les coûts”, “améliorer l’efficacité”, “uberiser”.

En outre, je me dois d’ajouter deux points apportés en privé sur twitter par un lecteur (Chris @ ProfToujours) :

  • 1 - Les équipes éducatives sont déjà autonomes, ce qui est ici dissimulé c’est son projet d’autonomie des personnels de direction (PERDIR) qui pourront embaucher des “profils” d’enseignants, et les débaucher. C’est une forme de privatisation rampante.
  • 2 - Son idée de laisser libre les communes (privées de taxe d’habitation) d’appliquer ou pas la semaine de 4,5 jours aura une conséquence: permettre aux communes de faire des économies sur le dos des élèves, notamment ruraux. Ces communes passeront à 4 jours supprimeront les activités périscolaires et licencieront les personnels embauchés.
  • Vous connaissez l’expression bis repetita placent ? C’est du latin, et ça signifie “les choses répétées plaisent”. Là je vous avoue que bis repetita commencent à être un peu fatigantes
  • Du coup, vous savez quoi ? A partir de maintenant, je vais copier-coller cette phrase à chaque fois : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ? (*)

(* si vous vous demandez comment 60 milliards se sont transformés en 110, ce n’est pas moi, c’est dans le programme, relisez plus haut, partie 3, proposition 1)

Par ailleurs Chris/ProfToujours m’a également signalé les points suivants en plus :

  • 1 - Le dédoublement des classes de CP/CE1/CE2 en zones prioritaires est irréalisable dans l’immense majorité des zones urbaines car cela exige des travaux (créations de salles et de salles équipées avec matériel classique et informatique). Cela a un coût également que le projet Macron ne chiffre pas. (Pour rappel les bâtiments des écoles primaires sont la propriété et à la charge des communes).
  • 2 - Aucune étude ne démontre que des effectifs réduits améliorent les résultats des élèves. Elles améliorent le confort de l’enseignant. Ce n’est déjà pas mal mais c’est tout.
  • Je suis circonspect sur l’usage du mot “véritable”. C’était un faux enseignement du grec et du latin, jusqu’ici ? Je chipote sur une autre erreur de forme, redevenons sérieux.
  • Les classes bi-langues sont un excellent moyen caché de faire de la ségrégation entre les détenteurs de capital socio-culturel, et les autres (autrement dit les enfants privilégiés, enfants de riches et de profs, et les autres) (NB : Toujours d’après Chris/ProfToujours, cité plus haut, ça a un nom, les “niches à bons élèves”).
  • Et avant de me parler de nivellement par le bas, je vous invite à regarder ce TED Talk, sans doute la vidéo la plus importante de tout cet article. Ce n’est pas pour rien que je vous bassine depuis le début avec les inégalités : elles sont nocives à tout le monde dans une société, même ceux qui sont en haut de la pyramide.
  • Il va falloir beaucoup de bénévoles, pour proposer ça “à tous”. Comment vont-ils être incités ?
  • Pourquoi est-ce qu’à la place, on ne recruterait pas des gens pour ça ? Histoire de limiter la montée inexorable du chômage et réduire la pauvreté, qui touche justement plus les étudiants et les retraités que le reste de la population.
  • 4 matières à l’examen final… Lesquelles ?
  • Le contrôle continu, un autre instrument qui favorise ceux dont la condition économique est aisée (c’est plus facile de tenir le marathon des études quand on n’a pas le ventre vide et/ou quand on n’a pas à avoir un petit boulot à côté)
  • Les universités peuvent déjà recruter leurs enseignants et définir leurs formations dans le cadre de la réglementation (cf LRU, plus haut).
  • Du coup j’imagine qu’il est question d’assouplir très largement cette réglementation, par exemple en supprimant les grilles de salaire, les exigences de diplôme (qui ne sont pas drastiques non plus, puisqu’on peut par exemple être professeur associé si on a l’expérience et pas le diplôme), etcaetera.
  • Pourquoi pas, mais avant de le faire, une petite chose.
Extrait publié avec l’accord de Mme Bacqué.
  • Ca a déjà été fait à Sciences Po (illégalement, mais bon, le Sénat est plein d’anciens élèves de l’école et la protège, à ce sujet je vous conseille le livre Richie de Raphaëlle Bacqué, dont vous avez un extrait sur le côté, il est édifiant)
  • La Cour des Comptes avait esquinté l’école pour de multiples dérives type favoritisme et copinage, au point que toutes la communauté universitaire le sait, le titre de “prof à Sciences Po” a autant de valeur qu’une pièce en chocolat.
  • Quant à la définition des formations, peut-être que le programme propose ici de revenir sur le récent cadrage sur les intitulés de formation, mais je pense que les universités vont en avoir ras-le-bol d’être encore retripotées par des amateurs sortis de l’ENA, déjà qu’elles se débattent encore avec ces infâmes créatures de Frankenstein que sont les COMUEs...
  • J’ai déjà traité plus haut du mal qu’a fait la loi LRU et son autonomie des universités. Du coup, je vais aller vite avec la question (à 110 milliards) : peut-on s’attendre à une hausse drastique des financements de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, de manière à ce que l’Etat honore enfin ses engagements passés ? Ou au contraire à une baisse ? J’ai un mauvais pressentiment.

Sur les 80 000 places dans les filières professionnalisantes :

  • Ca risque de ne pas être assez pour accueillir les 2 millions de personnes à former évoquées tout à l’heure… (Partie 1 proposition 5)
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?

Enfin, je m’étonne de ne pas voir dans ce programme ce qui est dans cet article, la mise en place de la sélection à l’entrée de l’université prônée par Emmanuel Macron :

  • Au delà du principe républicain d’accès universel à l’éducation et à l’enseignement supérieur, et du fait que tout le monde s’en sort mieux quand on a une population éduquée, j’ai une remarque bien plus terre à terre :
  • Si les universités se mettent à recaler à l’entrée, elles vont accueillir à hauteur de leur capacité réelle, autrement dit, à accueillir beaucoup moins d’étudiants qu’aujourd’hui (de mémoire mon université avait par exemple un taux de sur-utilisation des locaux de 123%). Ca va en laisser, du monde, aux portes de l’Université, et les filières professionnalisantes, même avec 80 000 nouvelles places, ne seront jamais en mesure d’absorber les étudiants rejetés des universités.
  • Au point que je commence à me demander : ne serait-ce pas un énorme cadeau au marché des écoles privées en leur offrant une clientèle qui n’a pas d’autre choix…
  • Je ne sais pas pour les lycées, mais c’est déjà le cas pour les universités (je vous mets la mienne parce qu’on déchire).
  • L’exacerbation de la concurrence entre universités, et entre écoles, c’est bien : ça permet à ceux qui en ont les moyens de savoir où se faire domicilier pour envoyer leurs enfants dans de bons établissements, et ça permet aux gouvernements de savoir quels établissements ferm… “optimiser” en premier quand les crédits manquent.
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • En vrai, c’est une très bonne idée (pas nouvelle du tout, mais très bonne malgré tout), mais qui soulève une question : avec quels personnels ? Parce que je rappelle qu’il y en a 120 000 qui sont supprimés…
  • Oh et aussi, pour rappel, le travail de nuit doit (enfin, pour l’instant, cf mesure 4 partie 2) avoir lieu dans des conditions spéciales, et être rémunéré plus cher, du coup, une fois encore :
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • (Désolé, mais ça devient vraiment fatiguant)

7 — Fiers d’être Français : exigence et bienveillance

Avant de se jeter dans le bain, notez une nouveauté : les chapeaux (“préserver le cadre de la laïcité”, “refonder le lien avec la nation”, “accélérer l’intégration”), une manière de brosser le petit côté nationaliste de chacun dans le sens du poil, sans s’engager sur rien.

