Interview de Sébastien Martin

Sébastien Martin, élève aux Mots, vient d’auto-publier sa pièce de théâtre, “Juste un instant”.

Les Mots
5 min readFeb 26, 2018

Les Mots : Bonjour Sébastien, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Sébastien Martin : Je suis ingénieur, psychologue clinicien et psychanalyste. J’ai toujours aimé écrire, griffonner des choses par-ci par-là. J’ai déjà écrit un roman et un recueil de poésie il y a quelques années. Je ne les avais pas édités, mais j’avais apprécié de mener ces projets jusqu’au bout en ce qui concerne l’écriture.

LM : Comment es-tu arrivé aux Mots ?

SM : Je ressentais un blocage. Écrire était devenu laborieux, pénible. Ma femme m’a offert un atelier qui m’a vraiment aidé. C’était avec Ollivier Pourriol : “L’écriture comme bricolage : découvrir la boîte à outils de l’écrivain”. Là, j’ai retrouvé du plaisir et de la spontanéité dans l’écriture. Un jour, Ollivier a proposé un exercice sur les dialogues, avec un personnage imposé : Pénélope. J’ai écrit un texte marqué par l’actualité de 2017. Mais, au-delà de ce texte, cet exercice a été déterminant pour moi.

Avant, j’avais tendance à me crisper en recherchant la beauté des phrases.”

LM : En quoi cet exercice sur le dialogue a-t-il été un déclencheur de projet d’écriture ?

SM : Avec les dialogues, je suis rentré dans un domaine que je n’avais pas encore exploré. Avant, j’avais tendance à me crisper en recherchant la beauté des phrases. Les dialogues m’ont permis de mettre cette idée de beauté plastique de côté. Ils exigent un rigoureux travail de construction avec et autour d’un matériau qu’est la spontanéité. C’est paradoxal, et ce mélange de technicité et de légèreté m’a tout de suite embarqué dans une dynamique d’écriture intense et frénétique. Alors que je m’étais inscrit à l’atelier sans avoir de projet, voilà qu’il me restait un mois et que je voulais clore quelque chose avant la fin. Même si je ne partageais pas mon projet pendant l’atelier, j’écrivais en parallèle. Lors de la dernière séance je l’ai soumis à Ollivier.

LM : Qu’en a dit Ollivier Pourriol ?

SM : Il m’a dit de faire quelques corrections et de le soumettre à des éditeurs. C’est ce que j’ai fait. Mais le texte hésitait entre roman dialogué et théâtre. Il n’a pas été accepté par les maisons d’édition. Je l’ai mis de côté, j’ai fait une pause. Puis j’ai vu sur le site des Mots l’atelier “Des mots sur des planches !” de Philippe Honoré et j’ai décidé de m’inscrire. Ce n’était pas pour retravailler ce projet mais pour me remettre le pied à l’étrier.

LM : L’atelier de Philippe Honoré a-t-il permis d’avancer sur ton texte ?

SM : Oui, déjà parce qu’il a entretenu une dynamique d’écriture, c’était l’occasion de se retrouver et de prendre plaisir à écrire. J’ai rencontré là une personnalité sympathique et passionnée. Philippe nous a proposé d’écrire une pièce collective. Et il en a même organisé une lecture avec des comédiens ! C’était très instructif d’entendre nos textes incarnés par d’autres. Et puis, en marge de l’atelier, j’ai pu me lancer dans la réécriture de mon texte. Philippe a bien voulu le lire et m’en faire des retours précieux. J’ai appris à simplifier, à élaguer, à penser les dialogues de façon visuelle.

LM : Si tu avais choisi un atelier sur le roman, penses-tu que ton projet serait devenu un roman dialogué plus qu’une pièce de théâtre ?

SM : C’est tout à fait possible. Mais j’avais envie de pousser vers le théâtre. Donc ça devait sans doute tendre plutôt vers une pièce.

