Témoignage : j’ai jeûné pendant 11 jours

Axel Bellancourt
24 min readMay 6, 2017

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Jeûner, complètement, ne rien ingurgiter de solide pendant 11 jours, de jour comme de nuit, aucun bouillon, que de l’eau et encore elle doit être peu minéralisée et au PH élevé ! C’est l’expérience que j’ai vécu et que je m’apprête à relater ici, sans langue de bois ni parti pris, mes ressentis, la réaction de mon entourage, les effets sur mon organisme, le démontage de certains mythes…

“Il faut manger”, “c’est mauvais pour la santé de sauter des repas”, “le jeûne, c’est un truc de vegans écolo”, “on peut mourir si on arrête de se nourrir”. Beaucoup d’idées reçues circulent sur le jeûne et pour cause, le sujet semble être éludé par la médecine moderne malgré de récentes études officielles et la découverte de rapports en ex URSS qui le décrivent comme une “thérapie miracle”. J’ai voulu savoir ce qu’il en était, après mûre réflexion, je me suis lancé au printemps 2017, ce sera 11 jours de jeûne hydrique, le véritable jeûne (il existe des jeûnes intermittents et autres jeûnes partiels au jus de légumes).

D’où m’est venue cette idée ?

J’ai entendu pour la première fois parlé du jeûne lors d’un séjour au ski, un de mes amis est un pratiquant et un prêcheur de ce qu’il appelle le “jeûne thérapeutique”, comme moi il n’a pas de problèmes de santé en particulier, sportif, plutôt mince, cartésien, adore le fromage, boit de l’alcool, normal… mais il est dithyrambique sur le sujet. Il avait déjà jeûné 15 jours en 2015 puis a réitéré en 2016, et à l’écouter ça a été l’illumination, il y a eu un avant et un après, il est en quelque sorte un évangéliste de cette pratique. Au début quand je l’écoute, je suis assez sceptique (les clichés induits par la société et la télé sont durs à évacuer), je me dis qu’il doit y avoir une grande part d’effet placebo mais je le laisse m’exposer ses arguments, selon lui les bénéfices du jeûne s’il est tenu suffisamment longtemps sont nombreux :

- détoxification de l’organisme
- régénération de la paroi intestinale
- disparition de boutons, mycoses, hémorroïdes, asthme et allergies
- prévention des maladies cardio-vasculaires et neuro dégénératives (Alzeihmer, Parkinson, etc)
- élimination de toutes les cellules dégénérées ou cancéreuses qui sont autant de petites bombes à retardement dans le corps (3% de l’ensemble de nos cellules)
- diminution des cernes, des rides et rajeunissement de la peau
- diminution de l’insunilo-resistance et donc prévention du diabète
- lutte contre le vieillissement

Sur le papier ça donne envie, (ou plutôt ca pu l’arnaque…), mais après tout c’est un ami bienveillant qui n’a rien à me vendre ou à me prouver… Au fil de la conversation ma position sur le sujet évolue mais je reste convaincu que le jeûne n’est pas pour moi. J’ai un mode de vie plutôt sain, je n’ai aucune envie de ne pas pouvoir pratiquer mon sport quotidien (foot, tennis, squash et volley), l’idée de voir fondre en quelques jours mes quelques kilos de muscles gagnés après tant d’efforts à la salle de sport ne m’enchante guère mais surtout je suis un (très) gros mangeur, la terreur des buffets à volonté, je ne dois être pas loin des 5000 calories ingurgitées quotidiennement mais je ne grossit pas (85kg pour 1m90).

J’expose mes objections à mon expert du jeûne sur la perte de poids ; encore un cliché cassé, théoriquement le jeûne ne fait pas beaucoup maigrir, on reprend son poids dès que l’on remange, mais les nouveaux tissus sont plus solides, plus jeunes, plus performants, là ça m’intéresse ! Etant du genre à aimer tenter des expériences et à croire que ce que je vois, j’envisage de tenter l’expérience du jeûne, je souhaite en savoir plus.