  • Voilà, donc ça c’est pour lutter contre les mosquées salafistes à chaque coin de rue. Vous savez combien il y a de musulmans en France ? Ecrivez un nombre sur un papier avant d’ouvrir ce lien.
  • Formation universitaire à la laïcité”, ça peut être considéré comme un peu insultant pour les religieux concernés, mais bon, dans l’absolu, why not. Puisque visiblement on déborde de moyens pour faire tout et n’importe quoi…
  • D’ailleurs, je me demande dans quelles universités il y a une licence laïcité… M’enfin bon, c’est annexe, c’est une mesure pour flatter les arc-boutés de la religion.
  • Quant à l’enseignement sur le fait religieux, je crois que ça existe déjà dans les cours d’histoire. Cela dit, il faut reconnaître que ça a l’avantage de coûter moins cher à mettre en place si ça existe déjà…
  • Enfonçage de porte ouverte : quand bien même il le voudrait, il ne pourrait pas interdire le voile à l’université sans faire des pieds et des mains contre la Constitution et les traités européens, la loi 1905 est claire, et la différence entre “usager ”et “agent du service public” aussi.
  • Parenthèse, je n’en reviens pas que cette question continue à occuper le débat public 110 ans après la loi de 1905. On a pas plus urgent ?
  • Encore pour lutter contre les mosquées salafistes à chaque coin de rue.
  • Quels sont les critères pour définir “les associations qui s’attaquent à la République sous couvert de religion” ? Parce que bon, s’il n’y a pas de critère, ce ne serait pas très compliqué de trouver des passages emplis de violence du Coran, du Nouveau Testament, ou de l’Ancien, et d’en conclure (à la hâte !) que chacune des trois religions monothéistes s’attaque à la République en recommandant ce genre de choses…
Rah sérieux ces chapeaux qui sentent le nationalisme rance
  • Quelle meilleure preuve de la volonté de quelqu’un de s’intégrer et de devenir français ?” Au hasard : le fait d’y avoir déménagé, d’y avoir (re)fait sa vie et ses enfants, et d’avoir lié tout ça au destin du pays ?
  • Mais bon, sinon, comme à chaque fois, comment sont financés ces cours de Français en plus ?
  • Et il faut passer des tests du coup ? On les fera passer à ceux nés sur le territoire et/ou de parents étrangers aussi ? (J’y suis pas plus favorable que pour les autres, mais pourquoi pas après tout hein, donc je demande)
  • Le principal critère”, peut-on avoir les autres ?
  • Parce que sinon, du coup, les autres originaires de régions francophones pourront-ils avoir la nationalité quasi-automatiquement ? (Comme ils sont francophones, je ne sais pas, je demande aussi)
  • Bref, je vous laisse deviner ce que je pense du fait de mettre une barrière à l’entrée aussi élevée que l’apprentissage académique de la langue française.
  • D’ailleurs, les spécialistes étrangers de la recherche sur la transition environnementale (rappelez vous, mesure 6 de la partie 3) seront-ils soumis aux mêmes règles ? Comme j’imagine que non : à partir de quand un étranger est-il considéré comme un spécialiste ? (C’est une question rhétorique, j’ai une idée de la réponse)
  • Dit comme ça, ça va paraître évident, mais la plupart des gens ne réalisent pas au quotidien qu’il y a une différence entre un réfugié, un migrant, et un clandestin. Ici, le flou est savamment entrenu.
  • En entretenant ce flou, on vous fait croire que quiconque arrive en France sera fixé sur son sort en moins de six mois, et dignement.
  • En fait non. Si vous remplissez une demande d’asile qui est acceptée, dans laquelle vous argumentez que rester dans votre pays se ferait au péril de votre vie, vous êtes un réfugié (NB : et un migrant). Ceux là seront apparemment fixés sur leur sort en moins de six mois (hahaha, bonne blague. Les recours se font devant le Conseil d’Etat, et je ne vous ai pas encore dit que les tribunaux étaient engorgés, si ?).
  • Sinon, vous êtes un migrant (NB : mais pas un réfugié), et pour vous… Eh bien c’est flou. Mais comme c’est la seule mesure où il est question d’immigration (autre que l’accueil des migrants spécialistes de leur domaine qu’on a vu plus haut), il faut faire avec. Du coup j’imagine que les migrants sont compris dans “les autres”, ceux qui “seront reconduits sans délai vers leur pays”.
  • Autrement dit, sur l’immigration, ce programme semble sans aucune souplesse. Dors bien, France terre d’accueil, on te réveille dans 20 ans.
  • Pourtant, tous les économistes le savent, non seulement l’immigration est bénéfique pour les pays qui reçoivent (quelques exemples : les Etats Unis, l’Australie, le Canada), mais elle est surtout vitale dans les pays qui ont terminé leur transition démographique : quand vous avez moins de deux enfants par personne en moyenne (ce qui est le cas dans quasiment toute l’Europe, aux Etats Unis, en Australie, en Grande Bretagne, et… en France, avec 1,99 enfants par femme en 2014 (Banque Mondiale), votre population naturelle décroît, et sans immigration, votre population décroît également.
Ce chapeau… “mais tu vas finir par me ressembler, saleté d’immigré ?”
  • Dans l’idée, c’est bien…
  • Sauf qu’en fait, ce n’est pas “comme si elle ne payait plus de charges” : en effet, les charges sont proportionnelles au salaire.
  • En fait, ça n’est “comme si elle ne payait plus de charges” QUE si le salarié est payé à un certain niveau ou moins. C’est donc encore une très forte incitation à garder des salaires faibles.
  • En outre, est-ce 15 000 euros déboursés au total sur 3 ans ou 15 000 euros par an, trois années durant ? Il semblerait que ce soit plutôt 15 000 en tout sur 3 ans. Or 5 000 euros de charges patronales par an correspondrait à un salaire brut de moins de 10 000 euros annuels (moins que le SMIC). Ce qui semble être une belle incohérence. (Merci à mon père pour cette remarque, j’avais omis le “sur 3 ans”)
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • Bien. Ca me rappelle la mesure d’un autre, mais à nouveau, on ne va pas se plaindre quand les bonnes idées sont reprises.

8 — Une Europe protectrice et à la hauteur de nos espérances

Tiens, on a perdu les chapeaux. En revanche maintenant, on adopte les couleurs de l’UE, histoire de.

