Le Monde de Sophie : Un roman sur l’histoire de la philosophie
Et si nous n’étions tous que des personnages d’un livre écrit par le major Albert Knag comme cadeau philosophique pour le 15e anniversaire de sa fille Hilde ? C’est la question que doit se poser Sophie Amundsen alors qu’elle aborde l’histoire de la philosophie dans ce qui commence comme un cours par correspondance personnalisé auquel elle ne s’est jamais inscrite. Un jour, en rentrant de l’école, Sophie trouve des questions dans sa boîte aux lettres, suivies de pages dactylographiées sur la philosophie. Elle reçoit également d’étranges cartes d’anniversaire apparemment destinées à une Hilde Mller Knag de Lillesand, qu’elle n’a jamais rencontrée. Dans ces circonstances inhabituelles, Sophie se lance dans l’étude de la philosophie avec Alberto Knox — un homme mystérieux d’âge moyen portant un béret — pour découvrir qu’elle n’est rien de plus que l’héroïne fictive d’un roman (appelé Le Monde de Sophie) sur l’ histoire de philosophie. Hilde, en revanche, que l’on rencontre au milieu du livre, semble être une vraie fille dont le père a écrit un roman intitulé Le Monde de Sophie . À son tour, elle apprend la philosophie en lisant sur l’étude de la philosophie de Sophie, ne soupçonnant jamais qu’elle n’est qu’un personnage dans un livre — Le Monde De Sophie — écrit par un professeur de philosophie nommé Jostein Gaarder pour enseigner aux adolescents la beauté du discours philosophique. Dans ce long roman autoréférentiel (pour utiliser le mot au sens large), Gaarder présente la philosophie d’une manière claire et convaincante, en utilisant les expériences de Sophie et Hilde pour illustrer ses propos. Le lecteur qui attend autre chose qu’un manuel créatif sera cependant déçu. Peut-être que Gaarder peut tromper les jeunes Norvégiens pour qu’ils apprennent la philosophie, mais les enfants américains avertis ne seront pas si facilement trompés.
Thèmes
Le Monde de Sophie est à la fois un roman et une histoire de la philosophie, et il n’est donc pas étonnant que la philosophie en soit le thème fédérateur. La philosophie n’est pas présentée comme un exercice ésotérique à pratiquer par des personnes ayant trop de temps libre, mais plutôt comme quelque chose d’intégral à la vie elle-même. Sophie et Alberto ont besoin de philosophie pour comprendre leur monde. Mais ils ne sont pas si différents du reste d’entre nous. Ils peuvent être sûrs que leur monde est la création d’Albert Knag, mais ce n’est pas parce que nous n’avons pas la réponse à la question de savoir d’où vient notre monde (ou univers) que nous sommes libérés de poser des questions à ce sujet. En fait, comme Gaarder le souligne tout au long du livre, être philosophe, c’est ne jamais cesser de se poser des questions. Alberto essaie de faire comprendre à Sophie à quel point sa propre existence est incroyable. Peu importe qu’il n’y ait pas de réponse unique aux questions que nous posons — le simple fait de les poser est ce qui fait de nous des êtres humains. Pourquoi nous sommes ici, ce qui fait une bonne vie et toutes les autres questions philosophiques posées dans le livre sont, selon Gaarder, les choses les plus importantes que nous puissions poser. Une fois notre bien-être physique pris en charge, nous devons nous préoccuper de notre vie mentale. La vie nous est imposée, et la seule façon dont elle peut signifier quelque chose pour nous personnellement est de nous poser constamment ces questions. La philosophie est isolée, en dehors des autres disciplines, car en réalité Gaarder l’assimile à la vie. Si nous vivons sans philosopher, alors nous nous sommes privés du plus grand plaisir et de la plus grande compréhension que nous puissions jamais atteindre. La philosophie est une poursuite continue et permanente. Nous seuls de toutes les créatures de la terre pouvons nous engager dans une réflexion philosophique. Bien qu’elle ne nous simplifie pas la vie ou ne nous donne pas de réponses faciles, la philosophie nous remplira d’un sentiment d’émerveillement à propos de notre existence et de notre existence. Gaarder nous montre que même lorsque la philosophie est extrêmement compliquée, elle tourne autour de la simplicité.
