Quand tu annonces que tu es gravement malade* à ton entourage
J’ai appris dernièrement que j’étais atteinte non pas d’une, ni de deux mais de trois maladies incurables, dont une rare. Elles sont plus ou moins graves, d’autant plus qu’elles peuvent développer des cancers.
Je crois que je ne réalise pas encore ce qui m’arrive. Peut-etre que je suis dans le déni mais j’ai tout de même le souvenir proche d’avoir été extrêmement peinée de l’apprendre. J’ai eu une période de profonde mélancolie mais un tantinet soulagé de savoir que ce n’était pas un cancer et que je pouvais vivre avec. Le plus redoutable reste sans doute l’alternance entre les rechutes inopinées et les phases de remissions salvatrices.
Ensuite, vint le moment de l’annoncer à sa famille, ses amis, ses collègues, etc…
A ma famille, la seule personne qui n’est pas au courant de ma situation c’est…mon père. Vous l’expliquez serait une longue histoire. Le reste de ma famille, dont ma mère…eh bien, ne semble pas mesurer l’ampleur de la chose. Pour eux, c’est clairement dû au stress que je vis au travail et qu’une fois que j’aurais trouvé un meilleur job et accessoirement un mari (lol) ça passera. Le tout sapoudré d’un peu de foi chrétienne. Quelle désaroi !
un “ça va aller. Dieu veille” suffit pour eux ! Et le tour est joué.
J’espérais plus de compassion, plus de soutien. Mais non, un “ça va aller. Dieu veille” suffit pour eux ! Et le tour est joué. Mais je suis définitivement resolue à leur faire savoir chaque fois que je ne vais pas bien pour qu’ils réalisent enfin que c’est désormais ma nouvelle vie : un quotidien jonché de douleurs corporelles et d’humeurs crescendo. Rien ne sera plus tranquille pour moi. Je vivrai les aléas de la vie d’adulte + le traitement de mes trois ALD (Affections à Longue Durée).
Quid des amis ?
Vivre les premiers symptômes m’ont amené à m’isoler socialement. Eh oui, finis les visites, les sorties et les voyages entre amis. Je fais partie de ceux/celles qui ont besoin de s’isoler pour mieux comprendre les problèmes et les résoudre seul.es. Ce que j’ai fait pendant des semaines, des mois. Et le temps a servi à jouer de tamis dans ma liste d’amis. “Loin des yeux, près du cœur” : bullshit ! Cet adage est aussi hasardeux que l’apparition de la neige dans un village camerounais. Parfois, ça arrive et ça peut s’expliquer. Parfois, non ! ça ne marche pas ! J’ai disparu progressivement des réseaux sociaux, des boites de réception de mes amis et visiblement de leur cœur. Mais, heureusement, même si on mérite les amis qu’on a, je reste tout de même une belle personne qui aurait marquée certain.e.s. Ils me l’ont prouvé en m’écrivant d’eux/elles-mêmes. Et Dieu que ça fait chaud au cœur. Non, je ne vais pas vous mentir. ça fait vraiment, mais vraiment chaud au cœur. Auparavant, je n’avais pas pour habitude de m’accrocher à l’attention des autres mais cette fois-ci c’était…différent. C’était plus que de l’attention, aussi futile, superficielle ou intéressée qu’elle puis être. Là, c’était de l’inquiétude. Du “hey mais ça fait un bail que je n’entends plus parler d’elle. Est-ce qu’elle va bien ?” Et ça, cette inquiétude, ça sauve des vies. Tous les jours. A tous les coins du monde. A ceux/celles là, je leur ai volontiers répondu et donner de mes (vraies) nouvelles c’est-à-dire de mon état de santé. Surtout qu’il eut une période où -dépressive- j’étais persuadée que je mourrais (d’ailleurs je le crois encore un peu. Mais je reviendrai sur un prochain article à ce sujet). Donc je me disais qu’il valait mieux dire aux gens ce dont je souffrais pour que le jour où ma mort surviendrait, au moins ils sauront et témoigneront pour moi. :)
traverser cette période (qui n’est pas encore finie) de ma vie m’a beaucoup ouvert les yeux sur la sincérité de beaucoup d’entre eux.
Et puis, il y a ceux qui prennent de vos nouvelles après un temps de latence régulé : deux à trois mois. Qu’ils les prennent par obligation ou par devoir ou encore pour soulager sa conscience en mode “comme ça, c’est fait”. Et ceux-là, justement ne présagent pas un seul instant que je leur annoncerai que je suis malade et ne sont évidemment pas préparer à comment réagir face à une telle nouvelle alors qu’on venait juste prendre faussement des nouvelles. Je tiens à préciser, car le ton de cet article prête à croire que je suis une personne égocentrique, égoïste, que j’ai toujours donné de mon temps à ces personnes et traverser cette période (qui n’est pas encore finie) de ma vie m’a beaucoup ouvert les yeux sur la sincérité de beaucoup d’entre eux. Parmi donc ceux-là, bien que je leur disais que j’étais malade, décrivait même les symptômes, racontait mes nombreuses malaises sur mon lieu de travail, mes allers-retours aux urgences, mes divers examens plus complexes les uns après les autres, ma perte de poids rapide, n’hésitait pas à me demander si je pouvais leur rendre tel ou tel service et pas des moindres. Et non, je ne suis pas une personne égocentrique. je ne laisserai personne me juger ainsi. parce que même dans la maladie, j’ai accepté de rendre ses services là. Malgré moi. Au nom de l’amitié. Quelle amitié ? Je me suis questionnée la-dessus ces douze derniers mois. Beaucoup. Et ça m’a permis de faire un deuxième tri c’est-à-dire d’enfin oser dire non et prendre mes distances pour signifier à la personne que je ne veux plus d’elle dans ma vie. Je ne prétends pas un être exceptionnel. Mais bordel, ma vie compte ! Elle est point insignifiante. Je ne souhaite à personne de tomber gravement malade pour le réaliser. Mais ça a été le cas pour moi. Ces douze mois qu’il fila devant mes yeux fut à la fois les douze mois les plus longs de toute ma vie et je me souviens presque de chaque jour passé, à vivre ce qui m’arrivait et à être impuissante, seule face à cela.
