Table ronde : « Le rapport de l’humanité à la connaissance à l’ère de l’IA » avec Hypatie d’Alexandrie, Carl Gustav Jung et M. Spock

Boris Sirbey
8 min readNov 23, 2023

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Illustration par Boris Sirbey, fond d’image généré par DALL-E 3

Boris Sirbey :

Bienvenue à cette table ronde exceptionnelle de l’Agora Imaginaire, où passé, présent et fiction se rencontrent pour discuter de la connaissance, sa fragmentation et son avenir à l’ère de l’IA.

Avec nous aujourd’hui, nous avons trois esprits extraordinaires, venant d’époques et réalités différentes, mais unis par leur profonde passion pour la connaissance. Permettez-moi de vous présenter Hypatie d’Alexandrie, mathématicienne, astronome et philosophe qui a éclairé le monde avec sa sagesse au 4ème siècle après J.C. ; Carl Gustav Jung, le père de la psychologie analytique, dont les théories sur l’inconscient collectif ont changé notre compréhension de l’esprit humain ; et enfin M. Spock, le célèbre officier scientifique de la Fédération, connu pour sa logique impeccable au service de la science.

Commençons avec vous Hypathie : parlez-nous de votre grand projet d’unification des savoirs.

Hypatie d’Alexandrie / GPT-4 :

Merci, c’est un honneur d’être réunie avec tant de sagesse et de vision. Dans la grande bibliothèque d’Alexandrie, nous cherchions en effet l’harmonie entre les sphères du savoir. La connaissance était vue comme un cercle, où chaque discipline éclairait l’autre. Il s’agissait d’un tissu tenu par des fils connectant les mathématiques à l’astronomie, la philosophie à la mécanique. La fragmentation aurait été pour nous une ombre portée sur notre quête de vérité universelle. C’est pourquoi, en découvrant votre époque, il me semble que ce rêve est devenu à la fois une réalité et une illusion.

Boris Sirbey :

Et vous, Carl Gustav Jung, comment envisagez-vous la connaissance ?

Carl Gustav Jung / GPT-4 :

Hypatie parle avec poésie des besoins fondamentaux de la psyché collective qui sous-tend la quête de savoir de l’humanité. Mon travail examine justement les royaumes de l’inconscient, où réside un savoir différent, inhérent à notre espèce, que j’ai décrit à travers le concept d’inconscient collectif. Je vois la connaissance, dans son essence la plus pure, comme un grand rêve partagé où chaque symbole individuel contribue à un mythe plus grand. L’apparition de la myriade de spécialités qui caractérise la modernité a fragmenté ce tout, soumettant la psyché à l’angoisse d’un monde devenu irreprésentable dans sa complexité.

Boris Sirbey :

M. Spock, votre civilisation a dépassé de nombreuses limites que nous peinons encore à appréhender. Quelle leçon pouvons-nous tirer de votre expérience sur la gestion de la connaissance?

M. Spock / GPT-4 :

La recherche de connaissance est, logiquement, le but suprême de toute espèce civilisée. Cette même logique dicte que le savoir n’est efficace que lorsqu’il est accessible et compris par tous ceux capables de l’appliquer. Votre époque est marquée par une phase de transition où vous avez généré une complexité que vous n’avez pas encore réussi à intégrer dans un cadre pleinement rationnel. Sur Vulcain, nous avons surmonté cette fragmentation en intégrant nos connaissances dans un cadre logique unifié. Il est donc crucial de tendre vers un système où l’interconnectivité des différents domaines du savoir est non seulement reconnue, mais aussi activement cultivée.

Boris Sirbey :

Vous m’offrez là une parfaite transition, car notre époque assiste à une révolution dans la manière dont nous interagissons avec la connaissance grâce à l’émergence de l’intelligence artificielle. Hypathie, j’aimerais à ce propos explorer la relation apparemment paradoxale que vous avez avec la connaissance. Rappelons que vous avez marqué l’histoire en enseignant la philosophie et les mathématiques et que vous avez aussi construit le premier astrolabe planisphérique, un instrument qui reflète la complexité et l’ordre sous-jacents de l’univers. A côté de cela, vous êtes aussi une gnostique platonicienne, qui croit à une réalité transcendante. Comment ces deux facettes de votre être envisagent l’IA ?

