Alerte extinction : les quatre animaux marins dont la disparition risque de bouleverser tous les écosystèmes

Poilvet Camille
11 min readFeb 18, 2019

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Souvent oubliés, les animaux marins sont les fondements de la biodiversité de la Terre. Les plus régulateurs sont malheureusement en voie d’extinction, à cause de l’Homme.

I/LES REQUINS

Les terreurs des mers, mangeurs d’hommes, seigneurs des profondeurs, tueurs silencieux… Nombreux sont les surnoms donnés aux requins. Pourtant, sur les 529 différentes espèces de la famille des Selachimorpha, la moitié font moins d’un mètre.

©Vincent Maran

Ces petites espèces n’ont jamais fait de mal à personne. Au contraire, certaines populations se laissent côtoyer quotidiennement, comme en Polynésie. Mais à côté de ces petits requins, de plus grands existent. Le requin grande gueule et ses 5 mètres de long, le requin pèlerin qui peut atteindre 10 mètres et le plus grand de tous, le requin baleine avec ses 15 mètres. Ces requins ne se nourrissent que de poissons ou plancton. Seule une trentaine s’est vraiment attaquée à l’Homme, parmi eux sont comptés des requins qu’on n’ont attaqué qu’une seule fois. Une douzaine sont considérées comme dangereuses et 4 sont qualifiées de particulièrement dangereuses pour l’Homme.

A eux seuls, en 2013, ces espèces comptabilisaient la moitié des attaques et 85% des attaques mortelles.

Les requins tigre, bouledogue et mako, mangent tout ce qui se trouve sur leur passage et tout ce qui bouge. Les accidents avec les baigneurs qui se trouvent sur leur terrain de chasse peuvent donc arriver.

Quant au grand requin blanc, il ne consomme que des mammifères marins comme des phoques ou des otaries. Cependant il arrive qu’il confonde ses proies et des surfeurs. (Un peu comme un chasseur qui confond un enfant et un cerf sauf que le surfeur et l’otarie ont un peu la même forme).

Même si l’on pourrait penser qu’avec ces prédateurs, le nombre de morts annuellement est élevé, on se trompe. En 2015, les plus grands prédateurs pour l’Homme sont les moustiques avec 2 millions de morts.

Vue, odorat, ouïe, vitesse hyper-développées, les requins sont des animaux fascinants et pourtant en voie d’extinction. Plus de 100 millions de victimes pour différentes raisons.

En Europe, plus de 100 000 tonnes de requins sont pêchés. Mais la plupart e ses captures sont considérées comme “des prises accessoires” selon Bernard Seret, spécialiste des requins à l’IRD, “Quand on pêche des thons, on en n’a, bien sûr, mais on pêche aussi des poissons qu’on ne veut pas et une grande partie sont des requins.” Alors qu’il est menacé d’extinction en Atlantique, le requin-taupe est pêché et vendu en poissonnerie. Mais ce qui a le plus de valeur, ce sont les ailerons, vendus jusque 500 € le kilo sur les marchés de poissons de Hong Kong. 1/3 de ces ailerons viennent d’Europe et principalement d’Espagne. Pendant longtemps, les ailerons étaient coupés et le corps du requin encore vivant rejeté à la mer car sa carcasse prenait de la place et sa chair avait moins de valeur. C’est seulement depuis 2003 que cette pratique est interdite et en 2012, l’Union Européenne décide de la fin des dérogations qu’elle accordait. A partir de 2003, les pêcheurs doivent garder et les ailerons et la carcasse du requin pour limiter les ailerons coupés.

Le grand problème c’est que la disparition de ces prédateurs en haut de la chaîne alimentaire dérègle totalement l’écosystème marin. D’après une étude menée aux Caraïbes, la disparition des super-prédateurs entraîne une abondance de mérous qui mangent les poissons herbivores dont les populations diminuent, une effet papillon s’engendre alors. Les algues mangées par les poissons herbivores se sont misent à proliférer et à cause de ça, les coraux sont en voie de disparition.

II/LES CORAUX

Longtemps pris pour de simples plantes, les coraux sont des animaux au fonctionnement complexe. Les coraux aiment pour la plupart le chaud, entre 20 et 28 degrés, et les barrières de corail sont ainsi réparties dans les zones marines les plus chaudes du globe. La température optimale restant entre 25 et 27 degrés, Caraïbes, îles Canaries, mer rouge mais surtout dans les eaux de l’Océan Indien, c’est dans l’hémisphère surtout que les coraux trouvent refuge.

Cependant, la date d’extinction des coraux a été annoncée pour 2050, nous reviendrons plus tard sur les causes de sa disparition après avoir vu son fonctionnement ainsi que sa symbiose et les difficultés éprouvées pour se reproduire.

Les coraux forment des colonies. Un corail est composé d’un squelette en calcaire et dans une cavité se loge un polype. Ce polype est doté d’un seul orifice entouré d’une couronne de tentacules, il est relié à d’autres polypes par du calcaire et donne ainsi naissance à la colonie. Les tentacules se déplient de façon à attraper le plancton qui sort relativement plus la nuit. La répartition des formes de coraux dépend de l’agitation de l’eau, de la nourriture et des autres coraux de la colonie.

