Sept défis capitaux liés aux investissements sur les infrastructures énergétiques africaines: quelles solutions pour l’Afrique?

Andrew Herscowitz
17 min readNov 18, 2019

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Par: Andrew M. Herscowitz, Coordinateur de Power Africa

Nous faisons tous des erreurs, même lorsqu’il s’agit de mettre fin à la pauvreté en énergie. Nous faisons de notre mieux, mais il y a sept défis capitaux auxquels nous devons faire face lorsqu’il s’agit de soutenir le développement des infrastructures énergétiques en Afrique. Nous pouvons tous être coupables (1) de mauvaise gestion; (2) d’orgueil; (3) de cupidité; (4) de manque d’expérience; (5) de pauvreté; (6) de lenteur; et, pire que tout, (7) la peur.

Andrew M. Herscowitz, intervenant au Forum sur l’énergie en Afrique 2019

En 2013, Power Africa a été lancé à titre de partenariat sous l’égide du gouvernement des États-Unis et cordonné par l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID), cet initiative vise à doubler le nombre de personnes ayant accès à l’électricité en Afrique subsaharienne d’ici à 2030. Power Africa compte maintenant plus de 170 partenaires publics et privés qui ont engagé collectivement plus de 56 milliards de dollars afin d’atteindre notre objectif collectif qui est d’ajouter 30 000 mégawatts (MW) et 60 millions de nouvelles connexions électriques d’ici 2030. À ce jour, nous avons contribué à faire progresser plus de 120 projets de production comprenant 10 000 MW et 16 millions de nouvelles connexions électriques. Nous avons réalisé des progrès significatifs, mais avons encore beaucoup de chemin à faire. Au cours du processus, nous avons relevé sept défis capitaux et continuons de réfléchir aux moyens de les surmonter.

Mauvaise gestion

Une mauvaise planification, souvent motivée par des considérations politiques, affecte tous les pays du monde, y compris ceux qui tentent de sortir leurs populations de la pauvreté en énergie. Les politiciens font parfois de grandes annonces pour d’énormes projets énergétiques qui donnent de l’espoir aux populations, mais qui ne correspondent pas à la demande locale ; des projets qui ne seront peut-être jamais achevés ou qui, s’ils le sont, ne profiteront pas à la majorité de la population (et, dans de nombreux cas, pourraient causer des dommages au niveau de l’environnement ou des préjudices sociaux). Le savoir-faire existe afin d’aider les pays à mettre à l’échelle une variété de technologies de production d’électricité existantes d’une manière responsable, comme Power Africa l’a indiqué dans sa feuille de route . Il a même fallu près d’un an à Power Africa afin de mettre au point sa propre feuille de route, près d’un an après un lancement qui nous promettait de grandes choses afin d’atteindre nos objectifs. Nous aussi, avons été coupables d’une grande annonce sans qu’un plan bien défini n’ait été mis en place. Nous devons en tirer des leçons et faire mieux à l’avenir.

Nous aussi, avons été coupables d’une grande annonce sans qu’un plan bien défini soit en place. Nous devons en tirer des leçons et faire mieux à l’avenir.

Plusieurs nouveaux projets de production en électricité ont été achevés avant que l’infrastructure de transport nécessaire pour acheminer l’électricité de la centrale aux clients ne soit en place (p. ex. le lac Turkana au Kenya et Kivuwatt au Rwanda). Par conséquent, les pays se sont retrouvés dans l’obligation de payer des millions de dollars pour une nouvelle alimentation en électricité qu’ils ne pouvaient pas utiliser. Le Nigeria dispose toujours d’une capacité de production d’électricité de 12 000 MW, mais seulement 7 000 MW en terme de capacité de transport.

Nous avons tous été tellement impatients d’ajouter de nouvelles sources d’énergie que nous perdons parfois de vue la façon dont cette nouvelle alimentation en électricité parviendra aux clients. Pour éviter d’autres problèmes de ce type, Power Africa a élaboré une feuille de route pour le transport d’électricité qui analyse les projets de production d’électricité prévus d’ici 2022 avec une superposition des infrastructures de transport prévues. La Feuille de route pour le transport d’électricité identifie les principales priorités en matière d’infrastructure de transport et de renforcement des capacités pour le continent.