Trois personnages en haut d’une grue, une rencontre à la limite du drame, de l’absurde et du loufoque

LM : Peux-tu nous parler un peu de ta pièce ?

SM : C’est une rencontre à la limite du drame, de l’absurde et du loufoque. Trois personnages en haut d’une grue, qui ne se connaissent et ne se comprennent jamais tout à fait. Les rebondissements mettent à jour des logiques de vie, des logiques de désir différentes. L’un est idéaliste, guidé par un désir aussi fort qu’énigmatique, l’autre est agi par des automatismes, des petites causalités du quotidien, la plus forte pente, comme il dit. Le troisième, lui, se débat avec rage pour ne pas être happé par ses blessures narcissiques. Ce qu’ils se disent tous les trois, c’est drôle, mais c’est aussi terriblement humain…

LM : Tu as pensé intituler ta pièce Logiques de désir et tu as finalement opté pour Juste un instant. Pourquoi ?

SM : Parce que le premier personnage, l’idéaliste, cherche à échapper un instant, ne serait-ce qu’un instant à la présence de l’Autre. Ça a l’air trivial, mais ça ne l’est pas car cette présence est partout : dans l’insistance du désir des autres bien sûr, mais aussi dans la répétition et les automatismes de la vie, dans les mots, et même dans le temps ! S’extraire des autres, s’extraire de l’Autre, c’est aussi s’extraire du temps, sortir de l’histoire, de l’écoulement, du récit. C’est partir à la recherche de l’instant en tant qu’instant, ce Je-ne-sais-quoi, ce Presque-rien chers à Jankelevitch.

LM : Tu as choisi de l’auto-éditer, pourquoi ?

SM : Éditer cette pièce me permet de clore ce travail, de le partager, et de le proposer à des metteurs en scène. Je n’ai pas envoyé la version finale à des éditeurs, je suis passé par l’auto-édition car cela répond à ces objectifs. J’espère qu’elle sera jouée et aussi qu’elle sera lue, car elle se lit facilement, comme un roman !

LM : Et maintenant ? As-tu des projets en cours ?

SM : J’ai deux autres projets en cours, qui se mettent en ordre. Ce sont encore des dialogues. Je pense revenir en tout cas aux Mots pour un autre atelier. Pour moi les ateliers d’écriture sont des catalyseurs qui permettent d’entretenir une dynamique. Je ne sais pas encore pour lequel je reviendrai, il y a du choix et j’aime différentes formes d’écriture.

Il y a dans l’écriture et dans la psychanalyse le même intérêt pour la découverte et la surprise.”

LM : Ton métier de psychologue, de psychanalyste t’aide-t-il dans ta pratique d’écriture ?

SM : Oui, certainement, déjà parce que j’écoute beaucoup. Et aussi parce qu’il y a dans l’écriture et dans la psychanalyse le même intérêt pour la découverte et la surprise : on aime glaner ce qui émerge et qui, l’air de rien, tient un discours de vérité. Mais il y a deux écueils à éviter : tout analyser, et plaquer une construction théorique sur ce qui devrait être pure créativité.

LM :Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui veut se lancer dans l’écriture ?

SM : Des choses qui m’ont été transmises ici, dans ces ateliers : pour écrire, il faut écrire souvent, se trouver ses propres repères, ses rituels éventuellement. Et puis écrire le plus spontanément possible, sans jugement. Différer à plus tard le temps de la relecture et de la réécriture. Mais d’abord écrire, librement, sans pour autant tomber dans l’écriture automatique. Après, il faut travailler, et retravailler encore…

Vous pouvez retrouver Juste un instant sur les sites web Amazon et FNAC. Sébastien Martin sera au salon du livre, vous pourrez acheter un exemplaire papier et le faire dédicacer, le dimanche 18 mars 2018 de 10h à 12h sur le stand E12. À lire, l’Acte I, scène 1 ici.

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