  • Ah, plus d’intégration européenne, mais sans le dire, pour fâcher personne. Personnellement, je suis pour, mais c’est agaçant cette manière de ne rien assumer.
  • Combien, le budget de la zone euro ? Abondé par qui, et comment ? Et surtout, pourquoi ?
  • Parce que si vous avez lu trop vite, comme moi la première fois, il n’est pas écrit budget de l’Union Européenne, mais de la zone euro, donc visiblement il est question de donner des moyens bien plus grands à ce sous ensemble de l’UE, sous ensemble qui n’était jusque là prévu que pour être une union monétaire.
  • Bon, déjà, le bien fondé économique de ce genre de mesures protectionnistes est encore farouchement débattu parmi les économistes.
  • En plus, face à ces mesures populistes, on oublie souvent ce que ça signifie pour les consommateurs : des prix plus élevés.
  • En outre, il est évident que ce n’est pas une mesure qui n’est qu’entre les mains de la France.
  • Mais surtout, ça ressemble beaucoup à une mesure proposée par Montebourg (qui restreignait ça à la France) et reprise par Benoît Hamon (personne n’est parfait). Le souci, c’est que, tout comme celle de Montebourg, c’est probablement infaisable. Vous trouverez un argumentaire détaillé ici, mais en résumé, c’est contraire : au droit français, à la Constitution, aux engagements internationaux de la France (notamment en tant que membre de l’OMC), et aux jurisprudences et aux règles de l’UE.
  • Bref, en plus d’être déconseillé par les gens qui s’y connaissent, c’est infaisable.
  • Dans le fond, j’y suis très favorable, je suis d’avis que chaque étudiant devrait faire un an à l’étranger pour s’ouvrir l’esprit.
  • Le souci, c’est que 200 000 étudiants, c’est un nombre complètement fantasque : dans toute l’Union Européenne, le nombre d’étudiants qui partent chaque année en Erasmus est de… 270 à 280 000 (page 7), dont grosso modo 25 à 30 000 Français (page 3).
  • Autrement dit, on parle ici de multiplier par 7 le nombre de Français en Erasmus et d’inonder les autres universités européennes, au point de représenter 40% des étudiants en Erasmus. Ok…
  • Par ailleurs, le financement du programme Erasmus vient de l’UE, pas des Etats, donc ça n’est pas aussi simple que de dire “si la France multiplie par X le budget qu’il alloue à Erasmus, le nombre d’étudiants qu’elle envoie sera multiplié par X lui aussi”.
  • Googlez “Allemagne Europe de la défense” pour voir si ça va être aussi simple que de “proposer avec l’Allemagne”…
  • Où sera le QG européen ? A côté du siège de l’OTAN ou de son QG européen ? C’est une question importante, pour savoir s’il sera indépendant des Etats Unis...
  • A propos des drones :
  • Ils posent un sérieux problème de déresponsabilisation des ceux qui les pilotent. On presse beaucoup plus facilement la gâchette quand ça ressemble à un jeu vidéo.
  • Est-ce que Frontex (l’agence de protection des frontières européennes, qu’on a déjà vu plus haut parce qu’elle laisse des morts par milliers) aura accès à ces drones ?
  • Dans l’absolu, ok.
  • Notons quand même que ça ressemble à une fausse proposition, puisque la clause de la nation favorisée de l’OMC assure que tout avantage accordé à un partenaire commercial le sera aussi aux autres.
  • Et puis bon, rappelons au passage où En Marche est allé chercher ses fonds de campagne.
  • Il y a déjà un marché unique pour tout le reste, donc je ne suis pas sûr de cerner ce que ça signifie ? Des règles particulières pour le numérique ? Lesquelles, pourquoi, pour qui ?
  • Fonds de capital-risque abondé par qui ? Dirigé par qui ? Pour quelles start-ups ?
Vous voulez une méthode pour tester les prises de position bidons ? Prenez le contraire, si ça n’a aucun sens, la prise de position est bidon. Exemple : “je suis pour la paix dans le monde”. Personne n’est pour la guerre dans le monde. Autre exemple : “nous donnerons la parole au peuple”. Personne ne dirait “nous confisquerons la parole du peuple”. Essayez sur les slogans présidentiels passés, vous verrez, c’est rigolo.
  • Déjà, signalons que le projet européen a déjà un sens : celui d’éviter que l’Histoire ne se répète.
  • Proposer des conventions citoyennes dans les autres pays européens, vraiment ? Je suis sûr qu’ils vont être ravis quand on va marcher sur leur souveraineté. “En Marche (sur ?) Varsovie”
  • Aucun Etat membre n’aura le pouvoir de bloquer cette nouvelle étape” : la formulation est vraiment bancale et laisse croire à un volontarisme et une proactivité sur le sujet, bel effort de marketing…
  • En réalité, ce qui est signifié ici, c’est ce qu’on appelle l’Europe à plusieurs vitesse : les pays qui sont OK pour avancer sur un sujet donné forment une entité juridique tous ensemble, et les autres pays peuvent rejoindre l’entité plus tard s’ils le souhaitent. C’est une conception de l’Europe qui fait débat, et qui dans les faits existe déjà, comme vous pouvez le voir sur le diagramme à gauche.
  • C’est surtout ce qui rend l’Union Européenne inintelligible pour les citoyens des Etats membres (sans regarder le diagramme, si je vous demande qui de l’Autriche et de la Hongrie a l’euro et qui ne l’a pas ?). Alors parler de redonner la parole au peuple
  • D’autant que c’est totalement populiste : la parole, on l’a un peu, ça s’appelle les élections au Parlement européen. Et la parole, quand on l’a, visiblement on n’y tient pas tant que ça, puisqu’à la dernière élection en 2014, on a eu 57,5% d’abstention en France…
  • Vous voulez des exemples de propositions pas populistes sur le sujet qui “rendraient la parole au peuple” ? Comptabiliser le vote blanc pour que le scrutin soit refait avec des candidats différents en cas de victoire du vote blanc, comme le propose un des candidats. Ou alors rendre obligatoire pour les institutions de l’Union le fait de donner une réponse à toute pétition qui dépasserait un certain seuil, comme l’a fait l’administration Obama.