A part ceux qui ne m’ont pas cru suffisamment malade pour s’empêcher de me réclamer de mon temps et de mon énergie, comme je ne vivais que pour leur bon plaisir, il y en a qui compatissait faussement, qui promettait faussement de venir me rendre visite. C’est l’intention qui compte mais quand on se rend compte qu’un an passe et aucune visite n’a été faite, ça fait réfléchir sur la véracité des promesses. Soit !
Il y a également ceux qui depuis n’ont plus cherché à reprendre de mes nouvelles. Soit ! Je compte parmi mes “amis” des médecins. Et c’est ceux-là qui ont été le moins compatissant pourtant j’étais à deux doigts de leur donner “mon corps à la science”.
heureusement, qu’il existe une justice sur Terre, j’ai eu des amis bienveillants
Et enfin, heureusement, qu’il existe une justice sur Terre, j’ai eu des amis bienveillants, ceux qui ont pris la peine de venir me voir et/ou de m’écouter, d’en savoir plus sur ces maladies. D’autres encore plus surprenants par leur extrême empathie (ce n’est pas donné à tout le monde d’être ainsi, je le concède), ont deviné que mentalement ça ne devait pas y aller non plus. Et c’était vrai. Mentalement, c’était dur de vivre tout ça. Et lorsqu’on est mentalement touché.e, parler aide. Et j’ai cherché les personnes à qui parler. Chercher. Encore et encore. j’ai parlé à ma pauvre mère qui se sentait toujours démunie. J’ai essayé de parler à une amie qui m’a aussitôt balancé cette phrase qui tranche tel un poignard lentement introduit dans une plaie déjà ouverte : “Tu te plains de quoi ? Y en a qui vivent pire comme situation”. C’est vrai. Mais je vis la mienne. Et elle n’est pas anodine non plus. Ce genre de phrase pousse à se replier sur soi et à craindre d’être jugé.e et incompris.e. Alors, on intériorise nos douleurs, notre tristesse. Qui empoisonne par la suite notre corps, déjà endolori et malade. Et les médicaments ne font pas toujours l’effet escompté puisque nous-mêmes secrétons encore des hormones destructrices, de par notre détresse mentale.
Les réactions ? c’est particulièrement les réactions qui me poussent à écrire cet article aujourd’hui. Je me réjouissais et c’est toujours le cas, d’avoir pu inquiéter des gens de mon absence. Mais les réactions après avoir annoncé à différentes personnes mon état de santé sont…étonnantes les unes après les autres. Je conçois que certains réagiront maladroitement et d’autres se sentiront même coupables de ce qui m’arrive et ça frôlerait un peu le ridicule. Mais un ridicule adorable. Mais être confrontée à l’indifférence voir la compassion sournoise de ceux que je considérais comme des amis fait un peu plus mal que d’habitude. Mais je suis reconnaissante envers eux pour m’avoir dévoilé leur vrai visage et de m’éloigner d’eux et alléger mon temps et mon énergie, que je pourrais enfin me consacrer. J’ai désormais plus de temps pour accepter cette nouvelle vie, de prendre soin de moi sans me soucier de rendre un énième service à un ami un peu trop profiteur, d’enfin rester le samedi à regarder Netflix et me goinfrer d’une pizza bien mérité après une semaine de diarrhées et de vomissements non stop ! Et c’est chouette !
Pour les collègues, je leur dis merci car j’apprends à ne plus avoir honte, à mieux assumer ce qu’il m’arrive, à ne plus culpabiliser de ne pas travailler plus qu’il n’en faut alors que c’est ma santé avant tout. Quand ça ne va pas, je le dis ! Et ils vont me croire. Ils n’ont pas le choix. Ils m’ont tous vu m’écrouler par terre dans mon vomis et embarquée par l’ambulance pour les urgences. Donc, les arrêts maladies et les RTT ce n’était pas par pure fainéantise, ni pour prolonger le weekend mais bel et bien pour me recroqueviller sous ma couette et pester contre la vie.
Quand à moi, je pense que j’ai le choix : soit je me morfonds continuellement sur ma vie et attends des gens d’être compatissant et vois ma vie défilée, soit je vis tout simplement ma vie avec ces nouveaux challenges (et non difficultés). J’ai (enfin) choisi la deuxième option. Certes, cette désillusion sur la qualité de mes relations amicales m’a touché mais c’est aussi un signe de l’univers pour moi, une nouvelle leçon à apprendre : prendre soin de soin, profiter de sa vie seule et/ou bien accompagnée, ne rien attendre des autres, continuer d’être généreuse et de remplir sa vie de belles réalisations.