J’ai abandonné la “féminité”
Féminité (n.f.) : Caractère féminin ; ensemble des caractères correspondant à une image biologique et sociale (charme, douceur…) de la femme ( contraire virilité).
Je crois, hélas, que j’ai renoncé à ma “féminité”. Ici j’entends par “féminité” l’ensemble de caractéristiques sociaux attribués à la femme. Déjà, je préfère commencer par dire que je ne crois pas à l’existence d’une seule et unique féminité. Tout comme, la virilité, c’est un mythe. Une construction sociale. Un biais pour imposer des injections faites aux femmes. Un ramassis de m*rde quoi ! Il existe plusieurs manières d’être femme, plusieurs féminités. Et ce fut un loooooooong parcours pour arriver à cette prise de conscience. En tout cas, j’ai bien décidé depuis deux, trois ans, de me défaire complètement de cette fameuse féminité, sans laquelle le patriarcat ne te reconnaîtra pas en tant que femme. Alors qu’aux dernières nouvelles, j’ai toujours un vagin (qui fonctionne plutôt bien, Dieu merci), des menstrues qui font un mal de chien, des seins, de l’œstrogène dans le corps,etc….
Petit disclaimer : je m’exprime sur ce post en tant que femme cisgenre dans un contexte hétéronormé…
Formatage
Depuis la tendre enfance, on a tenté de m’habiller en robe, de m’imposer la couleur rose, de me faire jouer avec des poupées et des dinettes, de fermer les jambes quand je m’assoie alors que je voyais les garçons vivre librement, courir partout, grimper sur tout ce qu’ils pouvaient, jouer avec des camions, des voitures, casser des choses, être courageux, fort, brave…. Bon, heureusement mes parents, plutôt modernes, n’ont pas insisté. J’ai pu faire ensuite “comme les garçons”. Mais je n’ai pas réussi à échapper aux remarques du reste de la famille et de la société. “Pourquoi tu ne mets pas de boucles d’oreilles ? Tu ressembles à un garçon”, “Pourquoi tu as les cheveux courts, on dirait un garçon?” ,”Tu fais du judo ? Mais c’est pour les garçons!”, “Tu aimes les jeux vidéos et les voitures téléguidées? Pour une fille,c’est bizarre”, “t’es une fille, tu ne devrais pas jouer avec les garçons” et j’en passe. Toutes ces remarques me paraissaient étranges, d’autant plus que les auteur.es ignoraient que je ne savais pas encore que j’étais une fille, ni ce que c’était de l‘être. Simone De Beauvoir l’a dit: “On ne naît pas femme, on le devient.” Et c’est ainsi qu’au début de la puberté, je constatai que mon corps, qui se transformait peu à peu, pouvait attirer les garçons ! A vrai dire, on ne m’avait pas prévenu. Je ne compte plus le nombre de fois traumatisantes où j’ai reçu des baisers volés, de tentatives d’attouchements à des endroits précis, qui me laissaient dans l’incompréhension la plus totale. Pourquoi des garçons disposaient de mon corps, de ma bouche sans me demander mon autorisation ? Je me souviens de la première fois où un garçon a essayé de me draguer alors qu’on était dans une ruelle sombre et que je pris peur et partis en courant :))). Oui, je réalisais que je devenais femme. A 11 ans !! C’était trop tôt. Beaucoup trop tôt. Mais pour les garçons et les hommes, très tôt on leur apprendre que le corps de la femme est à leur disposition. Ce corps se transforme pour eux. Certains n’attendent pas sa maturation. Malheureusement… Et se servent sans se questionner sur s’ils en ont le droit ou pas.