9 — Faire plus pour ceux qui ont moins

Tiens, le retour des chapeaux…

  • Mieux que rien, même si je préfère notre approche : ne pas toucher au minimum vieillesse tant qu’il est supérieur au revenu universel, puis lorsqu’ils arrivent au même niveau, remplacer le minimum vieillesse par le RUE.
  • En revanche… CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ? (Sauf si c’est compté comme une dépense de santé, cf 4 mesures plus loin)
  • Si ces versements tardifs d’allocation sont un problème réel et non imaginaire (personnellement j’ai eu mes APL deux mois après les avoir demandés, pas deux ans), c’est bien j’imagine…
  • Sauf que bon, à nouveau, comment c’est conjugué avec les 120 000 postes de fonctionnaires en moins ? Parce que c’est pas ça qui va aider l’administration à être efficace…
  • Mais en fait, ça pose une vraie question : le versement social unique, ok, mais par quelle magie une administration Macron deviendrait elle 8 fois plus rapide (3 mois plutôt que 2 ans, d’après lui) que l’administration d’aujourd’hui ? Je demande vraiment à savoir, parce qu’il ne suffit pas de le dire pour que ça arrive, il faut expliquer comment.
  • J’apprécie l’esprit, mais à nouveau, sans précisions du comment, ça risque fort d’être, au mieux, des paroles en l’air, au pire, une usine à gaz.
  • Au moins, il y a cette fois un objectif quantifié pour mesurer l’efficacité de ladite structure, c’est bien, dommage que ces objectifs manquent à quasiment toutes les autres propositions de ce programme.
  • Quelle définition pour une association “utile à notre société” ? Les associations d’utilité publique ? Autre chose ?
  • Le chapeau (trois mesures plus haut) disait “faire plus pour nos aînés et les personnes modestes”. Pour les aînés, ok, mais pour les personnes modestes ? Parce que j’ai vu que ça irait plus vite, qu’il y aurait de la pub pour les associations, mais sinon, pour les personnes modestes…
  • J’espère que vous avez acheté vos actions de fabricants de lunettes et de prothèses auditives.
  • Mais sinon, c’est bien.
  • NB : sur la santé, je ne bassinerai pas sur le financement, parce que si on en croit la mesure suivante, ce n’est pas ici qu’auront lieu les coupes :
  • Ahan. C’est connu, la santé, c’est un domaine où il suffit de jeter de l’argent aveuglément pour que tout aille mieux. Un fléchage, c’est vraiment trop demander ?
  • C’est pas compliqué pourtant, par exemple : 1 milliard pour augmenter les salaires des gens qui y bossent, 1 milliard pour l’embauche de nouveaux personnels, 1 milliard pour la rénovation des matériels de soin, 1 milliard pour la recherche médicale, et le dernier milliard pour des primes à l’installation dans les déserts médicaux.
  • C’est un exemple, je n’ai aucune idée de si c’est un bon chiffrage, mais c’est déjà un meilleur chiffrage que celui de ce programme...
  • Pourrait-on avoir une définition de “transformation de notre médecine de ville et de nos hôpitaux” ? Parce que transformer, ça peut être rénover comme ça peut être ubériser et supprimer.
  • Plutôt que d’être formés à faire leur métier de médecin ? Hum.
  • Plutôt que d’avoir des professionnels de santé dont c’est le métier, payés pour ça ? Hum.
  • Ca doit être ce qu’on appelle “ubériser”, profiter des gens.
  • Je ne suis pas médecin du tout, j’ai arrêté la biologie le plus tôt possible, et je laisse le soin à des médecins politiquement neutres de me corriger.
  • En revanche, ce que je sais, c’est que ces lignes ont été écrites par des gens qui n’ont jamais côtoyé ces maladies : on n’est jamais totalement sorti d’un cancer ou d’une hépatite.
  • D’ailleurs, le législateur le sait, de telle sorte qu’il vise non pas la rémission, mais la fin du protocole thérapeutique comme point de départ du délai de dix ans. Ca n’est pas très important pour la discussion de politique publique, mais cet amateurisme fait mal à celles et ceux qui ont eu à vivre avec des cancers ou des hépatites, soit directement soit par un proche. Merci pour nous...
  • Désolé. Bref, sur la mesure, je ne suis pas médecin ni assureur, je n’ai pas d’avis.
  • En revanche, j’aurais aimé savoir quelles sont les nouvelles maladies dont il est question, pour que des médecins puissent dire si le délai envisagé est trop court/long.
  • Pour la coupe du monde de football au Brésil, des stades ont été construits au milieu de nulle part. Les matchs de la coupe du monde y ont été joués, puis aucun club n’est venu s’y installer et les stades sont aujourd’hui à l’abandon.
  • Quel rapport ? Il ne suffit pas de construire des maisons de santé pour que du personnel vienne par magie s’y agglutiner, les personnels de santé ne sont pas des insectes nocturnes… Pour régler les déserts médicaux, il faut des incitations pour ces personnels, baton ou carotte, mais des incitations.
  • Ok.
  • (“et un salaire décent”. Ouf.)
  • Ok, c’est mieux que rien.
  • Après, à nouveau, je préfère le revenu universel (dont la première étape consiste en 600 euros mensuels, pour rappel), qui fonctionne cette fois différemment que dans le cas du minimum vieillesse. En effet, ici, le RUE vient s’ajouter à l’AAH, pas la remplacer.
  • Là, je pense qu’une pause s’impose (!). Effectivement, ça fait plusieurs fois que je mentionne le revenu universel, du coup, là, normalement, c’est le moment où vous allez m’objecter la chose suivante :
  • “Attends, tu as passé tout cet article à clasher presque chaque mesure de ce programme entre autre sur le fait qu’elles seraient infinancables, mais en même temps tu soutiens le revenu universel, donc les propositions infinancables n’ont pas l’air de te gêner plus que ça quand ça t’arrange…”
  • C’est vrai, on pourrait croire que je fais preuve d’une mauvaise foi immense, et il faut donc en parler.
  • Tout d’abord, notez que je ne dis pas que chaque mesure de ce programme est infinancable, beaucoup de ces mesures sont effectivement financables. Ce que je dis, c’est :
  • 1) d’une part, que rien n’est dit sur comment elles sont financées, ni dans quelle mesure,
  • 2) d’autre part, qu’elles ne sont pas financables quand, en parallèle, il est question de 60 à 110 milliards d’économies à trouver, et donc qu’il y a un loup qui se cache sous bon nombre de ces mesures,
  • 3) et je dis aussi que les mesures de relance par l’offre ne permettront pas une activité économique dynamique, pendant qu’en parallèle les 60 à 110 milliards d’économies, si elles sont menées à bout, risquent de laminer l’activité économique. Ce qui rend tout le projet économique bien plus dangereux qu’il n’y paraît : c’est pas un projet économique qui oublie les pauvres au profit des riches, c’est un projet économique qui va nuire à tout le monde s’il est mené jusqu’au bout.
  • Et quoi qu’on pense du revenu universel, mes critiques sur l’infinancabilité du programme d’Emmanuel Macron restent valides.
  • Maintenant, je suis le premier à reconnaître que quand on vote, on vote toujours pour le moins pire (en tout cas dans notre système électoral actuel), et même si l’objet de cet article n’est pas de vous dire de voter pour Benoît Hamon, il serait hypocrite de ma part de critiquer l’infinancabilité du programme d’Emmanuel Macron sans me pencher sur la financabilité du programme de Benoît Hamon — et notamment du revenu universel. Donc penchons nous dessus.
  • Tout d’abord, il faut souligner que l’argument principal du revenu universel n’est pas “c’est bien, c’est juste, c’est sympa, c’est social”, l’argument principal est “c’est absolument vital si on veut éviter le mur” (cf. vidéo à gauche, qui parle de mon métier, celui d’automatiser les métiers des autres). On voit bien que la considération “ça coûte cher” devient vraiment annexe quand l’alternative est une société avec 40 à 60% des gens inemployables (pour rappel, la crise de 1929 à son pic, c’était 25% de chômage) et donc probablement au moins aussi anarchique que certaines dystopies.
  • Néanmoins, la question du financement ne peut quand même pas être écartée d’un simple revers de la main. La première chose à dire sur le sujet, c’est que la question du financement ne se pose que pour la première année. En effet, si la fiscalité est adaptée comme il faut, le revenu universel se finance tout seul les années suivantes, tout comme la sécurité sociale (si elle était bien conçue), par exemple. Mais c’est un sujet technique, et cette vidéo d’Heu?reka (qui est un ancien trader, autant dire un hippie anarcho-communiste) vous le vulgarisera plus clairement que moi.
  • Reste donc uniquement la question du financement au début. Tout d’abord, il faut voir de quoi on parle, je vous invite donc à lire cet article du Monde pour un résumé correct sur la dernière version. Et là, comme lorsque l’Etat doit trouver de l’argent, il n’y a pas 36 solutions, c’est soit des économies, soit de l’emprunt, soit de l’impôt, soit de la vente d’actifs.
  • Je vous laisse lire l’article pour savoir d’où ça viendra dans le projet de Benoît Hamon. Mais comme je me doute que vous n’allez pas lire les 100 articles que j’ai mis en lien tout au long de ce billet, juste une chose : vous vous souvenez peut être du chiffre de 400 milliards donné sur des dizaines de plateaux. La dernière version est chiffrée à 35 milliards. Moins que le CICE.

Bref, c’était simplement pour vous dire que taxer Hamon d’utopiste, c’est l’équivalent d’un point Godwin politique, et que vous devriez insulter les gens qui font à ce point offense à votre intellect. Bref, revenons à nos moutons.

10 — Rendre la vie des Français plus facile

Ah, les chapeaux s’en sont allés de nouveau.

