JO 2024 : “le rêve de toute une vie” se prépare “en famille” pour les athlètes du club Saint-Denis Émotion

Anouk Riondet
8 min readSep 29, 2021

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Le club Saint-Denis Émotion (93), créé en 1994, regroupe aujourd’hui plusieurs des meilleurs athlètes français qui se préparent aux Jeux olympiques de Paris 2024. Un rêve “de gosse” porté par le groupe qu’ils se sont constitués au fil du temps, “une famille”.

Stade annexe du Stade de France sur lequel s’entraînent les athlètes du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 18/09/2021. ©Anouk RIONDET

À quelques pas du Stade de France à Saint-Denis (93), les jumeaux Jerry et Mallory Leconte, Dylan Vermont et Whitney Tie, tous les quatre sprinters de haut niveau, suent à grosses gouttes aux côtés des autres membres du club d’athlétisme Saint-Denis Émotion (SDE), créé en 1994.

Leur objectif : les Jeux olympiques de Paris 2024.

Les JO 2024 c’est le rêve de toute une vie”, s’illumine Jerry Leconte, 20 ans, des étoiles dans les yeux. “J’attends ça depuis mes 15 ans”, ajoute le coureur de 100 et 200 mètres, étudiant en 2ème année de DEUST à la fac de Bobigny.

Jerry Leconte, 20 ans, athlète de niveau national du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 20/09/2021. ©Anouk RIONDET

Même excitation pour sa sœur jumelle Mallory : “je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour y être. En plus c’est à la maison, c’est l’objectif ultime !”, s’exclame la sprinteuse de 60, 100 et 200 mètres, membre de l’équipe de France de relais et étudiante en STAPS à Nanterre.

Jerry et Mallory ont commencé l’athlétisme “petits” parce qu’ils courraient vite à l’école. Ils ont intégré SDE en 2011 et n’ont jamais quitté le club depuis.

Lui, c’est le huitième meilleur sprinteur de France sur 100 mètres avec un temps de 10,53 secondes et il est dans le top 10 sur le 200 mètres, avec 21,39 secondes. Elle, c’est une vice-championne de France sur le 60 mètres avec un temps de 7,40 secondes, médaillée de bronze au 100 mètres des Championnats de France Espoir en 2020.

Ce que j’aime dans le sprint, c’est la sensation de vitesse, d’adrénaline. J’aime beaucoup la pression aussi, on est tous sur la même ligne de départ, tout le monde nous regarde, on peut entendre nos coeurs battre”, décrit Mallory.

Mallory Leconte, 20 ans, athlète de l’équipe de France du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 20/09/2021. ©Anouk RIONDET

Whitney Tie, 22 ans, s’est également lancée dans ce sport parce qu’elle courrait vite à l’école. Elle intègre SDE en 2012.

Spécialisée en sprint de 100 et 200 mètres, elle fait sa première sélection en équipe de France “jeune” en 2015, pour le festival de la jeunesse olympique européenne en Géorgie. Elle y obtient une première médaille, puis d’autres, mais vit ensuite plusieurs années difficiles.

Entre 2016 et 2017, je stagnais. Je suis en partie fautive car je loupais des entraînements et je négligeais mes soins alors que j’avais une douleur au tendon d’Achille”, admet Whitney. “Je voyais mon rêve des JO 2024 s’éloigner”, reconnaît cette ancienne étudiante en STAPS, qui encadre et suit aujourd’hui des personnes âgées et en surpoids.

Mais cette année j’ai vraiment pris conscience des choses. Je me suis entraînée dur et j’ai battu mon record au 100 mètres, je fais 11,59 secondes. Ça faisait 6 ans que je n’avais pas battu mon record sur cette distance”, admet-elle.

Pour les JO, je vais continuer mes efforts et je vais faire plus attention à mon mode de vie : manger sainement, bien dormir, bien m’hydrater. C’est un rêve, je suis concentrée dessus pour pouvoir, si dieu le veut, obtenir une médaille”, dit-elle, levant les mains vers le ciel.

Whitney Tie, alias “la légende bleue”, sprinteuse de haut niveau du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 22/09/2021. ©Anouk RIONDET

Moi je n’ai pas commencé l’athlé parce que je courais vite quand j’étais petit”, s’esclaffe Dylan Vermont, 22 ans, deux fois champion de France du 100 mètres en catégorie Junior puis Espoir et membre du collectif relais de l’équipe de France.

Nageur à la base, ce sont les JO de 2012 à Londres, qu’il a regardé depuis sa télé au Blanc-Mesnil (93), qui lui ont fait changer de cap. “Là, je me suis dit que c’était ce que je voulais faire, et j’étais déjà dans l’optique de 2024. En 2013, je commence l’athlétisme et je rejoins SDE en 2018”, raconte-t-il.

Depuis, il enchaîne compétition sur compétition. “Aux Championnats de France, je passe de 10,55 secondes à 10,39 sur le 100 mètres. C’est mon record actuel”, détaille Dylan, mentionnant fièrement son record et premier podium en salle en 2021 pour le 60 mètres avec un temps de 6,79 secondes.

Mais des problèmes récurrents aux genoux font osciller ses performances. “J’ai beaucoup de hauts et de bas au niveau physique, je me blesse beaucoup, puis ça va mieux, après je me blesse à nouveau. C’est très frustrant”, confie le jeune homme actuellement à la recherche d’un emploi.

Pour les JO, il faut que je fasse attention. C’est mon rêve depuis mes 12 ans. Je pense que je peux y être… Non, il faut que j’y sois parce que c’est ici et parce que je fais partie des meilleurs Français”, enchaîne Dylan.

