23 mars 2020 — Cher journal,
Confinement J+6 ou +7, je crois.
Les jours se ressemblent, et ils sont tous chouettes.
Je sais ce que tu vas penser si je te dis que je suis tombée sur un documentaire animalier à 1H du matin hier et que c’était grave intéressant — mais non, avec tout mon respect pour mes amis qui, de leur côté, ont “pris leurs précautions, récréativement parlant” en amont de cette déclaration présidentielle historique — non, je ne fume pas de joints pendant mon confinement.
“Une créature qui ne vit que dans des endroits pétés où personne ne va” — “Un truc f*cked-up que t’as jamais vu” — non, évidemment que la voix-off du documentaire ne s’exprime pas ainsi, c’est pour ma narration. Le suspense est bien entretenu dans leur courte introduction quand soudain — et PAF ! on te présente une espèce de crevette un peu cheum’, un peu décevante — toi, tu attendais un dinosaure — un petit truc qui barbote avec la coupe de cheveux de Keith Flint des Prodigy, époque capillaire Firestarter (pardon).
Il est 1H02, le documentaire continue. Là, j’apprends que le bordel doit son apparence au fait d’être resté trop longtemps dans le noir, dans une grotte — un peu comme les sales bêtes dans The Descent, sauf qu’ici, l’ami Darwin aurait fait une “sortie de route évolutionniste”, et l’effet d’annonce serait tombé à plat (par exemple, crashé crade dans le ravin). Avec le temps, la petite Keith (c’est marrant comme la solitude de ce confinement nous fait rapidement Wilsonner notre environnement), elle a perdu ses pattes puisqu’elle n’a plus à porter son poids dans l’eau — (un peu comme moi sur mon canapé en ce moment). Elle ne voit que dalle — de toute façon, c’est tout noir dans sa cave — (moi-même, j’ai un peu une vue de merde). Et elle est blanche, translucide même ! — on voit les veines et la circulation à travers, c’est même un peu dégueulasse — j’connais ça, Keith, j’connais ça (parce que j’ai du sang british).
Néanmoins, dans son royaume p̶o̶u̶r̶r̶i d̶o̶n̶t̶ ̶p̶e̶r̶s̶o̶n̶n̶e̶ ̶n̶e̶ ̶v̶e̶u̶t, Keith est reine. Elle est “au sommet de la chaîne alimentaire”, easy peasy plankton squelchy. Je continue mon inquiétant petit parallèle personnel et je me dis qu’effectivement, “moi, pareil dans mon frigo, une véritable apex predator, y’a pas un seul brocoli qui ramène sa gueule”.
Excellent ciblage, Facebook.
Nous sortons tout juste du traditionnel hiver sombre pour re-hiverner confinés au printemps. R̶e̶-̶h̶i̶B̶e̶r̶n̶e̶r̶ ̶m̶ê̶m̶e̶,̶ ̶p̶a̶r̶c̶e̶ ̶q̶u̶e̶ ̶j̶’̶a̶v̶o̶u̶e̶ ̶a̶v̶o̶i̶r̶ ̶l̶e̶ ̶t̶é̶l̶é̶t̶r̶a̶v̶a̶i̶l̶ ̶p̶a̶r̶f̶o̶i̶s̶ l̶é̶t̶h̶a̶r̶g̶i̶q̶u̶e̶ ̶e̶n̶ ̶m̶i̶l̶i̶e̶u̶ ̶d̶’̶a̶p̶r̶è̶s̶-̶m̶i̶d̶i ̶(̶g̶e̶n̶r̶e̶,̶ ̶à̶ ̶q̶u̶i̶ ̶ç̶a̶ ̶n̶’̶a̶r̶r̶i̶v̶e̶ ̶j̶a̶m̶a̶i̶s̶ ̶?̶)̶. Alors sans surprise, d’un point de vue cutané, mon saving-mode habituel de Vitamine D s’est vu renforcé — tout comme la petite Keith. Blanche comme un ‘uc (un ‘uc qui a passé le cap des trente ans et qui travaille non-stop assis, mind you). Par ailleurs, j’ai beau mentalement vivre ce confinement à la Will Smith dans I am Legend, force est d’admettre que sur le plan fitness, je suis plus “tracteur en PLS” que “tractions en sueur”. Ceci étant dit, Will et moi, on a la même BO de confinement ; le café du matin en pyjama se prend sur du Bob Marley — “ ’Cause every little thing gonna be all right”.
Avec ce documentaire fortuit, j’ai à présent une visibilité plutôt plausible de ce à quoi je vais ressembler quand on sortira tous du Loft. Et je pense qu’un adorable prédateur punk que les autres crevettes n’osent pas venir faire chier — hey, on s’en sort pas si mal, après tout.
La fin du confinement ? La fin du télétravail ? La fin du Restez-chez-vous ? “Qu’ils viennent me chercher”, comme dirait quelqu’un que nous, les Gaulois, aimons tendrement exécrer. Après une semaine loin du Dehors des Gens, j’ai pris goût au civisme.