  • Je me demande ce qu’est devenue la promesse “toute peine prononcée sera exécutée”.
  • En somme, il faut que la justice soit inflexible… sauf avec l’électorat laissé orphelin par les promesses non tenues de François Fillon, les notables et les personnes âgées. Bien joué.
  • Et sinon, l’administration est flexible et admet déjà l’excuse de bonne foi.
  • Je rappelle que la France est déjà très bonne sur ces sujets.
  • Je signale qu’il y a d’importants risques de sécurité que le meilleur chiffrement ne suffit pas à effacer, demandez à n’importe quel expert en sécurité informatique : ce n’est d’ailleurs pas pour rien que votre banque continue à fonctionner par courrier pour les sujets les plus critiques comme vos codes de carte bleue.
  • Mais sinon, oui, si c’est bien fait, c’est une bonne chose.
  • Quant à l’ouverture soirées et samedis, OK, mais à nouveau le même souci : avec quels financements, et quels personnels, vu qu’il y en aura, je le rappelle, 120 000 de moins.
  • Adapter à l’organisation”, c’est plutôt un synonyme de rationaliser, d’ubériser, de placardiser ou d’affecter à Limoges ?
  • Ca représente quand même un sacré transfert de pouvoir aux préfets, alors qu’ils sont supposés être politiquement neutres. En quoi est-ce gênant ? Un exemple : un préfet n’aime pas l’aspect X de la politique menée par le gouvernement ? Pas de souci, qu’il “adapte l’organisation” des services en charge de X, de manière à saboter totalement leur action, et l’affaire est dans le sac.
  • Bon déjà, le Président de la République ne dispose pas du droit de véto, tout au plus peut-il retarder la promulgation d’une loi votée par le parlement (à un prix politique élevé s’il souhaite le faire longtemps), mais concrètement, le Président n’a pas le pouvoir d’empêcher de nouvelles lois sans disposer d’une majorité parlementaire, qu’Emmanuel Macron n’obtiendra pas, on va en parler.
  • Mais parlons quand même de l’intention :
  • Déjà le parlement européen a très très largement la main sur ces questions, et contrairement à ce qu’on croit, il ne fait pas que des choses nuisibles (on lui doit par exemple l’interdiction du chalutage de fond),
  • Ensuite, l’essence de cette proposition consiste à dire “lions nous les mains, plutôt que d’avoir à faire des promesses construites pour traiter les problèmes”,
  • Parce qu’en réalité, la cible de cette promesse n’est pas vous, probable lecteur, mais les agriculteurs et pêcheurs, à qui le message passé est “ne t’inquiète pas, on ne viendra pas t’embêter avec des mesures environnementales gênantes pour tes affaires”.
  • Ca, c’est l’étape numéro une de la mise en concurrence des services publics.
  • L’étape suivante, c’est “l’optimisation”. Hey, il faut bien décider où on décime les 120 000 postes de fonctionnaires ¯\_(ツ)_/¯
  • Alors, ici, soit je rate quelque chose, soit on se moque sérieusement du lecteur. Pour comprendre, il va falloir faire un peu de terminologie.
  • (Ce qui suit est valide sous réserve que rien n’ait changé depuis mes études de droit, ce qui semble être le cas de mes rapides recherches)
  • Comme vous pourrez le voir sur cette carte, il y a en France 4 tribunaux de première instance (TPI). Ca peut sembler scandaleusement peu, mais en fait c’est surtout une question de nom. En effet, il n’y a des TPI que dans les collectivités d’outre-mer (le nouveau nom des “Tom” dans “Dom-Tom”) : à Saint Pierre et Miquelon, en Polynésie Française, en Nouvelle Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
  • Il y a en revanche beaucoup plus de tribunaux d’instance (TI) et de tribunaux de grande instance (TGI), 173 et 297 respectivement (d’après Wikipédia). Vous pouvez les voir sur cette autre carte. (Par ailleurs, sachez qu’il y a 101 départements en France)
  • Sur cette même carte, vous verrez notamment que chaque TI n’a pas un TGI à côté (loin de là).
  • En revanche, même s’ils ne sont pas forcément dans le même bâtiment, chaque ville avec un TGI a aussi un TI, à quelques exceptions près, les TGI de Nanterre (le TI est à Puteaux, 10mn en voiture), Créteil (le TI est à St-Maur-des-Fossés, 14mn en voiture), Cusset (le TI est à Vichy, 10 mn en voiture), et sauf erreur, c’est tout.
  • Vous verrez surtout que chaque département compte au moins un TGI (parfois plusieurs) et au moins un TI (souvent plusieurs).
  • Quelles différences entre TI, TGI, TPI ? En gros, les TI et TGI traitent les mêmes affaires, mais les TI lorsqu’on est sur des litiges inférieurs à 10 000€, et les TGI lorsqu’on est sur de plus gros montants. Quant aux TPI, ils traitent les mêmes affaires, mais peu importe le montant.
  • Du coup…
  • Soit il est ici question de renommer tous les TGI de France Métropolitaine en TPI, ajouter la compétence des TI aux TGI de Nanterre, Créteil et Cusset, et engorger plus encore tous les TGI de France en en faisant des “guichets uniques”… (Et du coup qui dit guichet unique dit fermeture de tous les TI ? Ou alors eux aussi sont tous transformés en TPI ?)
  • Soit il est question d’ajouter dans chaque département, en plus des TI et TGI, un nouveau type de tribunal qui prendra le nom de TPI, pour… je ne sais pas…
  • Bref, je suis obligé de devenir très technique pour tenter de vous faire comprendre le vrai souci : quoi qu’il en soit, cette mesure laisse croire que la justice actuelle ne couvre pas équitablement tous les départements, et que certains départements n’ont pas de TI ou de TGI, ce qui est outrageusement faux.
  • J’aimerais bien croire que c’est une inattention sur la terminologie, je n’aurais aucun mal à y croire s’il s’agissait d’un programme établi par quelques personnes, mais vu que ce n’est pas le cas et que ce programme aurait été établi par 30 000 personnes, cette mesure me paraît plutôt malhonnête dans sa présentation… (ou alors on se moque de nous sur les 30 000 personnes).
  • Alors là, à la lecture de cette proposition, je me demande s’il y avait au moins un juriste parmi les 30 000 marcheurs qui ont participé à l’élaboration du programme (et si oui, peut-être auraient-ils bien fait de rédiger le programme à l’arrêt, plutôt qu’en marche…).
  • Cette limite de 4 000 euros peut sembler arbitraire, mais elle ne l’est pas.
  • En effet, je vous ai dit précédemment que les TI étaient compétents pour les litiges de 0 à 10 000€. J’ai un peu anticipé, mais c’était pour simplifier.
  • En fait, les TI ne sont compétents que pour les litiges entre 4 000€ et 10 000€. En dessous de 4 000€, c’est la juridiction de proximité qui est compétente… Et ce jusqu’au 1er juillet 2017, date à laquelle les juridictions de proximité vont être supprimées, leurs compétences transférées aux TI, et donc cette séparation au dessus / en dessous de 4 000€ supprimée également.
  • Aucun juriste n’ignore ce changement : même moi qui ne suis plus dans le droit depuis 5 ans, j’étais au courant.
  • Du coup, je m’étonne de voir ces 4000€ réapparaître ici. C’est peut être fait à dessein. Ou peut être simplement parce que ce programme a été écrit par dix énarques et aucun juriste. Et pas 30 000 personnes.

Sur la dématérialisation :

  • Dans l’idée, pourquoi pas, même si je me demande si c’est faisable pour tous les types de litiges sans contrevenir à des principes du droit qui ne peuvent connaître de dérogation, comme par exemple le principe du contradictoire.

