Métro au bout de l’ennui (suite): Ligne 2 vue du ciel, Macron vu du peuple

Luc, calme et volupté
5 min readFeb 7, 2017

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Métro, extérieur jour.
La Chapelle. Entre grisaille et bâtiments moches, salauds de pauvres, bobos, touristes, et gens normaux. Côté Ipod je suis passé d’une bulle à l’autre… d’Alain Bashung à PNL. Le monde ou rien. Sur le sol mes yeux s’attardent, la tronche d’un ex-banquier candidat aux présidentielles en couverture d’un 20 minutes, froissé sous les pieds d’une mère de famille africaine… de celles qui prennent le noctilien à 5h du matin pour aller faire le ménage dans de beaux bâtiments estampillés “Liberté, égalité, fraternité”. Tout un symbole ; le genre de petits “riens” du quotidien que j’interprète comme des clins d’œil cosmiques adressés rien à qu’à moi.

Stalingrad. Je balaye du regard le quai d’en face: fourmilière d’âmes en peine et de gens inertes. Un peu le spleen de Paname. A part ça, RAS. Pas d’humeur à faire des phrases compliquées sur les aspects dickensiens de la hass (la dèche) et les poubelles de la plus belle ville du monde. A la prochaine station, je vais parler hommes politiques et hijos de putas… Pléonasme?

Jaurès. La station. Un jour y aura-t-il une rue ou un lycée Valls? Dur de comparer les parcours, mais il a été Premier Ministre et s’est QUAND MÊME fait agresser par un fasciste*… Ce sera sans doute pris en compte par les médias à la mort de ce grand serviteur du peuple français. Confidences scato: c’est un soupçon complètement irrationnel, j’avoue… mais parfois je me demande si cette sous-merde n’a pas été conçue lors d’une sodomie (et si, à chaque fois que sa mère explose les chiottes, il ne revit pas sa naissance en différé). Bref, nevermind… j’espère seulement qu’un jour quelqu’un se penchera sur “L’origine des enculés de leur mère parmi les hommes”.
* nano-événement de nature à lui conférer une petite dimension héroïque made in BFM TV.

Colonel Fabien. Retour sous terre. Le 20 minutes est toujours là ; la femme de ménage, non. J’observe avec mépris la tronche du technocrate en couverture, m’efforçant du mieux que je peux à comprendre en quoi le parcours de vie de ce gugusse à voix criarde et à sourire de collégien zozotant est censé susciter mon admiration.

[Mode auto-psy “ON”: Plongeon express dans les limbes de mon surmoi thug-raffiné]. Cherchant les causes de mon aversion pour cette fiotte, je prends conscience que… tout est de ma faute. TOUT. Parce que je viens d’un monde où on ne naît pas tous sous la même étoile (voire sous une étoile tout court), et que dans ce monde j’ai appris que:
1/ être un “fils de pute” n’est pas un métier ou un statut social, c’est une éthique et un choix de vie (définition approximative: “être malveillant envers autrui sans états d’âme dès lors qu’on y trouve une quelconque gratification”) ;
2/ être un fils de pute est quelque chose de binaire (ON/OFF) ;
3/ le sens des valeurs et celui de l’observation sont, avec l’empathie, des qualités indispensables pour déterminer si un autre être humain est un fils de pute ou non (nb: les erreurs d’appréciation et les revirements de jurisprudence existent) ;
4/ qualifier quelqu’un de “fils de pute” n’est pas un JEU ou un DÉLIRE (ou un signe d’affection) ;
5/ un fils de pute peut se repentir (l’humilité et l’acquisition de couilles sont les premiers ingrédients d’une reconversion réussie).

J’en ai conscience, ce petit procès que j’intente en dit plus long sur moi qu’autre chose… (vieux con de vingt-quatre ans que je suis)… Mais n’ayant ni les certitudes de celui qui a vécu toute sa vie en case clos (style fils-à-papa-à-tronche-de-fayot-qui-n’a-jamais-joué-au-foot-sous-la-pluie-et-inapte-à-décapsuler-une-bière), ni la vision du monde stérile et obtuse d’une petite vieille dont le seul horizon est de surveiller sa place de parking à travers une persienne, ou la philosophie d’une racaille en doudoune-capuche-air-max-noires, je sais que: 1/ mon approche de la vie n’est pas celle d’un loss sans style dont les émotions ne sont que des hashtags, 2/ mon radar à fils de pute est fiable et Macron n’est pas un enfant de l’amour. That’s for sure.
Et même si le dernier point est une litote maladroite, seuls des hmals* (et/ou ceux dont ça arrange le portefeuille) peuvent être dupes des stories comme quoi ce type est l’incarnation d’un renouveau démocratique.
*Petite précision : Hmal, ça veut dire “âne” en arabe.

Autre précision: ce ne sont pas des punchlines à l’emporte-pièce mais un recadrage d’utilité publique ; quiconque s’autorise à parler des petites gens comme s’il s’agissait d’insectes (preuve ci-dessous, merci d’être attentif aux inflexions de voix) est un GROS fils de pute qui n’a rien compris à la vie.

A sa décharge il n’y a rien d’indécent à ce qu’il s’essuie les mains.

Un tel mépris des plus petits que soi…

Ce ne sont pas le crépitement intempestif des flashs des caméras, l’accumulation d’articles complaisants rédigés par des gens limités (appelés journalistes) qui évoquent un alignement des planètes en sa faveur, ou encore le fait qu’il soit l’époux d’une ex-prof de philo lass-deg’, qui me feront changer de diagnostic sur sa mère la pute.
Sans doute n’exprime-je qu’un manichéisme chelou-exacerbé, mais ce serait agréable qu’on arrête de me chanter à longueur de sondages qu’une baltringue arriviste sans supplément d’âme est l’avenir de la patrie (zarma c’est l’Élu). Non mais sérieux quoi… il y a vraiment des gens pour s’imaginer qu’un type qui s’exprime comme ça “au naturel” est un individu sain?
[Mode auto-psy OFF: retour à la ligne 2]

Belleville. Sans trop de complications, je descends de la rame. Soupir de soulagement… Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas eu à me frayer un chemin sur le quai à base de gestes méprisants du revers de la main.
40 secondes plus tard, re-soupir de soulagement… je suis dehors. En bas de la rue de Belleville, au niveau du kiosque à journaux, pour ceux qui connaissent. “Oh… sa mère! Pincez-moi…” sur le tableau d’affichage: la tronche du protagoniste en une d’un hebdo de merde. “Non… je ne rêve pas”.
Écouteurs vissés sur les oreilles, j’esquisse un haussement de sourcils consterné.

Comme un papillon dont on a arraché les ailes, je suis sans illusions. Nique ce monde de brutes sordides et hypocrites. Nique les héros de l’histoire. La vie est belle. Un jour les humiliés auront leur revanche.

J’ai voulu disputer, aux dieux absurdes et ivres de leur puissance, la possession du monde, et rendre la terre à ceux qui l’habitent de leur courage et de leur amour.” La promesse de l’aube, Romain Gary.

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