Tentative
Hélas, à l’adolescence, j’ai décidé d’embrasser cette “féminité”, sans trop savoir ce que c’était. Celle qui te demande d’être coquette, propre, épilée, douce, serviable, souriante, attirante, accessible, mince, etc… J’ai essayé. De toutes mes forces. Mais j’étais plutôt une fille drôle, bout-en-train, qui riait fort, qui avait tout le temps son nez dans les bouquins, qui débattait sur n’importe quel sujet, qui parlait aux filles et aux garçons sur le même ton, qui s’énervait pour un rien, qui jouait au foot, au basket, au handball, au volleyball, qui regardait et commentait la boxe et le catch. Je me souviens, des gens me disaient “garçon manqué” mais n’étant pas sûrs de ce qu’ils avançaient car je ne l’étais pas vraiment. La différence se voyait avec les vrais “garçons manqués” qui elles, s’habillaient vraiment comme les garçons, aimaient trainer avec eux, aimaient parler sport, rap et baskets. Moi, j’aimais quand même Britney Spears, je fantasmais sur Justin Timberlake, je portais des jupes, des ballerines, je me faisais de jolis tresses, je sentais bon du Lolita Lempicka… C’est juste que je n’étais pas en mode “séduction” comme beaucoup de mes copines de mon âge en plein période de l’adolescence…
Je vous passe cette période d’adolescence où vraiment je n’y comprenais rien à ce qui se passait autour de moi, entre toutes mes petites camarades qui voulaient à tout prix avoir un copain et ces garçons maladroits qui savaient pas s’y prendre avec les filles, les déceptions et chagrins d’amour des uns et les joies et attentions des autres. Moi, j’étais perdue là dedans. Intérieurement, je me disais que je n’étais pas assez grande pour comprendre ce que c’est d’être une femme. Pour moi, j’étais une fille qui grandissait encore. Allons directement à ma vingtaine passée où, mon corps de femme adulte était déjà bien formée. J’étais loin du cocon familial, j’étais quasi indépendante. Bon, là, clairement, j’avais déjà compris comment fonctionnaient les rapports hommes/femmes. Et surtout, ce qu’en tant que femme, il fallait être amené à faire pour être considérée comme telle. J’ai même vu mes camarades “garçons manqués” suivre la meme transformation : il fallait savoir se maquiller, se parer de bijoux, se coiffer régulièrement, être à la mode, porter des talons en soirée (et souffrir en silence). Et comme évidemment, nous les femmes, avons été éduquées dans la rivalité (c’est Chimamanda Adichie Ngozi qui le dit), il fallait être la plus sexy possible pour attirer le regard des hommes. Si Dieu t’avait béni de belles formes voluptueuses, tu avais déjà une longueur d’avance par rapport aux autres. Bon, ce n’était pas mon cas. La seule “bénédiction” que j’ai eu c’était d’avoir une peau claire, “light-skinned”, car oui le colorisme existe bel et bien. Mais bon, ça ne suffisait pas. Il fallait être aussi sexy que Rihanna et Beyoncé, souffrir pour être belle. Etre féminine. J’ai joué le jeu. Je me suis brûlée les ailes. Plus jamais.
Conséquences
Je n’ai pas tout de suite décidé de laisser cette malchance de “féminité”. Non. Il fallait d’abord que je réalise ce qui venait de m’arriver. J’ai donc fait toute cette transformation pour plaire aux hommes. J’ai réussi à en alpaguer quelques uns, chose que je voyais comme une réussite en tant que femme, vous savez. Nulle ne vous dira le contraire, c’est toujours plaisant de savoir qu’on peut plaire aux hommes. Mais trop occupée à chercher à plaire et à attirer les hommes en étant la plus féminine possible (douce, gentille, pretty, etc…), j’ai oublié de me concentrer sur le type d’hommes que je voulais vraiment attirer et j’ai fais de très mauvais choix. J’ai manqué de discernement. Ca m’a valu des fourberies, des trahisons, un slutshaming, des humiliations sur le net et IRL, des menaces de la part de rivales, des crises de jalousie, des tromperies, etc… C’est donc ça le prix de la féminité ? En réalité, je ne regrette pas d’être passée par là, car c’est à partir de ce moment là que j’ai ouvert les yeux. Je ne pouvais faire autrement que de constater avec effroi que l’image que je renvoyais ne correspondait pas du tout à qui je suis vraiment. Aussi, ça m’a permis de prendre du recul, de me mettre en mode “observatrice” et de voir à quel point, nous femmes, nous nous mettons sous quatre épingles pour parfois être traitées comme de la m*rde. Mettant de côté notre amour propre, notre dignité, notre vraie personnalité, tout ceci pour plaire et servir d’instrument ?!