Sur le raccourcissement des délais :

  • Alors oui, je suis tout pour, mais comme plus haut : il ne suffit pas de coller un sticker En Marche sur la grille d’entrée de chaque tribunal pour rendre la justice plus rapide. Du coup, par quelle magie la justice serait-elle plus rapide qu’aujourd’hui ? Surtout dans la mesure où, je crois que je ne l’ai pas assez rappelé, il y a 110 milliards d’économie à faire et 120 000 fonctionnaires en moins…

11 — Une démocratie rénovée

Les chapeaux ont disparus, maintenant on a des sous-propositions. On sent le dilemme des énarques qui ne savent pas trop comment organiser leur plan en trois parties trois sous parties…

  • C’est déjà interdit pendant leur mandat (sauf s’ils avaient une activité de conseil auparavant). Du coup, certains sur le point d’être élus se déclarent consultants juste avant, comme François Fillon.
  • Interdire purement et simplement les activités de conseil durant un mandat parlementaire (pourquoi que parlementaire, d’ailleurs) est une bonne chose, mais c’est vraiment une mesure anecdotique (elle est dans le programme de Benoît Hamon depuis bien plus longtemps, d’ailleurs).
  • Le problème, c’est aussi le fait que les parlementaires exercent cette activité après, et cette mesure ne vient rien y changer.
  • Oui. C’est aussi dans le programme de Benoît Hamon.
  • En revanche, pour être complet, il faut également interdire aux élus d’embaucher les enfants d’un autre élu, parce que sinon, ce qu’il se passera, ce sera les échanges de bon procédés : j’embauche ta fille, t’embauches mon fils. En outre, il faut également interdire aux groupes parlementaires d’embaucher les membres des familles des élus.
  • En fait, pour être vraiment complet, il faudrait en partie anonymiser une partie du recrutement des collaborateurs, parce que ce programme évoque les membres de la famille (évidemment en réponse à l’affaire Fillon), mais le fait d’embaucher les enfants des copains non élus est problématique aussi.
  • Oui. C’est aussi dans le programme de Benoît Hamon. Ca ne va pas m’empêcher une critique.
  • Le mot “successifs” n’est pas du tout anodin. Vladimir Poutine n’a pas le droit de faire plus de deux mandats successifs. Du coup, il en a fait deux successifs, a joué aux chaises musicales avec son second, Dmitri Medvedev, le temps d’un mandat pendant lequel ce dernier était (sur le papier) numéro 1, et Poutine numéro 2, avant de revenir pour un nouveau mandat... hey, c’est pas successif, ça compte !
  • Du coup, l’interdiction du cumul de plus de trois mandats identiques successifs, c’est bien, l’interdiction du cumul de plus de trois mandats identiques dans le temps, successifs ou non, c’est mieux.
  • Il faut également étendre cette interdiction aux conjoints et aux enfants. C’est probablement contraire à la Constitution actuellement, mais peu importe, il faut la changer. Pourquoi ? Vous connaissez les Balkany, mais connaissez-vous les Joissains ? Alain Joissans était maire d’Aix-en-Provence, sauf qu’il est devenu politiquement difficile de le représenter suite à une affaire de recel d’abus de biens sociaux. Du coup, c’est sa femme Maryse, qui a été présentée à sa place, et lui est devenu son chef de cabinet… Bref, c’est répandu.
  • C’est une question tellement compliquée (petit aperçu)…
  • Soyons clairs, je suis d’accord avec l’esprit de la proposition. Je suis conscient qu’on revient sur d’importantes règles de droit en voulant être sans pitié avec les politiques, et que transposé aux citoyens, ça donnerait des horreurs. Mais je suis de ceux qui pensent qu’une République en bonne santé ne doit pas hésiter à se faire au détriment des carrières des politiques si c’est nécessaire (parce que quand François Fillon piétine la justice et l’éthique, les extrêmes montent).
  • Je tiens néanmoins à souligner que c’est un raisonnement dangereux parce que la pente est trèèès glissante (dans le fond, je suis ici en train de dire que “les droits d’un individu valent moins que la bonne santé de la société”, et c’est le même genre de raisonnement qui amène certains à considérer que la peine de mort est un mal acceptable… (NB au cas où : la peine de mort est inacceptable)), mais tant pis.
  • Mais si je suis d’accord avec l’esprit de cette proposition, il faut quand même noter deux trois choses :
  • Les peines d’inéligibilité existent, et elles sont là pour rendre inéligibles, comme leur nom l’indique… Je ne suis pas sûr que ce soit le rôle du casier judiciaire B2.
  • Un casier judiciaire B2, c’est beaucoup de choses, qui d’un coup rendraient inéligibles. Beaucoup de gens ont ou ont eu une inscription à ce bulletin, c’est peut être votre cas d’ailleurs.
  • Par ailleurs, il me semble que rendre toute personne ayant un casier judiciaire B2 inéligible, c’est contraire à l’état actuel de la Constitution (puisque ça me semble être une peine automatique, mais je peux me tromper).
  • Enfin, vu les délais pour obtenir l’effacement, je crois que ça ne rend pas l’inéligibilité plus longue, ça étend seulement les cas d’inéligibilité.
  • Bref, je comprends l’esprit de la proposition et suis assez d’accord, mais j’ai vraiment du mal avec cette façon de traiter le sujet par dessus la jambe
  • Régime général qui n’a pas été précisé…
  • Je ne connais pas le régime spécial des retraites des parlementaires, donc il est peut être totalement abusé, ou peut être pas, je n’en sais rien. Cela dit, j’aimerais quand même signaler qu’il faut faire attention au populisme du “ils se gavent trop, tous pourris” entretenu par plein de gens (et notamment Emmanuel Macron lorsqu’il se dit fier de pouvoir faire campagne sans être payé par l’Etat : si c’était un bon critère, seuls les riches pourraient être élus. Ca sera d’ailleurs le cas pour les députés En Marche, puisqu’ils doivent autofinancer leurs campagnes…).
  • En effet, le fait que les parlementaires ne soient pas logés à la même enseigne que le reste de la société a un sens, que vous pourrez explorer dans cet article du Projet Arcadie (que je vous invite à suivre sur twitter, son travail est d’utilité publique).
  • Ah, cette fascination pour les Etats-Unis…
  • Comment ça s’articule avec les déclarations de politique générale du premier ministre ?
  • Et en cas de cohabitation, comment ça se passera ? Certes, la quasi-superposition de l’élection présidentielle et des législatives rend l’hypothèse bien moins probable, mais pas impossible. En particulier, Emmanuel Macron lui-même risque d’avoir l’air bien penaud quand il devra présenter le bilan du gouvernement LR dont il va écoper…
  • Vraie nécessité ? Ou simple volonté de redessiner la carte électorale et la gerrymanderer dans tous les sens ? Ou simple volonté d’avoir une occasion de dissoudre une seconde fois l’Assemblée Nationale si les législatives se passent mal ? Ou le Sénat si les municipales sont remportées ?
  • Nombre tiré au dé ?
  • J’aimerais à cet égard dire que je trouve assez populiste cette volonté de toujours vouloir restreindre le nombre d’élus. Il y a 577 députés et 348 sénateurs, ça représente 0,0014% de la population française… Le débat sera-t-il beaucoup plus démocratique quand il ne restera que 385 députés (et 232 sénateurs) ? Et vu la tendance, quand il n’en restera que 10 parlementaires après 4 réformes de plus ?
  • Alors après, vous pouvez trouver que le nombre actuel est trop élevé, mais où est le juste milieu entre pas assez et trop de parlementaires ? A mon sens, c’est lorsque on attend des parlementaires d’être en même temps en circonscription, en commission et en séance, autrement dit, dans trois endroits à la fois…
  • Un peu de rétrospective ne peut pas faire de mal, ici : il y avait 1145 députés lors de la Constituante, 782 sous la Convention, 618 sous la IIIème République, 627 sous la IVème. 577 aujourd’hui sous la Vème, environ 385 après la réforme promise par le programme.
  • De moyens supplémentaires…” ? Sûr qu’avec le discrédit que l’affaire Pénélope Fillon jette sur la gestion des finances des députés, augmenter les moyens à leur disposition sans contrôle en contrepartie donnera un gage aux sceptiques.
  • Une bonne démocratie a besoin de nombreux élus, d’élus intègres, et qui bossent, et réduire le nombre de parlementaires ou augmenter leur budget n’y changera rien s’il n’y a rien d’autre avec. Il faut des sanctions pour les parlementaires qui trichent avec l’argent ou la loi, il faut un contrôle de l’utilisation de leurs indemnités (suppression de l’IRFM, anyone ?), il faut des obligations de présence voire la révocabilité dans certains cas, il faut aussi une sérieuse réforme structurelle du Sénat et de son corps électoral qui par construction ne peut être que conservateur, il faut une réforme des modes de scrutin, etcaetera. Bref, bien plus qu’une dose de populisme opportuniste suite à l’affaire Fillon…
  • Noble intention, mais les convertis de longue date au féminisme savent que :
  • 1) C’est déjà en place
  • 2) Ca ne fonctionne pas aussi bien que prévu : certains partis (devinez lesquels) présentent des listes paritaires… mais les femmes sont surtout présentées dans des circonscriptions ingagnables et/ou dans des positions inéligibles (en bas des listes). De telle sorte que l’Assemblée Nationale n’est toujours pas paritaire, le Sénat non plus.
  • Voilà, parce que tout ce qu’on veut, c’est que toutes nos lois soient examinées à la va vite.
  • (Au passage : quel rapport avec l’amélioration du renouvellement et du pluralisme de la vie politique, qui est le surtitre de cette partie ?)
  • C’est tellement vague qu’il est dur d’en dire quoi que ce soit, ça peut être bien comme extrêmement dangereux pour le fonctionnement de la République.
  • L’esprit est bon.
  • Le souci, c’est que ça ne fonctionne jamais, pour une raison simple : le travail parlementaire, c’est chiant et c’est technique. Ca peut se vulgariser avec de la volonté, et de la bonne volonté (beaucoup le font, Projet Arcadie ou Maître Eolas à ses heures perdues, par exemple). Mais c’est simple de ne pas vulgariser du tout si un parlementaire veut avoir la paix : c’est très facile pour lui de rendre ses comptes-rendus cryptiques et lénifiants. La preuve, je viens de le faire en deux mots.
  • En outre, Projet Arcadie m’a signalé que Claude Bartolone avait tenté de faire des consultations citoyennes pour des textes législatifs, et que ça n’avait pas fonctionné, parce que, je la cite : “les internautes ayant participé ne voulaient pas construire un texte législatif, mais exprimer leurs colères. Il faut du temps de cerveau et des connaissances techniques pour faire de la construction législative, on ne s’improvise pas législateur.”
  • Bref, c’est une mesure bidon, pour faire joli.
  • Nous encouragerons”, comment ? Par des fonds accrus pour les communes qui le font ? Ou juste au détour d’une phrase lors des vœux aux maires de France ? (Qui ne vont pas apprécier Emmanuel Macron, on va voir plus loin pourquoi)

