Les 5 facteurs de motivation et de fidélisation des développeurs dans un marché tendu
Recruter un développeur et le fidéliser constituent pour l’entreprise un effort considérable et un budget conséquent. Chaque départ représente malgré tout une perte de connaissances et un engagement d’un nouveau budget de remplacement. Comme beaucoup d’autres développeurs, je suis pas mal sollicité par plusieurs entreprises qui cherchent leur future perle rare. (d’ailleurs je suis à l’écoute du marché en ce moment). Et bien souvent pendant la phase de présentation téléphonique ou plus tard durant les différentes phases du processus de recrutement, le responsable du recrutement ou le commercial présentent l’entreprise et le poste ou la mission dans une approche qui tente de stimuler les leviers de motivation chez les candidats. On parle souvent d’esprit startup, d’équipe soudée, de challenge technique ou même de baby-foot. Mais quels sont les vrais facteurs de motivation qui pourraient attirer l’attention des développeurs et par la suite permettre de créer un socle de fidélisation solide ?
La réponse à cette question n’est pas figée et dépend de plusieurs éléments. Toutefois, dans cet article, j’énumère les cinq dimensions qui, de part de mon expérience ainsi que de celle de dizaines de collègues avec lesquels j’ai échangé autour du sujet, me paraissent les plus pertinentes.
1 — Le challenge technique
Qui d’entre nous n’a pas assisté ou participé à des discussions pour faire tel ou tel choix technique ? Qui n’a pas essayé d’argumenter ses choix et de les défendre ? Qui n’a pas crié “Yes” d’une façon ou d’une autre une fois un bug pénible a été résolu ? Qui n’a pas été fier en venant en aide à ces collègues qui galèrent avec un problème qu’il maîtrise bien ?
Le challenge technique représente alors cette atmosphère qui permet d’affronter un problème complexe et d’augmenter son estime de soi. Le sentiment de vaincre un bug ou de trouver une solution procure aussi une petite piqure d’adrénaline !
Toutefois, il faut faire la différence entre le challenge technique motivant et les contraintes techniques qui deviennent souvent un frein à l’évolution globale du projet et à la motivation des développeurs. A titre d’exemple; la refonte d’un code “legacy” avec une architecture moderne peut bien constituer un gros challenge technique comme stratégique d’ailleurs alors que la maintenance d’un ancien projet sans aucune issue de rénovation peut très vite démotiver les troupes et n’attirer que les développeurs les moins ambitieux.
Outre le challenge procuré par le projet lui même, l’entreprise a bien plusieurs pistes pour stimuler le challenge de façon plus fréquente. La participation à des journées R&D, l’animation de “workshops” techniques, des hackatons ou encore la “gamification” des processus ne sont que quelques pistes. Et pour avoir vécu et monté un certain nombre de ces approches, je peux vous assurer que les résultats sont souvent étonnants.
Enfin, le challenge technique ne peut pas être isolé du reste des challenges de l’entreprise. Chaque composante de l’entreprise a ses propres challenges qui peuvent résulter ou alimenter les challenges des autres composantes. Ainsi, comprendre le sens du projet, ses objectifs et ses enjeux aide à accepter plus facilement les challenges techniques qui sont souvent un mélange de problèmes techniques et de problèmes conceptuels.
2 — La reconnaissance
La reconnaissance au travail de façon générale est un vrai levier de motivation. Son importance réside dans le feed-back positif qu’offre l’entreprise vis à vis de l’investissement qu’un développeur peut réalisé tout au long du processus de production. Selon la littérature, la reconnaissance peut prendre plusieurs formes :
- Existentielle : la reconnaissance du développeur en tant qu’être humain qui peut avoir une identité et ne se résume pas en un badge et un numéro.
Le développeur n’est pas seulement un “pisseur de code” même si plusieurs entités continuent à le considérer en tant que tel. Les développeurs participent souvent à un certain nombre de projets des plus simples aux plus complexes. Ils ont souvent une vision intéressante de la digitalisation des processus métiers sans pour autant avoir un bagage théorique conséquent. La reconnaissance existentielle permet alors à ces développeurs de s’exprimer et de devenir une force de proposition non négligeable. - Pratiques du travail : tout le monde sait que les processus et les pratiques de travail diffèrent d’une entreprise à une autre et ne sont jamais figées ni complètement optimisées. Un développeur motivé est aussi un développeur impliqué dans l’amélioration des pratiques du travail. Un exemple assez parlant est la participation à l’amélioration de l’implémentation de SCRUM. Cette méthode agile très difficile à implémenter (pour plusieurs raisons) fait souvent sujet de débat et les développeurs ont souvent leurs interprétations de la méthode et apportent souvent leurs conseils aux autres acteurs. Reconnaître l’impact du développeur dans l’amélioration de l’implémentation de l’agilité ou encore dans l’amélioration des processus de la création de la valeur de façon plus générale ne peuvent que motiver et fidéliser.
- L’investissement au travail : personnellement, je perçoit l’investissement au travail comme étant la capacité à se concentrer sur le projet et sur les différentes dimensions de sa réussite. La discipline, l’assiduité, l’engagement et le partage n’en font qu’une partie. L’effort fourni par un développeur à apporter des solutions, à motiver ses collègues ou à challenger le métier doivent se voir reconnus. Non pas seulement cela permet de motiver la personne concernée, mais aussi véhiculer des messages positifs autours.
