Assistants vocaux : La Voice Tech pour l’autonomie des seniors ?
« Ok Google, rappelle-moi où j’ai rangé mes clés. » Amazon, Google, Microsoft, Apple… Les géants de la tech misent sur les assistants vocaux et sur la domotique. En juin, Amazon Echo et HomePod – l’enceinte connectée d’Apple avec son assistant vocal Siri – ont rejoint la Google Home déjà présente sur le marché français depuis près d’un an. La révolution des usages est annoncée et tout le monde pourrait être concerné, y compris les seniors.
Il y a 15 jours en arrivant à mon domicile, j’ai croisé une voisine. C’est une personne âgée qui vit dans mon immeuble. A vrai dire, c’est un immeuble qui propose des services pour les seniors et des aménagements spéciaux y sont proposés avec gardiennage 24h sur 24.
En engageant la discussion, je me suis rendu compte que les dispositifs d’accompagnement mis en place chez ces personnes en perte d’autonomie n’avaient guère évolué depuis les années 1950 : une cordelette suspendue dans le coin de chaque pièce visant à alerter la personne en charge de la surveillance.
Avec les moyens actuels, n’y a-t-il pas urgence à améliorer le confort de ces individus au quotidien ? Il faut dire que la situation est alarmante : un tiers des français auront plus de 60 ans en 2050. Une population qui vieillit et qui comptera donc de plus en plus de personnes en perte d’autonomie avec un nombre d’aidants et d’auxiliaires de vie qui va nécessairement venir à manquer.
Partant de ce constat, je me suis demandé comment améliorer la qualité de vie de ma voisine en perte d’autonomie et, de façon plus générale, comment la technologie peut nous aider à mener le combat contre la dépendance.
Contrairement aux idées reçues, les seniors semblent demandeurs d’innovations pour améliorer leur qualité de vie et être mieux informés sur leur état de santé. L’interface qui m’a semblé parfaitement adaptée à ces personnes est la voix avec les enceintes connectées.
Les assistants vocaux, vous les connaissez bien depuis 2011 avec Siri sur iPhone et depuis quelques temps, ils arrivent dans nos maisons avec les enceintes connectées.
En juin, les enceintes connectées stars des GAFA sont arrivées sur le marché français. L’alignement des planètes est plus que jamais favorable à la création d’une maison totalement connectée et intelligente. Ces technologies, j’en suis convaincu, représentent un atout dans le cadre de l’accompagnement des personnes en situation de handicap ou de dépendance. Certes, tous les publics ne seront pas concernés mais quoi de plus accessible que la voix pour piloter l’ensemble des aspects de la vie quotidienne ?
Les assistants vocaux sont capables de répondre à trois besoins :
- Le besoin d’accessibilité
- Le besoin d’information
- Le besoin de sécurité avec la gestion des urgences
Vous n’avez pas fini d’entendre parler de dépendance
Nous le savons et les chiffres de l’Insee le prouvent, la population française vieillit. En 2050, un tiers des habitants aura 60 ans et plus. A titre de comparaison, c’était 1 habitant sur 5 en 2005. D’ailleurs, sur la période 2005–2020, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans devrait doubler.
8% des personnes de plus de 60 ans sont reconnues comme dépendantes.
Ce vieillissement s’accompagne inévitablement d’une augmentation des besoins de soins de longue durée : 8% des personnes de plus de 60 ans sont reconnues comme dépendantes selon le ministère de la santé. Cela représente environ 2% de la population française. Cette dépendance se traduit par des soins à domicile ou une assistance pour les tâches quotidiennes et tout cela a un coût : 23 milliards d’euros sont alloués au financement public de la dépendance (rapport du Conseil d’analyse économique de 2016).
83% des Français disent vouloir vieillir à leur domicile.
Chez soi, les dangers sont nombreux. Chaque jour en France, on compte près d’un millier de chutes à domicile. Oui, chaque jour. Et certaines de ces chutes peuvent entraîner des complications graves — voire des décès (Insee). Les chutes seraient d’ailleurs la première cause de décès chez les plus de 65 ans. Pourtant, 83% des Français disent vouloir vieillir à leur domicile (enquête Consumer Science & Analytics).
Justement, plusieurs startups se sont penchées sur la question de l’aide à l’autonomie à domicile avec la téléassistance. En France par exemple, SeniorAdom a mis au point un objet connecté capable de détecter les chutes ou les malaises par un algorithme et d’alerter des proches.
En complément de tels dispositifs, l’interface vocale pourrait contribuer à améliorer le confort de vie de ces personnes.
Avantage #1 : La voix répond à un besoin d’accessibilité
Placées dans différentes pièces de la maison, les enceintes connectées permettent de piloter les objets du quotidien par la voix : volets, luminaires, appareils électro-ménagers...
En ce sens, elles permettent aux personnes à mobilité réduite d’améliorer leurs conditions de vie et de rester autonomes plus longtemps.
