Retour sur « Exoterritoires », l’expérience du turfu interplanétaire !

CHARLINE FOUQUET
3 min readOct 10, 2018

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Après TCRM Blida à Metz et peu de temps avant La Villette à Paris, c’est le Dôme, centre de sciences à Caen qui s’est transformé, à l’occasion du TURFU Festival (2–7 octobre), en vaisseau spatial. Aux commandes de ce voyage interplanétaire, l’artiste numérique et metteur en scène Frédéric Deslias et l’auteur de Science-Fiction Norbert Merjagnan. A travers le projet « Exoterritoires », ils nous invitent à se plonger dans l’expérience immersive de l’exploration pionnière d’une planète habitable.

Zone en pleine mutation, la Presqu’ile de Caen et ses airs futuristes, semblent avoir conquis les artistes : « On se retrouve toujours dans des terrains vagues, des paysages qui ont existé, qui n’existent plus, qui vont exister, des sortes de strates temporelles au sein des territoires. J’aime beaucoup la presqu’île de Caen pour ça. Là où on a construit notre parcours, se trouvait il y a quelques mois un bâtiment en bois avec des bateaux à l’intérieur, il a brûlé et laisse place à ce terrain vague » nous explique Frederic Deslias.

Fin de mission pour les astronautes qui rejoignent le Dôme (Caen)

L’ensemble des dispositifs immersifs coupent les participants du territoire tel qu’ils le connaissent et les invitent à créer un nouveau rapport à lui. Équipés d’une combinaison d’isolement, d’un scaphandre avec assistance respiratoire et d’un casque connecté, les spect-acteurs sont prêts à arpenter les environs du Dôme de manière complétement inédite. Plongés dans ce paysage brut, les voyageurs sont guidés par les instructions précises d’un guide à travers leurs casques audios. Au cours du voyage, une pause sur une parcelle désaffectée est l’occasion pour chaque participant de baptiser la planète et de prélever un élément du terrain. Le contenu des tubes à essais sont analysés sur place par la guide qui annonce que la vie a existé sur ce territoire. Pourtant la planète est inerte : « Lorsque les conditions sont favorables à son installation, la vie est puissante. Que s’est-il passé pour qu’elle en arrive à disparaître de cette planète ? » interroge la voix de la guide spationaute dans le casque sans fil de son équipage.

Prendre de la distance pour y voir plus clair.

Le projet qui reprend une thématique populaire des récits de science-fiction fait preuve de réalisme dans son choix d’un esthétisme simple et d’une collaboration scientifique avec l’exobiologiste Caroline Fressinet.

Les éléments de fiction sont utilisés à propos afin de rendre l’histoire superposable au territoire exploité et embarquer le visiteur. Par exemple, en expliquant que l’apparition de constructions, de véhicules et d’humains sont des résidus mémoriels, le récit détourne subtilement les animations du site.

L’autonomie du récit qui se passe de support pour prendre vie dans l’espace et investir les corps parvient presque à évincer le fictif pour laisser place à une préoccupation réelle : « Cette exoplanète où la vie est en train de s’éteindre pourrait-elle être la planète terre ? ».

Les auteurs, qui ne souhaitent pas orienter les imaginaires vers une dystopie, semblent tout de même mettre en garde avec le message que la terre est jusqu’à présent la seule planète habitable pour l’homme, et qu’il faut en prendre soin afin d’éviter qu’une « exo-civilisation » aient un jour à étudier les vestiges de la vie sur Terre.

La Science-Fiction, une prospective collective ?

Lors du Turfu Festival, un atelier d’écriture invitait les participants à s’approprier les thématiques d’« Exoterritoires » en imaginant d’autres scénarios ou en prolongeant les travaux de l’écrivain. Cette pratique semble révélatrice de la volonté de l’artiste Norbert Merjagnan d’impulser la co-construction d’imaginaires collectifs. Déjà en 2008, au moment de la parution de son ouvrage Les Tours de Samarrante, lors d’un entretien il s’exclamait : « Souhaitez-moi de jeter dehors toutes les histoires qui m’occupent. Et que ces récits vivent leur vie, avec des lecteurs pour s’en occuper, pour les nourrir, les câliner, les héberger. Ailleurs que chez moi ».

Lorsque que les imaginaires futuristes se construisent sur un mode collaboratif, ne sommes-nous pas déjà dans une construction collective du futur des possibles ?

Le projet “Exoterritoires” préfigurerait-il un renouveau artistique prenant ses responsabilités en intégrant les problématiques socio-environnementales et incitant au collaboratif ?!

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