Mais surtout, un gouvernement ne peut s’attendre à ce que son secteur de l’électricité fonctionne correctement si ce secteur et ses institutions ne sont pas financièrement viables. Selon un document de la Banque mondiale, seulement 2 des 39 compagnies d’électricité d’Afrique subsaharienne sont solvables, ce qui crée des effets d’entraînement qui minent les investissements tout au long de la chaîne de valeur. Dans bien des cas, les gens ne paient pas le coût réel de production de l’électricité. Les pays doivent établir et maintenir des structures tarifaires reflétant les coûts qui établissent un équilibre entre viabilité et accessibilité financière.

Orgueil

À maintes reprises, nous avons vu des promoteurs de projets et des représentants de gouvernement insister sur certaines conditions d’une entente qui, franchement, ne sont peut-être pas si importants. C’est souvent à cause de l’orgueil — “c’est comme ça qu’il faut faire.” Un gouvernement peut insister pour que les différends soient résolus devant ses tribunaux locaux, tandis qu’un promoteur de projet international peut insister pour que les différends soient réglés à Londres ou à New York. Pour les grands projets énergétiques, l’arbitrage international a généralement un sens. Mais les différends sur des questions d’une importance exagérée peuvent retarder la conclusion d’ententes financières ou faire exploser des ententes. La réalité, cependant, est que le taux de défaillance historique pour les opérations de financement de projets en Afrique est assez faible, parmi les plus bas de toutes les régions du monde, et personne ne veut réellement se retrouver en litige ou en arbitrage (Moody’s Investor Services, “Default and Recovery Rates for Project Finance Bank loans, 1983–2017, 2019). Dans certains cas, un processus de règlement des différends pourrait même coûter plus cher que le projet lui-même, comme nous l’avons expliqué à un promoteur de projet au Rwanda lorsque son projet de mini-hydraulique de 1,5 MW a été bloqué en raison de son insistance sur une clause d’arbitrage international.

L’orgueil peut empêcher les services publics de sortir des sentiers battus. Les sociétés de distribution d’électricité (DISCO) doivent cesser de se considérer comme des vendeurs d’électrons. Ils doivent voir ce qu’ils peuvent apprendre des entreprises du système solaire domestique (SHS). Les sociétés SHS vendent ou louent des appareils électroménagers, où quelques électrons de panneaux solaires alimentent les appareils super efficaces que les gens veulent vraiment et sont prêts à payer. Les gens ne veulent pas d’électricité — ils veulent de la lumière, un téléphone portable chargé, une télévision qui fonctionne, des outils électriques. L’électricité n’est que l’intrant. Les sociétés de distribution d’électricité doivent également élaborer des plans d’affaires afin d’élargir leur clientèle et augmenter leurs revenus par des moyens plus créatifs, comme la location d’appareils ménagers et d’outils.

Les organisations de développement doivent aussi se méfier de leur propre fierté. Nous devons être patients et sensibles à la culture et aux pratiques locales, et chaque pays doit faire avancer les choses à son propre rythme. Cela dit, nous vivons dans un monde globalisé, interconnecté, avec une population de jeunes qui augmente. Cette population de jeunes a perdu patience face à sa propre pauvreté, comme en témoignent les crises migratoires dans le monde entier. Un pays qui a suffisamment d’électricité a de l’industrie et, par conséquent, des emplois. Nous devons travailler ensemble afin de relever ces défis afin que les gens ne se sentent pas obligés de quitter leur propre pays pour sortir de la pauvreté.

Récemment, j’ai pris la parole sur scène pour vanter le soi-disant succès de Power Africa, qui a aidé 10 000 MW de projets d’énergie à atteindre une clôture financière dans toute l’Afrique subsaharienne sur une période de six ans. Cinq minutes plus tard, un ministre portugais est monté sur scène et a annoncé que le Portugal aura une seule appel d’offre de 10 000 MW seulememt pour l’énergie solaire. L’Inde essaie d’augmenter 10 000 MW d’énergie solaire chaque année ! L’Afrique comprend plus de 50 pays, et je célébrais 10 000 MW. Bien que la fierté puisse protéger un pays de céder le contrôle à d’autres, ni la fierté ni les affirmations excessives de souveraineté ne donneront de la lumière aux gens — du moins pas au cours de cette décennie. Mais ces exemples démontrent concrètement qu’une croissance à grande échelle est possible et à un rythme rapide.

Les projets financièrement clôturés de Power Africa, y compris le nombre de ces projets qui sont mis en service et qui produisent de l’électricité, à la date de juillet 2019.