Je laisse mûrir ma réflexion plusieurs semaines et je me renseigne : je trouve autant de manière de jeûner que de personnes qui en parlent, le sujet souffre visiblement de désinformation et des escrocs l’ont bien compris… De pseudos centres de thérapie qui allient jeune et randonnée vantent tous les bienfaits du jeûne mais précisent qu’il faut être absolument suivi. Pas très étonnant comme discours pour un centre où il faut dépenser jusqu’à 2500€ pour marcher une semaine dans la montagne sans faire un repas… A force de recherche je tombe sur un livre de Jean-Pierre Willem exclusivement dédié au jeûne, il est médecin, un des fondateurs de Médecins Sans Frontières, visiblement respecté et écouté, enfin une source fiable ! Raté, le mec a été radié de l’ordre des médecins après avoir tenté de guérir des malades du SIDA avec des huiles essentielles il y a 30 ans…

Je découvre qu’en Suisse et en Allemagne, le jeûne est répandu et a fait ses preuves, des études ont pu être menées sur des milliers de jeûneurs, l’efficacité varie d’une personne à l’autre mais ca fonctionne et un protocole officiel semble se dessiner, c’est celui que je vais adopter. Il consiste à pratiquer une “descente” alimentaire d’une semaine pendant laquelle on diminue progressivement les doses de nourriture pour finir exclusivement au jus de fruits et de légumes avant d’entamer le jeûne à proprement parler (d’une durée minimale de 10/12 jours pour en tirer tous les bienfaits) pour ensuite effectuer une “remontée alimentaire” progressive d‘une durée équivalente à celle du jeûne. Je confronte le résultat de mes recherches avec mon ami expert du jeûne, apparemment j’aurais fait un bon travail de tri et de recherche.

Reste à trouver une date, il faut le faire avant l’arrivée des pollens (si le jeûne pouvait me permettre d’éviter mes allergies annuelles) et pendant une période tranquille (impossible de prendre des vacances pour cette expérience, je suis cofondateur d’une Start-up : www.lehibou.com). Je vois dans mon emploi du temps un week-end de 3 jours à Pâques où je suis censé rejoindre ma famille dans une résidence avec piscine sur la côte d’azur, cela semble être le contexte idéal pour débuter ! Je cale tout sur cette date, ma décision est prise, objectif : 12 jours de jeûne !

Mon jeûne, jour après jour

Jour -7 à Jour 0 : La descente alimentaire

Il est inconcevable d’entamer cette expérience sans préparer son corps. Une fois n’est pas coutume, on trouve tout et son contraire sur internet, quelques informations sont néanmoins récurrentes, dans l’esprit il faut amener le moins de toxines possibles et diminuer les doses progressivement avant de commencer pour préparer le corps.

Voici mon programme :

- 1 semaine avant le début de la descente alimentaire : stopper alcool, thé et autres excitants (cigarette, café, etc)
- 1er jour de la descente alimentaire : supprimer viandes, fromages, aliments industriels et tout produit raffinés (pain, gâteaux, sodas, pâtes blanches, chocolat, etc)
- 3è jour : stopper également tout apport de sucres lents (pâtes, riz, pomme de terre, etc) pour ne rester qu’aux fruits, légumes et salade.
- 5è jour : stopper les fruits et légumes cuits
- 6è jour : exclusivement des soupes et des jus
- 7è jour : 1.5L de jus de pruneaux ! Il seraitvisiblement important de se “purger l’intestin” avant de démarrer afin que les selles ne se putréfient pas durant le jeûne occasionnant tous les problèmes que l’on peut imaginer (il y a différentes religions quant à ce dernier aspect).

La descente alimentaire, c’est pas trop compliqué, on a de l’énergie et de la motivation. Le 3è jour j’ai enchaîné un foot et 2 matchs de tennis en tournoi sous 28°, même pas mal ! Le lendemain j’ai cependant eu droit au regard étonné de mes collègues qui m’ont vu prendre une “julienne de légumes” ainsi qu’un plat de lentilles au restaurant. La brochette au rumsteack avec des frites de mon associé ce jour là fut ma première épreuve et c’est là que j’ai commencé à avoir des doutes… J’ai justifié ce choix de menu qui ne me ressemblait pas (je suis plutôt du genre à commander une assiette de frite en + de mon couscous) en affirmant vouloir suivre un régime “temporaire et spécial” pour lutter contre mes allergies au pollen, ce qui n’était pas tout à fait faux. Le jeûne est tellement peu entré dans les mœurs que je ne préférais pas passer pour un fou en parlant de mon projet à mes équipes.
Ne souhaitant pas non plus chambouler mon quotidien, il était hors de question d’annuler un dîner au restaurant prévu de longue date avec des amis le 6è jour. J’ai commandé 2 soupes ! La serveuse s’est moquée de moi… et m’a offert un digestif en fin de “repas”… que je n’ai évidemment pas bu.
Le dernier jour, je suis allé au magasin bio pour m’acheter 1.5 litre de jus de pruneau et du psyllium blond, la caissière a du soupçonner quelques problèmes de transit… Pour ceux qui se poseraient la question, le jus de pruneaux, après 1 journée de jus et de soupe, c’est radical (et dégueulasse) ! J’ai passé davantage de temps aux toilettes qu’à mon poste de travail cette journée là…