Les eaux troubles, la profondeur… tous ces critères font jouer l’installation des coraux dans un lieu. Les eaux troubles favorisent la sédimentation des coraux, ce qui est mauvais. Quant à la profondeur, si la colonie se forment trop près de la surface, l’exposition à l’air et au soleil va faire changer la forme des coraux de “branchue” à “massive et encroûtante”. A partir de 30 mètres les eaux transparentes des mers tropicales sont pauvres en éléments minéraux dont se nourrissent les coraux : algues, phytoplancton…

Coraux branchus
Coraux encroûtants
Coraux massifs

La symbiose est un élément très important chez les coraux. Elle est due à la présence de zooxanthelles qui sont des organismes photosynthétiques, c’est-à-dire qu’ils réagissent à la lumière. Elles trouvent dans les colonies de coraux des milieux stables… Elles utilisent les déchets rejetés par les polypes (azote et phosphates) pour produire de la photosynthèse. Le polype bénéficie alors des produits organiques produits par les zooxanthelles. Aussi, la symbiose permet un “recyclage locale et rapide de la matière”.

La reproduction des coraux est un événement rare, quelques jours par an seulement. Aussi, ce n’est qu’en 1981 que la première est observée. Température de l’eau, phase de la lune, coefficient de la marée, là aussi, tout est à prendre en compte. La fécondation peut être interne ; une fois les spermatozoïdes émis, ils migrent vers la cavité d’un autre polype. Après fécondation, l’oeuf se développe et forme une larve : la planula. Mais la fécondation peut aussi bien être externe : les spermatozoïdes et ovules sont libérés dans le milieu. Les ovules libérés vont enfermer du sperme et ainsi former la larve qui va se disséminer et conquérir de nouveaux milieux.

Mais plusieurs facteurs causent la disparition des coraux. Tout d’abord, un corail peut mourir s’il est cassé ou stressé. Comme des cheveux, le stress cause au corail un blanchissement des branches coralliennes.

Stress, pollution de l’eau, augmentation de la température, teneur en CO2 ou de l’intensité lumineuse, ces facteurs peuvent faire blanchir très rapidement les coraux. Ceci est dû soit à la perte de pigments photosynthétiques de zooxanthelles soit à leur expulsion. Si le retour des conditions normales se fait dans un délai suffisamment court alors le processus de reconstruction peut s’engager, cependant, si ce n’est pas le cas, les coraux meurent.Par ailleurs, les facteurs alimentaires contrôlent également la reproduction. Les épisodes de blanchissement et le stress des colonies, par le détournement énergétique qu’elles occasionneraient, seraient responsables d’une diminution de la capacité reproductive des coraux.

Le corail rouge est très menacé car exploiter pour la bijouterie. La surpêche endommage le fonctionnement écologique et l’équilibre des colonies. Un déséquilibre entre toutes les espèces qui côtoient le milieu s’opère et des biofilms, microalgues et tapis d’algues prolifèrent et peuvent amener à l’étouffement des récifs. La pêche mais aussi “l’écotourisme” où des nageurs pour la plupart non formés ont la chance d’observer les coraux. Pourtant il suffit d’un simple coup de palme mal placé pour tuer un corail ou plusieurs.

Les récifs coralliens protègent directement les côtes contre les vagues, tempêtes, inondations et l’érosion. Leur disparition serait alors aller droit vers de nouveaux phénomènes climatiques encore plus importants. Aussi des actions de conservation sont menées par des ONG, afin de restaurant la flore marine.

III/LES ORQUES

La disparition des orques est prévue pour dans une quarantaine d’années. Le temps est compté pour une des plus grosses espèces marines. A l’instar des coraux, les orques ont des capacités de reproduction limitées. La majorité sexuelle est de 20 ans, et la gestation dure 18 mois.

La constante évolution des déchets dans la mer, sonne le glas pour les orques, qui en ingèrent en masse. En 2016, l’orque ci-dessous a été retrouvée sur la plage de Plettenberg Bay en Afrique du Sud. Les intestins bouchés, des paires de chaussures, du plastique des emballages… ont été retrouvés dans son corps.

https://vivredemain.fr/2016/01/08/orque-echouee-dechets-afrique-sud/

Les orques se nourrissent de poissons, des phoques et autres cétacés. Ces mêmes poissons que les “baleines tueuses” mangent, ingèrent également, du plastique. Mais la concentration importante de PCB provoque des intoxications ainsi que des malformations voire la mort des animaux marins.

