Le design thinking : un état d’esprit pour une révolution silencieuse

Catherine Fourmond
7 min readJun 10, 2019

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Atelier design thinking ©RémiEdart

Tous les changements que nous vivons aujourd’hui — mutations économiques, technologiques, sociétales, climatiques, etc. — nécessitent de nouvelles réponses adaptées et centrées sur l’humain.

Issu des techniques du design, le design thinking compte parmi les outils et méthodes d’innovation offrant de telles réponses : cette démarche centrée sur l’utilisateur, avec lequel on entre en empathie, permet de répondre à sa problématique par des solutions innovantes. Elles sont à la fois, désirables pour l’utilisateur, viables économiquement et fiables techniquement [1]. Le design thinking peut s’appliquer dans tous les domaines. Il s’avère d’autant plus efficace que les équipes qui le pratiquent ont de l’enthousiasme pour le challenge à relever, que l’utilisateur est la clé d’entrée de la problématique, l’environnement complexe et que la solution n’est pas déjà toute tracée. Cette démarche ouvre, en effet, des voies vers l’inconnu et le résultat est incertain : on ne sait pas à l’avance ce que l’on va trouver mais, quoi qu’il en soit, après le prototypage testé de façon itérative, la réponse sera pleinement ajustée à l’utilisateur.

En France, ce processus centré sur l’humain a commencé à investir le champ des pratiques d’innovation depuis une dizaine d’années. Depuis, il connaît un véritable engouement et fait l’objet de nombreux articles, formations, meetups, etc. Il ne sert plus seulement l’innovation, puisqu’il est devenu également une ressource, pour les entreprises, en termes d’organisation et de gestion du changement.

Outil d’innovation, processus, méthode de management, … mais si le design thinking était bien plus que cela ?

Rémi Edart, design thinker, catalyseur de transformation comme il se décrit lui-même, en est convaincu : le design thinking est une révolution silencieuse qui peut, petit à petit, changer le monde !

#témoignage

Un background de start-uppeur

Pendant vingt ans, aux Pays-Bas, ce design thinker évolue dans des start-ups high tech et digitales à des fonctions de marketing et d’innovation. Dans ce milieu très anglo-saxon, on ne parle pas alors de design thinking mais de nombreuses étapes y sont pratiquées en tant que processus marketing très proche de l’innovation :

· La réflexion centrée sur le besoin utilisateur. En effet, pour pouvoir vendre un produit, il doit correspondre au besoin réel ou latent des clients, en B2B comme en B2C. Tout l’enjeu étant de délivrer de la valeur au consommateur final.

· La pratique du prototypage puisqu’elle permet de commencer à investir sur le produit uniquement lorsque les clients sont prêts à payer.

· La notion d’itération également très prégnante pour être certain d’arriver à un prototype optimisé, prêt à être lancé sur le marché.

De la high tech à la réalisation de soi avec le design thinking

Lorsque Rémi quitte son dernier poste en high tech c’est parce qu’il veut évoluer autour de trois axes devenus essentiels pour lui : l’innovation et la transformation, bien sûr, mais il veut pouvoir aussi aider les équipes à collaborer ensemble et faire quelque chose qui a plus de sens sur un plan humain.

Des échanges avec d’anciens collègues l’amènent à s’intéresser au design thinking et il réalise que les valeurs dont il souhaite vivre se retrouvent complètement dans cette démarche. Il choisit de prendre alors un temps conséquent pour se former à la d.school de Potsdam avec pour objectif de développer sa propre activité.

Très rapidement, il se forme également au coaching d’équipe et parcourt les pays anglo-saxons pour découvrir de nombreuses méthodes et formations différentes. Les ateliers qu’il dispense sont une combinaison de ce qui lui semble le plus adéquat pour répondre aux besoins des organisations aujourd’hui. Il accompagne de multiples start-up high tech et digitales jusqu’à des levées de fond. En parallèle, il fonde la dthinking.academy et co-fonde une start-up digitale.

Puis en 2015, après avoir organisé plusieurs ateliers design thinking pour de grandes entreprises en France, Rémi Edart s’aperçoit que le besoin est énorme dans tous les secteurs. Il décide alors de revenir dans l’hexagone pour s’y installer et pérenniser son activité.

Le design thinking ou la révolution silencieuse

Au fur et à mesure de sa pratique, s’ouvre à lui une nouvelle raison d’être professionnelle. Au départ, il pratique le design thinking pour aider les organisations, les équipes à concevoir des produits ou des services plus centrés sur l’utilisateur final. Et puis, comme ce processus peut s’appliquer aux organisations elles-mêmes et à leur façon de travailler, mais aussi aux stratégies, aux lois (en termes de politiques publiques, par exemple), il décide de créer des parcours de transformation basés sur le design thinking pour les accompagner au changement. L’équipe en est la clé.