- Le résultat : c’est la partie apparente de l’iceberg. Théoriquement la reconnaissance du résultat devrait être systématique. Dans la pratique, il y’ a pas mal de problèmes liés aux crédits. On peut facilement attribuer les bons résultats aux supérieurs hiérarchiques ou à l’ensemble de l’équipe sans mentionner l’effort individuel. Dans plusieurs cas, les managers ignorent la reconnaissance des bons résultats par peur de diminuer la pression exercée sur le développeur. Bien que de plus en plus rares, (ou pas ?) ces pratiques de management par la peur continuent a exister.
3 — L’évolution de carrière
Un des feed-back que j’ai souvent pu obtenir de mes collègues à l’issue des entretiens annuels reste le souhait d’élargir le champ de bataille. Suite aux expériences acquises et à la maîtrise des sujets métiers, les développeurs manifestent des volontés d’élargir le champ d’action de deux façons : horizontale ou verticale.
Horizontale en essayant de toucher plus de domaines. Par exemple, un développeur front peut souhaiter évoluer vers du “full stack” ou encore un développeur “back” peut se voir tenté d’explorer plus les fonctions d’un “devops”…
Verticale en essayant d’avoir des leviers de partage de son expérience de façon plus officielle. Un développeur peut s’intéresser à du “lead technique” tout comme un lead peut s’intéresser à de la gestion de projet ou d’avancer vers des postes de CTO…
Dans les deux cas, l’évolution permet d’éviter de stagner dans un champ limité et ennuyant. Une entreprise intelligente est aussi celle qui sait faire évoluer ses collaborateurs dans le sens qu’ils attendent pour en tirer un maximum de retour sur investissement. Ceci passe par une analyse approfondie des points forts et points faibles de chaque collaborateur ainsi que de comprendre ses attentes et ses perceptions. Il y’ a bien entendu plusieurs modèles d’analyse de profil qui sont disponibles. La matrice des potentiels n’en est qu’un exemple.
4 — L’ambiance et la culture de la boite
Quand on ne peut pas être une startup on prétend offrir une ambiance de startup ! Plusieurs entreprises pensent qu’en mettant en place un baby-foot et un décor détendu elles sont déjà en mode startup !
Sans aller loin dans la définition d’une startup, l’ambiance startup ou la culture startup peut avoir plusieurs caractéristiques. Les plus importantes en plus de la dimension innovation reste la capacité de l’équipe à gérer la scalabilité. Monter en échelle avec un produit ou service innovant nécessite une culture d’engagement, d’entre-aide et de polyvalence. Cela s’exprime dans la capacité de toute l’équipe à affronter des problèmes complexes et pour y arriver il faut qu’une ambiance de challenge, d’énergie et de confiance mutuelle règne au sein de l’équipe et au niveau de l’entreprise. Le partage de la douleur, des échecs et des réussites est un axe très important dans une ambiance startup. Une belle culture d’entreprise réside aussi dans la capacité de la hiérarchie à écouter et à réagir en fonction des besoins des employés de façon générale mais aussi des développeurs qui souvent se sentent isolés dans leur coin. La confiance mutuelle partagée par les différentes unités de l’entreprise et l’identification de tout le monde autour du produit est aussi un autre axe qui fait naître une culture d’entreprise. Finalement, les services de gestion de capital humain (ou des ressources humaines) sont souvent source de bonne ou de mauvaise culture d’entreprise. Cela dépend de ce que ces services peuvent véhiculer comme valeurs de l’entreprise. Un management de bienveillance et d’engagement permet souvent d’améliorer l’atmosphère et d’illustrer la bonne image de l’entreprise aux yeux de ces collaborateurs.
5 — L’évolution financière
J’ai fait exprès de laisser cette composante à la fin malgré son importance dans l’équation de la motivation et de la fidélisation des développeurs. Déjà parce que c’est une évidence. On travaille tous pour gagner notre vie et on est toujours attiré par les offres et les entreprises qui valorisent le mieux nos compétences au niveau financier. La concurrence rude entre les différents acteurs de recrutement encourage les développeurs à faire valoir leur compétences à leurs justes valeurs (parfois un peu plus, je reconnais !). Une entreprise qui ne propose pas des salaires ou des tarifs journaliers au moins alignés avec le marché se verra privée des compétences les plus stables et les plus motivés. En plus, l’évolution financière constitue une sorte de reconnaissance et un levier de motivation pour continuer à donner plus et à être à la hauteur des attentes de l’entreprise ou du marché. C’est un concentré de reconnaissance et de valorisation très important dans un marché qui bouge vite et qui commence à montrer des signes de bonne santé. L’évolution financière peut représenter aussi une sorte de compensation dans l’équation de la fidélité. Elle peut remplacer l’absence du télétravail par exemple, ou l’absence de promotion hiérarchique. Toutefois, ce levier a bien ses limites surtout avec l’embarras du choix dans le marché. Il faut alors le manier avec intelligence.
Conclusion
Dans cet article, j’ai essayé de partager ma vision ainsi que celle d’un bon nombre de développeurs sur les axes de motivation et de fidélisation des profils IT au sein de l’entreprise. Le challenge technique, la reconnaissance, l’évolution financière ou de carrière ou encore la culture de l’entreprise ne sont que les gros piliers. Plusieurs éléments peuvent venir compléter cette liste selon la perception et les attentes de chaque développeur. Voilà pourquoi il est primordial pour la réussite de l’entreprise de donner l’importance nécessaire à la façon dont le développeur perçoit sont rôle dans l’organisation.
Si vous êtes développeur ou recruteur, n’hésitez pas à alimenter le débat pour une meilleure compréhension des objectifs et besoins de tous.
Auteur :
Symfony Lead Developer Freelance
Doctor in Business Administration
Twitter : AMDOUNI Raouf
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/amdouni/