Et si les chefs d’entreprise se mettaient à l’UX design pour gérer leurs salariés ?

Céline Grosjean
8 min readMay 14, 2019

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Dans mon article précédent sur “Progressez rapidement dans le design en tant que freelance”, je parlais d’essayer de lire un minimum de 30 min par jour…

En ce moment, je lis Liberté & Ciede Isaac Getz et Brian Carney

Ce livre me prend aux tripes, car tout ce qui est dit est tellement évident et permettrait aux salariés de vivre vraiment mieux tous les jours dans les entreprises avec les collègues et le travail.

Beaucoup de choses sont remises en question dans les entreprises libérées! On ne parle plus de manager, mais de leader, l’autodiscipline, l’autodirection, l’autoorganisation, l’autocontrôle sont les maîtres mots.

Les salariés peuvent prendre des décisions, il n’y a ni sanctions, ni récompenses…

Mais pourquoi, en tant que freelance, je me mets à lire des livres pour les sociétés avec des salariés ? Tout simplement parce qu’on m’en avait parlé et que cela concerne mes valeurs de tous les jours. Le fait de s’intéresser à d’autres choses m’ouvre des portes vers d’autres univers et d’autres façons de penser et me permet aussi de faire des connexions.

En lisant ce livre, je me rends compte que j’y trouve beaucoup de similitudes avec mon travail d’UX designer, car les sociétés libérées mettent l’humain au centre.

Pour vous donner quelques explications, les auteurs du livre expliquent que rendre les salariés acteurs de leur travail et au courant des visions de l’entreprise, permet de les motiver et bien plus !

Cela n’est plus à prouver, plus d’une société (Patagonia, Harley Davidson, Gore, ChronoFlex, Favi…) en a fait l’expérience! Par contre, cela implique de supprimer la hiérarchie et le contrôle des salariés pour n’avoir plus que des personnes responsables et autonomes ainsi que des leaders à la place de managers… Ces contraintes sont parfois trop importantes (pour certaines entreprises) pour changer 😃

Le fait d’impliquer les gens pour qu’ils soient plus concernés n’est pas nouveau dans le marketing ! L’effet Ikea est un biais cognitif qui donne de la valeur à un objet lorsque nous y avons mis un effort dedans.

Dans les années 1950, la société Betty Crocker l’avait déjà bien compris en demandant à leurs clients d’ajouter les oeufs frais à la recette (au lieu de la poudre d’oeuf intégrée auparavant).

“En réalité, ce qui compte le plus, ce sont les choses que les gens font eux-mêmes”

Plus les salariés vont s’impliquer dans leur travail, plus ils vont être motivés et y donner de l’importance.

Et l’UX dans tout ça ? Les techniques pour “libérer” les employés m’ont fait penser à beaucoup de techniques utilisées dans les démarches UX.

Je souhaitais, dans cet article, vous exposer quelques idées et valeurs qui font la réussite des entreprises libérées et la réussite des démarches UX lors d’études utilisateurs.

Voici donc quelques exemples:

Écouter, observer et comprendre pour répondre à un ou plusieurs besoins

Pour comprendre ce que vivent les employés et faire en sorte que leur travail soit agréable, il est nécessaire d’écouter ce qu’ils ont à dire, de voir les conditions de travail dans lesquelles ils sont. Certains chefs d’entreprise n’ont pas hésité à suivre le même stage que leurs employés afin de constater les bonnes choses et celles à améliorer.

Lors d’une étude en UX research, on essaie de comprendre l’utilisateur par différentes méthodes selon les objectifs, les contextes et les contraintes du projet. Le but étant de mettre en avant des besoins, des comportements, des habitudes, des émotions…

Rendre les choses faciles et agréables

Si le salarié est écouté, et qu’il peut demander d’adapter certaines choses pour que son travail soit plus facile. Cela ne rendra les choses que plus agréables.

Le but d’une démarche centrée utilisateur est de mieux comprendre ceux-ci et d’ainsi faire quelque chose qui leur est agréable, intuitif…

On ne sépare pas l’acteur de l’action

Le salarié, dans les entreprises libérées, est acteur de son activité. C’est lui et lui seul qui sait ce qui est bon (règles, matériel…) pour lui et son travail. Le facteur humain est pris en compte.

En UX, ce sont les utilisateurs qui savent et non les concepteurs. C’est pour cette raison qu’il existe une multitude de méthodes UX permettant de mieux connaître les utilisateurs, leurs contextes d’utilisation, leur mode de fonctionnement, leurs habitudes, leurs émotions…

Donner du sens à ce que l’on fait

En satisfaisant les besoins les plus profonds des salariés (être traité comme individu indépendant, besoin en développement et formation…), les employeurs permettent aux salariés de comprendre pourquoi ils se lèvent le matin pour travailler et ainsi s’automotiver.

Pour comprendre pourquoi utiliser une application mobile et non une autre, il est nécessaire de satisfaire un besoin (gagner du temps, faire une bonne affaire…). Cela donne du sens à l’utilisation du service ou du produit.

