Un choc mais pas un séisme.

Pourquoi la disparition de Marie Quantier ne remet pas en cause le potentiel des robo-advisors en France.

Benoit de Angelis
4 min readAug 13, 2019
Photo by Max Kukurudziak on Unsplash

Le 25 juillet 2019, Marie Quantier a annoncé sa mise en liquidation judiciaire. Ce jour marquait donc le clap de fin pour l’un des pionniers du robo-advising en France.

Il est tentant d’y voir un signal. La disparition de Marie Quantier présagerait donc plus particulièrement de l’effondrement du marché des robo-advisors. Après tout, ce marché est encore confidentiel en France, avec moins de 200 millions d’euros d’encours sous gestion, quand les deux géants américains Betterment et Wealthfront totalisent 27 milliards de dollars d’encours sous gestion.

Pour autant, nous pensons que la disparition de Marie Quantier ne remet pas en cause le potentiel des robo-advisors en France. Nous allons vous expliquer pourquoi.

Marie Quantier était un OVNI dans le marché des robo-advisors

C’est pour moi l’élément essentiel qui explique pourquoi la disparition de Marie Quantier ne présage en rien de l’évolution du marché des robo-advisors. Sa proposition de valeur était en effet très différente du reste du marché.

Je ne sais pas combien de temps cette vidéo demeurera disponible, mais elle montre très bien en quoi Marie Quantier n’était pas un robo-advisor traditionnel.

Marie Quantier proposait du conseil automatisé à l’investissement sur PEA et assurance-vie et non une assurance-vie ou un PEA en mandat sous gestion. Le client de Marie Quantier était notifié de suggestions d’investissement et d’arbitrage sur ces portefeuilles. Il décidait ensuite d’y donner ou non suite, avec la possibilité de personnaliser l’ordre passé (le client pouvait par exemple accepter la recommandation d’investissement mais augmenter le montant investi).

Dans le cas où la vidéo disparaît, on voit bien ici le fonctionnement qui diffère de ce que propose ses concurrents.

De leur côté, les autres robo-advisors proposent des produits d’épargne accessibles intégralement en ligne en mandat sous gestion. Cela signifie que l’algorithme (et l’équipe de gestion surtout lors d’imprévus) pilotent le portefeuille, sans que l’investisseur puisse choisir les fonds ou supports sur lesquels son épargne est investie.

Marie Quantier s’adressait donc à des investisseurs actifs voulant gérer eux-mêmes leur épargne mais n’ayant pas toujours le temps de se renseigner sur l’évolution des marchés financiers.

Cependant, il s’agit véritablement d’une niche. Après avoir levé 2,5 millions d’euros et tenté un pivot, Marie Quantier ne comptait qu’un millier de clients fin 2018. On est ici bien loin des 10 000 clients de Yomoni par exemple (fin 2018) ou des 8 000 clients d’Advize (janvier 2018).

Le marché des robo-advisors demeure prometteur mais doit faire face à ses défis

La digitalisation des usages dans la gestion de patrimoine progresse sans cesse, ouvrant un champ important de possibilités aux robo-advisors en termes de conquête de clients. La part de marché des fintechs dans l’assurance-vie a ainsi progressé de 1,2% en 2009 à 3,7% en 2019 selon une étude réalisée par Kantar. En outre, 53% des Français sont à présent ouverts à être conseillé par un conseiller financier virtuel selon Deloitte.

Cependant, tirer pleinement parti de ces opportunités demande encore du travail. Le coût d’acquisition client en B2C demeure prohibitif et nécessite donc d’importantes levées de fonds. Le coût d’acquisition client serait par exemple de 312 $ au Royaume-Uni selon SeekingAlpha, ou de 1 000 $ aux États-Unis selon Morningstar. Les investissements des clients semblent très volatils et liés à l’état général du marché, malgré les efforts des gérants pour rassurer leurs investisseurs. La chute des marchés en décembre 2018 aura ainsi eu un impact important à la baisse sur le nombre de nouveaux clients acquis par les robo-advisors. Enfin, les robo-advisors souffrent encore d’un déficit de notoriété. Selon le baromètre BNP-Kantar 2017 sur les CGP, seuls 25% des non-clients de CGP avaient entendu parler des robo-advisors (et il s’agit de notoriété assistée…).

Face à cela, il semble que les robo-advisors aient 4 choix :

  • Abandonner le marché, comme l’ont déjà fait Investissima et maintenant Marie Quantier.
  • Se vendre à un acteur plus important, comme WeSave qui a été acquis par Amundi en début d’année,
  • Abandonner le B2C pour se repositionner sur le B2B, comme Fundshop ou Advize,
  • Diversifier son offre pour rééquiper le client déjà convaincu et ainsi augmenter sa rentabilité et sa customer lifetime value, comme Yomoni (et WeSave) qui a lancé un PEA et une offre d’épargne salariale.

Le marché des robo-advisors demeure donc prometteur et nous aurons l’occasion d’y revenir dans d’autres articles. La disparition de Marie Quantier, quoique regrettable, ne signifie donc pas la fin des robo-advisors français.

Concluons en souhaitant à l’équipe de Marie Quantier de vite rebondir avec de nouvelles opportunités professionnelles !

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