Certains pays soulignent à juste titre l’importance de leur propre souveraineté, et les interventions de Power Africa sont spécifiquement conçues afin d’aider les pays à garder le contrôle de leurs propres ressources pour les générations à venir. Nous sommes toutefois frustrés lorsque nous voyons des pays céder leur souveraineté à un autre pays en acceptant une dette souveraine insoutenable, souvent cachée dans des clauses de contingence dans des négociations non transparentes, pour des projets non viables, des projets d’énergie à solution rapide — des projets qui importent des travailleurs étrangers et qui sont accompagnés de manuels dans une langue étrangère qui n’est pas compréhensive localement. Ce n’est pas à cela que devrait ressembler le développement du secteur de l’électricité.

Nous sommes toutefois frustrés lorsque nous voyons des pays céder leur souveraineté à un autre pays. . . pour des projets non viables, des projets d’énergie à solution rapide — des projets qui importent des travailleurs étrangers et qui sont accompagnés de manuels dans une langue étrangère.

Power Africa, par exemple, fournit une assistance qui renforce la main-d’œuvre locale. Les projets Power Africa créent des emplois locaux. Et la plupart des dettes que les projets de Power Africa prennent en charge sont des dettes privées et non des dettes souveraines. Il est également utile de savoir qu’une part importante de l’aide du gouvernement américain prend la forme de subventions, et non de financement. Le mantra de l’USAID est que le but de l’aide étrangère est de mettre fin à la nécessité de son existence, et Power Africa vit selon ce mantra. Nous voulons des partenaires politiques et commerciaux forts et indépendants.

Cupidité

La cupidité prend plusieurs formes, y compris les prix d’éviction, le vol et la corruption. Lorsque Power Africa a été lancée en 2013, il n’était pas rare pour les entreprises de proposer des projets énergétiques non concurrentiels qui dépassaient 0,25 $ ou même 0,30 $ par kilowattheure (kWh). Bien que ces prix aient été ceux que le marché soutenait à l’époque, grâce à un certain nombre de facteurs économiques et politiques, y compris les contributions de Power Africa, très peu de gouvernements concluent aujourd’hui des contrats d’achat d’électricité à plus de 0,10 $ le kWh. Cette baisse rapide des prix peut être attribuée à de nouveaux processus d’appel d’offres concurrentiels, à une meilleure connaissance du marché et à une plus grande confiance (ce qui rend les capitaux moins coûteux), ainsi qu’à la baisse des prix des équipements. Alors que certains pays continuent d’être sceptiques quant à l’idée que si une entreprise privée réalise un profit, le pays doit “ perdre “ quelque chose, la réalité est qu’un projet soumis à une appel d’offres aide un pays à bloquer sa responsabilité financière à un taux concurrentiel, ce qui fait courir le risque de dépassement de coûts à cette entreprise privée. Tout le monde y gagne, tant le secteur privé que le gouvernement.

L’appui de l’USAID, La Banque Africaine de Développement, Le centre d’assistance juridique Africain juridique a permis à de nombreux gouvernements africains d’avoir accès à des conseillers juridiques internationaux de premier ordre lors de la négociation de projets de production d’électricité. Alors que les promoteurs de projets ne sont plus en mesure d’être “ avides “ étant donné l’abondance d’informations sur le marché, il incombe maintenant aux gouvernements eux-mêmes de ne pas être trop “ avides “ et d’insister sur des prix trop bas et qui amènent des projets de mauvaise qualité. Plus important encore, les gouvernements doivent respecter le caractère sacré des contrats et ne pas violer sans raison les contrats qui ont déjà été signés sans payer de dommages-intérêts équitables. La cupidité n’est pas toujours la raison des renégociations. Au contraire, certains gouvernements ont tout simplement conclu trop d’accords qui les obligent à payer pour de l’électricité qu’ils ne pensent pas être en mesure d’utiliser. Mais la renégociation forcée, si elle est menée sans transparence appropriée et sans respect du caractère sacré du contrat, menace d’effrayer les investisseurs crédibles pour les années à venir non seulement dans le secteur de l’électricité, mais dans tous les secteurs.

