Education : le discours de réalité d’Emmanuel Macron

Christophe Brunelle
4 min readJan 17, 2017

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En tant qu’enseignant en collège et en lycée depuis seize ans, passionné par les questions d’éducation et de jeunesse, j’ai écouté avec beaucoup d’attention le discours d’Emmanuel MACRON qu’il a prononcé samedi à Lille.

Le constat est clair, il est partagé par tous, à plus ou moins haute voix. Celle d’Emmanuel MACRON est d’autant plus forte qu’il maîtrise bien ce sujet, passé familial oblige. Comme il le dit, notre École est en crise car elle concentre les difficultés économiques, sociales et d’intégration auxquelles font face nos élèves qui vivent dans des quartiers défavorisés.

Comment imaginer qu’en 2017, dans le pays des droits de l’homme, le fossé entre les établissements qui fonctionnent bien et ceux qui sont à la dérive et l’écart des résultats des élèves entre ceux qui s’en sortent et ceux qui décrochent se soient à ce point creusés?

Comme Emmanuel MACRON, je refuse le défaitisme, je refuse de croire que notre système éducatif est à bout de souffle, je crois à une révolution de l’Ecole. Alors oui, il faudra donner davantage d’autonomie à ces écoles primaires, à ces enseignants qui se battent tous les jours pour faire progresser leurs élèves. Ils n’acceptent pas que 20% de leurs élèves de CM2 ne sachent pas bien lire, ni écrire, ni compter car ces élèves-là sont les décrocheurs de demain au collège et au lycée.

Assurer l’autonomie des écoles primaires les plus en difficulté comme nouveau modèle de l’Education Nationale me paraît essentiel. Comment prétendre diriger une école de la même façon dans le 16ème arrondissement de Paris et à Villeurbanne? Comment prétendre enseigner de la même façon à Argenteuil et à Biarritz?

Emmanuel MACRON a raison, l’uniformisation n’est pas la réponse pour faire face à l’hétérogénéité des élèves, elle n’est pas un facteur d’égalité. Pour sauver notre système, il faudra faire plus et donner plus à ceux qui ont moins en leur accordant plus d’autonomie pédagogique, en attirant les enseignants sur la base d’un projet d’établissement clair et défini, en individualisant au maximum l’enseignement.

La Révolution à l’Ecole passera par une division par deux du nombre d’élèves en classe de CP et de CE1 dans les écoles qui en ont le plus besoin. Cela aura un coût mais comment penser qu’un élève qui ne sache pas lire, ni écrire ni compter puisse suivre une scolarité normale au collège et au lycée, trouver un emploi et avoir une vie épanouie? Je vois tous les jours du désarroi, de la tristesse voire parfois de la colère dans les regards de mes élèves qui maîtrisent mal (voire pas du tout) ces fondamentaux. Dans les 6000 classes de CP les plus défavorisées, comment peut-on croire qu’un maître ou une maîtresse puisse enseigner correctement et à tous ses élèves la lecture, l’écriture et le calcul? Comment n’a-t-on jamais lié ces difficultés au nombre inqualifiable des 100 000 jeunes qui sortent chaque année du système sans diplôme ni qualification? Des économies sont possibles, au sein même du budget de l’Education Nationale, je pense par exemple aux épreuves du baccalauréat qui se sont multipliées ces dix dernières années. Réduire le nombre d’épreuves permettra de recruter les 12000 enseignants nécessaires au CP et au CE1 dans les zones prioritaires.

Au même titre, identifier dès le plus jeune âge les pathologies qui empêchent d’apprendre (problèmes de vue ou d’audition) est nécessaire car nous le voyons bien aujourd’hui, ne pas répondre à ces pathologies conduit les élèves à décrocher. Tous les jours, je constate que certains élèves ne lisent pas correctement car ils ne voient pas correctement et la proposition d’Emmanuel MACRON de créer un service sanitaire de trois mois pour les étudiants en santé afin de faire de la prévention et du dépistage dans nos écoles est pleine de bon sens.

Tout doit être tenté pour sauver notre système éducatif, les moyens doivent être donnés aux classes de CP et de CE1 en réseaux d’éducation prioritaire mais, à mon avis, il sera aussi important de partager les réussites grâce aux initiatives des enseignants. Nous travaillons tous de façon trop isolée et nous ne savons pas ce qui fonctionne ailleurs dans les écoles, les collèges et les lycées de la République et il faudra remédier à ce manque de partage.

Pour mener la Révolution à l’Ecole, nous devons nous appuyer sur les enseignants et croyez-moi ce qu’ils demandent aujourd’hui, c’est plus de responsabilité, plus de confiance et de liberté pour innover, plus d’autonomie pour répondre aux besoins criants de nos élèves, plus de travail individualisé pour que chaque élève trouve un avenir, son avenir et qu’il s’émancipe grâce à une école nouvelle qui ne laissera personne de côté.

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