Startup | 1P2C, solution de logement innovante pour petites surfaces

Alexandre Faure
6 min readOct 15, 2018

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Comment les nouvelles générations peuvent-elles créer du patrimoine tout en restant mobile ? Julien Maia, cofondateur de 1P2C, nous explique les rouages de la crise du logement et les nouveaux modèles qui pourraient l’enrayer.

Globact : Bonjour Julien ! Peux-tu nous présenter ton parcours et ce qui t’a amené à créer 1P2C ?

Julien Maia : Tout a commencé en 2012 lorsque j’ai obtenu mon BTS banque, en plein milieu de la crise de 2008–2010. A ce moment là, je m’interrogeais beaucoup sur le modèle bancaire et les causes de la crise. En faisant des recherches sur les systèmes bancaires alternatifs, j’ai découvert Prêt d’Union (ancien nom de Younited Credit), startup de prêt entre particuliers où j’allais travaillé pendant 4 ans. Jusqu’en 2016, à l’occasion de la COP21, un événement que j’ai beaucoup suivi et durant lequel j’ai réalisé qu’il me faudrait tout quitter si je voulais changer le cours de mon activité professionnelle et travailler dans le développement durable. J’ai alors décidé de reprendre des cours à Dauphine, avec un master de 18 mois en Développement Durable et Organisations.

Ce master, très enrichissant à tous les niveaux, m’a permis de faire un stage dans l’association Solidarités Nouvelles pour le Logement, une association reconnue d’intérêt général qui lutte contre le mal logement depuis 30 ans. Cette association, qui gère plus de 1000 logements en Île-de-France, fait de l’insertion par le logement pour les personnes en situation de précarité et d’habitat insalubre ou indigne. J’ai été bouleversé par cette expérience qui m’a fait découvrir la dureté de notre modèle de logement. J’y ai appris le travail d’un bailleur social, tout en faisant germer dans mon esprit la petite graine 1P2C, une idée qui me trottait dans la tête depuis quelques temps déjà, pour résoudre les incohérences du système immobilier français, qui a conduit à la crise du logement dont nous parlons aujourd’hui.

Justement, quelle sont les incohérences qui ont mené à cette crise du logement ?

La crise du logement en France se manifeste par le manque de nouvelles offres de logement, insuffisantes pour accueillir les nouveaux entrants (jeunes actifs, étudiants, migrants…). Elle est ancrée dans la croyance que l’on ne peut s’enrichir que par la création de patrimoine au travers de l’immobilier. Ce mode de pensée conduit à un cercle d’achat-revente-achat-revente… qui contribue lui-même à faire exploser les prix de l’immobilier (multipliés par 2,5 ces 20 dernières années), ainsi qu’à une paupérisation du parc locatif.

Depuis 30 ans, les associations comme SNL essaient de résoudre le problème du mal logement par le bas, en agissant dans l’urgence et sur le terrain. Mais à vrai dire, nous participons tous à cette crise du logement, de la même façon que l’on contribue à la crise écologique en consommant de la viande rouge par exemple. Pourquoi ? Parce qu’en consommant un loyer, on ne crée pas de logement supplémentaire. On crée simplement du capital pour le propriétaire, qui amortit son crédit et se constitue un patrimoine. Nous sommes en plein dans la problématique du nivellement des inégalités de patrimoines soulevée par Thomas Piketty et qu’on pourrait résumer en : “si on n’a pas de famille, on n’a pas de patrimoine”.

Pour enrayer la crise, nous devons donc changer les drivers du marché, et notamment l’idée que la création de patrimoine se fait uniquement grâce à l’immobilier.

Je vois. Et donc, selon toi, quels sont les systèmes qui permettront d’y arriver ?

Je suis toujours étonné par le fait que l’on parle très rarement du statut locatif quand on parle de la ville de demain. C’est une question que je veux soulever avec 1P2C. Peut-on imaginer une ville de demain avec un modèle d’organisation plus inclusif et distribué ? A Berlin par exemple, certains bâtiments sont détenus par des associations, qui restent propriétaires des logements une fois les coûts de construction amortis (après 20–25 ans). Ensuite, il ne reste plus qu’à payer les coûts d’entretien, ce qui contribue à faire diminuer les loyers sur le long terme. Cela n’est pas possible quand on est dans la logique d’achat/vente dont on parlait tout à l’heure, et qui conduit depuis 30 ans les propriétaires à vouloir toujours revendre un bien plus cher qu’au prix auquel ils l’auront acheté.

Ce qu’il faut, c’est créer un nouveau parc dans lequel le propriétaire devient simple gestionnaire et se détache de la valeur du bien, pour générer moins d’inégalités. Il faut entrer dans une prestation de service, avec un forfait logement, avec des coûts fixes (charges, crédit…), sans logique de capitalisation. Notre génération dépense un budget important pour se loger dans de petites surface, et devenir propriétaire de ces biens n’est pas forcément une option possible ou souhaitée. Nous devons donc imaginer un modèle dans lequel elle pourrait créer de la valeur sans renoncer à sa mobilité, ce qui n’est pas possible avec le modèle locataire vs propriétaire.

Quel est ton monde idéal ?

C’est un monde où la question de louer ou acheter ne se posera plus. Je rêve d’un monde où un étudiant qui paie un loyer pour une petite surface soit reconnu dans une certaine création de valeur pour se constituer en même temps un patrimoine. Pour moi, un logement de petite surface est un besoin de première nécessité, comme l’eau ou l’air. Accepterait-on longtemps de spéculer sur l’eau ou l’air ?

Je suis pour que les personnes deviennent propriétaires d’un bien de petite surface, quand elles habitent dedans. Quand un locataire contribue à l’amortissement de l’opération financière qui a permis d’acheter le bien, il n’y a pas de raison selon moi qu’il n’y ait pas de partage. On peut parier sur une économie d’usage : de la même façon qu’on partage aujourd’hui des voitures pour leur usage, il sera bientôt possible de partager un logement.

Et 1P2C dans tout ça ?

1P2C (pour 1 Pierre 2 Coups) cherche à proposer une offre de service de logement durable sur le marché du logement, en incluant ses locataires dans l’opérations financière et dans la gestion du logement occupé. L’accès à la propriété partagée permet d’inclure financièrement les locataires dans l’opération immobilière, et permet d’agir sur d’autres questions relatives à la consommation au sein des logements, au lien social au sein des copropriétés…

Grâce à ce modèle, nous souhaitons réduire les inégalités de patrimoine. Pour mesurer notre impact, nous nous intéresserons d’abord au nombre de logement gérés avec ce modèle, mais également à l’actif moyen par occupant, et aux objectifs de réduction des consommations par logement et occupant.

Portrait de l’interviewé

Julien Maia — Cofondateur et CEO 1P2C
Diplômé du Master 2 Développement Durable et Organisation à Dauphine, PSL Pépites et Ticket for Change 2018, Julien s’engage pour des logements plus solidaires et responsables.
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A propos du projet

1P2C est incubé par Ticket for Change dans le cadre du Parcours Entrepreneurs 2018. Ils envisagent de lever des fonds dans les prochains mois, au travers d’une campagne de crowdfunding, ICO/STO, et autres leviers traditionnels (equity/loan).

Site web : http://1p2c-gestion.fr/
Facebook : https://www.facebook.com/1P2C2018

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Alexandre Faure

French entrepreneur and impact journalist dedicated to : positive economy and global aging.