A quoi sert l’école ?

Annabella de Zanzibar
8 min readJul 10, 2016

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Obligatoire et “gratuit”, le dressage à la matrice

Est-on bien sûrs qu’il soit “dans l’intérêt de l’enfant” de consacrer sa vie à sa scolarité?

· A apprendre à lire, écrire, compter ?

C’est ce que l’école prétend transmettre. Pourtant, après des milliers d’heures en son sein, il s’avère que les compétences scolaires de base sont peu maîtrisées par la majorité des élèves. Il existe des tas de données sur le niveau des élèves, voici simplement un fait relevé dans cette étude américaine : les enfants qui ne sont pas allés à l’école tendent à réussir mieux les examens d’entrée à l’université.

· Se socialiser ?

C’est l’un des arguments pour la scolarisation précoce des enfants, et même pour la crèche. Dans mes souvenirs quand j’étais petit enfant j’aimais être en relation avec de grandes personnes qui m’accompagnaient dans l’exploration de la vie. Je ne me souviens pas de vie sociale avec mes pairs avant l’âge de 7 ans.

Aussi en fréquentant l’école fréquente-t-on une seule corporation — celle des enseignants agréés par l’Etat, et puis des jeunes gens qui se trouvent être nés la même année que soi, vivant généralement dans le même quartier. Sont-ce là les relations les plus intéressantes pour chacun ? Question de loterie.

Dans la « vraie vie » on tend à faire la connaissance de personnes (plus jeunes, plus âgées, représentantes de différents hobbies et professions) avec qui on a des choses à partager.

Aussi la socialisation scolaire n’est-elle probablement pas la plus riche pour les enfants. Ceux-ci, s’ils évoluaient plus librement en société, s’entoureraient naturellement de camarades partageant leurs centres d’intérêt, d’adultes qui les guideraient volontiers dans leurs domaines de prédilection, et de plus petits enfants dont ils seraient eux-mêmes les inspirateurs.

· Fabriquer des êtres humains, des citoyens -identiques ?

L’école s’est surtout construite sur l’idée de transmettre une culture commune (« Nos ancêtres les gaulois,… »). D’inculquer aux enfants des valeurs « républicaines ». De faire passer tous les petits êtres humains du pays dans un même moule éducatif. D’imprimer le sacro-saint programme national dans les pages blanches de leurs esprits. D’arracher les enfants à leurs particularismes (locaux, religieux), à l’éducation familiale (le plus tôt possible) pour que tous soient éduqués - également.

Ainsi toutes les jeunes personnes nées en France, de de 3 à 15–20 ans, mènent-elles la même vie, apprennent-elles les mêmes choses de la même façon. N’est-ce pas là un tour de force? Un système radical de formatage et d’endoctrinement auquel (presque) personne n’échappe. Une institution tellement “naturelle”, humanitaire ou de droit divin qu’elle est souvent discutée comme enjeu de pouvoir, mais rarement mise en cause dans ses fondements?

· Occuper les enfants ?

Une fonction de garderie bien utile dans l’organisation socio-économique actuelle, dès la petite enfance — ce qui favorise la fonction précédente d’homogénéisation culturelle.

Puisque les enfants sont occupés, ils n’ont pas à apprendre à s’occuper par eux-mêmes. Ils sont dispensés de faire des choix.

Ils étudient ce qu’on leur dit d’étudier. Passent dans la classe suivante, et puis la suivante : jusqu’à se sentir trahis le jour où on leur demande « ce qu’ils veulent faire plus tard » — parce qu’ils arrivent au bout du tunnel scolaire et qu’il va falloir se confronter au monde inconnu de la “vraie vie”.

Que veux tu faire plus tard?”, toi qui a été élevé en clône et suiveur, toi qui a appris à mettre en sourdine tes propres élans.

Car pendant qu’un enfant passe le plus clair de ses journées assis à l’école ou faisant ses devoirs, il n’a pas le loisir de jouer, d’explorer ses propres talents, de suivre sa propre curiosité — et de se demander de quelle vie il veut et quel est le chemin pour y parvenir.

· Sélectionner une élite sociale (sur critères académiques)?

Les enfants les meilleurs pour faire ce qu’on attend d’eux — être sage, rester bien assis, écouter, faire les exercices demandés, répondre les réponses attendues, seront jugés comme étant des exemples de réussite, promis aux parcours académiques et professionnels les plus prestigieux. Garants de la perpétuation du système qui les a élus sur des fondements objectifs et méritocratiques de performance scolaire.

Les Winners

· Transmettre aux enfants LA connaissance en diverses matières?

Ces matières scolaires sont jugées d’intérêt universel (les mathématiques plutôt que les arts plastiques).

Et le contenu des programmes est « la vérité » : une représentation du monde toute faite à intégrer . Les enfants sont jugés dotés d’un “esprit critique” quand ils assimilent et restituent la lettre et l’esprit du programme avec virtuosité.

Les enfants sont dispensés de s’interroger sur les savoir et compétences qui leur seraient utiles.

Ils sont dispensés de s’interroger, de chercher et de réfléchir par eux-mêmes : ce qui reviendrait à mettre en cause la validité absolue * des contenus * qu’on veut leur inculquer (et à devenir “mauvais” à l’école en général, et en “esprit critique” en particulier).

Ce qu’il faut étudier, ce qu’il faut en penser : tout cela a été tranché pour eux. Ils n’ont qu’à suivre les rails. Et sont dissuadés de s’en écarter : l’échec scolaire vaut bannissement de la société.