Le vol d’électricité continue d’être une nuisance les services publics à travers le continent. Dans certains endroits, il semble qu’il y ait plus de pertes d’électricité dues à des vols ou à de mauvaises pratiques de facturation que ce qui est payé. Au Nigéria, l’USAID a aidé quatre DISCO à réduire les pertes et à générer plus de 160 millions de dollars de nouveaux revenus en moins de deux ans. Pour réduire ces pertes, il a fallu grimper les échelons et débrancher les utilisateurs non payants — y compris les entités gouvernementales — et ensuite travailler avec les DISCO pour renforcer les processus de facturation et de recouvrement afin de rendre les changements positifs durables. L’USAID a également aidé le Nigeria à former les juges pour qu’ils puissent poursuivre les voleurs d’électricité. Les pays doivent travailler avec les organisations de la société civile (OSC) pour parvenir à un consensus sur le fait que le vol d’électricité est un crime — autrement, le secteur de l’électricité ne sortira jamais de la dette. Parallèlement, les partenaires tels que Power Africa doivent redoubler d’efforts afin d’aider les pays à rendre l’électricité abordable pour un plus grand nombre de personnes et pour renforcer l’engagement et la communication avec les clients.

La corruption — ou du moins les allégations de corruption — est un véritable fléau dans le secteur de l’électricité en Afrique. Chaque fois qu’un nouveau projet de production d’électricité est attribué — en particulier par le biais d’un processus non concurrentiel — des allégations de corruption commencent à faire surface. Que ces allégations soient fondées ou non, les gouvernements africains peuvent être assurés que les entreprises américaines doivent se conformer à la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), et nous envoyons des gens en prison pour violation de la FCPA. Afin d’éviter les allégations et les scandales de corruption, les pays devraient sérieusement envisager de ne faire affaire qu’avec des entreprises qui se conforment au FCPA et à aux lois anti-corruption similaires.

Afin d’éviter les allégations et les scandales de corruption, les pays devraient sérieusement envisager de ne faire affaire qu’avec des entreprises qui doivent se conformer au FCPA et à aux lois anti-corruption similaires.

Manque d’expérience

Historiquement, la plupart des pays africains ont compté fortement sur le financement des projets énergétiques par le secteur public. Les pays se rendent maintenant compte que le secteur privé dispose des capitaux nécessaires et qu’il est disposé à investir d’une manière qui peut les aider à accélérer l’accès à l’électricité. Néanmoins, jusqu’à une date récente, de nombreux responsables gouvernementaux ne connaissaient pas bien les pratiques internationales courantes visant à garantir les investissements du secteur privé dans le secteur de l’électricité. Bon nombre d’entre eux ne connaissaient pas non plus les nouvelles technologies concurrentielles comme l’énergie éolienne, l’énergie solaire et l’énergie géothermique. Depuis son lancement, en 2013, Power Africa et ses partenaires ont aidé plus de 120 projets énergétiques indépendants (IPPs) à atteindre leur objectif financier. Bon nombre de ces accords impliquent des gouvernements qui n’avaient jamais négocié un accord d’achat d’électricité (AAE) avec un IPP auparavant, et certains gouvernements n’ont toujours pas conclu un seul accord. Nous travaillons avec eux afin de renforcer leurs capacités et acquérir cette expérience. À ce jour, Power Africa, par l’intermédiaire du Commercial Law Development Program (CLDP) du département du Commerce des États-Unis, a publié plusieurs ouvrages, dont Understanding Power Purchase Agreements, Understanding Power Project Financing, Understanding Power Project Procurement; and Understanding Gas & LNG Options. En outre, Power Africa a publié un Guide de l’engagement communautaire à l’intention des gouvernements et des promoteurs de projets, afin que les projets ne déraillent pas en raison de problèmes sociaux et environnementaux après que beaucoup de temps et d’argent aient déjà été dépensés. Le département du Trésor des États-Unis a également intégré des fonctionnaires dans les ministères africains afin de les aider à mettre en place de nouvelles structures de partenariat public-privé.

Power Africa offre également une formation directe aux ministères, aux responsables des services publics et aux organismes de réglementation. Le réseau de plus de 100 conseillers de Power Africa sur le terrain aide à réduire l’écart de capacité dans l’espoir qu’une fois que les conseillers de Power Africa aideront à faire avancer certains projets, les connaissances qu’ils laisseront derrière eux aideront à assurer que des décennies de nouveaux projets suivront avec les responsables locaux africains en tête. Nous avons également lancé le programme Power Africa Legal Fellows Program avec le Cyrus R. Vance Center for International Justice, qui permet à de jeunes avocats africains prometteurs dans le domaine de l’énergie d’élargir leurs compétences au sein de cabinets américains avant de retourner chez eux pour faire progresser les transactions énergétiques. Et nous avons lancé le programme “Young African Leadership Initiative’s Young Women in African Power”, qui réunit de jeunes femmes leaders dans le secteur de l’électricité à travers le continent pour un mois de formation au leadership. Power Africa reconnaît que les 20 services publics les plus diversifiés sur le plan du genre ont obtenu de meilleurs résultats que les 20 autres en termes de retour sur capitaux propres, c’est pourquoi Power Africa a adopté le programme Engendering Utilities de l’USAID et a fixé des objectifs pour certains services publics afin d’augmenter le nombre de femmes dans leurs rangs et le leadership exécutif.

