Alex Renaud-Bourbon
9 min readMay 24, 2024

25 mai 2024. Voilà une date que les supporters de l’Olympique Lyonnais ont en tête depuis longtemps. Ce jour-là (18h00), les joueuses de la section féminine du club rhodanien (8 titres) se rendront à Bilbao pour tenter de redevenir les reines d’Europe. Pour écrire un nouveau chapitre de leur histoire face au FC Barcelone, après les deux premiers volumes, édités en 2019 et 2022. Qui détient les clés de cet OL pour cette affiche alléchante ?

Lindsey Horan contre Benfica en quarts de finale aller de l’UEFA Women’s Champions League.

Lindsey Horan : Le cerveau et le carburant de l’OL

Native de Golden dans l’État du Colorado, Lindsey Horan (29 ans, 8 matchs en UWCL cette saison) ne cesse de rappeler qu’elle a de l’or dans les pieds. D’abord, cela se remarque facilement sur le terrain tant elle fait preuve d’intelligence lorsqu’il s’agit de mener les attaques ou de coller aux crampons des adversaires pour les perturber. Son côté pugnace est très précieux pour la santé du milieu de terrain des Fenottes. En clair, le ballon n’est jamais perdu trop longtemps lorsqu’elle se lance à sa poursuite. L’omniprésence de l’Américaine sur le terrain se traduit également statistiquement puisqu’elle a parcouru un peu plus de 45 kilomètres sur les huit matches auxquels elle a pu prendre part en Women’s Champions League. Elle fait mieux que l’internationale anglaise Keira Walsh qu’elle retrouvera en finale et même mieux encore que le Ballon d’Or en titre, l’insaisissable Aitana Bonmati dans cette catégorie.

L’Olympique Lyonnais va donc se présenter au San Mamès avec une joueuse première de la classe. Elle sait rendre beaucoup de copies irréprochables et essaie toujours de bonifier les autres. L’une de ses dernières prises de paroles en conférence de presse avant le match contre le Stade de Reims en demi-finale des Playoffs de D1 Arkema (le 11 mai dernier) le prouve justement : “Mon objectif est d’avoir un impact individuel sur le collectif”, a-t-elle martelé. Une chose est donc sûre : elle ne se privera pas de jouer avec l’intensité qui la caractérise à la veille de son trentième anniversaire.

Delphine Cascarino : Transformer son retour en un triomphe

Dans le parcours de l’OL en UEFA Women’s Champions League, Delphine Cascarino (27 ans, 4 matchs) n’a pas été la joueuse la plus utilisée. Les huit mois de rééducation liés à sa grave blessure au genou survenue en fin de saison dernière ont été longs. Pour autant, la Lionne s’est accroché à son objectif jusqu’à s’offrir le premier des deux buts libérateurs de son équipe lors du match aller face au SL Benfica (1–2 score final) en quarts de finale. Puis, elle a récidivé au match retour, inscrivant cette fois un doublé décisif, scellant la qualification des Rhodaniennes pour le dernier carré (4–1 score final). Ces trois réalisations dans la double confrontation face aux Portugaises résonnent particulièrement. Il s’agit peut-être même des trois buts les plus importants de la saison lyonnaise sur le plan européen. D’une part, ils démontrent que la très vivace numéro 20 est taillée pour les très grands rendez-vous quel que soit son état de forme (flashée à 31,3 km/h en vitesse maximale). D’autre part, cela témoigne de la volonté implacable de cette joueuse qui a directement rappelé à tout son monde quel genre de menace offensive et créatrice elle pouvait être. Dans cette finale, l’Olympique Lyonnais aura besoin d’une joueuse de sa trempe. Un ou plusieurs buts dans le plus grand événement de l’année aurait une saveur particulière, après tant de combats livrés pour revenir dans le groupe.

Delphine Cascarino au duel avec Jackie Groenen lors de la demi-finale retour contre le PSG.

Légèrement touchée contre le PSG, Cascarino devrait tout de même être opérationnelle. La question de son futur en Rouge-et-Bleu s’écrit aussi en pointillés (fin de contrat au 30 juin 2024). Cette rencontre sera-t-elle celle de la dernière danse avant les adieux ? L’avenir le dira.