Détachement
Non mais clairement, j’ai décidé d’abandonner cette “féminité” qu’on nous impose PARTOUT : au sein de la famille, à l’école, au cinéma, à la télé, dans les magazines féminins, entre nous copines, dans la religion, etc…. Mais ce n’est pas vraiment les mauvaises expériences citées plus haut qui m’ont véritablement prendre cette décision. C’est beaucoup plus complexe que ça. J’ai eu une bonne période de célibat et surtout de depression. Durant cette période, en vrai, je faisais moins attention à mon look. J’avais toujours une bonne hygiène mais disons que je m’en foutais royalement de la mode, de la dernière marque de make-up en vogue. En plus, j’avais boycotté les talons parce que soyons honnêtes les filles, ça fait super MAL aux pieds (sauf peut-être les talons courts et épais mais bon apparemment, ça ne ferait pas assez sexy lol). J’avais aussi décidé de moins porter les soutiens-gorges, car je pense aussi que c’est un instrument de torture comme les talons. Je ne mettais plus de tissages sur la tête. Je n’ai toujours pas adhéré à la mode des perruques. Toutes les mini-robes que j’avais dans mes valises et placards, je les ai toutes données. On compte aujourd’hui sur les doigts de la main le nombre de robes que j’ai en ma possession et pour la plupart, ce sont des robes ambles, mi-longues à longues, idem pour les jupes. J’ai désormais beaucoup de pantalons, tout aussi amples, beaucoup de chaussures plates, de baskets alors qu’avant j’en avais très peu. Comme coiffure, je ne fais plus que des rastas ou des vanilles. En gros, je n’ai plus qu’un style décontracté-pragmatique-relax-normcore. Voila ! Je pense qu’à ce stade là, les gens pouvaient encore me voir comme une femme juste à cause de la forme de mon visage et ma poitrine. Sans ça, on m’appellerait probablement monsieur dans la rue.
Quand j’y repense, c’était comme une sorte de relâchement. J’avais comme l’impression de pouvoir mettre le curseur ailleurs, de me focaliser sur quelque chose de plus important. Mark Zuckerberg, aux débuts de Facebook, expliquait n’avoir qu’une seule et même tenue pour aller bosser : t-shirt gris et pantalon jean. Car il n’avait pas le temps pour réfléchir chaque matin à ce qu’il devait porter. Au contraire, il en gagnait et le consacrer à autre chose de plus urgent. Beh moi, durant cette période, ne perdant plus le temps sur mon apparence, j’ai pu réaliser premièrement que rien n’allait dans ma vie, que j’étais en train de sombrer et qu’il était urgent de faire quelque chose. Les sous que j’aurais dépensés pour des fringues et make-up, m’ont servi à payer des seances chez les psy, à m’offrir des voyages pour me changer d’air et autres plaisirs… Mais je ne vous cache pas que j’ai moins attiré d’hommes en parallèle. Tant mieux. Je n’avais pas le moral pour ça…
J’ai dû vraiment renoncé à cette féminité même quand au fil du temps, ça allait mieux mentalement et physiquement. Parce que j’étais maintenant entrée dans une phase de solitude extrême mais vitale. J’avais fait le vide dans ma vie pour mon bien mais c’était quand même assez dur à vivre au début. Je redécouvrais ce que c’était de vivre seule, en étant une femme dans cette société qui nous scande sans cesse qu’à un moment donné dans ma vie de femme, je dois me trouver un mari et faire des enfants avant mes 30 ans. Cette société qui me ferait passer pour folle si je vivais seule sans mec, sans amis. Alors que dans la même situation, on verrait un homme comme un carriériste, ambitieux, brave, qui veut s’accomplir. Dans cette démarche de self-care, j’étais décidée de faire de moi une priorité, de réaliser mes rêves, de suivre mes envies. Et ça impliquait donc de sortir et assister à pleins événements, de voyager et parfois de devoir de rentrer tard le soir. Seule. Alors, imaginez un instant mener cette vie de baroudeuse, à travers le pays, seule, et le danger dans lequel je me serais mise si je gardais à tout prix cette “féminité”. Je m’explique. Mélomane que je suis, j’ai souvent aimé aller à des concerts, notamment à ceux de mes artistes préférés de quand j’étais adolescente. Et ça se passait très souvent dans d’autres villes que la mienne. Et