C’est un soulagement pour le patient mais aussi pour l’aidant. Les aidants sont plus de 8 millions en France à accompagner un proche malade, handicapé ou âgé. Ils sont dans la plupart des cas le conjoint ou l’enfant de la personne aidée et se trouvent dans une situation de grande détresse : 56% d’entre eux confient que le fait d’aider affecte leur santé.
Certes, la machine ne remplacera jamais une présence humaine, mais elle peut la compléter, l’augmenter. Équipé d’objets connectés, l’aidant augmenté pourrait monitorer et accompagner plus facilement le patient.
Aux Etats-Unis, c’est l’ambition de Libertana Home Health Care. Cette société californienne a développé une skill (équivalent d’une app mobile en version voix) sur l’assistant vocal Alexa permettant d’accompagner les seniors au quotidien grâce à différentes fonctionnalités comme :
- la possibilité de fournir et de suivre ses données de santé (poids, tension artérielle, niveau de sucre dans le sang) ;
- des rappels pour la prise de médicaments, les rendez-vous médicaux ou s’hydrater et se nourrir ;
- des exercices cognitifs ;
- la possibilité de contacter un aidant.
La voix étant une interface conviviale et « chaude », cette skill apporterait également des solutions à la problématique de l’isolement des personnes en perte d’autonomie. Lors de la phase pilote, les seniors auraient développé un sentiment d’attachement pour l’assistant au fil du temps.
Avantage #2 : La voix répond à un besoin d’information
Les assistants vocaux répondent également à un besoin d’information des seniors sur leur propre état de santé.
L’enceinte connectée répond ainsi à des questions et s’établit comme le prolongement à domicile de l’interaction avec le professionnel de santé. Pour devenir visibles (ou plutôt audibles), les annonceurs devront plus que jamais travailler leur référencement naturel en vue de ce nouveau Graal qu’est la position 0. En effet, Google semble passer progressivement du mobile-first au voice-first en devenant un moteur de réponses et non plus simplement un moteur de recherche.
Autre solution pour ceux qui souhaitent devenir des acteurs de ces nouveaux usages sans passer par la position 0 : développer des skills. C’est le cas par exemple de Webmd, fournisseur de contenus médicaux américain, qui a fait un partenariat avec Amazon pour donner accès à sa bibliothèque de contenus via une skill. L’utilisateur pourra ainsi obtenir des informations à propos des symptômes et des traitements.
Forte de sa popularité aux Etats-Unis, Alexa s’est également invitée dans certains hôpitaux américains pour des programmes pilotes : Boston, New-York et Los Angeles.
Une des fonctions qui a été testée est d’ailleurs une version moderne de la cordelette pour appeler une infirmière. Le Beth Israel Deaconess Medical Center (Boston) a conçu une batterie de skills qui permettent d’appeler une infirmière. L’assistant répond également aux questions les plus fréquentes des patients im-patients et leur prodigue des conseils.
Exemple d’utilisation des assistants vocaux pour améliorer l’expérience du patient dans les hôpitaux.
Avantage #3 : La voix répond au besoin de sécurité
La dernière application de la voix dans le cadre de ma problématique, c’est le besoin de sécurité et la gestion des urgences.
Les enceintes peuvent être disposées à différents endroits du domicile et dans différentes pièces. On pourra par exemple proposer à ma voisine de placer des enceintes connectées chez elle et chez le gardien pour qu’elle puisse le contacter à tout moment, d’enceinte à enceinte.
Aux Etats-Unis encore, des solutions vocales sont proposées pour l’accès à des services d’urgences. Des skills permettent ainsi de connaître les centres d’urgences les plus proches, d’avoir une estimation du temps d’attente et d’y réserver une place.
En France, la startup Humanissimum a imaginé Ok Doky, un assistant vocal de gestion des urgences. Cet assistant vocal va poser des questions au patient pour savoir s’il a besoin d’être aiguillé vers les urgences. Le projet est actuellement en phase pilote dans certains hôpitaux en Normandie.
La question des données à l’heure du RGPD
Et la protection des données dans tout ça ? La voix étant une donnée biométrique au même titre que l’empreinte digitale, un consentement explicite ne devrait-il pas être exprimé par l’utilisateur avant l’envoi de ses données sur le cloud ? Sans oublier le fait que les données de santé sont des données particulièrement sensibles.
Apparemment la question de la donnée reste floue. La startup française Snips s’est positionnée sur ce créneau en mettant en avant sa technologie RGPD-friendly et open source. En effet, Snips Air — son assistant vocal, conçu comme un anti-Alexa — est indépendant du cloud et peut fonctionner en local, sans Internet. Il n’envoie donc aucune donnée en ligne. Un avantage concurrentiel certain si l’on considère les craintes que peuvent susciter les enceintes connectées pour un grand nombre de consommateurs.
Dans le domaine de la santé, la protection des données représentant un enjeu majeur, les assistants vocaux – qui sont surtout des capteurs d’informations – devront d’abord se soumettre à un cadre légal très strict.