Kadidiatou Diani : La gloire européenne pour parachever son adaptation à l’OL

Cette année, une occasion en or se présente pour les femmes du FC Barcelone : battre celles de l’Olympique Lyonnais, leur bête noire, qu’elles n’ont jamais pu vaincre en finale. Une victoire catalane prolongerait la dynastie qu’elles ont mis en place ces dernières saisons (4 qualifications en finale consécutives et deux titres en 2021 et 2023). Puis, cela pourrait officialiser la passation entre la meilleure équipe de la décennie 2010 et celle qui espère tout gagner dans les années 2020. Pour atteindre ce double objectif, il sera toutefois capital d’éteindre les offensives lyonnaises. Pouvoir museler les attaquantes comme Kadidiatou Diani (29 ans), la meilleure réalisatrice de la Women’s Champions League sur la saison (8 buts). L’ex-Parisienne incarne un élément hyper décisif supplémentaire qui n’était pas présent lors des dernières finales entre les deux formations.

Kadidiatou Diani avant la demi-finale retour contre le PSG.

Dès l’entrée dans la compétition, elle a participé au festival offensif des Lyonnaises contre le Slavia Prague (0–9, score final) en inscrivant un doublé de la tête puis a placé ses coéquipières sur les bons rails contre Brann en s’offrant un but splendide à la cinquième minute (3–1, score final) En logeant ce ballon sous la barre transversale, Kadidiatou Diani a lancé son histoire européenne sous le maillot lyonnais avec la manière. Deux autres buts suivront dans ce premier tour dont un deuxième contre les Norvégiennes et un autre sur le terrain des Autrichiennes de Sankt Pölten (0–7, score final). Ce début de Women’s Champions League a d’ailleurs constitué un exutoire pour la nouvelle numéro 11 qui peinait à trouver ses marques au début de la saison. Sur la suite du trajet pour Bilbao, son GPS ne s’est pas arrêté. Un doublé au match retour contre Benfica (4–1, score final) et le premier but de la révolte lyonnaise contre le PSG lors de la demi-finale aller (3–2, score final) sont venus s’ajouter au bilan de “Kady”. Ainsi, son premier exercice entre Rhône et Saône est réussi aussi bien sur le plan européen que national (elle s’est illustrée en marquant le deuxième but des Fenottes en finale des Playoffs de D1 Arkema). Maintenant, il ne lui reste qu’à conquérir le plus beau des trophées sous le ciel basque.

Ada Hegerberg : L’icône en quête d’un septième titre

Depuis son arrivée à l’été 2014, Ada Hegerberg (6 matchs, 5 buts en UWCL cette saison) a marqué l’histoire récente de l’Olympique Lyonnais. Pour rappel, la numéro 14 obtient le premier Ballon d’Or féminin de l’histoire en décembre 2018. Quelques mois plus tard, elle ruine les espoirs de premier trophée pour le FC Barcelone en s’offrant un triplé express (14ème, 19ème et 30ème minute) lors de la finale 2019 organisée à Budapest. Puis en 2022, son nom reste aussi associé au triomphe lyonnais face à ce même adversaire. Elle se trouve d’abord au tout départ de l’action ayant mené au but d’extraterrestre d’Amandine Henry, marque de la tête puis délivre une passe décisive à Catarina Macario (1–3, score final).

Ada Hegerberg en finale de l'UEFA Women's Champions League en mai 2019.

Son leadership offensif est déterminant pour Sonia Bompastor, contrainte de se passer d’elle du mois de mars jusqu’à mai en raison d’un mauvais geste de la gardienne du FC Fleury 91 en Coupe de France. Un sentiment de revanche doit donc animer la Norvégienne (meilleure réalisatrice de l’histoire de la compétition avec 64 buts) à l’approche de ce grand rendez-vous. Elle a la possibilité de rentrer un peu plus dans la légende en signant au moins un nouveau but dans une cinquième finale européenne sous ce maillot. Cette fois-ci, cela interviendra peut-être dans son rôle récent de remplaçante de luxe.

Selma Bacha : La prodige écrit progressivement sa légende

Le 24 mai 2018, Selma Bacha (née en novembre 2000) n’a pas encore atteint la majorité lorsqu’elle est titularisée par Reynald Pedros en finale de l’UEFA Women’s Champions League contre Wolfsburg. Six ans plus tard, elle s’apprête à disputer la cinquième de sa jeune carrière sans en avoir perdu une, pour l’instant. Cette titularisation dans un tel rendez-vous à 17 ans, 5 mois et 16 jours témoigne de la précocité de la latérale lyonnaise mais également de sa maturité au plus haut niveau. Ces deux caractéristiques sont communes à beaucoup de joueurs et joueuses de talents mais la numéro 4 lyonnaise a habilement réussi à confirmer les espoirs. Pourtant, tout n’était pas gagné d’avance. L’enfant de l’OL a effectivement failli ne jamais marcher comme elle l’a récemment confié devant les caméras de Valyu Média. Désormais, sa vitesse, son habileté sur coups de pieds arrêtés et sa précision d’orfèvre lorsqu’il s’agit de centrer ont fait sa renommée. Elle est un personnage central du onze Lyonnais aussi apprécié par les techniciens que par les supporters. Ces derniers vivraient d’ailleurs assez mal de la voir céder aux appels d’autres clubs, à un an de la fin de son contrat (30 juin 2025).