Certes, ces mesures de moralisation, de diversification, et d’intelligibilité de la vie publique, vont globalement dans le bon sens, mais elles sont tellement timides par rapport à ce que proposent d’autres (par exemple chez Benoît Hamon, qui propose bon nombre des mesures vues ci-dessus, auxquelles sont ajoutées entre autres :
- nouvelles élections en cas de victoire du vote blanc,
- mesures anti-concentration dans les médias,
- projets de lois et amendements citoyens,
- transparence financière des donateurs,
- contrôle parlementaire des nominations présidentielles, etcaetera.
C’est pas parfait ou complet non plus, mais ça va déjà beaucoup plus loin.)

12 — Les territoires qui font notre France

  • Moins de rentrées d’argent, sur un bilan comptable, c’est la même chose que dépenser plus : la somme tout en bas du bilan diminue. Du coup c’est visiblement pas de ce côté qu’il va y avoir 110 milliards d’économies.
  • Mais surtout, c’est une mesure qui est décriée à la fois par l’Association des Maires de France (transpartisane), par la voix de son président François Baroin (de droite), mais aussi par la maire de la plus grande ville de France, Anne Hidalgo (de gauche) : l’Etat n’honore déjà pas ses dettes auprès des communes, alors comment croire qu’il y arrivera quand il devra leur rembourser le manque à gagner de l’exonération de la taxe d’habitation.
  • “Les opérateurs téléphoniques feront ceci et cela”, mais pas de bonne grâce, bien sûr, on n’est pas dans une économie dirigée. Non, c’est l’Etat qui va payer.
  • Du coup, encore et toujours, CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • Et ici aussi, j’espère que vous avez pris vos actions Iliad (la maison mère de Free, dirigée par Xavier Niel).
  • Vous savez pourquoi on a 36 000 communes en France (autant que le reste de l’Europe réuni) et on a jamais réussi à diminuer drastiquement ? Parce que tout le monde en veut moins, mais est mécontent quand c’est la sienne qu’on envisage de fusionner.
  • Vous vous souvenez de combien de temps a pris la réforme des régions ? Est-ce qu’on va laisser un débat sur la suppression de 25 départements occuper encore le débat public pendant un an, alors que cette suppression n’est vraiment demandée par personne ?
  • Ah, là ce sont les grands constructeurs qui seront contents. Vous avez vos actions Bouygues ?
  • J’ai toujours peur quand j’entends procédure accélérée : qu’est-ce qui va trinquer, l’environnement, le droit des marchés publics, le droit du travail ?
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?
  • Si ce n’est plus l’enjeu, pourquoi avoir créé des lignes de bus avec la loi Macron ?
  • L’enjeu n’est plus de construire de nouvelles lignes de transport […], mais de raccorder les territoires. Sans lignes de transport. Vous l’avez ? Moi j’avoue que j’ai du mal. Par téléportation, peut être ?
  • Mmmm. Vous avez vos actions Vinci autoroutes ?
  • J’admets que j’y connais rien. Je me demande cependant si c’est autorisé dans le cadre de la PAC.
  • Vous avez vos actions Air France ?
  • Il va falloir revoir ce que signifie “droit commun”. Ou alors, est-il question de donner aux collectivités d’Outre-mer un parlement qui pourra établir un droit dérogatoire du droit commun de la métropole ? (C’est super bizarre à dire. A se demander si on va pas vers leur indépendance ? Pourquoi pas hein, mais c’est pas clair du tout.)
  • CTRL C, CTRL V : comment est-ce financé, au milieu des 110 milliards de restrictions budgétaires ?

Fini ! C’était bien long, pour un programme aussi court, je suis bien d’accord avec vous.

Mon avis sur tout ça

Il est multiple :

1Déjà, ce n’est pas un programme clair. Quelques propositions sont dans une certaine mesure à peu près claires (même si parfois c’est du n’importe quoi, je ne reviens toujours pas de l’interdiction des portables en classe), d’autres ne le sont pas du tout (la justice sera plus rapide, comme ça, par magie).

Mais là où ça manque très clairement de clarté, c’est sur les aspects financiers. Je n’ai rien d’un comptable dans l’âme, mais il faut quand même flécher un minimum où sont faites les économies et d’où vient l’argent des dépenses, où il part et dans quelle quantité. Et je ne suis pas le seul à le dire, il y a aussi l’ancien collègue d’Emmanuel Macron et secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert.

2 Ce n’est pas un programme clair parce que ce n’est pas un programme cohérent : la boucle n’est pas bouclée. L’expression anglaise conviendrait beaucoup mieux ici : “the numbers don’t add up”. Il n’est pas possible à la fois de réduire ses rentrées d’argent (baisses d’impôts et de charges) et augmenter ses dépenses (subventions, créations de programmes et d’aides) d’une part, tout en réussissant à faire 110 milliards d’économie d’autre part. D’un côté de la balance ou de l’autre, il y a un loup.

3 Ce n’est pas un programme cohérent parce que ce n’est pas un programme honnête. En promettant à la fois 50 milliards d’euros d’investissements et 60 milliards d’euros d’économies, il y a une chose primordiale qui n’est jamais énoncée clairement : avec 110 milliards d’économies à trouver (sur tous les secteurs qui ne bénéficieront pas des 50 milliards d’investissement), c’est une violente vague d’austérité qui va heurter de plein fouet de nombreux services, administrations, programmes et aides de l’Etat.

