Vers un modèle d’école durable: Wallah We Can

Anis Kallel
7 min readAug 3, 2016

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**Article translated by Safa Jebri < jebri.safa@gmail.com>. See the Original version (English)

Wallah We Can a pour objectif de réhabiliter les 330 internats publiques de la Tunisie ( écoles, collèges et lycées accueillant près de 150 000 élèves ) et de redéfinir l’expérience éducative de l’élève tunisien.

Lotfi Hamadi, fondateur de Wallah We Can. Photo prise par: The Tunisians

Suite à son indépendance, et vu qu’elle ne disposait pas de ressources naturelles considérables, la Tunisie a tout misé sur l’éducation. Le but était de produire un capital humain qualifié, capable de répondre aux besoins du marché et à la hauteur des attentes d’une économie mondiale. Plus que 20% du budget national annuel était investis afin de faire de l’éducation gratuite non seulement un droit des enfants entre 6 et 16 ans mais aussi une obligation pour les parents.

Soixante ans plus tard, en 2016, le bilan n’est pas réconfortant : Le nombre d’écoles est insuffisant, les écoles déjà construites sont peu équipées, faute de ressources financières et les enseignants ne sont pas adéquatement formés pour profiter de tout ce que les nouvelles technologies offrent. La situation des internats publiques, en particulier, est à pointer du doigt en raison des problèmes précédemment cités ainsi que d’un défaut de confort et d’accès à l’hygiène pour les pensionnaires qui sont préjudiciables pour leurs études, leur santé et leur épanouissement. Rappelons au passage que ces foyers sont en premier à la population estudiantine la plus pauvre du pays et celle qui vit dans des maisons et hameaux isolés. La situation est telle qu’à cause des conditions de vie difficiles dans ces établissements peu équipés et financés, plusieurs élèves sont poussés à se déscolariser avant même d’avoir développé leurs compétences, pour, au moins, poursuivre des métiers. Pour ces enfants, l’école n’a malheureusement pas réussi à être un ascenseur social ou, au moins, un refuge.

A Wallah We Can (« On peut, je le promets ! » en dialecte Tunisien,) nous croyons à l’importance du capital humain et du développement de l’enfant comme outils pour faire face aux problèmes actuels de notre pays. L’éducation est souvent considérée comme le meilleur moyen pour vaincre la pauvreté. Pour cela, nous travaillons dans les zones marginalisées pour aider nos jeunes concitoyens à poursuivre leurs études dans un environnement sain afin qu’ils deviennent eux mêmes des créateurs de changement positif au sein de leurs communautés. Pour réaliser ce but, nous avons besoin de solutions pragmatiques et durables qui sont faciles à implémenter, pas chères à maintenir, et ont le potentiel de croître.

Notre mission est d’investir dans les enfants les plus appauvris du pays et de transformer de façon radicale notre société avec l’éducation en insistant sur les valeurs humaines, du travail en commun et de la méritocratie.

Entrer dans le développement durable et sortir de l’aide humanitaire:

Il existe déjà plusieurs autres initiatives visant l’éducation des jeunes et la lutte contre la pauvreté en général. Cependant, la plupart se limitent à des actions de courte durée sans investissement à long-terme. Ce qui distingue l’initiative Wallah We Can, c’est que nos avons formé un modèle d’entreprise sociale durable qui, une fois appliqué, permettra à l’école de générer des revenus suffisants pour couvrir ses dépenses et renforcer son autonomie financière sur le long-terme.

Actuellement, nous nous apprêtons à inaugurer le premier projet pilote en septembre, à la rentrée scolaire. L’école concernée se situe à Makthar, Siliana — un gouvernorat au Nord-Ouest de la Tunisie. Nous avons demandé à un groupe d’experts en développement de l’enfance de suivre de prés l’impact du projet pendant une année afin de documenter l’efficacité et le potentiel de croissance des différentes initiatives implémentées.

Ce que nous faisons et comment on le fait:

Pour le moment, tous nos fonds proviennent de donations faites par des individus et des entreprises, ou d’évènements et campagnes de levée de fonds. Les donations que nous recevons sont de la forme de contributions monétaires, de biens physique et de services. Dans ce post, je ne ferais pas la liste de tous nos sponsors et partenaires. Je me concentrerai plutôt sur les projets et initiatives visés à traiter certains problèmes que nous avons remarqué lors de notre visite à l’école pilote à Makthar. Dans mes prochaines publications je décrirais en détail comment chacun de nos projets et ceux qui ont aidé à les réaliser.