Selma Bacha célébrant la victoire en demi-finale aller contre le PSG.

Alors que la grande affiche se rapproche, la conquête de ce cinquième trophée doit occuper tout son esprit. L’ancienne du FC Gerland aura du temps pour se consacrer à son futur plus tard. Elle devra éviter à tout prix que l’attaquante norvégienne Caroline Graham Hansen (déjà à l’origine de 5 buts en 9 matchs) ne prenne trop l’ascendant sur elle. Offensivement, ses débordements et dépassements vont aussi compter. Sa feuille de statistiques dans la compétition traduit d’ailleurs très bien ses qualités puisque plus de 81% de ses passes ont trouvé une coéquipière et plus de 47% de ses centres tentés ont été réussis. Contre Barcelone, il faudra qu’elle puisse continuer dans ces standards, tout en parvenant à créer de la désorganisation.

Damaris Egurrola : Travailleuse de l’ombre dans son jardin

Sur sa carte d’identité, Damaris Egurrola (24 ans, 9 matchs en UWCL) possède trois nationalités. Néanmoins, il existe bien plus de raisons de regarder jouer cette internationale néerlandaise née aux États-Unis et formée à Bilbao, lieu de la finale. D’une part, la joueuse au maillot frappé du numéro 13 est un synonyme d’équilibre. Là où Lindsey Horan est indispensable pour porter le ballon et créer du danger, Damaris fait tout son possible pour rendre possible les attaques. Sur le plan défensif, elle stabilise le jeu par son placement et soulage les autres par sa capacité à se jeter dans les duels. Lors de la cinquième journée de la phase de groupes face à Sankt Pölten, son duel gagné de la tête permet par exemple à Ada Hegerberg de se mettre dans le sens de la cage autrichienne pour ouvrir le score (0–7, score final). Les tâches ingrates ne constituent donc aucunement un problème pour elle, du haut de son mètre soixante dix-neuf. Un peu à l’image d’un Sergio Busquets (ex-FC Barcelone) chez les hommes, tous deux savent exceller dans le travail de l’ombre, sous tous ses aspects. Il est impossible de se passer de ce type de joueurs pour remporter une grande compétition.

D’autre part, si Damaris (incertaine à cause de sa sortie prématurée en finale des Playoffs de D1 Arkema) peut tenir sa place à San Mamès, elle essaiera sans doute de tenter sa chance de loin. Cependant, elle devra surtout se montrer à 100% dans le match de quatre-vingt-dix ou cent-vingt minutes qui va l’opposer à Aitana Bonmati. D’après Assile Toufaily, experte football féminin et rédactrice pour Forbes, l’OL, qui n’aura certainement pas la possession, gardera une grande chance de l’emporter si la Néerlandaise contrarie et casse la créativité de la Barcelonaise. Ce duel clé de la confrontation ne sera pas évident mais la Lyonnaise comptera sur le soutien de sa famille et de ses amis. Ils seront évidemment présents dans la ville où tout a commencé pour elle, comme elle l’a confié au journal Le Progrès, ces derniers jours. De plus, en 13 fautes commises tout au long de la compétition, elle n’a récolté ni cartons jaunes ni carton rouge. Signe d’intelligence tactique et de propreté. Cela servira à Sonia Bompastor pour mener à bien son plan de jeu dans cette finale.

Damaris Egurrola lors de la demi-finale aller contre le PSG.

Afin de s’adjuger une 9ème succès en 11 finales de l’UEFA Women’s Champions League depuis 2010, l’Olympique Lyonnais devra prouver que son collectif a encore tous les atouts des cadors européens, à l’heure où de plus en plus d’équipes se structurent. Ce sera bien plus qu’un imprévisible match de football pour les vingt-deux actrices. C’est celles qui parviendront à maintenir leur domination en vie qui brilleront le plus fort.

Alex Renaud-Bourbon

Photos d’illustration : Regz Photos, Unwiind, OL, UEFA.

Alex Renaud-Bourbon
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Journaliste lyonnais guidé par les petits et grands récits. Sport - Société - Histoires