Le design génératif : La machine à invention
Le design génératif, qu’est ce que c’est ?
Le design génératif est une méthode de conception faisant appel à des suites d’opérations aléatoires ou procédurales (souvent assistées par un algorithme) afin d’obtenir un résultat difficilement atteignable par des méthodes de compréhension, d’imagination et de travail humain conventionnel.
Un peu d’histoire…
Très peu d’éléments permettent de définir la date d’apparition du design génératif, cependant, la première trace de l’utilisation d’une telle méthode semble remonter à l’année 1871. En effet, Edouard Gand, technicien et ingénieur du textile de Amiens utilisera en cette année son métier à tisser pour créer un système capable d’improviser des motifs grâce à quelques modification sur ce dernier.
Mais à quel besoin le design génératif répond ? Dans quel contexte est-t-il né ?
C’est par la volonté d’artistes d’avoir la certitude d’obtenir un résultat final différent de celui auxquels ils seraient arrivé par eux même. Cette certitude leur permet d’explorer de nouvelles possibilités, et ce, sans la limite de l’imagination humaine.
Voilà à quoi répond le design génératif : “Est ce qu’il est possible pour l’humain d’imaginer un moteur d’imagination plus performant, plus imprévisible, plus innovant ?” D’aucun dirait que le design génératif est ce qui se fait de plus proche de la “machine-artiste”, nous dirons qu’il s’agit du meilleur moyen pour un concepteur d’automatiser ses créations et s’assurer du meilleur rendu dans quelques domaines que ce soit.Exemple 3 — Pierre Hubin
Ancien étudiant en 3e graphisme. Voici un exemple innovant de conception de couverture et logo pour le magazine “Néon” générés aléatoirement en fonction du contenu.
Les 5 grands domaines du Design Génératif
Un nouveau terrain de jeu pour les graphistes
Le design graphique ne se défini pas essentiellement par la recherche du beau, il se doit d’être fonctionnel et tourné vers l’humain. Cependant il est possible de contrôler certaines des variables pour proposer des visuels fort de sens en y incorporant une dimension aléatoire.
Exemple 1 — Karsten Schmidt
Karsten Schmidt ou Toxi est un programmeur et designer. Il a réalisé des couvertures de livres générées automatiquement avec de multiples variations. Chaque couverture générée est donc unique et chaque lecteur aura donc sa propre version.
Exemple 2 — Susanne Stahl
“See before reading”, est un concept crée par Susanne Stahl et André Gottschalk qui utilise le design génératif afin de concevoir des couvertures de livres. Ce projet est composé de 3 niveaux de lecture avec un premier niveau visuel indiquant le genre, le second incarne l’atmosphère et le troisième informe de la structure narrative. Il est alors très simple pour un lecteur de trouver ce qu’il recherche en fonction de ses goûts.
Exemple 3 — Pierre Hubin
Ancien étudiant d’une école de graphiste et designer aujourd’hui. Voici un exemple innovant de conception de couverture et logo pour le magazine “Néon” générés aléatoirement en fonction du contenu.
Ériger avec des calculs
Le risque est grand lorsque l’on parle de design génératif dans l’architecture. En effet, le premier art a toujours été entouré de multiples contraintes, qu’elles soient techniques ou légales. Autant de contraintes avec lesquelles il va falloir d’abord composer avant de proposer des résultats vraiment différenciants. Malgrés ces contraintes, nous arrivons aujourd’hui à une technicité au niveau pour que les outils de conception créent des éléments au poid et à la résistance suffisante, et ce, en utilisant moins de matériaux. Certain experts estiment que ce genre de méthodes seront considérées comme communes dans le domaine d’ici 2020.
Exemple 1 — Cover
Une entreprise de construction de maisons axée sur la technologie en Californie, Cover produit des maisons d’arrière-cour préfabriquées et personnalisées. Ceci est un projet créé en utilisant des outils de conception générative, qui selon les experts pourraient transformer à la fois le monde physique et le rôle du concepteur.