Jour 1 : j’ai faim mais tout va bien

Je fais déjà 3kg de moins sur la balance alors que j’ai même pas commencé à proprement parler le jeûne, c’est le début d’un long périple, il me reste un jour de travail avant le week-end de Pâques dans le sud et j’informe ma famille de mon projet et qu’il ne faudra pas me compter dans les repas. Ma mère est inquiète car j’ai subi une ablation d’une partie du côlon 2 ans auparavant suite à une occlusion intestinale. Elle a peur que mon intestin se colle de l’intérieur s’il reste vide trop longtemps et que je fasse une rechute… En même temps ma mère fait partie de cette catégorie de personnes qui voient des problèmes partout où il n’y en a pas et qui s’inquiète pour tout, je sens qu’elle ne va pas beaucoup m’aider dans mes moments de doutes… et je vais avoir raison…

La réaction du corps : Le premier jour du jeûne, le corps a faim, il puise dans les réserves de glucose et de glycogène qui sont stockés dans le foie et dans les muscles. Le corps subit une forte hypoglycémie et réclame du carburant. Je suis habitué à sauter des repas (ce qui contrairement aux croyances populaires n’a rien de mauvais puisque le corps humain n’est pas programmé pour “manger 3 fois par jour” - habitude qui date de moins de 100ans) et ça passe sans trop de difficultés. Je suis occupé toute la journée et je vais rattraper mon retard de travail de la veille en sautant de fait ma pause déjeuner.

Jour 2 à 5 : le moment où je comprends mieux ce qu’à vécu Tantale

Je débarque dans le sud en avion, nous sommes samedi et lorsque j’arrive dans la maison de vacances, ma mère est à la cuisine et fait cuire des courgettes qui embaument dans toute la pièce. Ça me donne évidemment envie car je n’ai rien avalé depuis 36h et mon dernier repas consistait en une purge au jus de pruneaux… Ma mère me voyant lorgner par dessus son épaule me dit qu’elle m’en a gardé de côté pour mon dernier jour au cas où j’en aurais marre marre de jeûner… Visiblement elle a pas trop compris dans quoi je m’engageais, mon objectif est de jeûner 12 jours et même si je décidais de rompre avant, il faut de toute manière une remontée progressive qui débuterait par 2 jours uniquement aux jus de fruits (la reprise alimentaire est presque plus importante que le jeûne en lui même)… Quand je le lui explique, elle me rétorque qu’elle a lu dans Femme Actuelle que 1 ou 2 jours de jeûne c’était déjà très bon pour la santé et que ce n’était pas la peine d’en faire plus. Bordel je sens que ca va être compliqué et je me dis que je n’aurais jamais dû choisir cette date, mais d’un autre côté j’ai décidé que je ne me plaindrai pas. Pas question de faire subir à mon entourage mon expérience, s’il faut d’ailleurs aller au restaurant en famille ou être à table sans rien avaler, je le ferai.

La réaction du corps : Durant la phase de 2 à 5 jours, le corps ne dispose plus de stock de glucose, sa réaction est de faire fondre la masse musculaire pour diminuer le métabolisme (adieu mes efforts faits en salle de sport) et cela se traduit aussi par une acidifaction du corps (j’apprends que l’équilibre acido-basique du corps est primordial et que notre mode de vie moderne rend notre corps acide, ce qui constitue un terrain favorable aux cancers notamment), je subis la tant redoutée crise d’acidose dont les symptômes sont les suivants :
- grosse fatigue
- odeurs corporelles très fortes
- mauvaise haleine
- langue pateuse
- migraines et nausées

La crise d’acidose est censée durée en théorie 1 à 2 jours entre les jours 2 et 5, pour ma part j’étais une loque le matin et ça allait mieux l’après midi. Je profitais du repas de ma famille pour aller nager à la piscine et prendre le soleil, je pense que ça m’a beaucoup aidé. Curieusement je n’avais pas trop faim (même si j’avais envie de pain, de pizzas et de fromage), en revanche sentir les odeurs de nourriture et voir les autres à table était très frustrant. J’ai pris conscience du temps que les repas occupent beaucoup de temps dans une journée sans compter leur importance sociale et le plaisir qu’il y a à se nourrir. Je réalise l’absurdité de prendre un sandwich sur le pouce le midi lors des journées chargées en prévision de prendre des forces pour l’après midi (ce n’est pas bon ni pour la ligne, ni pour la santé, ni pour le gout, il vaut mieux simplement ne pas déjeuner). Je comprends que le repas doit être un plaisir, si ce n’est pas le cas, il ne devrait pas y avoir de repas.