le soir voir tard dans la nuit. Est-ce que vous auriez laissé votre sœur sortir la nuit seule, en robe ou jupe ou pantalon même, bien maquillée, sexy, coquette, tout ce que vous voulez, pour ensuite qu’elle rentre vers 2, 3h du mat seule? Non. Pourquoi ? Vous l’avez votre réponse. J’ai renoncé à la “féminité” pour me protéger, pour ma survie. Si je la gardais, j’estime que je me serai mise en danger. Et bien sûr, je tiens à préciser : ça n’aurait pas été de ma faute, ni celle de mon habillement (car même en jean, pull XXL, des gars me suivaient dans la rue -_-”). Mais j’ai quand même choisi de la délaisser pour de bon. Parce que je me sens plus libre ensuite. Mais pas moins en danger. Mais plus libre. Quand je rentre seule la nuit d’une soirée ou d’un événement, bien sûr que je presse le pas, bien sûr que je regarde autour de moi s’il n’y a pas quelqu’un qui me suit parce que même sans cette fameuse féminité, je sais et sens au plus profond de moi que je suis une femme et dans notre société, j’ai beau être libre dans ma tête, mon corps ne m’appartient pas totalement. Mais au moins, je peux presser le pas parce que je ne suis pas en talons. Je peux même dissimuler un peu que je suis une femme en mode “séduction” (comme le pensent beaucoup d’hommes A TORT dans la rue) en portant une veste ou un sweatshirt à capuche, sans ou avec très peu de make-up sur le visage. Je sais que ça n’empêchera pas le viol, si viol il doit y avoir mais je sais que je serai plus parée à m’enfuir ou à me défendre dans les vêtements moins moulants que j’aurais décidé de porter, parce que j’ai dit “fuck” à la féminité imposée aux femmes.
Authenticité
Comme je le disais plus haut, il existe plusieurs féminités. J’ai décrit jusque là, une féminité omniprésente qu’on impose systématiquement aux femmes pour les reconnaître en tant que telles. Je n’ai rien contre ce modèle. Simplement, je ne me sens pas à l’aise avec. Elle me dénature, me met en rivalité avec d’autres femmes. Pourquoi ne suivre qu’un seul modèle ? Demandons-nous sérieusement à qui profite-t-elle ? Je reste persuadée qu’elle ne sert aucunement aux femmes. Elle nous pousse à mutiler nos corps, à les intoxiquer, à les déformer à travers des chirurgies esthétiques parfois risquées, à se torturer continuellement via des séances à la salle de sport sur des machines de muscu, via des régimes foireux qui ensuite déclenchent des troubles alimentaires compulsifs (anorexie, boulimie, etc…), à se filer des complexes physiques et psychologiques. Non à cette féminité. Oui aux différentes féminités, aux différents corps, aux différentes teintes, tailles, formes… Notre société devrait nous encourager à s’accepter telle qu’on est, à développer notre estime de soi, notre confiance en soi. Elle devrait aussi apprendre aux hommes à respecter nos corps, à les apprécier dans sa diversité. En ce qui me concerne, j’apprends encore à aimer mon corps. Mais je continue de m’habiller comme je le souhaite, sans tenir compte du regard du sexe opposé. Pour des sorties de routine où j’aurais beaucoup de marche, je m’habille décontractée. Pour le boulot, je m’habille convenablement, légèrement maquillée. ça varie selon mes humeurs et mes envies. J’ai un style qui varie beaucoup. Pour les soirées, toujours selon mes humeurs, je m’habille chic, glamour ou sobrement mais toujours avec pragmatisme car je ne voudrais plus me trimbaler en talons aiguilles avec une paire de ballerines dans un gros sac. Je mets des escarpins pas très hautes mais jolis. J’ai ma petite pochette avec l’essentiel dedans. Bref, je m’amuse à jouer avec plusieurs styles, à trouver des tenues qui reflètent au mieux ma personnalité. Je reste moi-même, drôle, maladroite quelque fois, qui rate souvent la cuisson du riz mais fait de super crêpes, qui continue de regarder des match de boxe mais ne loupe aucun film de Leo DiCaprio ni de Keanu Reeves et qui fait des voyages solo à l’autre bout du monde. C’est l’essentiel pour moi. Quant à plaire aux mecs, c’est désormais le cadet de mes soucis. Si je finis par leur plaire, ça sera sûrement à ceux qui auront su apprécier ma singularité, ma personnalité, MA féminité à moi.