L’entreprise a conçu un processus en trois étapes: concevoir, autoriser, construire : Au cours de la première phase, les clients remplissent un questionnaire numérique comportant jusqu’à 100 questions, fournissant des informations sur leur style de vie, les préférences de conception, les détails du site et d’autres sujets. Les données sont ensuite introduites dans un programme informatique propriétaire, qui génère de nombreux modèles.
Le programme numérique intègre des données géospatiales et la trajectoire du soleil pour aider à déterminer le positionnement des murs et des fenêtres. Les exigences de zonage sont également prises en compte.
Exemple 2 — Autodesk
Depuis plus de deux ans, la société Autodesk investit dans la recherche appliquée au “Generative Design”. Autodesk a voulu démontrer que cette technologie peut être applicable aussi dans le monde de l’architecture.
Autodesk a utilisé la “Generative Design” pour l’agencement des espaces (travail, réunions, servitudes, annexes…).
L’équipe “The Living” (équipe de recherche Autodesk dans le domaine de l’architecture) a mené des études concernant les conditions initiales des niveaux pour déterminer la meilleure façon de satisfaire les objectifs de conception dans le nouvel espace.
Le design au service de l’humain
Le design génératif est utilisé dans le cadre du design d’objets pour créer des objets inimaginables par l’intellect humain. Grâce à cette nouvelle technique de conception, le design génératif offre un nouveau moyen de création immense qui cache un énorme potentiel aussi bien en tant que création d’art pur mais plus récemment pour l’optimisation de systèmes déjà existants.
Exemple 1 — Porte d’avion
Airbus à mit au point une porte d’avion ultra légère et ultra solide. Cette pièce est le commencement d’une nouvelle ère pour l’aviation, en effet Airbus prévoit de changer radicalement l’expérience du voyage aériens avec Concept Plane
Exemple 2 — Chaise
La chaise Elbo est l’exemple parfait de ce que l’on peut trouver en matière de design d’objet. Cette chaise est la quintessence du confort et de la beauté selon une intelligence artificiel grâce à un mélange de technologie et de matériaux naturels.
Exemple 3 — Châssis de véhicule
Le groupe HackRod est une société de création de véhicule qui utilise une technologie de prototypage génératif. Hackrod veut révolutionner la manière dont les véhicules automobiles sont créés et consommés. Toute les pièces sont imprimées en 3D, visualisée grâce à la réalité virtuel et enfin assemblées à la main.
L’expérience virtuelle infinie
Véritable argument de vente aujourd’hui dans le paysage vidéo-ludique, le design génératif ou procédural au service de la conception d’un titre permet d’offrir à ses joueurs des expériences de jeu comme ils n’en n’avais jamais connu auparavant. Que ce soit un monde généré par ordinateur donnant une sensation vertigineuse de possibilités d’explorations, ou bien des contraintes techniques révolutionnés par des algorithmes, il apparaît que l’utilisation du hasard contrôlé n’a pas fini d’apporter d’énormes améliorations à ce média.
Exemple 1 — Rogue
Rogue est un jeu sorti en 1980 dont le but est d’explorer un donjon. La subtilité est que le joueur ne dispose que d’une seule vie et d’une seule sauvegarde, ce qui veut dire qu’à la moindre erreur ce dernier perd toute sa progression. Si le jeu se trouve être extrêmement exigeant mais jouit d’une grande rejouabilité c’est justement grâce à sa création procédurale. En effet chaque partie est différente de la précédente car ce sont les salles qui constituent les niveaux qui sont générés de façon aléatoire, garantissant une expérience unique à chaque redémarrage.