En passant de l’innovation qui était son cœur de métier à la transformation centrée sur l’utilisateur à l’aide du design thinking, Rémi Edart souhaite réaliser quelque chose de beaucoup plus fondamental : “Face aux enjeux sociétaux auxquels nous sommes confrontés (réchauffement climatique, chômage, etc.), nous pouvons trouver des solutions dans la mesure où nous sommes présents aux besoins des personnes. Peu importe qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une organisation tournée vers le profit, d’une ONG, d’une fondation, ou d’une entreprise du secteur public, tous nous avons un intérêt économique et de bien commun à être beaucoup plus centré sur l’humain. Et c’est ce que j’appelle la révolution silencieuse”. “Si chacun d’entre nous se laisse transformer par l’état d’esprit du design thinking” poursuit-il, “nous pourrons profondément changer la société. Nous ferons des choses qui auront plus de sens pour l’utilisateur de nos produits, de nos services, de nos politiques, de nos processus métiers, etc. Par exemple, lorsque Frank Riboud avec Danone donne une orientation de plus en plus sociale à l’entreprise en faisant attention aux produits qu’il développe pour qu’ils soient plus respectueux de l’environnement, pour que les habitudes de consommation soient plus saines et plus durables, on se trouve là dans une attitude de transformation « au service d’un monde meilleur »”.

“En ayant plus d’empathie, en étant plus tourné vers l’autre dans chacune de nos actions, en s’intéressant plus à son client interne, son client externe, l’utilisateur, l’usager, le citoyen, etc. on peut amener les organisations, les nations, les pays, l’Europe, à se transformer. On agit aussi avec beaucoup plus de sens, pour nous-mêmes et pour les autres”.

RSE VS Innovation sociale ?

Pour Rémi Edart, la révolution silencieuse est bien plus que ce que l’on appelle la responsabilité sociale ou sociétale de l’entreprise. La RSE se traduit souvent, selon lui, par des projets sociaux dans le but de rassurer les parties prenantes. Elle est d’ailleurs, la plupart du temps, cantonnée à un service ou à quelques-uns dans l’entreprise.

La transformation dont parle ce design thinker va beaucoup plus loin : même si le but de l’entreprise est le profit, à partir du moment où l’humain est au centre de sa démarche, de ses process, etc., elle aura souvent un impact social positif, aussi bien en interne que sur les parties prenantes de son environnement. “Le système de co-voiturage de Blablacar” explique-t-il, “génère du profit et nous voyons qu’il permet, en même temps, de recréer du lien social, d’encourager une plus grande mobilité des uns vers les autres, de désenclaver des régions, etc.”

Des résultats de transformation positive grâce au Design Thinking

Pour prendre un exemple public, Remi Edart a travaillé pour le département de la Drôme, où avec l’équipe de direction, ils ont développé une démarche d’innovation avec comme point d’orgue un atelier XXL de design de service pour l’ensemble des managers du département. A l’issu de cet atelier, les collaborateurs se sont appropriés l’état d’esprit et la méthode et ont démarré plusieurs projets centrés beaucoup plus sur l’usager.

Des activités pour répondre à cette vision

L’activité de Rémi Edart a aujourd’hui deux facettes : celle de facilitateur et de coach d’équipe pour accompagner des équipes dans leurs projets d’innovation ou de transformation. Et, avec la dthinking.academy, il favorise “l’apprentissage par le faire” en organisant des ateliers certifiants.

Afin d’accélérer cette transformation centrée sur l’humain, Rémi partage tous ses outils et les participants repartent avec un kit qui leur permet d’être opérationnels tout de suite. Récemment, pour les personnes en reconversion professionnelle et, pour qui, il n’est pas toujours facile de financer des formations, il propose un parcours atypique : un webinaire, un meet-up d’initiation gratuits et un atelier d’apprentissage par le faire en libre participation financière. Pour y participer, il faut simplement être inscrit à Pôle Emploi.

Une ouverture au monde par la gratitude

Lorsqu’il évoque avec conviction cette vision de transformation centrée sur l’humain, Rémi Edart parle aussi de gratitude ; la gratitude d’être dans un pays comme la France : même si l’extrême précarité d’un grand nombre est encore un vrai sujet de préoccupation (et d’actions !), le modèle social français permet aussi d’encourager l’innovation sociale et d’offrir des réponses nouvelles. Et “le design thinking” explique-t-il avec enthousiasme “amène à vraiment prendre conscience des besoins de ce monde par la prise en compte des besoins de chacun. Peu à peu, en étant conscient de cela, nous pouvons laisser advenir et émerger en nous des solutions qui vont pouvoir répondre à ces besoins fondamentaux et critiques du monde d’aujourd’hui”.

[1] Pour en savoir plus sur le processus lui-même et sur son histoire, on peut consulter, en ligne : Jean-Pierre Léac, “Qu’est-ce que le design thinking ?” in Les Cahiers de l’innovation, fev. 2016 et le mémoire de Mastère spécialisé « Innovation by Design » de Tiphaine Gamba soutenu à l’ENSCI-Les Ateliers, en 2016.

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