Ainsi construit-on non seulement une homogénéité intellectuelle (tout le monde apprend la même chose), mais décourage-t-on les esprits de s’exercer par eux-mêmes — ce qui est, ma foi, très cohérent.

L’école sert ainsi foncièrement à apprendre aux enfants que la vie consiste à s’en remettre à une autorité bienveillante et omnisciente. Tant pour savoir “que penser” en toute chose, mais aussi “que faire de sa vie”.

· Offrir aux enfants un parcours tout tracé, en fonction de leurs résultats scolaires?

*De 3 à 14 ans, l’objectif est d’avoir de bonnes notes pour passer dans la classe suivante.

*Si passage en seconde générale il y a, l’objectif est d’avoir de bonnes notes pour passer dans la classe suivante — jusqu’ à obtention du baccalauréat.

*Si obtention du baccalauréat il y a, l’objectif est de s’inscrire dans une filière et d’y obtenir de bonnes notes pour passer dans l’année suivante — jusqu’à obtention d’un diplôme de fin d’études (pendant 2, 3, 5 ou 7 ans).

*Si obtention du diplôme il y a, l’objectif est de trouver un emploi.

*Si embauche il y a, l’objectif est généralement de s’occuper des affaires d’autrui (entreprise ou administration) chaque année jusqu’à la retraite.

Si tu n’es pas passé en seconde générale, si tu n’as pas ton baccalauréat, si tu n’as ni diplôme ni emploi, alors il te reste à pleurer et à pointer aux services sociaux. Peut-être aurais-tu pu te dispenser de te traîner à l’école toutes ces années? Peut-être serais-tu en train de vivre de ton talent, en train de réussir ta vie?

Si on s’autorise à regarder les faits, l’école n’est pas forcément le meilleur endroit pour :

1/ apprendre à lire, écrire, compter, encore moins pour construire son esprit et sa culture générale de façon « critique »

2/ tisser des liens et entreprendre des projets avec des personnes enrichissantes par affinités.

3/ cultiver ses dons et les valoriser, apprendre de l’expérience dans la « vraie vie », et cheminer vers la réalisation d’une vie qui corresponde à chacun.

4/ décider de qui sont les « meilleurs », légitimes pour occuper des fonctions d’influence dans la société.

Comment pourrait-on seulement imaginer un environnement plus PAUVRE en expériences, relations et enseignements que ce monde artificiel dans lequel tous les enfants sont enfermés à l’heure de grandir?

L’école d’aujourd’hui ne serait-elle pas principalement un obstacle au développement des enfants ? — Et partant un cimetière du progrès de notre civilisation.

  • Est-il permis d’imaginer des êtres humains qui passeraient leurs années de construction à faire des expériences et apprentissages plus librement choisis auprès de mentors et de camarades eux-mêmes plus librement choisis ?
  • Des êtres humains qui passeraient leurs plus jeunes années, parce qu’aussi le reste de leur vie, à chercher et à dire leur vérité dans les domaines qui leur importent ?
  • Des êtres humains qui passeraient leurs plus jeunes années, parce qu’aussi le reste de leur vie, à chercher leur vérité propre : écouter leurs aspirations, développer leurs capacités, faire ce qu’ils sentent devoir faire de leur vie au service des autres.

L’école n’est (surtout) pas faite pour faire des enfants des chercheurs de vérité.

L’école n’est pas faite pour accompagner les enfants en tant que chercheurs et bâtisseurs d’une vie qui leur ressemble.

Les enfants, dans un environnement plus riche et plus libre, sont faits pour être des chercheurs de vérité et des bâtisseurs d’une vie qui leur ressemble.

Alors, à qui profite l’école ?

Ne peut-on simplement concevoir que passer des années à l’école ne soit pas la seule ni la meilleure éducation possible ?

Plutôt que de dire que « ceci » ou « cela » **devrait s’apprendre à l’école** : ne peut-on laisser les enfants libres d’apprendre et de jouer hors de l’école? Et s’employer chacun en priorité à ce qui lui correspond le plus ?

Qui a peur d’enfants, puis d’adultes, plus libres, autonomes et originaux ?

L’école n’est-elle pas principalement une institution qui sert à couper les enfants de ce qu’ils sont et peuvent devenir, pour les formater selon les vœux des pédagogues et de « la société »?

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Et si les enfants n’étaient pas “bavards”, “agités”, “dissipés”, “peu soigneux”, “peu motivés”, “paresseux” ?

Et si les enfants -en meilleure santé spirituelle, n’étaient tout simplement PAS FAITS pour aller à l’école?

Et si l’école desservait les enfants?

Et si tout le monde le savait mais poussait les enfants à l’école par PEUR et résignation? “L’école” ayant réussi à nous faire croire qu’elle est notre seule chance de salut, en dépit des preuves accablantes du contraire.

Une arme du système est l’obligation sociale de passer le Bac, ce qui contraint les contenus, méthodes et rythmes d’apprentissage de générations d’élèves. Un bac pourtant bradé, qui permet d’accéder à des études dont la valeur est souvent également douteuse.

Et si l’école était essentiellement un système d’intimidation et de reproduction sociale? Un outil d’atrophie intellectuelle et morale. Un étouffoir de vocations.

Une résistance se dessine cependant : les enfants non scolarisés sont peu nombreux (environ 25 000) , mais leur nombre aurait doublé ces cinq dernières années.

L’école est la matrice au service de LA matrice : c’est pourquoi la liberté éducative est l’hérésie ultime.

Alexandra Evrard

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