N26 : le WeWork des néobanques ?

Les clients et investisseurs de N26 ne devraient-ils pas craindre le faible intérêt de la néobanque pour sa rentabilité ?

Benoit de Angelis
3 min readSep 5, 2019

Le récent commentaire (ou aveu selon certains) du CFO & co-fondateur de N26 a de quoi interroger. Interviewé par le Financial Times à l’occasion de la serie D de la néobanque, il a confié que la rentabilité n’était pas un KPI de N26.

Faut-il s’en étonner ou s’en alarmer ?

S’en étonner, certainement plus. Le marché privé comme public semblent capables de supporter durant des années des entreprises en pertes. Le phénomène des “private IPO” décrit par Mark Suster ou l’IPO à venir de WeWork suffisent à s’en convaincre.

Mais ne doit-on pas s’inquiéter que, du moins en apparence, la norme semble être à ne plus faire financer la croissance par le client ? Maximilian Tayenthal vante en effet dans son interview les “poches profondes” de ses investisseurs. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Adam Neumann en a fait l’expérience quand SoftBank a ramené son investissement initial de 16 à 2 milliards de dollars.

S’il est normal de faire financer la croissance d’une startup par des investisseurs, est-ce normal de leur faire financer celle d’une licorne ?

À titre personnel, je pense que non et que cela peut se retourner contre l’entreprise, ses investisseurs et surtout ses clients.

Les entreprises arrivent à présent sur le marché public avec des valorisations de plus en plus hautes, donc l’essentiel de la création de valeur est captée par les investisseurs privés. À un certain point, le marché public risque de refuser ces valorisations, empêchant l’entreprise d’accéder à de nouveaux financements et les investisseurs de réaliser leur plus-value. Une perspective perdant-perdant. L’entreprise court le risque de faire faillite et les investisseurs de perdre leur mise.

Mais cela est aussi et surtout dommageable pour ses clients. En étendant sa serie D à 470 millions de dollars, N26 porte à plus d’un milliards de dollars le montant des fonds levés depuis sa création. Présente dans 24 pays, elle sert plus de 3,5 millions de clients. Elle va se lancer aux États-Unis et vise les 50 millions de clients dans les années à venir.

Or il ne s’agit pas d’une startup tech normale, mais bien d’une banque ! N26 gère les dépôts de ses clients, qui lui ont confié une partie de leur argent. Sa faillite leur serait donc bien plus dommageable que celle d’Uber, de Pinterest ou de Twitter.

Je ne prétends aucunement avoir des conseils à donner à N26. Je m’interroge toutefois sur ce mantra qui court dans les milieux entrepreneuriaux et financiers qui place les parts de marché au-dessus de la rentabilité. Cela fait 12 ans que Twitter essaie de l’appliquer, avec le succès qu’on lui connaît…

Je finis donc cet article sur une petite pensée qui m’est venue en l’écrivant. La raison d’être d’une entreprise est-elle de créer de la valeur pour ses actionnaires ou pour ses clients ? Cherchez qui la finance…

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