La nature illusoire du libre arbitre
La question philosophique qui joue le plus grand rôle dans Le Monde de Sophie est celle du libre arbitre. Sophie et Alberto apprennent que leur existence est due à l’imagination d’Albert Knag. Jusque-là, Sophie avait cru qu’elle était un être indépendant et libre. Lorsqu’ils discutent de la philosophie de Berkeley, il devient clair qu’en réalité leur liberté n’est que ce que le père de Hilde leur laisse penser qu’ils ont. Pourtant, malgré le fait qu’ils soient imaginaires, Sophie et Alberto parviennent à trouver un moyen de s’échapper. Ils ne peuvent pas obtenir ce que nous considérerions comme une existence réelle, mais ils gagnent la liberté d’agir de leur propre gré. Mais qu’en est-il du libre arbitre d’Albert Knag ? Il a écrit un livre pour l’anniversaire de sa fille, et il semble qu’il ne contrôlait peut-être pas tout ce qu’il écrivait. De plus, certaines de ses pensées semblent avoir développé la capacité d’agir d’elles-mêmes. Bien que Gaarder ne suggère pas que toutes nos actions sont déterminées, il n’est pas non plus clair dans quelle mesure nous pouvons exercer notre libre arbitre. Peut-être y a-t-il une incertitude dans tout et même nos propres pensées ne sont pas toujours ce que nous voulons qu’elles soient. Ce qui est clair, c’est que le concept de libre arbitre est à la fois extrêmement important et très compliqué à démêler.
Symboles
Livres
Le Monde de Sophie est un livre dans un livre, avec l’implication qu’une telle régression pourrait peut-être continuer à l’infini. Alberto donne des conférences à Sophie sur la philosophie mais ensuite nous apprenons que les conférences ne sont vraiment pas pour Sophie mais pour Hilde. Pourtant, en tant que lecteurs, nous réalisons que les leçons ne sont pas en fait pour les personnages imaginaires de Gaarder mais pour nous. Le support même du livre est utilisé pour aider à illustrer des points philosophiques. Bien qu’il soit assez captivant, ce n’est pas le genre de livre que l’on peut lire sans en être conscient. Souvent, ce que les gens apprécient dans les livres (comme dans d’autres formes de divertissement), c’est la capacité de s’y perdre. Mais même se perdre dans le Monde de Sophie nécessite de savoir précisément que l’on est perdu dans le livre. Gaarder nous rappelle constamment que nous lisons un livre sur les personnages d’un livre qu’une fille lit. Outre l’ironie humoristique qui découle de tels rappels, nous sommes également obligés de prendre au sérieux les idées du roman. Parce que les idées avancées n’ont pas seulement une importance dans le livre, et cela fait partie du point principal de Gaarder. Le livre lui-même insiste sur le fait que nous devons remettre en question ce que nous lisons et essayer de mieux comprendre ce avec quoi Sophie et Hilde luttent afin que nous puissions rendre la philosophie personnellement pertinente.
Rêves
Le monde de Sophie contient de nombreux rêves, dont certains ne sont pas facilement différenciés de la réalité. En fait, les rêves sont utilisés assez efficacement pour remettre en question notre sens de la réalité. Sophie obtient des objets qui appartiennent à Hilde dans ses rêves. Bien sûr, puisque les rêves de Sophie sont orchestrés par le père d’Hilde, cela ne semble pas étrange. Cependant, le fait qu’Hilde ne puisse pas trouver les objets que Sophie rencontre suggère que des choses étranges se produisent. Hilde rêve que Sophie lui parle avant que son père ne rentre à la maison et à la fin du livre c’est exactement ce qui se passe. Alberto parle également à Sophie (et donc à Albert à Hilde) de Freud et des théories des rêves comme réalisation de souhaits et liens avec l’inconscient. En tant que dispositif littéraire, les rêves du livre fournissent une préfiguration. Cependant, leur rôle va au-delà du simple fait d’alerter le lecteur d’événements futurs. Les rêves eux-mêmes remettent en question notre libre arbitre et nos possibilités de comprendre le monde.