L’anecdote : Un matin, allongé sur ma chaise longue, ma mère m’a demandé de me lever pour qu’elle puisse accéder derrière moi, je me suis levé… et suis retombé évanoui. Visiblement ma mère n’a pas réagi en voyant que je perdais connaissance et m’a laissé tomber (au sens propre et figuré)… Je découvre que le jeûne s’accompagne d’une diminution du rythme cardiaque (je suis passé de 60 à 45 battements par minutes) ainsi que d’une hypotension qui se caractérise par des vertiges quand on se lève trop vite.

J’ai aussi appelé mon “coach en jeûne” pendant cette période et celui-ci m’a conseillé de prendre du sulfate de magnésium, un puissant laxatif (encore !). Selon lui, ma faiblesse extrême le matin était due à une trop grande quantité de toxines dans mes intestins (les intestins constituent le principal émonctoire avec le foie et les reins, un émonctoire est un organe qui permet au corps de se débarrasser de ses toxines) qui seraient alors réabsorbées par l’organisme ce qui causerait mes troubles. Je m’exécute et suis surpris de voir que mon jus de pruneau a laissé autant de rescapé ! Action ! Réaction ! Je me sens tout de suite mieux et je vais même aller jouer au tennis. Une activité physique “modérée” est conseillée pendant le jeûne car elle accélère le métabolisme, déstresse et fait transpirer (ce qui aide à éliminer les toxines) et puis de toute manière c’est pas possible pour moi de rester 12 jours sans faire de sport…

Autre effet kiss cool appris à ce moment là : le froid ! Une forte proportion de calories sont normalement brûlées sont dans la journée pour réguler la température corporelle, métabolisme lent + pas de fermentation dans le ventre + pas de calories à brûler = Axel a tout le temps froid !

Jour 6 à 10 : le quotidien du jeûneur

Je rentre à Paris pour reprendre le travail bien content de m’éloigner de toutes les tentations quotidiennes qu’impliquaient mon week-end famille (même si j’ai tout de même bien apprécié mon séjour). Je suis davantage amaigri (-6kg) mais en forme, j’ai un anniversaire prévu en boite de nuit le week-end, le jeûne interdisant l’alcool et coupant toute libido, je ne m’imagine ni dans un fumoir ni dans une salle sombre avec des gens qui dansent et de la musique forte. J’y vais tout de même mais ne reste pas plus de 2 heures. Le jeûne est décidément omniprésent et m’empêche de vivre normalement, il ne s’agit pas seulement de sauter tous ses repas et de faire comme si de rien n’était, je commence à compter le nombre de jours avant la reprise.

Je continue de perdre du poids, environ 1kg par jour, ce n’est pas standard (après la phase d’acidose, on devrait perdre seulement 200 à 300g par jour). En principe après la crise d’acidose le corps arrête de faire fondre les muscles et s’attaque principalement à la graisse qu’il transforme en corps cétoniques. Ce sont ces petites merveilles qui sont recherchées par les jeûneurs ! Ce sont des substituts au glucose créés par la fonte de la graisse, ils ne sont pas assimilés par les muscles qui continuent de “s’auto-manger” (ce qu’on appelle l’autolyse) pour pouvoir fonctionner, mais le cerveau (le plus gros consommateur en glucose de tout l’organisme en temps normal) peut les consommer… et il en raffole ! A tel point qu’il secrète des hormones qui plongent le jeûneur dans un état intense de bien être. On devient également plus alerte et plus vif d’esprit (il est d’ailleurs intéressant de noter que grâce aux corps cétoniques les personnes mortes de faim présentent étonnement un cerveau en parfait état après autopsie). Nos millions d’années d’évolution nous a appris à faire face au jeûne et à en profiter, ce n’est pas absurde de jeûner, ce qui est absurde, c’est de ne jamais jeûner.