Dylan Vermont du collectif relais de l’équipe de France et membre du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 20/09/2021. ©Anouk RIONDET

Un rythme de vie effréné

Il faut être très discipliné quand on est athlète de haut niveau, surtout quand on prépare les Jeux olympiques”, explique Mallory.

Huit heures de sommeil, petit déjeuner consistant (omelette, dinde, banane), boire beaucoup d’eau, sieste avant d’aller à l’entraînement, soins du corps pour entretenir et soulager les muscles après l’effort…

Il faut faire attention à ce qu’on mange : pas de choses grasses en période de compétition car ça peut impacter nos muscles et on peut se blesser derrière”, détaille-t-elle.

La récupération, les soins, tout ça, c’est vraiment important quand on traumatise nos corps comme on le fait pendant les entraînements”, ajoute Jerry, d’autant plus qu’ils seront amenés à faire jusqu’à six entraînements par semaine au fur et à mesure qu’ils avancent dans la saison.

Et pour tous ces efforts, le club et la mairie de Saint-Denis offrent des bourses “de haut niveau” pour les athlètes qui font de bonnes performances.

Mais au-delà du côté financier, pour se donner de la force de continuer, ils regardent des discours de motivation ou encore des vidéos d’athlètes qui expliquent comment ils gèrent leur quotidien, ils écoutent de la musique, mais c’est surtout grâce au groupe qu’ils se sont constitués qu’ils parviennent à revenir sur la piste, jour après jour.

“Une famille”

L’athlé, c’est un sport où on fait beaucoup d’efforts mais où on n’est pas toujours récompensé. Il faut avoir un sacré mental sur le long terme. Heureusement qu’on n’est pas tout seul, qu’on est bien entouré. Sans le groupe, j’aurais déjà arrêté”, lâche Jerry.

Le groupe”, c’est une quinzaine d’athlètes, tous entre 19 ans et le début de la trentaine. Étudiants, dans la vie active ou sans emploi. “Le groupe”, ce sont des athlètes de niveau régional, national et international. Ils se connaissent pour la plupart depuis petits et ont traversé ensemble les hauts et les bas qui viennent avec ce sport.

Athlètes du club Saint-Denis Émotion (SDE), le 22/09/2021. ©Anouk RIONDET

Ces gens-là sont incroyables. On se soutient mutuellement, il n’y a aucune concurrence toxique. En 2020, quand Mallory, Dylan et moi on était aux Championnats de France Élite, ils se sont tous réunis dans une maison et nous ont regardés à la TV. C’est banal mais ça fait la différence”, raconte Jerry.

Cette amitié fraternelle qui s’est développée au fil du temps, “c’est du 24h sur 24”, pas que pour les entraînements : ils sortent ensemble, font du laser game, du bowling, partent en vacances…

On est une famille, on partage tout, pas que le sport”, martèle le jeune homme avec un sourire jusqu’aux oreilles.

C’est difficile de concilier vie professionnelle et personnelle quand on fait du sport comme ça mais finalement, avec un groupe pareil, c’est plus facile. Je sors souvent avec les gens du club parce qu’on a le même rythme de vie”, explique Mallory.

Pour Whitney, avoir une telle dynamique de groupe est importante quand on a les JO comme objectif.

On dit que l’athlé c’est un sport individuel mais l’esprit de groupe est super important. Ces gens-là, alors que j’étais au plus bas moralement et physiquement, ils continuaient de me surnommer ‘la légende bleue’, surnom que j’avais quand j’étais la plus rapide du groupe. Ça me motivait à revenir aux entraînements, ils avaient envie que je courre vite à nouveau. Sans eux, je n’aurais pas cru que les JO étaient de nouveau possibles pour moi”, confie l’athlète.

C’est vrai qu’on se tire vers le haut, surtout depuis qu’on a quasiment tous le même objectif”, ajoute Dylan. “Ce qu’on veut c’est 2024, voire 2028. Avec ce groupe-là et ce coach-là, on peut y arriver”, poursuit-il.

Alioune Junior NDiaye, 30 ans, est coach du groupe depuis six ans environ mais il les connaît tous depuis une dizaine d’années. À l’aise seulement quand il s’agit de parler d’athlétisme et pas très loquace, les JO sont aussi au programme pour lui.

Je vais être très dur avec certains d’entre eux. Arrivé à un moment, on va s’entraîner tous les jours de la semaine parce que les JO, c’est demain, ça va arriver très vite ”, prévient-il.

Kévin Sylvestre, secrétaire général du club d’athlétisme Saint-Denis Émotion (SDE) à gauche et Alioune Junior NDiaye à droite lors du “midi minuit” (12h non stop d’athlétisme) en 2019. Ils ont tous les deux pratiquement élevé les athlètes du groupe, “ce sont nos petits frères et nos petites sœurs”, confie Kévin. ©Brahim CAMARA

Je suis à trois ans de mon rêve de gosse, je n’ai pas encore le niveau mais je sais que ça va le faire car Junior ne va pas me lâcher”, ironise Jerry.

Même ressenti pour Whitney : “Junior, même s’il a son côté dur, il est là pour nous motiver, on peut compter sur lui. Il ne se laisse pas submerger par ses émotions et il parvient à nous canaliser”, décrit-elle.

Moi si j’ai rejoint le club de Saint-Denis c’est parce que j’ai vu la performance et les bilans des athlètes et je me suis dit que le coach devait être exceptionnel. Donc j’ai rejoint Junior et je n’ai aucun regret aujourd’hui. Il saura nous mener aux JO”, conclut Dylan.

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