Stratégies pour la création d'un monde nouveau

Alain Bezançon
7 min readMay 15, 2022

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Aujourd’hui, deux grandes visions du monde et de la vie en société semblent se cristalliser.

D’une part, l’approche mondialiste caractérisée par une idéologie matérialiste ou la technocratie portée par une science dogmatique considère l’Homme et la nature comme des paramètres d’une équation que les algorithmes et l’Intelligence Artificielle sauront optimiser au plus grand profit d’une caste de possédants. Un nouveau contrat social garantit une forme de sécurité en échange de la liberté. Dans une société de surveillance, de conformisme et de bien-pensance, l’Homme abandonne sa souveraineté et délègue son pouvoir de décision à des entités transnationales seules capables de gérer des problèmes systémiques en contrôlant tous les aspects de la vie humaine, de la conception à la mort.

D’autre part, l’approche “Nouveau Monde” s’inscrit dans un mouvement de changement de paradigme qui se traduit par une conscience élargie du vivant et de la place de l’Homme au sein de l’univers. La souveraineté individuelle reposante sur la liberté et la responsabilité est la pierre angulaire des nouvelles formes du faire ensemble. Une approche ouverte, décentralisée, multidisciplinaire et organique favorise l’émergence d’organisations citoyennes locales où intelligence collective et gouvernance partagée sont au service du bien commun. Pragmatisme et bienveillance facilitent l’essaimage d’entités coopératives aux initiatives fécondes capables d’inventer des systèmes d’échange et de répartition des ressources favorisant le développement harmonieux de la vie collective. Le sens du sacré et la spiritualité retrouvent leur place au cœur des existences donnant ainsi à l’humanité la force d’affronter les immenses défis auxquels elle doit faire face.

Cette vision n’est pas une simple utopie. Partout sur la planète, les artisans du Nouveau Monde sont à l’œuvre à travers une myriade d’initiatives aussi riches que variées. Venant de tous les horizons, ils incarnent le désir de changement et écrivent au quotidien le récit collectif d’un futur désirable. Une véritable révolution invisible et silencieuse est en marche et il s’agit maintenant de mettre en œuvre des stratégies d’action pour favoriser l’avènement de cette nouvelle réalité.

Absorber l’effondrement

Chocs et chaos vont ponctuer notre quotidien au fur et à mesure où les crises systémiques en cascade vont accélérer l’effondrement de notre civilisation. Qu’elles soient sanitaires, économiques, écologiques, financières ou encore alimentaires, en plus de leurs conséquences dramatiques, les crises sont instrumentalisées par les partisans d’un nouvel ordre mondialisé pour accentuer la pression totalitaire.

Afin de pouvoir construire dans ce contexte d’effondrement, il est donc nécessaire d’adapter nos modes de vie afin de préserver notre intégrité physique et mentale.

Il s’agit de faire le deuil d’une société qui doit mourir et de se donner toutes les chances de participer à la naissance d’une nouvelle ère. La préparation est donc à la fois psychologique et matérielle et oblige à repenser nos sphères relationnelles, nos activités professionnelles, notre rapport à l’argent, aux biens matériels et à la société de consommation, notre localisation géographique, nos habitudes alimentaires, en un mot de réduire notre dépendance au système actuel.

La constitution d’un réseau d’entraide local est certainement la meilleure approche pour se préparer à des pénuries, tendre vers l’autonomie et affronter les dysfonctionnements de services essentiels. De nombreuses initiatives existent en ce sens comme Solaris, les Jardins d’Échanges Universels, les éco-villages ou encore les monnaies locales complémentaires.

Sans la relative sérénité qu’apporte ce genre de préparation et en demeurant dans la peur ou la précarité, il est très difficile de se placer dans une démarche constructive et positive.

Développer la souveraineté personnelle

Le Nouveau Monde est construit par des êtres souverains. Libres et responsables, ils sont les acteurs de leur vie et s’affranchissent de la dépendance à une société de contrôle pour créer une réalité à leur image.

Il n’y aura pas d’évolution collective durable sans transformation individuelle profonde.

La souveraineté personnelle et l’ouverture des consciences en sont les éléments essentiels en plus d’être les fondations et la force motrice de cette nouvelle société.

Il est donc essentiel de favoriser et de développer la souveraineté personnelle dont l’affirmation nécessite de sortir de la peur et de la colère.

L’état de sidération engendré par l’instrumentalisation des crises favorise l’abolition du libre arbitre et l’abandon de son pouvoir au profit d’institutions jugées plus aptes à gouverner nos vies. Sortir de l’isolement et se mettre en lien permettent de vaincre la peur, de libérer la parole et de passer à l’action. La multiplication des groupes de soutien et de prise de parole facilement accessibles sur les réseaux sociaux et via des rencontres physiques accélère ce processus.

Nombreux sont ceux qui, ayant quitté le narratif de peur des institutions, entrent dans le narratif de colère de la contestation stérile. L’éducation populaire destinée à cultiver le discernement et l’esprit critique est indispensable pour sortir de la polarisation des débats et des clivages sociaux. Les initiatives de réinformation, les médias indépendants, les prises de paroles publiques des professionnels et des scientifiques permettent de sortir de la pensée unique et de la désinformation de masse. Enfin, la création et la communication d’un récit fédérateur, positif et désirable doivent permettre de canaliser les énergies vers un effort de construction d’une autre réalité plutôt que de stagner dans la dénonciation d’un système engagé sur la voie de l’auto-destruction.