Le PCB ou PolyChloroBiphényle, est un produit chloré est utilisé comme isolant électrique notamment. Apparu dans les années 1950, le produit s’est révélé nocif pour l’environnement et l’homme. Insoluble dans l’eau, il est cumulable dans la chaîne alimentaire, c’est-à-dire qu’il a une forte concentration dans les tissus vivants et cancérogène. En bref, un cocktail Molotov pour l’environnement car depuis sa commercialisation, plus d’un million de tonnes ont été déversées dans les océans. Une analyse -la plus grande de tous les temps- a été réalisée sur 351 épaulards. Cette analyse traite des conséquences de la présence de PCB dans les organismes des nouveaux-nés, des problèmes de reproduction, des organes atrophiés, c’est donc cela qui attend les cétacés à cause des comportements humains. Mais le PCB n’est pas la seule menace pour les orques et autres cétacés, il y a aussi le micro-plastique et la sur-pêche.

En haut de la chaîne alimentaire, la disparition des orques pourrait provoquer un dérèglement des écosystèmes marins. De plus, ces derniers ont déjà commencé avec la migration des orques dans l’hémisphère Nord alors qu’elles occupaient tous les océans de la planète. Les zones les plus polluées sont le détroit de Gibraltar, les côtes brésiliennes ainsi qu’au large du Royaume-Uni où elles ne seraient plus que 10. Seuls les côtes au large des îles Féroé, la Norvège, l’Alaska ainsi que l’Antarctique reste des lieux où les orques subsistent.

Les orques, au-delà d’être en voie d’extinction, sont comme beaucoup d’animaux marins dans les parcs aquatiques, asservies. Dans le documentaire Blackfish de Gabriela Cowperthwaite, sorti en 2013, retrace la vie de l’orque Tilikum dans le parc aquatique de SeaWorld à Orlando aux Etats-Unis.

Tilikum, orque Islandaise capturée en 1983 à l’âge de deux ans. Tout d’abord dans le parc aquatique Sealand of the Pacific en Colombie-Britannique de 1984 à 1992 puis part pour la Floride jusque sa mort le 6 janvier 2017. Impliqué dans la mort de 3 personnes, Tilikum devient l’orque tueuse par excellence, utilisé pour la reproduction, 54% des orques du parc sont ses descendants. Si comme pour une mère humaine, le stress peut avoir des conséquences pour l’enfant, le stress vécu et par Tilikum et par les mères des orques, serait alors transmis aux orques nés et à naître.

Le voyage est stressant et compliqué. Une fois dans le parc, la place dont dispose l’animal est scandaleuse. Leur sort est la dernière des préoccupations lors des phénomènes climatiques comme pendant la tempête Irma où Lolita, une orque, a été laissée seule.

Finalement, ces animaux qui régulent les fonds marins sont voués à disparaître et réduits en esclavage.

IV/LES TORTUES

6 sur 7. C’est le nombre d’espèces de tortues marines en voie d’extinction sous l’ère humaine. Contrairement à la fin de l’ère où elles ont pu côtoyer les dinosaures, elles ne pourront pas voir la fin de la nôtre. Algues, végétaux marins, crabes, coquillages, méduses, moules, petits poissons… la nourriture des tortues de mer est variée. Même si certaines vivent en pleine mer et parcourent des distances incroyables pour se nourrir et pondre, d’autres ne s’éloignent pas des côtes.

Pollution, braconnage ou prise accidentelle. La carapace de la tortue fait partie intégrante de son squelette. Les écailles recouvrent une surface dure, le derme qui est l’équivalent de notre peau, qui forme une sorte de coque et qui renferme les organes de la tortue. Dès qu’elle se sent menacée, la tortue rentre dans sa carapace, elle se protège des prédateurs. Pourtant, les braconniers ne s’y arrêtent pas, arrachent la carapace pour vendre la viande au marché noir.

Souvent épuisée par son voyage entre l’océan et les côtes, après avoir pondu sur les côtes Guyanaises et Gabonaises -pour les tortues d’Atlantique-, les tortues de mer viennent toujours au même endroit. Les chercheurs ne savent pas vraiment si elles prennent toujours le même chemin mais en pondant en Guyane, elles remontent vers l’Amérique du Nord, empruntent le Gulf Stream, un courant marin, reviennent vers l’Europe et grâce à d’autres courant retournent pondre. Mais pourquoi faire de tels déplacements? Selon des scientifiques, elles suivraient leur nourriture. La tortue Luth, dont la population a diminué de 75% entre 1982 et 1996, a ce comportement et lorsqu’elle est en haute mer, peut plonger jusque 1000 mètres de profondeur ! La nuit, elles viennent pondre sur les plages, car elles n’aiment pas le soleil et redoutent les prédateurs comme le jaguar. Environ 150 oeufs de la taille d’une balle de ping-pong pour la tortue luth. Bébés tortues ou tués par les prédateurs, peu vont réussir à survivre à cette première épreuve. Sur 1000 oeufs pondus, une seule tortue atteindra l’âge adulte.

D’où la nécessité de protéger intégralement les espèces. Pourtant, viande, oeufs sont toujours chassés. En 2011, 75% des tortues marines avaient déjà absorbé des déchets. En 2019, presque 100% des tortues ont déjà ingéré du plastique.

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