Sans jugement

L’objectif primordial est de rendre tous les salariés égaux sans privilèges hiérarchiques (car il n’y a pas de hiérarchie). Chacun a sa place et chacun est important et indispensable à la réussite de l’entreprise.

Le jugement nuit à l’écoute et l’observation, car il nous empêche d’être objectif et donc d’apporter de réelles informations intéressantes pour le projet. Il est vraiment important d’arriver à ne rien interpréter et rester neutre.

Ne jamais imposer

L’employeur ne souhaite pas imposer des règles à ses salariés. Les règles, s’il y en a, doivent venir du salarié lui-même afin qu’elles aient du sens.

Lors d’entretiens utilisateurs, il est très important que le participant sache qu’il n’est pas obligé de répondre à toutes les questions, qu’il est libre de partir à tout moment.

Ce qui compte vraiment, c’est un client satisfait

La finalité de libérer une entreprise est un client final satisfait ! Et nous savons qu’un salarié satisfait fera un client satisfait de par ses actions ou sa communication.

Les recherches utilisateurs en UX design permettent de mieux connaître les utilisateurs cibles d’un produit ou service afin de mieux les servir pour les satisfaire.

Les coûts cachés

Lorsque les salariés sont contrôlés et qu’ils ne sont pas acteurs de leur travail, beaucoup de coûts cachés existent (certains congés maladie, des interventions de plusieurs services pour une validation, des jobs de contrôle…).

Des études européennes ont évalué le coût du stress à 3,8% du PIB, soit entre 3 et 3,5 millions de journées de travail perdues. Sans parler des boucles de contrôle pour vérifier si le salarié a bien fait son travail.

Une recherche utilisateur prend du temps (si elle est bien faite). Certains chefs d’entreprise ne seront pas d’accord de mettre le temps ou l’argent nécessaire à cette étape. Ils ne sont donc pas toujours conscients que plus les corrections se font tard (notamment après mise en production) plus les correctifs coûtent cher, car il faut jeter une partie plus ou moins importante du travail investi.

Il est plus difficile de s’intéresser aux gens !

Il est beaucoup plus difficile d’améliorer le moral des salariés que de signer un chèque… Cela me fait penser à mon article sur “Comment ma carrière d’enseignante m’a-t-elle préparé pour l’UX design?” où je parle des symptômes et des causes. Il est beaucoup plus facile de corriger le symptôme que la cause d’un problème, mais cela fonctionne moins bien sur la durée. Dans les entreprises libérées, l’employeur veut satisfaire le salarié à la base en satisfaisant ses besoins. Le travail n’est pas guidé par une carotte afin d’éviter de perdre l’automotivation du salarié.

Le travail d’UX design peut prendre pas mal de temps avant la création du produit ou service, car il demande de s’intéresser aux utilisateurs, de les comprendre, les écouter. Ce travail permet de soigner les problèmes avant qu’ils n’arrivent où de plaire à l’utilisateur dès le début de son interaction avec notre produit ou service pour finalement éviter de faire beaucoup de corrections par la suite.

Pour les humains !

Une société libérée propose une gestion par les hommes et non par les procédures. Les salariés eux seuls sont capables de savoir ce qui est nécessaire à leur travail.

Nous concevons des produits et services pour les hommes et non pour les concepteurs. Celui-ci peut avoir des hypothèses, car, pour lui, cela est nécessaire pour les utilisateurs. Mais en allant sur le terrain et en s’intéressant aux gens, il se rend compte que ce n’est pas tout à fait ce qu’il avait imaginé (sauf s’il se fait prendre par le biais de confirmation).

Rien ne vaut la rencontre avec les utilisateurs! Avoir des hypothèses, c’est très bien, mais il faut systématiquement recouper avec les vrais utilisateurs!

Éliminer les barrières

Pour réussir à automotiver les salariés, il faut éliminer les barrières qui empêchent d’accomplir le travail correctement (le contrôle, les règles, les avantages, les sanctions…).

Pour réussir un entretien utilisateur, il est nécessaire que le participant puisse être naturel et spontané (mettre à l’aise le participant dès le début, ne pas avoir de jugement…).

Conclusion

Comme dirait Bob Davids, fondateur, président et ancien directeur général d’IDEO (société de design industriel en Californie), “gérer une entreprise libérée, c’est un problème de design, il faut concevoir une culture.”

L’UX design est de la conception centrée utilisateur.

La conception (le design) ainsi que l’intérêt pour l’humain expliquent pourquoi il y a tant de parallèles entre les façons de gérer une entreprise libérée et les techniques de conception centrées utilisateurs.

Il y a bien d’autres similitudes, mais l’idée de cet article n’était pas d’être exhaustif sur le sujet, mais de montrer que finalement s’intéresser à l’humain d’abord permet de réussir dans beaucoup de situations (et bien plus qu’on ne le pense ;-)

Faites de l’UX avec votre société, mais aussi pour votre société avec vos salariés :-)

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