Crise du COVID : Accélérateur de la transformation digitale ?

Alexandre Pelletier
5 min readMay 25, 2020

Cet article est le premier d’une série de réflexions sur la transformation digitale — un enjeu commun à toutes les entreprises, des plus traditionnelles aux plus technologiques (même Microsoft opère sa mue ! ) Celui-ci vise à donner une perspective générale rappelant que la transformation est un processus plus qu’un projet, aux implications bien plus culturelles et humaines que technologiques. Mais nous aborderons aussi des thèmes plus spécifiques, comme la relation avec les startups, et discuterons de la transformation sous différents aspects et fonctions de l’entreprise — à savoir la relation client, les fonctions de back end et de support, le business model, et l’IT comme catalyseur de transformation, sans oublier la question du financement..

Merci à Céline Bertrix pour son aide.

La transformation digitale — au-delà de la cosmétique…

S’il fallait identifier un bénéfice de la crise du COVID pour les entreprises, c’est probablement le fait qu’elle les force à accélérer leur transformation digitale. Or, cette fameuse transformation est d’une complexité incroyable du fait de son impact sur les forces vives, les processus, les outils, la culture,… Quid de la potentielle remise en cause du business model de l’entreprise, de ses processus, ou de ce qui constitue son actif premier : les moyens de production ou les données qu’ils ont généré ? Car la notion de transformation digitale dépasse le simple maquillage digital : un site web moderne, une application mobile sexy et la généralisation d’Ipads pour les salariés ne suffit pas : cela donne bonne conscience sans régler le problème de fond. De la même manière, on peut se satisfaire d’avoir vu les entreprises s’équiper à marche forcée d’outils facilitant le télétravail (que certaines répudiaient il y a encore quelques mois) : visioconférence, signature électronique, messageries et gestion d’équipes, édition collaborative de documents, intranets comme lieux privilégiés de communication et d’échange. C’est mieux, mais on ne touche que la partie émergée de l’iceberg.

La question à plus long terme que pose la crise du COVID-19 est la réelle capacité d’une entreprise à s’adapter de façon agile à de nouvelles données macro-économiques, à un potentiel shift des priorités de ses clients, et de la pérennité même de son business model. Et notre conviction est que ce sera moins compliqué pour les entreprises qui auront pris ce fameux virage numérique que pour les autres.

Un enjeu finalement plus humain que technologique !

Les projets de transformation digitale prennent la forme de grands programmes pilotés (schématiquement) par le Chief Digital Officer, le Chief Transformation Officer, avec l’appui du CIO, et sous l’égide du CEO. Leur objectif est de concerter les différentes fonctions, “Business Unit” et les différents départements pour identifier, définir et exécuter ces efforts de transformation. Et ce sont les cabinets de conseil et d’intégration qui sont à la manœuvre pour mettre tout cela en musique. C’est, à l’image des enjeux, fastidieux, complexe, souvent trop lent ; les meilleures volontés se heurtent à des réalités culturelles, politiques et économiques inhérentes à une histoire dont on ne s’affranchit pas en un claquement de doigts. Cela tient souvent à une vision auto-centrée, potentiellement restrictive qui limite ou résume cette transformation au déploiement d’outils modernes, et surtout à la tentation de vouloir tout faire soi même. Or, la complexité du processus et le succès de cette mue tiennent surtout à deux enjeux majeurs.

Le premier consiste à comprendre que ce nouveau paradigme ne repose pas seulement sur l’ingestion de technologies (qui n’est qu’un mal nécessaire pour la suite), mais aussi et surtout sur la capacité des entreprises à se proposer comme une plateforme qui permettra à des logiciels tiers de s’y connecter pour y co-créer et développer de nouveaux usages. A l’instar des logiciels modernes dont la valeur repose en partie sur la simplicité de leur interopérabilité avec des tiers (« API-first »), l’entreprise moderne doit être capable de s’ouvrir et donner accès à ses actifs ; elles doit aussi et surtout accepter que les services, les usages, les business models futurs ne seront pas la résultante seule de la modernisation de ses systèmes, mais surtout de son ouverture à une galaxie de tiers (souvent de start-ups) qui, collectivement, inventeront son futur. Le succès de sa transformation ne repose ainsi pas sur sa seule capacité à faire en son sein en achetant de la technologie, mais surtout à sa volonté de laisser faire !

Ceci ouvre la porte sur le deuxième enjeu, qu’on pourrait faussement résumer à celui des compétences et des ressources humaines, mais qui est surtout culturel. Dans un monde qui donne la primauté aux logiciels et à la technologie, et où l’on sait que la transformation digitale passe par la maîtrise de ces outils, le réflexe premier est naturellement de se doter de moyens humains formés à ces technologies : le recrutement massif de développeurs full-stack, spécialistes du cloud, DevOps, data scientists et j’en passe….apparaît comme la solution ultime pour se préparer à ces transformations. Si c’est effectivement un passage obligé, les meilleurs techs — et notamment les plus créatifs — ne se déplaceront pas si l’ambition n’est pas à la hauteur de l’enjeu et si l’entreprise toute entière n’embrasse pas la vision décrite plus haut, à commencer par le CEO qui doit l’incarner chaque minute. L’enjeu de transformation est donc avant tout culturel, et il suppose un accompagnement profond des équipes, par la formation continue et renforcée, et la prise de conscience que ce processus de transformation est perpétuel, inexorable. Il sera au mieux médiocre, au pire raté si (1) il est vu comme un projet qui a un début et une fin, (2) il n’est pas complètement transverse à toutes les équipes et surtout (3) il ne s’appuie pas sur un écosystème de tiers qui inventeront le futur avec l’entreprise.

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Alexandre Pelletier

Corporate guy turned VC to support the development of tomorrow’s leading Enterprise tech companies