La réaction du corps : Au 6è jour, le corps a appris à mieux se débarrasser des toxines qu’il a accumulé tout au long de sa vie, il profite du jeûne et de l’énergie qu’il n’a pas à dépenser pour la digestion pour faire le grand ménage ! Le cerveau envoie aussi des signaux au reste des cellules pour leur indiquer de se mettre en veille tant qu’il n’y a pas de nouvel apport de glucose dans l’organisme (c’est le même phénomène que l’hibernation chez les animaux), les cellules cancéreuses (déjà habituellement 20 fois plus consommatrices de glucose que les cellules saines) n’interpretent pas ce message et meurent de faim après quelques jours (d’où l’intérêt de prolonger le jeûne au delà de 10 jours). Le tube digestif se régénère également, notamment la paroi de l’intestin qui est bien souvent poreuse (et qui laisse donc rentrer dans le sang virus, mauvaises bactéries et toxines) à cause de notre alimentation trop riche en produits transformés et/ou raffinés provoquant des inflammations chroniques de la paroi intestinale. C’est pendant cette phase que le corps se nettoie, exit les boutons d’acné, les verrues, les mycoses, les aphtes et, en théorie, les allergies.

L’anecdote : Une nuit je ressens l’envie d’aller aux toilettes (il faut boire beaucoup d’eau pour aider les reins à évacuer), depuis le début de mon jeûne j’ai les urines très foncées, presque marrons, elles me brûlent mais cela est signe que le corps élimine les toxines. Je me lève du lit rapidement, trop rapidement, je me réveille quelques instants plus tard allongé par terre avec mon étagère renversée sur moi. Ça a fait du bruit, ma colocataire a entendu le bruit et a cru qu’on se faisait cambrioler, mais elle a préféré se cacher entre le mur et son lit plutôt que d’aller voir ce qui s’était passé ;). Je m’en sors avec un énorme bleu au milieu du dos, ça m’apprendra à tenter des expériences…

Au travail, personne n’a remarqué que j’avais perdu plus de 10kg et que je sautais tous les repas. Je profite de la pause déjeuner pour aller au sauna ou me faire masser dans un centre proche de mon bureau, il parait que ça aide à éliminer. Je suis hyper créatif et productif, je travaille tard et constate les bienfaits des corps cétoniques.

Les réactions des gens : ce sont souvent les mêmes, on me demande pourquoi je jeûne, on me dit que je n’ai pas besoin de maigrir, que c’est mauvais de sauter des repas, on me ressort toute la soupe et les idées préconçues qu’on nous met dans la tête depuis qu’on est petit. C’est dur de constater à quel point les gens sont fermés d’esprit et ne cherchent pas à aller au delà des préjugés. Unanimement, les gens me disent qu’ils ne sont pas capable de s’arrêter de manger, qu’éventuellement ils pourraient faire un “jeûne” d’une durée de 1 journée mais pas plus, cette réaction m’énerve, un jeûne d’une journée ne devrait pas s’appeler un jeûne, le corps ne se détoxifie pas, ne créé pas de corps cétoniques, ne réalise pas d’autolyse et le système digestif n’a pas le temps de se régénérer, pareil pour un jeûne partiel… On ne devrait pas leur donner le même nom. Je deviens un apôtre du jeûne, j’explique tous les bienfaits théoriques (car pour le moment ça n’a pas l’air de me faire du bien), ça me rassure mais je sens bien que je ne convainc personne… On me demande souvent si je mange quand même le matin, je réponds systématiquement que je ne prends que de l’eau peu minéralisée et au PH élevé, ça pose les bases, ils sont étonnés de voir qu’après bientôt 10 jours j’ai l’air parfaitement normal et que je continue de travailler et de faire du sport.

Jour 11 : le début de la fin

Dans la nuit du 10è jour j’ai des douleurs au ventre et je deviens très anxieux. Peut-être que je fais de nouveau une occlusion intestinale à cause de mes con***ies et cette fois on ne pourra plus me retirer à nouveau un morceau de colon. J’ai peur et j’ai mal, mais je n’ai toujours pas faim, je prends la décision de couper mon jeûne un jour plus tôt. Je m’en veux d’avoir résisté à tant de tentations sans flancher et de craquer si proche du but mais je me dis que c’est peut-être une question de survie. Ma mère m’a appelé la veille pour me dire qu’elle a lu sur Google (qu’elle prononce “gogole”) que si on perdait trop de poids (je suis à -13kg) il y avait danger de mort et qu’il fallait arrêter de jeûner. Je n’accorde aucune valeur à ses recherches Internet au vu de la complexité de faire le tri parmi toutes les infos contradictoires que l’on peut trouver mais ça me fait un choc tout de même. Je n’ai pas envie de mourir pour mon délire cartésien de ne croire aux bienfaits du jeûne que si je les vois. Je me rendors, demain sera mon dernier jour de jeûne, ce qui signifie qu’il va falloir prendre à nouveau une purge (il faut évacuer les dernières toxines dans l’intestin avant de remettre des aliments liquides dedans pour pas les réabsorber).