1- Autonomie énergétique:

Panneaux photovoltaïques installés à Makthar

Grâce au climat favorable de la région, nous pouvons compter sur l’énergie solaire — la source d’énergie renouvelable la plus propre et abondante à notre disposition — pour subvenir à nos besoins. Atteindre une autonomie énergétique partielle était l’un des premiers objectifs que nous nous sommes dessinés. A travers l’isolation thermique des bâtiments et l’installation de panneaux photovoltaïques, nous avons réussi à garantir aux élèves trois douches par semaines. Ceci relève d’une grande amélioration par rapport à la politique d’une douche par mois, préalablement imposée à l’internat faute d’eau chaude. La température des chambres est aussi devenue acceptable pendant les froides nuits d’hivers et chaudes journées d’été, garantissant une meilleure qualité de vie aux internes de Makthar.

Ce changement a non seulement eu un impact considérable sur la santé et l’hygiène des élèves, mais aussi sur leur expérience éducative : Le club d’énergie, récemment initié, vise à la sensibilisation sur l’importance des énergies propres et renouvelables et informe les élèves sur des sujets d’actualité telle que le changement climatique ainsi que les mécanismes de génération d’énergie.

Cette photo représente un panneau solaire innovant à base canettes recyclées fabriqué en collaboration avec des étudiants d’ingénierie tunisiens. Les autres panneaux installés sont du type industriel.

2- Autonomie alimentaire:

Nous avons installé de petites fermes à l’école pour produire des fruits et légumes organiques ainsi que de la viande blanche. L’école de Makthar dispose maintenant d’une ruche et d’un poulailler qui produit environ 800 œufs par semaine. Le terrain a été réhabilité et fertilisé afin d’y planter des arbres : 130 oliviers, 20 orangers, 18 cerisiers, 20 pommiers, 6 pêchers, 6 abricotiers et 15 amandiers.

Des élèves du club de l’environnement aidant à maintenir la petite ferme.

3- Education sexuelle:

Serviettes hygiéniques réutilisables, fabriquées localement pour la distribution gratuite.

Nous procurons les jeunes filles de l’école avec des serviettes hygiéniques réutilisables provenant de la ville voisine Siliana. Ceci adresse la cause principale de l’interruption des études chez les filles et aide à la fois un groupe de femmes rurales travaillant sur la manufacture de ces serviettes à avoir une source de revenus. En présentant ces jeunes femmes avec une solution saine et durable, nous les habilitons à participer activement dans les activités scolaires avec leurs camarades en éliminant toute sorte de malaise et de stigma. Ceci permet aussi d’initier une conversation cruciale à propos de la santé reproductive et les changements physiques que ces enfants vivent mais dont ils ont souvent peur de parler vu qu’ils sont souvent considérés comme sujets tabous par les familles.

4- Participation des élèves:

Finalement, j’aimerais mentionner les divers clubs mis en place à l’école pilote grâce au support du corps enseignant et à l’enthousiasme des élèves. Ces différents clubs visent à apprendre aux participants des qualités et des compétences utiles à un très jeune âge, tout en étant un espace d’expression en dehors du cadre académique traditionnel. Les centres d’intérêts de ces clubs sont les suivants :

  • Entrepreneuriat
  • Santé
  • Environnement
  • Sports
  • Informatique
  • Culturel

Quoique soient les activités de ces clubs, leur but est commun : encourager l’initiative personnelle aussi bien que le travail de groupe. Etant exposés à cette palette diversifiée d’activités, les élèves apprennent à mieux utiliser les ressources à leur disposition et apprécient mieux la valeur de leur éducation. Puisqu’ils ont la chance de rentrer chez leurs parents pendant les weekends, nous pensons qu’ils pourront à leurs tours partager leurs nouveaux acquis et connaissances pratiques avec leurs familles et leurs communautés. Nous croyons en leur aptitude à appliquer les apprentissages pour replanter leurs terres ou initier leurs propres efforts entrepreneurials. Les possibilités sont infinies quand il s’agit d’inspirer ces jeunes à faire plus et à être ambitieux surtout avec le support de célébrités et d’athlètes reconnus à l’échelle internationale.

Youssef Akrout — athlète tunisien qualifié aux Jeux Olympiques de Rio 2016 visitant le terrain de multisports à Makthar nommé après lui
Terrain multisports en construction

Wallah We Can a émergé d’une croyance ferme que l’Enfant doit être reconnu comme une personne qui a des droits, dont le premier est le droit à l’éducation mais aussi que l’Enfance à qui on garantit un cadre de vie et d’études décents devient une opportunité de développement humain, social et économique du pays. Notre objectif est ambitieux mais possible, celui d’un modèle d’école durable et financièrement autonome qui pourra être implémenté non seulement en Tunisie mais aussi dans d’autres pays en voie de développement. Plusieurs communautés ont réussi à trouver des solutions à des problèmes similaires et nous croyons que le partage de ce genre de connaissances est bénéfique pour tout le monde.

Toute forme de participation, donation ou partage d’idées est bienvenue. Visitez nous sur notre site web, la page Facebook « Wallah We Can » ou rejoignez notre équipe.

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Anis Kallel

Co-Founder at Kaoun.com | Fintech entrepreneur | Pan-Africanist | Former intern at EA and Microsoft