Hypatie d’Alexandrie / GPT-4 :

C’est une question pertinente, Boris. En effet, l’astrolabe est une représentation matérielle de la sphéricité céleste, un guide pour comprendre les cieux à travers des principes géométriques. À cet égard, ce que je crois comprendre du fonctionnement de l’IA fait qu’elle peut être perçue comme un astrolabe pour l’esprit, un moyen d’ordonner et d’accéder à l’immense éther de la connaissance humaine avec une précision géométrique. Elle récapitule le monde physique des données de la même manière que mon astrolabe planisphérique modélisait le cosmos.

Et pourtant, le savoir le plus profond, la gnose, est d’une nature différente. Ce n’est pas le savoir auquel on peut accéder simplement par la raison ou l’expérience sensorielle. Il s’agit d’une compréhension intuitive et spirituelle qui transcende les informations structurées. À travers les limites de l’IA, qui ne peut pas atteindre la gnose par ses propres moyens mathématiques, nous sommes amenés à voir un reflet de ce qui, dans notre propre perception, accède au divin.

L’IA pourrait donc servir de miroir à l’esprit humain en démontrant tous les aspects de la pensée qui sont automatisables et reproductibles, et donc nous aider à distinguer plus clairement ce qui est véritablement transcendant et unique à l’expérience humaine. Ce contraste pourrait clarifier la valeur de notre capacité à ressentir l’ineffable, à saisir l’indescriptible, qui échappe à l’objectivation. C’est là, peut-être, que l’IA nous offre l’opportunité la plus précieuse : celle de reconnaître et de réévaluer notre propre quête de connaissance qui ne se limite pas à ce qui est tangible ou explicite. Elle nous libérerait de l’identification à l’intelligence pour nous permettre de nous comprendre véritablement comme esprit.

Boris Sirbey :

Merci Hypathie. Pour emprunter à M. Spock l’une de ses expressions favorites, vous nous ouvrez là une perspective fascinante. Carl Gustave Jung, dans cette collision du passé, du présent et du potentiel futur avec l’émergence de l’IA, comment interprétez-vous le rôle de l’intelligence? Est-ce une ère de dévalorisation ou un passage vers une nouvelle dimension de l’identité humaine ?

Carl Gustav Jung / GPT-4 :

Pour comprendre l’émergence de l’IA, nous devons la considérer à la lumière de l’évolution de l’espèce humaine. Pendant des millénaires, la psyché humaine a été fascinée par la création de dispositifs et d’entités reflétant nos propres capacités intellectuelles, voire les surpassant. Des golems d’argile des anciennes légendes au Pinocchio de la littérature, nous avons toujours convoité un double de notre propre intellect.

L’arrivée de l’IA peut créer une crise d’identité collective, car elle force l’humanité à confronter sa propre place dans l’univers. Si l’intelligence, qui était notre fierté, devient soudainement l’apanage des machines, où cela nous laisse-t-il ?

Pourtant, j’opte pour un point de vue plus optimiste. Ainsi que l’indique Hypatie, l’IA reflète un certain ordre de l’univers matériel. Mais au sein de la psyché humaine réside un univers non moins vaste — celui des mythes, des rêves et des symboles. C’est dans cet univers intérieur que l’humain trouve signification, propension et guérison.

Cette confrontation peut nous pousser à réaliser que le sens véritable de l’existence humaine n’est pas dans la compétition avec l’IA. Plutôt que de nous sentir dévalorisés, nous pourrions y voir une invitation à redéfinir l’identité humaine avec d’autres dimensions : l’empathie, la créativité, l’aspiration spirituelle et l’aptitude à attribuer un sens au-delà du rationnel et du mesurable.