Le matin je suis extrêmement faible, comme lors de ma crise d’acidose, je traîne et je vais être en retard pour la réunion hebdomadaire de lancement de travail que je suis censé co-animer. Je verse mon sachet de sulfate de magnésium dans un grand verre d’eau, j’en bois 2 gorgées (c’est toujours aussi infecte), je m’habille puis je prends le reste de mon nectar d’une traite en me bouchant le nez. Je me sens nauséeux, c’est étrange car je n’ai pourtant rien à vomir, ça m’inquiète, mon occlusion intestinale avait commencée par un mal de ventre qui s’était transformé en vomissements. Je lace mes chaussures puis rien ne va plus, j’attrape la corbeille à papier et vomi dedans, le liquide est jaunâtre. C’est confirmé j’arrête mon jeûne, le plus tôt sera le mieux, à quelques heures près ça fera 11 jours complets.

Il faut que j’aille aux toilettes, les premières gorgées de sulfate de magnésium ont du faire leur effet. Cela me remet aplomb, mais je suis un zombie pendant la réunion de travail, j’ai pris une bouteille de jus de pomme artisanal avec moi avant de partir, ça me semble idéal pour la reprise. 12h, l’équipe va déjeuner, comme j’ai vomi le matin, ils comprennent que je ne les accompagne pas (ils ne sont pas au courant que je n’ai rien avalé depuis 11 jours). Ça y est c’est le moment tant attendu, je suis seul, je vais enfin rompre mon jeûne !

Jour 12 à 20: La remontée alimentaire

La remontée alimentaire, c’est l’inverse de la descente, elle doit durer au moins une semaine et consiste à réhabituer le corps à s’alimenter progressivement en réintroduisant toutes les gammes d’aliments les unes après les autres. Le corps s’est en principe détoxifié, il est au bord de la carence et le microbiote (les fameuses 100 000 milliards de bonnes bactéries qui vivent dans l’intestin) est réduit à peau de chagrin, il faut donc être très sélectif quant aux types d’aliments que l’on va apporter au début et à partir desquels le corps va se reconstituer.

J’approche le verre de jus de pomme de mes lèvres et commence à boire, c’est fini, j’ai repris ! C’est le meilleur jus de pomme de ma vie, je me sens tout de suite mieux, j’ai un regain d’énergie et je n’aurais jamais plus de vertige en me levant d’une chaise. Je m’astreins à un demi-verre de jus de pomme toutes les 2 heures et je retourne au magasin bio pour m’équiper pour les prochains jours, voici ma liste de courses :
- jus de légumes lacto-fermenté (pour favoriser la reprise du microbiote)
- tofu
- spiruline
- jus d’herbe d’orge
- aubergines
- bananes

78€ (sic !), d’un autre côté j’ai économisé bien davantage en en mangeant rien depuis 11 jours. Je m’autorise un verre de jus de légumes avant d’aller me coucher, c’est dégueulasse mais je revis.
Le lendemain j’alterne entre jus de légume et jus de pomme avec de la spiruline, un verre entier toutes les 2 heures, les gens qui passent devant mon bureau doivent se demander pourquoi j’ai autant de boissons bizarres sur mon poste de travail, je prépare dans ma tête mes recettes de repas pour le lendemain qui devront être constituées uniquement de fruits et de légumes crus.