Pour les économistes, de droite comme de gauche, la dépense publique doit être contra-cyclique : tenter de relancer et soutenir l’activité en dépensant quand ça va mal, et la ralentir en économisant quand ça va trop vite. Aujourd’hui, l’économie française commence à peine à sortir la tête de l’eau, et ce programme compte lui asséner un coup sec sur la nuque.

Ou alors, si ce n’est pas par des économies sur ces secteurs là, ces 110 milliards devront être trouvés autrement : soit par l’emprunt, soit par l’impôt.

Si c’est par l’emprunt, il faut savoir que l’emprunt opère une redistribution massive des rentrées fiscales de l’Etat vers ceux à qui l’Etat emprunte (c’est à dire ceux qui ont de l’épargne à lui prêter, les classes aisées d’ici ou à l’étranger), et il a d’autres défauts.

Si c’est par l’impôt, il faut voir qui ces impôts frapperont, mais déjà, ça n’est visiblement pas les entreprises. Du coup, il reste les ménages, et il n’est rien dit desquels trinqueront. Probablement un peu tout le monde, mais surtout les classes moyennes, et ça risque de mettre un frein à la reprise (déjà timide) de la demande de biens et services, plonger le pays dans une récession et creuser les inégalités (vous connaissez la courbe en éléphant ? Elle explique bien la montée des populismes, et là elle va se transformer en giraffe…).

Quoi qu’il en soit, que ce soit économies massives sur certaines administrations, emprunt ou impôt, la source de ces 110 milliards n’est pas du tout précisée, pas même évoquée.

4 Ce n’est pas un programme honnête parce que le but n’est pas de le réaliser en entier. Pour réaliser un programme, il faut une majorité, sinon on est comme Mitterrand ou Chirac pendant les cohabitations, “on tourne en rond à l’Elysée et on inaugure les chrysanthèmes” (pour citer De Gaulle). Or une majorité, Macron n’en aura pas.

En Marche peut espérer faire des députés, sans aucun doute, mais avec des campagnes autofinancées par les candidats, sans cohérence politique et idéologique, et sans réseau, jamais en Marche n‘aura une majorité relative suffisamment large pour tenir une coalition (le pire des cas étant sans doute une Assemblée Nationale divisée en 5 parts à peu près égales).

La droite devait gagner cette élection présidentielle. Elle ne la gagnera pas à cause du suicide Fillon, en revanche, elle gagnera probablement les législatives. Si des mesures du programme de Macron sont reprises, ce ne seront pas celles un peu de gauche, ce seront celles de droite.

(Ajout trois mois après les législatives : force est de reconnaître que sur la disparition du fait majoritaire, je me suis bien planté. Emmanuel Macron a bien lu son Machiavel (diviser pour régner), et j’avais oublié que le retournement de veste opportuniste était un sport national.
Ajout un an après : en revanche, sur ce qui est de la prévalence des politiques de droite sur celles de gauche, j’étais visiblement pile dedans…)

5 Ce n’est pas un programme “ni de droite, ni de gauche (ou plutôt “de droite ET de gauche”, puisque visiblement, le discours a changé, comme souvent avec Emmanuel Macron), mais bien un programme de droite.

Oui, il y a bien quelques mesures de gauche dedans, mais elles sont excessivement timides, et comme je l’ai dit, elles ne comptent pas puisqu’elles ont peu de chances de passer.

Mais entrons dans la fiction et imaginons qu’En Marche ait sa majorité, soyons généreux et allons même jusqu’à imaginer que ce soit une majorité absolue, et imaginons qu’aucun de ses députés ne fronde (parce que malgré ce qu’a annoncé le candidat, ils pourront tout à fait, les mandats impératifs étant interdits en France).

Désolé…

Eh bien, quand bien même la cohérence budgétaire de ce programme serait trouvée, quand bien même toutes les mesures passeraient, ça n’en ferait pas un programme avec de la gauche dedans.

Parmi tous les principes de la gauche, il y en a un qui consiste à dire que l’égalité des droits, ce n’est pas juste l’égalité des droits : l’égalité réelle est indissociable des notions d’équité et de justice économique. La femme ne sera pas l’égale de l’homme, le noir du blanc, l’enfant du travailleur de l’enfant de rentier, tant qu’ils n’auront pas les mêmes droits ET la même éducation ET le même salaire pour un emploi donné ET les mêmes chances d’accéder aux opportunités.

Or de justice économique, ce programme n’en a aucune. Il favorise les classes les plus aisées (dont ni vous ni moi ne faisons partie), via des politiques de soutien à l’offre de biens et services (c’est à dire aux entreprises) qui, 30 ans durant, ont démontré leur inefficacité. Emmanuel Macron a largement participé à forger le mandat passé, et il n’a pas l’intention de changer de ligne.

6 Préférez l’un ou l’autre, mais les programmes d’Hamon et de Mélenchon sont des programmes de gauche, avec du soutien à la demande dedans. Celui d’Hamon a ma préférence parce qu’il bénéficie à tout le monde et n’oublie pas ceux sans toit, parce qu’il anticipe la mutation du monde du travail et l’automatisation massive qui arrive, parce qu’il est sans ambiguïté sur le maintien dans l’Europe, et parce que le personnage, moins tribun et autoritaire, et plus dans la réflexion et la discussion, me parle plus ; mais les deux s’inscrivent dans certaines traditions de la gauche.

7 Il reste un dernier argument, celui du vote utile. C’est une chimère. Hamon remportera sans problème le second tour contre Le Pen. Macron le remporterait aussi, c’est vrai, et peut être avec une marge plus grande grâce aux voix de la gauche.

Quand bien même Macron gagnerait plus largement qu’Hamon, ce ne serait que reculer un peu plus pour mieux sauter dans le gouffre. Un ami le dit mieux que moi, alors je vais le citer :

Sous un gouvernement de droite, 5 ans de baisse du coût du travail et de transfert de charge des entreprises vers les ménages, dans un contexte de déflation budgétaire, ont fait gagner 9 points au FN.
Sous un gouvernement de gauche, 5 ans de baisse du coût du travail et de transfert de charge des entreprises vers les ménages, dans un contexte de déflation budgétaire, ont fait gagner à nouveau 7 points au FN.
Le seul rempart contre le FN serait donc 5 ans de baisse du coût du travail et de transfert de charge des entreprises vers les ménages, dans un contexte de déflation budgétaire, sous un gouvernement ni de droite ni de gauche.

Parce qu’en plus du fait qu’Emmanuel Macron propose des recettes qui ont montré leurs limites, j’ai une dernière question à vous soumettre : que deviennent les modérés de droite et de gauche, quand le parti au pouvoir se présente comme la synthèse des deux et s’efforce de diviser et écraser les modérés de droite ou ceux de gauche ?

Quand l’UMPS présidera, qui incarnera l’alternance dans 5 ou 10 ans ? Combien de temps le plafond de verre tiendra-t-il ?

Vous avez aimé ce travail ? Le meilleur moyen de me remercier est de le partager sur vos réseaux sociaux, Facebook, Twitter et autres, et en commentaires des articles de presse que vous pourrez lire sur le programme d’Emmanuel Macron.

Pour cela, je mets à votre disposition ce lien facile à retenir : http://bit.ly/projet-macron

Par ailleurs, n’hésitez pas à me suivre sur Medium, et sur Twitter, j’ai d’autres articles en projet. Merci.

A propos de moi : je suis data scientist, diplômé d’un M2 en économie de l’Ecole d’Economie de Paris, d’un M2 en affaires internationales, et de licences en économie, en droit, et en science politique de la Sorbonne. Mes articles ne reflètent que mon opinion propre.

Merci à celles et ceux qui m’ont apporté de l’aide sur certains points, m’ont corrigé, m’ont relu. Sans ordre : mon père, Virginie, Etienne, Projet Arcadie, Chris/ProfToujours, Stéphanie.

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