Pauvreté

Aucun gouvernement au monde ne dispose à lui seul des ressources nécessaires pour mettre en place l’infrastructure nécessaire pour mettre fin à la pauvreté énergétique. C’est plutôt le secteur privé qui doit fournir la part du lion du financement. Alors que les agences gouvernementales américaines de Power Africa, dont l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC), l’USAID, la Millennium Challenge Corporation (MCC), la U.S. Trade & Development Agency (USTDA) et la U.S.-African Development Foundation (USADF) ont collectivement dépensé ou financé plus de 3 milliards $ à ce jour pour promouvoir les objectifs de Power Africa, les 120 projets de production électrique qui ont atteint une clôture financière représentent plus de 20 milliards $. Une grande partie de cet argent provient du secteur privé, y compris les 151 partenaires du secteur privé de Power Africa.

Il existe d’énormes ressources inexploitées pour le financement des infrastructures énergétiques en Afrique — fonds de pension locaux et fonds souverains. Récemment, le Sénégal a obtenu des prix solaires de 0,05 $/kWh dans le cadre d’une appel d’offres concurrentiel de la Société financière internationale (SFI) Scaling Solar. L’un des facteurs qui ont contribué à cette faiblesse des prix est que le fonds souverain sénégalais FONSIS — le FONSIS — détient une participation de 20 % dans le projet. Le fait qu’un fonds de pension local ou un fonds souverain investisse dans un projet constitue non seulement une source abondante de capitaux peu coûteux et à long terme libellés en monnaie locale, mais aussi un facteur de risque pour le projet, car aucun gouvernement ne veut voir ses retraités perdre leur argent. Cette réduction des coûts fait également baisser le coût du capital pour les investisseurs internationaux, ce qui se traduit par des prix encore plus bas. Pour cette raison, l’USAID développe un programme visant à encourager le capital institutionnel africain à investir dans l’infrastructure énergétique.

Le fait qu’un fonds de pension local ou un fonds souverain investisse dans un projet constitue non seulement une source abondante de capitaux peu coûteux et à long terme libellés en monnaie locale, mais aussi un facteur de risque pour le projet, car aucun gouvernement ne veut voir ses retraités perdre leur argent.

Sur les 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité en Afrique subsaharienne, on estime que de nombreuses personnes n’ont tout simplement pas les moyens de payer l’électricité. Les gouvernements doivent concevoir des plans d’électrification rurale qui tiennent compte de cette réalité et qui n’imposent pas aux services publics déjà financièrement vulnérables une nouvelle dette insoutenable. Les services publics peuvent s’inspirer des entreprises de systèmes solaires domestiques hors réseau pour déterminer la meilleure façon de tirer parti de la valeur des clients du dernier kilomètre. Des entreprises comme Fenix International, propriété d’Engie, vendent des panneaux de 10 watts à des clients ruraux et les aident à accéder au crédit pour la première fois. Néanmoins, dans de nombreux cas, les gouvernements devront subventionner de nouvelles connexions électriques pour ces clients du dernier kilomètre.

Lenteur

Nous sommes tous coupables de lenteur de temps en temps. C’est souvent notre incapacité à agir assez rapidement qui empêche les gens d’avoir accès à l’électricité. Nous devons traiter la pauvreté énergétique avec un sentiment d’urgence — en nous assurant qu’aucune paperasse ne se trouve sur nos bureaux ; et que les gouvernements adoptent rapidement les lois et règlements nécessaires pour faire avancer de nombreux projets énergétiques. Power Africa travaille depuis plus de six ans, dépensant des millions de dollars afin d’aider un gouvernement à faire franchir la ligne d’arrivée à son premier IPP. Tout le monde est confiant que cela se produira “à temps”. Malgré les meilleures intentions, la perfection est devenue l’ennemie du bien. Des millions de personnes restent dans le noir. Les choses avancent trop lentement.