Durant le reste de la semaine je n’aurais jamais mangé autant de fruits et légumes de ma vie, j’ai retrouvé l’appétit immédiatement, je prends des kilos de légumes et des smoothies à chaque repas, c’est long à préparer mais je me régale. Je n’aimais pas les légumes auparavant et je découvre des saveurs, il parait que le jeûne est souvent un déclic dans le changement de mode d’alimentation, on n’est plus du tout attiré par la malbouffe et on apprend à écouter notre corps en sautant des repas après chaque excès : chez moi c’est complètement vrai. Je n’ai plus du tout envie de pains et de pizzas comme aux premier jours du jeûne, le soir j’ai hâte de rentrer chez moi pour aller me faire cuire une aubergine mélangée avec des oignons et des betteraves, ça ne me ressemble absolument pas… Ma théorie sur le changement d’alimentation radical est liée au microbiote : celui-ci se nourrit de ce que l’on mange et un type d’alimentation par rapport à un autre favorise tel ou tel type de bactéries (on en distingue 5 principaux types : Firmicutes, Bacteroidetes, Actinobacteria, Proteobacteria, Verrucomicrobia). Or il a été prouvé que les bactéries de l’intestin communiquaient avec le cerveau via des secrétions chimiques interprétées par les neurones de l’intestin (l’intestin possède environ 200 millions de neurones). J’imagine qu’une reprise alimentaire exclusivement composée de fruits et légumes a favorisé le développement de ce type de bactéries et qu’elles représentent désormais la voie majoritaire qui parle à mon cerveau en lui réclamant ce qu’elles aiment manger.

Jour 17 : je fête mon anniversaire

Je suis à mon 6è jour de reprise, j’ai joué au foot le matin et j’ai bien tenu, pourtant que je n’ai avalé aucun glucide depuis presque 1 mois, mais ce soir je vais faire mon premier écart, je vais prendre du pain, du jambon et du fromage…

J’attends 30 personnes pour l’heure du dîner, ce sera un buffet et j’ai aussi envie d’en profiter, je décide donc de préparer des plats qui respectent mon régime et d’autres qui vont sustenter mes amis les plus affamés. Au programme :
- cube de fromage / tomates sechées
- croque-monsieur
- batonnets de carottes et de concombre + tsatsiki
- bananes nutella
- toast tapenade / toast chevre miel / toast jambon fromage
- roulé de jambon au fromage frais et à la ciboulette
- smoothie (fraises, orange, pamplemousse, banane)
- punch

Au fur et à mesure de la soirée, la faim se fait sentir et les bâtonnets de concombre ne me suffisent plus, je craque pour un toast tapenade (mon premier écart), puis un deuxième, et du jambon et enfin un cube de fromage. Je suis puni, à peine le fromage avalé, j’ai un aphte sur le bout de la langue, mon corps est devenu hyper sensible !

Mes hôtes s’étonnent que je ne prenne pas d’alcool pour mon anniversaire, petit à petit je raconte à tout le monde que je sors d’un jeûne (ça se voit pourtant, je fais encore 10kg de moins que d’habitude !), je répète toujours les mêmes choses et raconte toujours les mêmes anecdotes mais ça m’amuse. Mes amis sont ouverts d’esprits, je n’ai pas trop eu droit à des réactions de rejet, il faut dire qu’il y a la copine de mon “coach jeûne” qui est présente et qui m’aide à“évangéliser” l’assemblée.
A la fin de la soirée je meurs de faim, je me prépare une salade pour avoir à manger durant la session kite-surf que je me suis prévu le lendemain, mais je la dévore le soir même si bien que je dois en préparer une deuxième… Je me couche à 3h30 pour un départ à 7h, mais pas de soucis, j’ai moins besoin de dormir depuis que j’ai commencé à jeûner ! 4 ou 5heures me suffisent largement (au lieu des 9habituelles) et je me réveille avant mon alarme.

Jour 18 à 25 : Fin de l’aventure

Je ne suis pas pressé de reprendre du boeuf ou de l’alcool, aujourd’hui encore je n’y ai pas retouché, mais je m’accorde de temps à autre des repas junk-food... J’ai aussi un appétit décuplé, j’ai du prendre pas loin de 40 californias makis avec 3 bols de riz un soir au travail. Pour la reprise du poids, c’est assez lent, je me pèse tous les matins, je suis passé de 12% de graisse à 5% au moment de ma reprise alimentaire ce qui est censé représenter 6kg de pure perte graisseuse (je pesais 85kg). Voici mon évolution de poids après la reprise :
- jour 0 : 71.6
- jour 1 : 73
- jour 2 : 73.5
- jour 3 : 74.9
- jour 4 : 75.1
- jour 5 : 75.4
- jour 6 : 75.7
- jour 7 : 75.9
- jour 8 : 76.8
- jour 9 : 77.4
- jour 10 : 77.4
- jour 11 : 78.0

Après plusieurs semaines je suis resté stable à environ 82kg (ce qui représente 3kg de perte de poids définitive). Mon objectif n’était pas de perdre du poids (au contraire je fais de la salle de sport) et j’ai donc pas lésiné sur les portions pendant la reprise alimentaire. Je pense que j’aurais pu perdre beaucoup plus si ca avait été un objectif en me retenant un peu retenu sur les quantités.