Exemple 2 — Minecraft
Plus besoin de présenter ce jeu du studio Mojang, un succès autant critique que commercial. Mais comment expliquer cet engouement envers l’oeuvre de Markus Persson ? Minecraft est un jeu “bac à sable” et en monde ouvert ce qui signifie que le but du jeu n’est pas défini clairement et que l’histoire ou l’aventure sera écrite par le joueur. Pour pouvoir bénéficier d’un monde ouvert réaliste et immense, les développeurs ont décidés de générer le monde du jeu de façon procédurale. L’avantage : Comme la génération du terrain se fait grâce à un simple calcul et que celui ci peut être fait et refait indéfiniment au fil de l’exploration, un monde de minecraft pourra faire 8 fois la taille de la surface de la terre avant de rencontrer des difficultés de génération. Cette taille aux dimensions vertigineuses offre au joueur la certitude de pouvoir explorer indéfiniment son monde de façon libre.
Revêtir l’algorithme
Comme nous l’avons vu, c’est par la création de motifs sur textile que le design génératif remonte. Depuis, son application au monde de la mode a grandement évolué. Par définition, la mode est une forme d’art extrêmement lié à son époque, on parle même de produit “démodés”. C’est aussi dans une volonté d’être toujours “branché” que le design textile s’intéresse de plus en plus au design génératif, avec espoir que nous pourrions concevoir des algorithmes réussissant à prévoir les fluctuations de goûts et d’intérêts des tous. Il existe un corps par personne et pouvoir imaginer des vêtements s’adaptant à chacun de leurs porteurs est également un grand enjeux de cet industrie.
Exemple 1 — New Balance
En avril 2016, New balance, le créateur de chaussures de sport lance un modèle qui s’adapte aux besoins particuliers de chaque porteur. Les données de course personnelles sont capturées numériquement en tant que base pour cartographier la répartition de la pression à travers les pieds du coureur. En utilisant ces données, une semelle intermédiaire peut être imprimée en 3D pour fournir un amorti approprié et idéal avec une densité plus ou moins élevé de la structure dans des zones spécifiques. Ce nouveau concept a été développée avec l’aide de Nervous System, un studio spécialisé dans le design génératif qui a déjà participé à plusieurs projets alliant mode et technologie
Exemple 2 — Kinematics
Nervous System, le studio de conception générative créé en 2007 a travaillé avec des technologies de simulation numérique afin d’innover en matière de produit. Les fondateurs Jessica Rosenkrantz et Jesse Louis-Rosenberg ont développé un concept au service de la mode: une robe entièrement personnalisable faite à partir de leur système d’impression 4D Kinematics. L’impression 3D a généralement présenté un défi pour la confection de vêtements, car elle imprime des plastiques rigides contrairement à la cinématique qui permet à la robe de se conformer entièrement à la forme unique du corps. De plus, l’application Kinematics Cloth construit chaque vêtement en fonction d’un scan corporel téléchargé, permettant à chaque robe d’être unique en son genre.
Le mot de la fin
Nous avons vu à travers ces différent champs d’application du design génératif que ce dernier est un véritable outils de création à part entière. Cependant, dû à sa nature très différente des autres méthodes de conception, il soulève des problématiques nouvelles.
Si l’aspect final d’un produit se trouve être calculé par une suite d’opération, est-ce vraiment le designer à l’origine de cet algorithme qui peut prétendre l’avoir créé ?
A qui appartient les créations, toutes différentes, résultantes d’un même algorithme utilisé par de multiples personnes ?
Outre les questions de propriété intellectuelle, on peut également se demander si cette technologie atteindra un jour un tel niveau de perfectionnement que des systèmes pourrons créer sans avoir besoin de l’homme lors de leur fonctionnement. Rendant du même coup l’acte de création automatique et objectivement meilleur que celui d’un humain.
Sans tomber dans l’alarmisme, on peut se demander si être designer sera toujours une profession viable dans un monde où chaque création humaine se trouvera systématiquement moins bonne que celle d’une machine. Ou si le titre de designer sera accordé à ceux qui conçoivent des algorithmes, éloignant du même coup le créateur et son oeuvre.
Au delà des questions énoncées ci dessus, le design génératif offre énormément d’opportunités d’un point de vue technologique et environnemental. En effet l’optimisation des ressources naturelles est au centre de cette discipline qui, à l’avenir, sera peut être la référence du design industriel.
Rédigé par Antoine Fourré, Chloé Jarre et Grégoire Moret