De même, un autre gouvernement a retardé plus d’une douzaine d’IPPs solaires, pour diverses raisons, y compris la croyance que les prix étaient trop élevés. Mais l’une des raisons invoquées récemment (et qui est courante dans tout le continent) pour retarder les négociations était qu’il fallait attendre “après les élections” avant de prendre une décision finale. Power Africa travaille avec les pays pour renforcer l’environnement favorable par le biais d’une assistance technique à des institutions indépendantes telles que les régulateurs pour s’assurer que quel que soit le chef de l’Etat, un accord peut aller de l’avant et sera honoré et durable.

En contradiction flagrante avec la lenteur habituelle, le gouvernement zambien, avec l’appui du programme Scaling Solar de la SFI, qui comprenait 2 millions de dollars de soutien de l’USAID, a lancé un appel d’offres, fermé financièrement et commandé ses premiers projets solaires à un rythme effréné. La construction et la mise en service ont pris moins de 18 mois avant la clôture financière, apportant suffisamment d’énergie solaire à 0,06 $/kWh pour alimenter en électricité plus de 30 000 personnes et un hôpital.

Le Président de la République de Zambie Edgar Lungu à la centrale solaire de Bangweulu lors de l’inauguration du projet à Lusaka le 11 mars 2019.

Peur

La peur est le plus meurtrier de tous les défis auxquels est confronté le secteur de l’énergie en Afrique. Peur des énergies renouvelables. Peur des RRI. Peur de perdre son emploi à cause d’une privatisation ou d’une nouvelle technologie. Peur des syndicats influents ou des personnes influentes. Peur des investissements et des défauts de paiement sur les marchés frontaliers. Peur des fluctuations monétaires. Peur de prendre une mauvaise décision. La peur paralyse et continue de paralyser le secteur de l’électricité en Afrique.

Bien que certaines de ces craintes soient justifiées (p. ex. la crainte des fluctuations monétaires), la plupart ne le sont pas. Certaines de ces peurs peuvent être atténuées, et certaines d’entre elles doivent simplement être affrontées de front. Beaucoup de gens ne veulent s’en tenir qu’aux technologies qu’ils connaissent depuis des années, comme l’hydroélectricité et le charbon, car ils craignent l’inconnu. Mais la réalité est que beaucoup plus de technologies sont compétitives. C’est pour cette raison que Power Africa adopte une approche technologique “ inclusive “ — nous n’avons pas de préférence quant à savoir si un projet est alimenté au gaz, au diesel, au soleil, au vent, à l’eau, ou au charbon. Nous voulons que les gens aient accès à l’électricité la moins chère, la plus fiable et la plus durable possible le plus rapidement possible. Les pays peuvent construire des combinaisons diversifiées, résilientes et financièrement viables de production d’électricité. La plupart des pays africains disposent de ressources énergétiques renouvelables abondantes et les prix des énergies renouvelables baissent de plus en plus chaque jour. Nous n’appuierons pas une technologie en particulier dans le seul but de soutenir cette technologie, à moins qu’il n’y ait une raison impérieuse de le faire.

Power Africa adopte une approche technologique “ inclusive “.

La nouveauté inspire parfois l’insécurité, ce sentiment qu’il inspire exacerbe la crainte naturelle de commettre une erreur. Les responsables gouvernementaux, les partenaires de développement (y compris nous-mêmes) et les investisseurs doivent aller au-delà de cette crainte et agir rapidement afin de faire progresser les investissements du secteur privé dans les infrastructures énergétiques. Power Africa offre les plans, les outils et l’accès au capital afin d’aider le continent africain à sortir de la pauvreté énergétique. Le meilleur conseil que m’a donné mon tout premier patron à l’USAID était “N’ayez pas peur d’agir parce que vous avez peur de faire une erreur. Vous essayez d’améliorer les conditions de vie et les gens essaient de s’attaquer à ces problèmes depuis des années. Si vous faites une erreur, nous ferons le tour du pâté de maisons, en parlerons et trouverons un moyen de la réparer. Si c’est une grosse erreur, on fera le tour du pâté de maisons deux fois.”

Débarrassons-nous de la peur et agissons. C’est à nous tous, d’aller ensemble afin de relever ces sept défis capitaux.

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Andrew Herscowitz

Executive Director of ODI North America. Former Chief Development Officer @DFC and former US #PowerAfrica Coordinator at @USAID.