Mon bilan personnel de l’expérience :

Au niveau des bienfaits que cela apporte, j’ai évacué énormément de toxines (même s’il m’en restait encore au moment de la reprise alimentaire compte tenu de la couleur de mes urines), j’ai très fortement diminué mon besoin de sommeil (je suis passé de 9 heures nécessaires à 4/5 heures), quant aux allergies je n’en ai pas encore eu cette année, mais je ne suis pas certain que les pics de pollens soient encore passés.

D’autres effets notables :
- j’ai perdu 3 pseudos-excroissance / boutons que j’avais sur le ventre,
- je ne supporte plus le sucre (je me suis brulé la gorge en léchant une cuillère de miel le 7è jour de la reprise)
- j’ai le sentiment d’être plus vif d’esprit et créatif (est-ce dû au jeûne ou à ma nouvelle façon de m’alimenter ?)
- j’ai un appétit décuplé depuis la reprise
- mon transit s’est largement amélioré (est-ce que ce sera toujours le cas quand j’aurais repris mon poids de forme ?)

Au final je suis satisfait de cette expérience qui a été une porte d’entrée sur un prise de conscience alimentaire et qui marque un changement profond dans mon mode de vie. Quelques bienfaits notables qui auront peut-être un effet salutaire sur le long terme mais je ne suis pas encore convaincu que le jeûne constitue un remède anti-cancer ou une cure de jouvence comme on l’entend parfois dire.

Quelques questions :

Est-ce que tu referras un jeûne ?

Probablement pas, c’est trop de contraintes et de frustrations. En revanche je n’aurais plus peur de sauter des repas.

Si tu devais refaire ton jeûne, que ferais-tu de différent ?

Je prendrai plus de purges régulièrement, je pense que j’aurais tenu quelques jours de + et que j’aurais moins souffert de faiblesses si j’avais évacué plus tôt les toxines qui s’accumulaient dans mon intestin.
2è point, je ne le ferai pas dans un cadre où je verrai les autres manger, une période de rush au travail, en fait c’est pas mal pour se mettre au jeûne.

Est-ce que tu recommanderais le jeûne autour de toi ?

Si vous avez suffisamment de volonté pour ne faire aucun écart et si vous avez des problèmes de santé que vous souhaitez régler, je recommande le jeûne. Dans le cas contraire je recommande de changer son alimentation quelques jours en ne prenant que des fruits et des légumes pour constater la différence et prendre conscience de l’absurdité de nos habitudes alimentaires.

  • Faire un jeûne pour maigrir : non
  • Faire un jeûne dans l’optique de marquer une transition pour changer durablement son alimentation : oui
  • Faire un jeûne pour prendre du recul sur le mode alimentaire absurde des sociétés occidentales modernes : oui
  • Faire un jeûne pour sa santé : oui et non, il y a probablement d’autres méthodes avec un meilleur ratio efficacité/frustration : mono-diète, jeune intermittent, jeûne partiel au jus de légumes

Quel a été le plus dur durant ton jeûne ?

L’état de faiblesse que je subissais mais qui disparaissait avec les purges, la frustration de voir des aliments appétissants et de ne pas pouvoir y goûter (valable pendant la descente, le jeûne et la reprise). La faim n’a pas été un problème du tout à gérer, tous les jeûneurs sont unanimes sur ce dernier point.

La réaction des gens quand tu racontes ton expérience ?

Ils trouvent ça intéressant mais très peu se disent prêts à tenter l’expérience. Parfois certains parlent d’effet placebo sur les bienfaits et pensent que le jeûne est mauvais pour la santé. Je pense qu’il y a une confusion à ce niveau là, le jeûne est mauvais dans le cadre d’un régime amincissant car on crée un manque et que le corps se jette sur la nourriture dès qu’on lui en redonne mais en revanche il ne semble pas être mauvais pour le corps.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout, si vous a plu, vous pouvez partager ou commenter :)

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Axel Bellancourt

Entrepreneur tech, aventurier et sportif compulsif ! Expatrié à l’ile Maurice depuis 2019 et actuel fondateur de Jean-Michel.io