Le design comme valeur ajoutée à l’économie

Benjamin Carrier
4 min readApr 24, 2018

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Près de 73 milliards de livres sterling en valeur ajoutée brute, +250% de rendement sur quatre ans et des performances d’entreprises qui dépassent de deux fois celles du S&P500[1]. Le design fait aujourd’hui partie des gros joueurs de l’économie nationale. Cette année électorale est l’occasion de ramener sur le devant de la scène l’idée d’une politique nationale de design pour la France.

Des politiques nationales de design existent déjà dans plusieurs pays d’Europe. Le Danemark est le premier pays à avoir pris la décision d’inclure une politique design dans son gouvernement. Slawomir Tokarski, directeur “Innovation and Advanced manufacturing” (DG GROW) à la Commission Européenne s’est exprimé à la Biennale de Saint-Étienne en 2017 sur l’importance du design dans l’innovation. Le design doit, selon lui, être reconnu par la Commission Européenne. Le design est un facteur d’innovation déjà adopté dans plusieurs autres pays de l’UE comme le Danemark et l’Islande. Au Danemark, où la politique existe depuis depuis 1997, c’est 7 milliards de couronnes danoises qui sont investies chaque année et le retour sur investissement se fait à hauteur de 250% sur quatre ans[2]. L’Islande, dont la politique date de 3 ans seulement n’a pas encore pu chiffrer les résultats de celle-ci, mais ce sont déjà des investissements majeurs dans l’éducation et dans des espaces de travail pour les designers qui sont effectués chaque année[3].

Le design a démontré qu’il peut apporter beaucoup aux entreprises, surtout d’un point de vue économique. Le Design Management Institute (DMI) a émis en 2013 le Design Value Index, un indice boursier qui analyse les performances des entreprises qui utilisent le design au sein de leur entreprise. En comparant leur indice boursier à celui du S&P500, ils sont supérieurs (211%) sur 10 ans (2015)[4]. Au même moment, le Design Council au Royaume-Uni calculait que le design a contribué à l’économie britannique à hauteur de 72.7 milliards de livres sterling en valeur ajoutée brute, soit 7.2% de la valeur ajoutée brute du pays[5]. Ces données démontrent bien l’apport du design à l’économie et le rôle économique souvent négligé des designers.

En France, la Cité du design a conduit une étude en 2010 qui portait sur l’économie du design dans le pays[6]. Le portrait brossé par cette étude est mitigé quant à l’importance accordée au design en France. D’un point de vue positif, l’étude démontre que le design fait croître le chiffre d’affaires des entreprises qui mettent l’accent sur celui-ci. Cependant, il y a aussi plusieurs côtés négatifs. D’abord, le coût des prestations varie beaucoup et il est difficile à évaluer pour les entreprises. Ensuite, le manque de culture est pour 27% des entreprises un frein à l’utilisation du design. Selon cette même étude, les deux moyens les plus importants pour stimuler l’utilisation du design dans les entreprises seraient l’aide à l’investissement ainsi que la formation pour les entreprises à l’utilisation du design. L’étude note aussi que, selon les designers, il faudrait une preuve chiffrée de leur importance pour les entreprises et des témoignages de l’utilisation du design. Il faudrait démontrer comment le design a pu aider l’entreprise.

En France, il n’existe pas de politique nationale de design et certains problèmes cités plus hauts pourraient être réglés par une politique bien organisée. Depuis la dernière crise économique, les politiques ont voulu faire la promotion du «Fabriqué en France» alors que le «Conçu en France» aurait plus de sens. En effet, Emmanuel Combe, professeur à l’Université Paris 1, explique que le design des iPod d’Apple rapportait plus d’argent par appareil vendu 299$ aux États-Unis (163$ par iPod) qu’à la Chine qui les fabrique[7]. Faire la promotion du design en France aurait certainement un impact positif sur l’économie. Une politique design permettrait aussi de régler le problème des coûts de prestation hétérogène des designers. D’abord, en ancrant le design dans les moeurs afin que le rôle du designer et son apport à l’entreprise soient mieux compris. Ensuite, dans l’éducation des designers, en misant sur l’explication de la valeur de leur travail afin d’avoir une meilleure idée de ce que vaut celui-ci et de ce que serait leur salaire. Sachant que beaucoup travaille en free-lance pendant leurs études, il me semble indispensable d’expliquer ces notions très tôt dans le parcours scolaire, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement.

Le design a encore beaucoup de chemin à faire avant d’être considéré au même titre que d’autres champs d’expertise comme l’ingénierie ou les sciences, mais en regardant les progrès faits dans plusieurs pays qui ont choisi d’adopter une politique de design, il me semble logique qu’une telle politique soit bénéfique pour la France. L’objectif d’une telle politique ne serait évidemment pas de réguler le métier de designer en lui imposant des règles, ou des fourchettes salariales. Il s’agirait, d’une part, de mieux préparer les designers au marché du travail en les formants sur la valeur de ce qu’ils produisent, ce qui est particulièrement flou pour les débutants. D’autre part, il s’agirait d’informer davantage les entreprises sur le rôle et l’importance du design.

Article écrit en 2017

Sources:

[1] Standard and Poor 500, Indice boursier de 500 grandes entreprises américaines tel qu’Apple, Amazon, 3M, Microsoft, Google

[2] Minjung KANG, «Industrial Design Policies: A Review Of Selected Countries», Directorate

for science, technology and innovation committee on industry innovation and entrepreneurship, DSTI/IND(2014)9/FINAL, 18 avril 2014, page 8–9.

[3] Design Policy, Iceland Design Center. http://www.icelanddesign.is/OURPROJECTS/DesignPolicy/, consulté le 5 janvier 2017

[4] The Value of Design, The Design Management Institute. http://www.dmi.org/?DesignValue consulté le 5 janvier 2017.

[5] The Design Economy: The value of design to the UK economy Executive summary, Design Council, 2015.

[6] SYNTHESE DE ETUDE RELATIVE A L’ECONOMIE DU DESIGN, Cité du design, 2010.

[7] Christian Guellerin, Free opinion about design education, L’École de design Nantes Atlantique. CHRISTIAN GUELLERIN, «Il faut passer du « Made in » au « Designed by »», 16 janvier 2012. http://christianguellerin.lecolededesign.com/fr/2012/01/16/it-is-time-to-pass-from-the-“made-in”-to-the-“designed-by”/ consulté le 5 janvier 2017.

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Benjamin Carrier

Designer d'interactivité - Interaction designer @_Conserto, MDes Management du Design et de l'Innovation @lecolededesign