Pourquoi je ne réclame plus le soutien de ma famille et de mes amis

C. Befoune
5 min readOct 5, 2016

--

Source: wallpaperfolder.com

Lorsqu’on se lance dans une activité, quelle qu’elle soit, on s’attend toujours à ce que la famille et les amis soient aussi enthousiastes que nous. On exige qu’ils nous écoutent parler toute la journée des (nouveaux) sujets qui nous passionnent, qu’ils interagissent, et même qu’ils se lancent dans cette activité eux aussi.

J’ai harcelé mon entourage lorsque j’ai créé Elle Citoyenne. Littéralement.

J’exigeais de ma soeur qu’elle m’écoute, qu’elle me lise, qu’elle s’intéresse à la question citoyenne, et même qu’elle ouvre un blog. Et elle n’a pas été la seule à subir mon trop plein d’énergie. Tous mes amis y sont passés.

Je les taguais systématiquement sur tous mes partages sur Facebook et sur Twitter, je leur envoyais des articles sur la participation citoyenne dans leurs boites e-mail, je les fatiguais à longueur de journée. Ils n’échappaient pas aux captures d’écran dès que j’effectuais le moindre changement visuel sur la plateforme, et je peux vous assurer qu’elle en a connu !

Mon entourage a commencé à soigneusement m’éviter. Ils répondaient à mes messages par onomatopées, sachant que j’étais attentivement à la recherche d’une brèche pour imposer mon sujet.

Alors j’ai totalement cessé de leur parler de mes activités. J’estimais qu’ils ne me soutenaient pas, et donc qu’ils ne s’intéressaient pas à moi. Je me disais “c’est bien mieux ainsi, de toute façon ils s’en foutent”.

Je me suis rabattue sur des blogueurs et activistes avec qui je partageais la même passion. On discutais à longueur de journée des événements en Afrique, on écumait les blogs les uns des autres. Je me suis habituée à “ne pas être soutenue de mes proches” jusqu’à ce que Myleik Teele parle de soutien sur SnapChat (suivez-là, on en apprend beaucoup avec elle).

Elle disait en bref que lorsqu’on se lance dans une activité, on ne doit pas exiger le soutien de nos proches. Ils ne sont pas obligés de nous soutenir. On ne doit rien attendre d’eux, car nous ne sommes pas sûrs que nous sommes prêts à les soutenir de la manière dont nous attendons qu’ils nous soutiennent.

Nous ne sommes pas sûrs que nous sommes prêts à les soutenir de la manière dont nous attendons qu’ils nous soutiennent.

Cette phrase a retenti comme une gifle. Après introspection, je me suis rendue compte que j’avais défini le type de soutien qui me convenait, celui que j’attendais, et je n’en acceptais pas d’autre. Il fallait me lire. Il fallait m’écouter. Il fallait adopter mes passions. Rien de plus, rien de moins.

J’ai donc décidé d’être plus attentive aux réactions de mes proches en ce qui concerne mon activité de blogueuse. J’ai enlevé les œillères qui ne me permettaient pas de voir au-delà du cadre de soutien défini, et ce que j’ai vu m’a émue aux larmes.

Mon entourage ne me lisait peut-être que très peu, mais son soutien était infaillible. Un ami avait par exemple une photo de moi lors d’une interview comme photo de profil sur Whatsapp. Une autre parlait de ma nouvelle passion à tout le monde sans toute fois s’y intéresser elle-même : “Elle a ouvert un site qu’elle gère toute seule, vous devez le visiter !!”.

Plusieurs membres de ma famille ainsi que mes amis s’enquéraient tout le temps de ma santé. Ils me demandaient comment j’alliais le travail au blog, ils voulaient savoir si je prenais le temps de me reposer, il ne fallait pas que je sois surmenée.

Un ami infographiste m’a avoué visiter le site tous les jours, pour s’assurer que je ne commettais “aucune faute de goût”! J’ai reçu un mail d’une ONG internationale qui m’invitait à rejoindre un réseau très côté de blogueurs africains qui écrivent sur tout ce qui a trait à la politique/gouvernance. Je me suis demandée où et comment ils avaient appris mon existence jusqu’à ce que je découvre que j’ai été recommandée par un ami écrivain qui ne semblait pas du tout intéressé par mon travail d’activiste.

Tchassa Kamga ne s’intéresse pas du tout aux questions de gouvernance, mais il a tout récemment assisté à un atelier au Cameroun qui portait sur l’e-observation en période électorale. L’objectif était de live-twitter pour que je puisse suivre du Sénégal. Patrick, un ami commun, m’envoie fréquemment des articles sur Twitter pour que je me tienne informée des événements en Afrique.

J’ai publié en juillet dernier un long billet qui porte sur les églises de réveil au Cameroun. Je savais que le sujet était sensible et que j’allais me faire taper dessus, mais je me devais de mettre en lumière les travers de leurs pratiques. Les réactions lorsque j’ai partagé le billet sur Facebook ne se sont pas faites attendre.

Je me suis faite copieusement insulter par un membre de ces églises qui me traitait entre autres insultes, de sataniste. Moins de 30 secondes après, près de 10 personnes lui avaient répondu, dont ma soeur et d’autres membres de ma famille. Il était impossible qu’ils aient lu ce long texte avant de lui répondre. Moins d’une minute s’était écoulée avant leur réaction.

Ils ne défendaient pas mon texte ou mes idées, ils me défendaient moi.

Et je dois avouer qu’ils ne l’ont pas raté. Une demie heure après, le jeune homme qui m’avait attaquée m’a dit en message privé “Tu peux te présenter à des élections, car tu les remporteras. Tu bénéficies d’un soutien sans faille”.

Mon entourage me soutient. Je n’ai pas besoin de lui demander de le faire. Il n’a pas besoin de s’intéresser à ce que je fais, il soutient la personne que je suis, et c’est le plus important. Je ne l’avais pas compris.

Je peux perdre la vue. Il me serait donc impossible de bloguer. Dans ce cas, que serais-je devenue si leur soutien se limitait à me lire et partager mes écrits ?

On ne peut tous avoir les mêmes passions. Ma soeur est passionnée de cuisine et de décoration, deux choses qui ne me disent absolument rien. Mon manque d’intérêt pour ces deux activités ne m’empêche pas de l’accompagner dans des magasins de décoration. Ce n’est pas ce qui y est vendu qui m’intéresse (limite je m’en fous), c’est le moment passé avec elle qui importe. Elle me fait rire à tous les coups. C’est bien plus important que la joliesse d’un canapé.

Hello, mon nom est Befoune, et je parle de tout ce qui a trait à la participation citoyenne dans mon pays le Cameroun (et ailleurs) sur la plateforme Elle Citoyenne. Mon ami Tchassa Kamga et moi avons créé la publication Self-Ish pour partager notre expérience dans les domaines du développement personnel, de la création de contenu et des relations entre les humains qui peuplent cette terre.

--

--

C. Befoune

Bleeding on paper, unleashing the human. I stopped writing here. Find me on mesdigressions.com