L’intervision : un format fédérateur de résolution de problèmes en groupe

Chloé Grandin
5 min readDec 2, 2021

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Photo by Sharon McCutcheon on Unsplash

Aujourd’hui j’ai envie de vous partager un format simple mais particulièrement puissant que je pratique quasiment toutes les semaines et depuis plusieurs années pour, avec un petit groupe de pairs, explorer vos problématiques sans vous y embourber et trouver des solutions créatives.

(Attention, c’est addictif)

L’intervi-quoi ? C’est un programme télévisé ?

L’intervision (ou co-développement), c’est un cadre léger qui permet à des pairs désireux d’apprendre les uns des autres de progresser en résolvant tour à tour leurs problématiques.

C’est une approche solution focus qui va d’abord permettre d’explorer une difficulté (quelle est ma demande exactement ? En quoi est-ce un problème ? Pour qui est-ce un problème ?) puis d’aller chercher directement des pistes d’actions plutôt que de creuser pourquoi ce problème existe (quête souvent vouée à l’échec et rarement utile dans des situations complexes).

Lorsque je l’utilise pour moi-même, c’est un excellent moyen :

  • De m’enrichir d’une multitude d’expériences
  • De ne pas rester bloquée avec une problématique
  • D’apprendre à poser des questions puissantes
  • De me remettre en question souvent
  • De créer une cohésion de groupe et de l’empathie
  • De ranimer des conversations dans lesquelles je me dis “je n’apprends rien, on est en train de se raconter des banalités” ou bien “ça fait 30 minutes qu’on rebondit d’une problématique à une autre sans jamais rien résoudre”

Et en tant que facilitatrice, je l’utilise aussi au quotidien chez mes clients pour cadrer des conversations entre pairs (cercle, guilde, partages entre managers) et les feedbacks sont souvent particulièrement positifs.

Comment ça fonctionne ?

L’idée est de regrouper 4 à 8 personnes (à moins on manque de points de vues, à plus on manque de place pour que tout le monde s’exprime) qui peuvent avoir un même rôle / travailler dans un même domaine mais pas forcément (c’est même plus riche, on a plus de chances d’en sortir avec des solutions “exotiques”).

Voilà ensuite ma manière de procéder :

  • On fait lister aux participants leurs problématiques actuelles. Par exemple : “j’ai du mal à travailler avec ce collègue qui râle tout le temps” ou “nous passons notre temps à résoudre des bugs plutôt qu’à améliorer notre produit”. Parfois elles ne sont pas très claires, pas facile à exprimer et c’est normal à cette étape
  • Après un rapide tour de table pour les pitcher en deux mots, on les priorise. Je précise souvent à ce moment là que ça n’est pas parce que votre problématique n’est pas choisie qu’elle ne pourra pas être résolue pendant une autre session ET que l’intervision est toujours aussi utile, que l’on traite notre propre sujet ou celui de quelqu’un d’autre.

On traite ensuite les problématiques dans l’ordre de priorité. Pour chacune :

  • 1° — Le porteur de la problématique détaille sa situation au groupe qui reste silencieux pour l’instant (environ 5 min). C’est déjà l’occasion de mettre des mots sur des problèmes qui ne sont parfois pas clairs ou qu’on voulait éviter. C’est un peu la même chose que les développeurs qui utilisent la méthode du canard en plastique
  • Chacun leur tour, les membres du groupe posent toutes leurs questions au porteur pour clarifier le sujet, creuser, comprendre la difficulté, les personnes concernées, les enjeux, etc (environ 5 min). Ces questions vont aussi permettre au porteur de voir la situation sous un angle nouveau.
  • 3° — On demande au porteur de reformuler sa problématique sous la forme d’une unique question (environ 2 min). Parfois c’est la même qu’au départ, parfois elle est radicalement différente selon ce qu’il aura découvert avec ces deux premières étapes. Dans tous les cas cette reformulation permet d’orienter les réponses pour l’étape suivante en clarifiant le “contrat” pour les participants.
  • 4° — Chacun leur tour, les membres du groupe utilisent maintenant la formule “si j’étais toi …” pour conseiller une action au porteur qui reste silencieux sauf s’il a une question (environ 5 min). A cette étape je m’assure que le porteur ne réponde pas à chaque conseil pour éviter de rentrer dans un cercle vicieux type “oui mais …”. Les participants proposent, le porteur peut simplement prendre l’idée ou pas en restant ouvert aux propositions originales qui pourraient sembler étranges voire infaisables mais qui peuvent se révéler pertinentes (ou clairement à côté de la plaque et c’est okay aussi).
  • 5° — On demande au porteur avec quoi il repart et ce qu’il compte prendre comme actions après cette intervision (environ 2 min). L’objectif ici est qu’il se mette en mouvement. Je précise souvent à cette étape qu’on ne prend pas une action pour faire plaisir aux participants, il vaut mieux ne garder que deux idées auxquelles on croit plutôt que de tout noter et ne rien faire ensuite.

Quelques astuces pour finir

  • Je précise au début que les problématiques exprimées doivent être actuelles. Parler de quelque chose qui est passé et qu’on ne peut plus influencer peut être intéressant mais se révèle souvent frustrant
  • En tant que facilitatrice, je participe à toutes ces étapes comme n’importe quel membre du groupe en faisant attention à ne pas passer au début ou à la fin pour ne pas avoir trop de poids dans ce qui est dit par rapport aux autres participants
  • De la même manière, pour les étapes 2 et 4 on peut laisser aux participants quelques minutes de réflexion sur post-it en amont pour qu’ils aient le temps de réfléchir et ne s’influencent pas dès le départ. Ils auront l’occasion de rebondir sur les idées des uns et des autres ensuite
  • Au fur et à mesure que des questions et idées me viennent je les note pour ne pas les oublier au moment opportun
  • On peut aussi donner un rôle de scribe à quelqu’un pour retrouver plus tard les questions, problématiques et propositions de chaque sujet
  • Ça permet également d’y revenir d’une session à l’autre et de voir si les actions prises par le porteur ont eu l’impact souhaité
  • Pour finir, l’intervision est un exercice parfois difficile qui demande de montrer une certaine vulnérablité face à un groupe en assumant ne pas savoir comment résoudre un problème. Sécuriser le cadre est important et on peut définir des règles au départ (ex : “ dur avec les faits, doux avec les gens”, confidentialité, chacun fait de son mieux, etc)

Bonnes sessions d’intervision :)

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