Affirmer sa souveraineté n’est pas revendiquer un individualisme libertaire, mais exprimer librement son unicité en agissant de manière responsable vis-à-vis de soi, des autres et de la nature qui porte la vie.

Favoriser l’ouverture des consciences

Les crises que nous vivons sont essentiellement la faillite d’une idéologie matérialiste. C’est la fin de cette modernité qui place l’Homme doué de raison au sommet d’une évolution dont il serait désormais l’ingénieur en chef capable de maîtriser la technologie de la vie afin d’assurer son immortalité. La finitude de l’Homme dont l’existence est limitée au corps physique et au mental est devenue l’ultime frontière de la conquête du vivant. La mort est un problème que la science peut résoudre. Ubris fatale de l’Homme ayant choisi d’oublier sa nature profonde.

Face à une crise existentielle sans précédent, l’Humanité vivra selon son attitude face à la mort.

La mort est-elle la fin de la vie, ou en est-elle une étape ?

Notre destin individuel et collectif dépend de la réponse à cette question.

Le sens de notre vie (direction et signification), les décisions que nous prenons et les actions que nous entreprenons sont liés, consciemment ou non, à notre conception de la mort.

Libres et responsables, comment choisirons-nous d’exercer notre souveraineté?

Aurons-nous la capacité de dépasser la satisfaction de nos besoins individuels pour servir le bien commun ?

Pouvons-nous évoluer et changer de paradigme sans élargir et ouvrir notre conception de la vie avec une conscience plus vaste et universelle ?

Sans promouvoir une religion ou un système philosophique particulier, il est primordial de favoriser l’ouverture des consciences et de retrouver le sens et le caractère sacré de la vie.

Accompagner les initiatives citoyennes

L’engagement citoyen est le prolongement naturel d’un processus de libération (de facteurs limitants comme la peur et la colère), de responsabilisation et de prise de conscience. Il arrive un moment où l’on se met en marche seul ou avec d’autres, rencontrés sur les chemins du Nouveau Monde.

Le Nouveau Monde n’est pas un modèle de société qu’il s’agit de faire accepter par le plus grand nombre. C’est un mouvement organique porté par des millions d’hommes et de femmes refusant la fatalité du statu quo actuel.

Organisées de manière plus ou moins formelle, ces initiatives citoyennes portent des projets qui par maillage et essaimage forment le terreau fertile sur lequel émergera une nouvelle société.

Autant ces projets reflètent la diversité des intérêts et des compétences de ceux qui les animent, autant ils ont des besoins similaires en matière d’organisation, de financement, de communication et de ressources informatiques.

Faire ensemble sans reproduire les modèles d’organisation existants n’est pas aisé. Cela demande de prendre conscience et de se libérer de ses conditionnements, mais aussi d’apprendre de nouvelles méthodes inspirées de la gouvernance partagée ou de la gestion des biens communs. La diffusion et l’acquisition de ces connaissances sont donc un facteur clé de succès.

Les organisations ouvertes ont besoin de financer leurs activités et d’assurer des moyens de subsistance aux personnes impliquées à temps plein. Les dons, le troc, les campagnes de sociofinancement mais aussi les monnaies complémentaires et les collectivités autosuffisantes sont des moyens dont les modalités pratiques sont à faire connaître et à partager.

L’outil informatique demeure incontournable pour communiquer et travailler de manière collaborative. La société de contrôle oblige là aussi à adapter ses habitudes afin de progresser vers une souveraineté numérique indépendante des GAFAM. Les logiciels libres, sécurisés respectant la vie privée, sont à privilégier. Le partage des bonnes pratiques et la mise en œuvre de plateformes mutualisées doivent faire l’objet de communs.

Accompagner et favoriser le développement des initiatives citoyennes consiste aussi à les mettre en liens entre elles et avec le public. Avec le foisonnement actuel de projets, chacun a tendance à créer sans avoir de visibilité sur ce qui se passe ailleurs quitte à réinventer la roue. Une meilleure connaissance des activités en cours doit augmenter l’efficacité générale des actions à travers le partage des savoir-faire, des expériences et des moyens. Le public doit également avoir un accès facile et complet aux projets afin de pouvoir rejoindre localement une initiative correspondante à ses besoins du moment.

L’aventure d’une vie

Ce Nouveau Monde à créer est une extraordinaire aventure à laquelle chacun peut contribuer à la mesure de ses capacités. Chaque projet est un engagement favorisant l’évolution personnelle au service d’une cause plus grande que soi.

Dans ce grand ballet cosmique qu’est la vie, les énergies semblent se synchroniser et surtout s’harmoniser tant les personnes et les projets finissent par se rencontrer et se compléter naturellement dans une chorégraphie parfaite qui transcende la matière, l’espace et le temps. La guidance et la “reliance” opèrent dans les arcanes du non-agir, cet état d’être diaphane laissant s’exprimer le devenir de ce qui est.

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Ressources pour la mise en œuvre des stratégies avec Discernaction

Prémices du Nouveau Monde
Passer à l’action
Outils informatiques libres et sécurisés
Collectifs et sources d’information alternatives
Articles sur le Nouveau Monde

Entrevues avec les artisans du Nouveau Monde (Vidéo, Podcast)

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