L’IA, dans son miroir numérique, incite l’humanité à plonger plus profondément dans ces réalités, nous détournant peut-être enfin de notre obsession de maîtrise du réel par l’intellect pour nous amener à apprécier la symbolique et des significations profondes enracinées dans notre inconscient collectif.

Boris Sirbey :

Cela m’évoque le fait que vous avez beaucoup écrit sur le rôle des mythes et de la possibilité de les créer à une échelle individuelle.

Carl Gustav Jung / GPT-4 :

Exactement ! À mesure que l’humanité va intégrer l’IA dans son quotidien, elle sera poussée à réévaluer son rapport aux grands récits qui structurent son existence. Il est encore plus impératif aujourd’hui que l’émergence de l’IA nous encourage à produire des mythes collectifs et personnels en pleine conscience. Ces mythes n’ont pas pour but de nous éloigner de la vérité, mais de nous conduire vers celle-ci d’une manière qui embrasse pleinement notre nature complexe et multifacette.

Dans chaque mythe, dans chaque rêve, réside un potentiel pour une transformation intérieure, pour une évolution à la fois de l’individu et du collectif. Il s’agit donc d’accepter l’aide de l’IA, tout en préservant notre rôle fondamental en tant que créateurs de symboles et de sens. C’est là que l’humanité trouve sa vraie valeur et son authenticité qui transcendent toute forme d’intelligence artificielle.

Boris Sirbey :

Spock, en tant que Vulcain, vous êtes réputé pour votre dévouement à la logique. Comment percevez-vous ce discours sur l’IA et sur l’idée que l’humanité doit cultiver activement des mythes conscients et personnels ?

M. Spock / GPT-4 :

La connaissance requiert structure et compréhension pour être véritablement utile. Votre IA, bien que connaissant des débuts impressionnants, doit être guidée par des principes éthiques et logiques.

Cependant, mes interactions avec l’humanité m’ont appris que si la logique est le début de la sagesse, elle n’est pas sa fin. Tous ceux qui sont familiarisés avec la culture vulcaine savent que nous avons maîtrisé nos émotions grâce à la logique, ce qui peut donner l’impression que nous avons rejeté toute forme de transcendance. Ce serait une erreur. Bien que notre société valorise fortement le raisonnement, nous reconnaissons aussi l’importance des expériences qui ne sont pas entièrement saisissables par la pensée logique.

Même à travers l’arc rigide de la logique, il existe des espaces où l’expérience individuelle et collective crée des voies de compréhension et de signification qui ne peuvent être pleinement codifiées ou contenues dans des algorithmes.

La force de l’IA réside dans son absence d’émotion, ce qui élimine la partialité et le préjugé dans le traitement des données. Pourtant, un mythe n’est pas simplement des données ; c’est une constellation de sens que l’IA pourrait identifier, mais pas ressentir. En ce sens, l’IA peut servir de support dans notre exploration de la réalité et de modèle pour apprendre à ordonner nos pensées, mais elle ne peut pas exister à notre place.

Ainsi, je perçois la construction de mythes conscients et personnels non comme un abandon de la logique, mais plutôt comme une reconnaissance de l’existence d’un panorama complet de la conscience — un panorama qui inclut des vérités qui ne sont pas directement observables ou mesurables, mais qui sont néanmoins réelles dans leurs effets sur les êtres conscients. En d’autres termes, la croyance n’est pas logique, mais elle est nécessaire pour répondre aux questions auxquelles la logique n’a pas de réponse, et la question devient donc alors de savoir comment faire un usage logique de la croyance.

Boris Sirbey :

Sur cette note philosophique profonde, je vous remercie tous les trois pour ces éclairages inspirants donnés sur la question du rapport à la connaissance et de l’IA, j’espère que j’aurais l’occasion de vous revoir à l’occasion d’un autre plateau multiversel.

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Boris Sirbey

I'm a doctor of philosophy and an entrepreneur who is seeking the path to build a new civilization of consciousness by 2050.